S. m. (Histoire ecclésiastique) auteur, écrivain d'une légende.

Le premier légendaire grec que l'on connaisse est Simon Métaphraste qui vivait au Xe siècle ; et le premier légendaire latin, est Jacques de Varase, plus connu sous le nom de Voragine, et qui mourut archevêque de Gènes en 1298, âgé de 96 ans.

La vie des saints par Métaphraste pour chaque jour du mois de l'année, parait n'être qu'une pure fiction de son cerveau ; vous verrez au mot légende, que c'est à peu près le jugement qu'en portait Bellarmin.

Jacques de Varase est auteur de cette fameuse légende dorée, qui fut reçue avec tant d'applaudissement dans les siècles d'ignorance, et que la renaissance des Lettres fit souverainement dédaigner. Voyez ce qu'en pensent Melchior Cano, Wicelius et Baillet.

Les ouvrages de Métaphraste et de Varase ne péchent pas seulement du côté de l'invention, de la critique et du discernement, mais ils sont remplis de contes puériles et ridicules.

Il faut avouer de bonne foi que plusieurs des légendaires qui les ont suivis, ont eu plus à cœur la réputation du saint dont ils entreprenaient l'éloge, que l'amour de la vérité, parce que plus elle est grande cette réputation, plus elle est capable d'augmenter le nombre des dévots et des charités pieuses.

C'est la chaleur du faux zèle qui a rempli de tant de fables l'histoire des saints ; et je ne puis mieux faire que de justifier ces paroles, que l'irréligion ne me dicta jamais, qu'en les confirmant par un passage admirable de Louis Vivès, un des plus savants catholiques du XVIe siècle. Quae, dit-il, de iis sanctis sunt scripta, praeter pauca quaedam, multis sunt commentis faedata, dùm qui scribit affectui suo indulget, et non quae egit divus, sed quae ille egisse eum vellet, exponit ; ut vitam dictet animus scribentis, non veritas. Fuêre qui magnae pietatis loco ducère mendaciola pro religione confingère ; quod et periculosum est, ne veris adimatur fides propter falsa et minime necessarium. Quoniam pro pietate nostrâ, tam multa sunt vera, ut falsa tanquam ignavi milites atque inutiles, oneri sint magis quàm auxilio.

Ce beau passage est dans l'ouvrage de Vivès, de tradendis disciplinis, lib. V. p. 360. (D.J.)

LEGENDE, s. f. (Histoire ecclésiastique) on a nommé légendes les vies des saints et des martyrs, parce qu'on devait les lire, legendae erant, dans les leçons de matines, et dans les réfectoires de communautés.

Tout le monde sait assez combien et par quels motifs, on a forgé après coup tant de vies de saints et de martyrs, au défaut des véritables actes qui ont été supprimés, ou qui n'ont point été recueillis dans le temps ; mais bien des gens ignorent peut-être une source fort singulière de quantité de ces fausses légendes qui ont été transmises à la postérité pour des pièces authentiques, et qui n'étaient dans leurs principe que des jeux d'esprit de ceux qui les ont composées. C'est un fait dont nous devons la connaissance à l'illustre Valerio (Agostino), évêque de Vérone et cardinal, qui fleurissait dans le XVIe siècle.

Ce savant prélat dans son ouvrage de Rhetoricâ christianâ, traduit en français par M. l'abbé Dinuart, et imprimé à Paris en 1750 in -12, nous apprend qu'une des causes d'un grand nombre de fausses légendes de saints et de martyrs répandus dans le monde, a été la coutume qui s'observait autrefois en plusieurs monastères, d'exercer les religieux par des amplifications latines qu'on leur proposait sur le martyre de quelques saints ; ce qui leur laissant la liberté de faire agir et parler les tyrants et les saints persécutés, dans le goût et de la manière qui leur paraissait vraisemblable, leur donnait lieu en même temps de composer sur ces sortes de sujets des espèces d'histoires, toutes remplies d'ornements et d'inventions.

