ou THEOURGIE, s. f. (Divination) espèce de magie chez les anciens, dans laquelle on avait recours aux dieux ou aux génies bienfaisants, pour produire dans la nature des effets surnaturels et absolument supérieurs aux forces de l'homme, du mot , Dieu, et , ouvrage.

La théurgie, si on en veut croire ceux qui en faisaient profession, était un art divin, qui n'avait pour but que de perfectionner l'esprit et de rendre l'âme plus pure ; et ceux qui étaient assez heureux pour parvenir à l'autopsie, état où l'on croyait avoir un commerce intime avec les divinités, se croyaient revêtus de toute leur puissance.

L'appareil même de la magie théurgique avait quelque chose de sage et de spécieux. Il fallait que le prêtre théurgique fût irréprochable dans ses mœurs, que tous ceux qui avaient part aux opérations fussent purs, qu'ils n'eussent eu aucun commerce avec les femmes, qu'ils n'eussent point mangé de choses qui eussent eu vie, et qu'ils ne se fussent point souillés par l'attouchement d'un corps mort. Ceux qui voulaient y être initiés devaient passer par différentes épreuves toutes difficiles, jeuner, prier, vivre dans une exacte continence, se purifier par diverses expiations : alors venaient les grands mystères où il n'était plus question que de méditer et de contempler toute la nature, car elle n'avait plus rien d'obscur ni de caché, disait-on, pour ceux qui avaient subi ces rigoureuses épreuves ; on croyait que c'était par le pouvoir de la théurgie qu'Hercule, Jason, Thésée, Castor et Pollux, et tous les autres héros opéraient ces prodiges de valeur qu'on admirait en eux.

Aristophane et Pausanias attribuent l'invention de cet art à Orphée, qu'on met au nombre des magiciens théurgiques ; il enseigna comment il fallait servir les dieux, apaiser leur colere, expier les crimes et guérir les maladies : on a encore les hymnes composés sous son nom vers le temps de Pisistrate : ce sont de véritables conjurations théurgiques.

Il y avait une grande conformité entre la magie théurgique et la théologie mystérieuse du paganisme, c'est-à-dire celle qui concernait les mystères secrets de Cérès de Samothrace, etc. Il n'est donc pas étonnant, dit M. Bonami, de qui nous empruntons cet article, qu'Apollonius de Thyane, Apulée, Porphyre, Jamblique, l'empereur Julien, et d'autres philosophes platoniciens et pythagoriciens accusés de magie se soyent fait initier dans ses mystères ; ils reconnaissaient à Eleusis les sentiments dont ils faisaient profession. La théurgie était donc fort différente de la magie goètique ou goètie, où l'on invoquait les dieux infernaux et les génies malfaisants ; mais il n'était que trop ordinaire de s'adonner en même temps à ces deux superstitions, comme faisait Julien.

Les formules théurgiques, au rapport de Jamblique, avaient d'abord été composées en langue égyptienne ou en langue chaldéenne. Les Grecs et les Romains qui s'en servirent, conservèrent beaucoup de mots de langues originales, qui mêlés avec des mots grecs et latins, formaient une langue barbare et inintelligible aux hommes ; mais qui, selon le même philosophe, était claire pour les dieux. Au-reste, il fallait prononcer tous ces termes sans en omettre, sans hésiter ou begayer, le plus léger défaut d'articulation étant capable de faire manquer toute l'opération théurgique. Mém. de l'académie, tome VII.

Les démonographes et les théologiens prouvent que la théurgie était superstitieuse et illicite, parce que les démons intervenaient dans ses mystères, quoi qu'en disent ses défenseurs.