S. m. (Divination) Dans l'antiquité payenne le peuple ne pouvant guère élever son esprit jusqu'à la connaissance du premier Etre, bornait presque toute sa religion au culte des Dieux immortels, qu'il regardait comme les auteurs des oracles, des sorts, des auspices, des prodiges, des songes et des présages.

Dans l'idée générale du mot présage, il faut comprendre non-seulement l'attention particulière que le vulgaire donnait aux paroles fortuites, soit qu'elles parussent venir des dieux, soit qu'elles vinssent des hommes, et qu'il regardait comme des signes des événements futurs ; mais il y faut comprendre encore les observations qu'il faisait sur quelques actions humaines, sur des rencontres inopinées, sur certains noms et sur certains accidents dont il tirait des préjugés pour l'avenir.

Il est vraisemblable que la science des présages est aussi ancienne que l'idolâtrie, et que les premiers auteurs du culte des idoles sont aussi les auteurs de l'observation des présages. La superstition en a fait une science : les Egyptiens l'ont portée en Grèce. Les Etrusques, ancien peuple de l'Italie, disaient qu'un certain Tagès leur enseigna le premier à expliquer les présages. Les Romains apprirent des Etrusques ce qu'ils savaient d'une science si vaine et si ridicule.

Ces présages étaient de plusieurs espèces, qu'on peut réduire à sept principales ; savoir,

1°. Les paroles fortuites que les Grecs appelaient ou , et les Latins onien pour orimen, selon Festus. Ces paroles fortuites étaient appelées voix divines lorsqu'on en ignorait l'auteur ; telle fut la voix qui avertit les Romains de l'approche des Gaulois, et à qui l'on bâtit un temple sous le nom d'Aius locutius. Ces mêmes paroles étaient nommées voix humaines lorsqu'on en connaissait l'auteur, et qu'elles n'étaient pas censées venir immédiatement des dieux. Avant que de commencer une entreprise, les gens superstitieux sortaient de leur maison pour recueillir les paroles de la première personne qu'ils rencontraient, ou bien ils envoyaient un esclave écouter ce qui se disait dans la rue ; et sur des mots proférés à l'aventure, et qu'ils appliquaient à leurs desseins, ils prenaient leurs résolutions.

2°. Les tressaillements de quelques parties du corps, principalement du cœur, des yeux et des sourcils ; les palpitations du cœur passaient pour un mauvais signe, et présageaient particulièrement, selon Mélampus, la trahison d'un ami. Le tressaillement de l'oeil droit et des sourcils, était au contraire un signe heureux. L'engourdissement du petit doigt, ou le tressaillement du pouce de la main gauche, ne signifiait rien de favorable.

3°. Les tintements d'oreille et les bruits qu'on croyait entendre. Ils disaient quand l'oreille leur tintait, comme on dit encore aujourd'hui, que quelqu'un parlait d'eux en leur absence.

4°. Les éternuements. Ce présage était équivoque, et pouvait être bon ou mauvais ; suivant les occasions ; c'est pour cela qu'on saluait la personne qui éternuait, et l'on faisait des souhaits pour sa conservation. Les éternuements du matin n'étaient pas réputés bons ; mais l'amour les rendait toujours favorables aux amants, à ce que prétend Catulle.

5°. Les chutes imprévues. Camille après la prise de Veïes, voyant la quantité de butin qu'on avait fait, prie les dieux de vouloir bien détourner par quelque légère disgrace, l'envie que sa fortune ou celle des Romains pourrait attirer. Il tombe en faisant cette prière, et cette chute fut regardée par le peuple dans la suite comme le présage de son exil, et de la prise de Rome par les Gaulois. Les statues des dieux domestiques de Néron se trouvèrent renversées un premier jour de Janvier, et l'on en tira le présage de la mort prochaine de ce prince.

6°. La rencontre de certaines personnes et de certains animaux ; un éthiopien, un eunuque, un nain, un homme contrefait que les gens superstitieux trouvaient le matin au sortir de leur maison, les effrayait et les faisaient rentrer. Il y avait pour eux des animaux dont la rencontre était de bon présage, par exemple, le lion, les fourmis, les abeilles. Il y en avait dont la rencontre ne présageait que du malheur, comme les serpens, les loups, les renards, les chiens, les chats, etc.

7°. Les noms. On employait quelquefois dans les affaires particulières les noms dont la signification marquait quelque chose d'agréable. On était bien-aise que les enfants qui aidaient dans les sacrifices, que les ministres qui faisaient la cérémonie de la dédicace d'un temple, que les soldats qu'on enrôlait les premiers, eussent des noms heureux.

Pour ce qui est des occasions où l'on avait recours aux présages, on les observait surtout au commencement de l'année : c'est de-là qu'était venue la coutume à Rome de ne rien dire que d'agréable le premier jour de Janvier, de se faire les uns aux autres de bons souhaits qu'on accompagnait de petits présents, surtout de miel et d'autres douceurs.

Cette attention pour les présages avait lieu politiquement dans les actes publics qui commençaient par ce préambule : Quod felix, faustum, fortunatumque sit. On y prêtait aussi l'oreille dans les actions particulières, comme dans les mariages, à la naissance des enfants, dans les voyages, etc.

Il ne suffisait pas d'observer simplement les présages, il fallait de plus les accepter lorsqu'ils paraissaient favorables, afin qu'ils eussent leur effet. Il fallait en remercier les dieux qu'on en croyait les auteurs, et leur en demander l'accomplissement. Au contraire, si le présage était fâcheux, on en rejetait l'idée, et l'on priait les dieux d'en détourner les effets.

Telles étaient les idées du vulgaire sur les présages, les politiques ayant toujours eu pour maxime qu'on pouvait tenir les peuples dans le respect par des fictions propres à leur inspirer la crainte et l'admiration. Pline disait que la magie était composée de la religion, de la médecine et de l'astrologie, trois liens qui captiveraient toujours l'esprit des hommes. Mais tous les sages du paganisme s'en tenaient à cette maxime de Cotta, qu'il fallait suivre la réalité et non la fiction, se rendre à la vérité sans se laisser éblouir par les présages. Ils déclaraient que la Philosophie était incompatible avec l'erreur ; et qu'ayant à parler des dieux immortels, il fallait qu'elle put en parler dignement. (D.J.)