Quoique ces sortes de pièces ne méritâssent pas d'être fort considérées, celles qui paraissaient les plus ingénieuses et les mieux faites, furent mises à part. Il est arrivé de-là qu'après un long temps, elles se sont trouvées avec les manuscrits des bibliothèques des monastères ; et comme il était difficîle de distinguer ces sortes de jeux, des manuscrits précieux, et des véritables histoires conservées dans les monastères, on les a regardées comme des pièces authentiques, dignes de la lecture des fidèles.

Il faut avouer que ces pieux écrivains étaient excusables, en ce que n'ayant eu d'autres projets que de s'exercer sur de saintes matières, ils n'avaient pu prévoir la méprise qui est arrivée dans la suite. Si donc la postérité s'est trompée, ç'a été plutôt l'effet de son peu de discernement, qu'une preuve de la mauvaise intention des bons religieux.

Il serait difficîle d'avoir la même indulgence pour le célèbre Simon Métaphraste, auteur grec du ix. siècle, qui le premier nous a donné la vie des saints pour chaque jour des mois de l'année, puisqu'il est visible qu'il n'a pu par cette raison les composer que fort sérieusement. Cependant il les a remplies et amplifiées de plusieurs faits imaginaires, de l'aveu même de Bellarmin, qui dit nettement que Métaphraste a écrit quelques-unes de ses vies à la manière qu'elles ont pu être : et non telles qu'elles ont été effectivement.

Mais comment cela ne serait-il pas arrivé à des historiens ecclésiastiques, par un pieux zèle d'honorer les saints, et de rendre leurs vies agréables au peuple, plus porté ordinairement à admirer ceux qu'il revère, qu'à les imiter, puisque cette liberté s'était autrefois glissée jusque dans la traduction de quelques livres de la Bible.

Nous apprenons de saint Jérôme dans sa préface sur celui d'Esther, que l'édition vulgate de ce livre de l'Ecriture qui se lisait de son temps, était pleine d'additions, ce que je ne saurais mieux exprimer que par les termes de ce père de l'Eglise, d'autant mieux qu'ils vont à l'appui de l'anecdote de Valerio. Quem librum, dit-il, parlant d'Esther, editio vulgata lacinosis hinc indè verborum finibus trahit, addents ea quae ex tempore dici potuerant et audiri, sicut solitum est scolaribus disciplinis sumpto themate, excogitare quibus verbis uti potuit qui injuriam passus, vel qui injuriam fecit. (D.J.)

LEGENDE, (Numismatique) Elle consiste dans les lettres marquées sur la médaille dont elle est l'âme.

Nous distinguerons ici la legende de l'inscription, en nommant proprement inscription les paroles qui tiennent lieu de revers, et qui chargent le champ de la médaille, au lieu de figures. Ainsi nous appellerons légende, les paroles qui sont autour de la médaille, et qui servent à expliquer les figures gravées dans le champ.

Dans ce sens il faut dire que chaque médaille porte deux légendes, celle de la tête et celle du revers. La première ne sert ordinairement qu'à faire connaître la personne représentée, par son nom propre, par ses charges, ou par certains surnoms que ses vertus lui ont acquis. La seconde est destinée à publier soit à tort, soit avec justice, ses vertus, ses belles actions, à perpétuer le souvenir des avantages qu'il a procurés à l'empire, et des monuments glorieux qui servent à immortaliser son nom. Ainsi la médaille d'Antonin porte du côté de la tête, Antonius Augustus pius, pater patriae, trib. pot. cos. III. Voilà son nom et ses qualités. Au revers, trois figures, l'une de l'empereur assis sur une espèce d'échafaud ; l'autre d'une femme debout, tenant une corne d'abondance, et un carton carré, avec certain nombre de points. La troisième est une figure qui se présente devant l'échafaud, et qui tend sa robe, comme pour recevoir quelque chose : tout cela nous est expliqué par la légende, liberalitas quarta, qui nous apprend que cet empereur fit une quatrième libéralité au peuple, en lui distribuant certain nombre de mesures de blé, selon le besoin de chaque famille.

