ou ONIROCRITIE, s. f. (Théologie païenne) art d'interprêter les songes. C'est un mot grec composé de , songe, et , jugement. Cet art faisait une partie trop importante de l'ancien paganisme, pour n'en pas développer l'origine. Artémidore, qui vivait vers le commencement du IIe siècle, a donné un traité des songes, et s'est servi d'auteurs beaucoup plus anciens pour composer son ouvrage. Il divise les songes en spéculatifs et en allégoriques.

La première espèce est celle qui représente une image simple et directe de l'événement prédit. La seconde espèce n'en représente qu'une image symbolique ; c'est-à-dire, indirecte. Cette dernière espèce est celle qui compose l'ample classe des songes confondus, et qui a seule besoin d'interprete. Aussi Macrobe a-t-il défini un songe, la vue d'une chose représentée allégoriquement, qui a besoin d'interprétation.

L'ancienne onéirocritie consistait dans des interprétations recherchées et mystérieuses. On disait, par exemple, qu'un dragon signifiait la royauté, qu'un serpent indiquait maladie, qu'une vipere signifiait de l'argent, que des grenouilles marquaient des imposteurs, le chat l'adultère, &c.

Or, les premiers interpretes des songes n'étaient point des fourbes et des imposteurs. Il leur est seulement arrivé, de même qu'aux premiers astrologues judiciaires, d'être plus superstitieux que les autres hommes de leur temps, et de donner les premiers dans l'illusion. Mais quand nous supposerions qu'ils ont été aussi fourbes que leurs successeurs, au moins leur a-t-il fallu d'abord des matériaux propres à mettre en œuvre ; et ces matériaux n'ont jamais pu être de nature à remuer d'une manière aussi bizarre l'imagination de chaque particulier. Ceux qui les consultaient auront voulu trouver une analogie connue, qui servit de fondement à leur déchiffrement ; et eux-mêmes auront eu également recours à une autorité avouée, afin de soutenir leur science. Mais quelle autre analogie, et quelle autre autorité pouvaient-ils avoir que les hiéroglyphes symboliques, qui étaient alors devenus une chose sacrée et mystérieuse ?

La science symbolique dans laquelle les prêtres égyptiens, qui ont été les premiers interpretes de songes, étaient devenus très - habiles, servait de fondement à leurs interprétations. Ce fondement devait donner beaucoup de crédit à l'art, et satisfaire également celui qui consultait et celui qui était consulté : car, dans ce temps-là, tous les égyptiens regardaient leurs dieux comme auteurs de la science hiéroglyphique. Rien alors de plus naturel que de supposer que ces mêmes dieux, qu'ils croyaient aussi auteurs des songes, employaient pour les songes le même langage que pour les hiéroglyphiques. Je suis persuadé que c'est là la véritable origine de l'onéirocritie, ou interprétation des songes, appelés allégoriques, c'est-à-dire, des songes en général ; car l'extravagance d'une imagination qui n'est point retenue, rend naturels tous les songes de cette espèce.

Il est vrai que l'onéirocritie une fois en honneur, chaque siècle introduisit, pour la décorer, de nouvelles superstitions, qui la surchargèrent à la fin si fort, que l'ancien fondement sur lequel elle était appuyée, ne fût plus du tout connu. Voilà qui suffit sur l'origine de l'onéirocritie.

L'Ecriture-sainte nous apprend que cet art était déjà pratiqué dès le temps de Joseph. Pharaon eut deux songes, Genèse 41. Dans l'un il vit sept vaches ; dans l'autre, sept épis de blé. Ces fantômes étaient les symboles de l'Egypte. Les épis marquaient sa grande fertilité ; les vaches désignaient Isis sa patrone tutelaire.

Les onéirocritiques ont emprunté des symboles hiéroglyphiques leur art de déchiffrer, et cela n'a pu arriver qu'après que les hiéroglyphes furent devenus sacrés, c'est-à-dire, le véhicule mystérieux de la théologie des Egyptiens. Or les hiéroglyphes étaient déjà devenus sacrés du temps de Joseph, comme on le voit par l'usage qui subsistait alors, d'interprêter les songes relativement à ces symboles. Toutes ces vérités sont démontrées dans Warburthon. (D.J.)