(Critique sacrée) ce nom est proprement syriaque, et signifie les richesses. Jesus-Christ dit qu'on ne peut servir à la fois Dieu et les richesses : non potestis servire Deo et mammonae. Matthieu, VIe 24. Dans saint Luc, XVIe 9. les richesses sont appelées injustes, , soit parce qu'elles sont souvent une occasion d'injustice, soit parce qu'elles s'acquièrent ordinairement par des voies injustes ; cependant Beze a, ce me semble, fort bien traduit ces paroles du 11, , par richesses trompeuses ; parce que Jesus-Christ les oppose aux véritables richesses, .

On peut appuyer cette interprétation par les remarques de Graevius sur un passage d'Hésiode, oper. et dier. Ve 280, où le poète s'est servi du mot , juste, à la place de , vrai. Aussi cet habîle critique l'a-t-il traduit de cette dernière façon. Ce terme, dit-il, ne signifie pas ici juste, comme on le croit communément ; mais vrai, comme il parait par l'opposition que le poète fait.

Il serait superflu, ajoute Graevius, de m'étendre à faire voir que dans l'une et l'autre langue ces termes se confondent souvent, et se prennent fréquemment l'un pour l'autre ; et les Grecs et nous, dit Priscien, employons fréquemment le terme de juste pour celui de vrai, et celui de vrai pour celui de juste. Hésiode lui-même s'est servi plus bas du terme de vérité, , à la place de celui de justice.

Il en est de même dans les écrivains sacrés. et , les richesses iniques, sont des richesses qui ne méritent pas ce nom, qui n'ont rien de solide, qui sont caduques et périssables. Aussi sont-elles opposées à , aux vraies richesses, c'est-à-dire, à celles que Dieu dispense. Le savant Louis de Dieu a fait voir que les Hébreux, les Syriens et les Arabes, n'avaient qu'un seul mot pour exprimer les idées de justice et de vérité. Toutes ces remarques sont bonnes, mais la parabole qui précède, fait voir qu'il s'agit pourtant de richesses iniques ; c'est un intendant infidèle.

MM. Simon et le Clerc ne sont point d'accord sur l'origine du mot mammona. Le premier le tire du verbe aman, croire, se confier ; mais cette étymologie est moins vraisemblable que celle qui dérive ce terme de manah, nombrer ; voyez, si vous voulez, le grand dictionnaire de Buxtorf. (D.J.)