Cet usage n'est pas néanmoins si universel et si indispensable, que les qualités et les charges de la personne ne se lisent quelquefois sur le revers, aussi bien que du côté de la tête ; souvent elles sont partagées moitié d'un côté, moitié de l'autre, d'autres fois on les trouve sur le revers, où on ne laisse pas encore, quoique plus rarement, de rencontrer le nom même, celui d'Auguste par exemple, celui de Constantin et de ses enfants.

On trouve quelquefois des médailles sur lesquelles le nom se lit des deux côtés, même sans presqu'aucune différence dans la légende. Témoin un petit médaillon de potin frappé en Egypte, sur lequel on trouve des deux côtés, cabeina, ce bacth. L. I E, quoique sur un de ces côtés on voie la tête de Sabine, et sur l'autre une figure de femme assise, tenant de la main droite des épis, et une haste de la gauche. Tel est encore un médaillon d'argent de Constantin, où du côté de la tête on lit Constantinus max. Aug. au revers, Constantinus Aug. avec trois labarum, dans l'exergue sit ; et cet autre médaillon aussi d'argent, de l'empereur Julien, où autour de la tête sans couronne, on trouve FL. CL. Julianus Nob. Caes. au revers trois labarum pour légende, DN. Julianus Caes. dans l'exergue T. Con. Enfin une médaille de Maximien Daza, qu'on peut placer également dans le moyen et dans le petit bronze, où l'on voit d'un côté Maximien à mi-corps, ayant la tête couronnée de laurier, et la poitrine couverte d'une cuirasse ; il tient de la main droite un globe, sur lequel est une victoire ; sa gauche est cachée par son bouclier, dont la partie supérieure représente deux cavaliers courant à toute bride de gauche à droite, précédés par la Victoire. Dans la partie inférieure sont quatre petits enfants debout, qui désignent les quatre saisons de l'année. La légende de ce côté est Maximinus Nob. Caes. au revers un homme debout, vétu du paludament, tenant de la droite un globe sur lequel est une Victoire ; il s'appuie de la gauche sur une haste ; on lit autour, Maximinus nobilissimus Caes. dans le champ à gauche E, dans l'exergue A N T.

Quand les médailles n'ont point de têtes, les figures qui y sont représentées en tiennent lieu ; et alors la légende du revers est une espèce d'inscription. Par exemple, dans la médaille de Tibere, en reconnaissance du soin qu'il prit de faire rétablir les villes d'Asie qu'un tremblement de terre avait ruinées, il est représenté assis sur une chaise curule, avec ces mots : civitatibus Asiae restitutis, et le revers n'a qu'une simple légende, Tiberius Caesar divi Augusti filius Augustus Pont. Max. Tr. Pot. XXI.

Quant à ce qui concerne les médailles des villes et des provinces, comme elles portent ordinairement pour tête le génie de la ville, ou celui de la province, ou quelqu'autre déité qu'on y adorait, la légende est aussi le nom de la ville, de la province, de la déïté, ou de tous les deux ensemble, , etc. , etc. soit que le nom de la ville se lise au revers, et que le nom de la déïté demeure du côté de la tête, soit que le nom de la ville serve de légende à la déïté, comme à Jupiter Hammon, à Hercule, etc.

Dans ces mêmes médailles, les revers sont toujours quelques symboles de ces villes, souvent sans légende, plus souvent avec le nom de la ville, quelquefois avec celui de quelque magistrat, comme , etc. en sorte qu'il est vrai de dire que la légende dans ces sortes de médailles ne nous apprend que le nom de la ville, ou celui du magistrat qui la gouvernait, lorsque la médaille a été frappée.

Par-tout ailleurs les belles actions sont exprimées sur le revers, soit au naturel, soit par des symboles, dont la légende est l'explication. Au naturel, comme quand Trajan est représenté mettant la couronne sur la tête au roi des Parthes, rex Parthis datus. Par symbole, comme lorsque la victoire de Jules et d'Auguste est représentée par un crocodîle enchainé à un palmier avec ces mots, Egypto captâ. L'on voit aussi dans Hadrien toutes les provinces qui le reconnaissent pour leur réparateur, et ceux qui n'en connaitraient pas les symboles, apprendraient à les distinguer par les légendes ; restitutori Galliae, restitutori Hispaniae, etc. Ainsi les différentes victoires désignées par des couronnes, par des palmes, par des trophées, et par de semblables marques qui sont d'elles-mêmes indifférentes, se trouvent déterminées par la légende, Asia subacta d'Auguste, Alemannia devicta de Constantin le jeune, Judaea capta de Vespasien, Armenia et Mesopotamia in potestatem populi romani redactae de Trajan, ou simplement, de Germanis, de Sarmatis, de Marc Aurele ; car les légendes les plus simples ont ordinairement le plus de dignité.

Mettant donc à part les légendes de la tête destinées à marquer le nom, soit tout seul, comme Brutus, Caesar, soit avec les qualités, ainsi que nous venons de le dire ; les autres légendes ne doivent être que des explications, des symboles, qui paraissent sur les médailles, par lesquelles on prétend faire connaître les vertus des princes, certains événements singuliers de leur vie, les honneurs qu'on leur a rendus, les avantages qu'ils ont procurés à l'état, les monuments de leur gloire, les déités qu'ils ont le plus honorées, et dont ils ont cru avoir reçu une protection particulière : car les revers n'étant chargés que de ces sortes de choses, les légendes y ont un rapport essentiel ; elles sont comme la clef des types, que l'on aurait bien de la peine à deviner sans leur secours, surtout dans les siècles éloignés, et dans des pays où les usages sont tout différents de ceux des anciens.

C'est en cela qu'excellent les médailles du haut empire, dont les types sont toujours choisis et appliqués par quelque bonne raison que la légende nous découvre : au lieu que dans le bas empire on ne cesse de répéter les mêmes types et les mêmes légendes ; et l'on voit que les uns et les autres sont donnés indifféremment à tous les empereurs, plutôt par coutume que par mérite. Témoin le gloria exercitus, felix temporum renovatio.

Comme les vertus qui rendent les princes plus aimables et plus estimables à leurs peuples, sont aussi ce que les revers de leurs médailles représentent ordinairement, les légendes les plus communes sont celles qui font connaître ces vertus, tantôt par leur simple nom, comme dans ces revers de Tibere qu'il méritait si mal, moderationi, clementiae, justitiae ; tantôt en les appliquant aux princes, ou par le nominatif ou par le génitif, spes Augusta, ou spes Augusti ; constantia Augusta, ou constantia Augusti, gardant aussi indifféremment le même régime à l'égard de la vertu même : virtus Aug. ou virtuti Aug. clementia, ou clementiae, &c.

Les honneurs rendus aux princes consistent particulièrement dans les surnoms glorieux qu'on leur a donnés, pour marquer ou leurs actions les plus mémorables, ou leurs plus éminentes vertus ; c'est ainsi que je les distingue des monuments publics qui doivent être les témoins durables de leur gloire. Ces surnoms ne peuvent être exprimés que par la légende, soit du côté de la tête, soit du côté du revers.

Quant aux honneurs rendus aux princes après la mort, qui consistaient à les placer au rang des dieux, nous les connaissons par le mot de consecratio, par celui de pater, de divus, et de Deus. Divo pio, divus Augustus pater, Deo et Domino caro. Quelquefois autour des temples et des autels on mettait memoria felix, ou memoriae aeternae. Quelquefois sur les médailles des princesses on lit aeternitas, ou syderibus recepta ; et du côté de la tête diva, ou en grec .

Les légendes qui expriment les bienfaits répandus sur les villes, sur les provinces, et sur l'empire, sont ordinairement fort courtes et fort simples ; mais elles ne laissent pas d'être magnifiques. Par exemple, conservator urbis suae, ampliator civium, fundator pacis, rector orbis, restitutor urbis, Hispaniae, Galliae, etc. pacator orbis, salus generis humani, gaudium reipublicae, gloria rom. hilaritas pop. rom. laetitia fundata, tellus stabilita, exuperator omnium gentium, gloria orbis terrae, bono reipublicae nati, gloria novi saeculi. Quelquefois la manière en est encore plus vive, comme Roma renascens, et Roma renasces ; Roma resurgens, libertas restituta.

Les bienfaits plus particuliers sont quelquefois exprimés plus distinctement dans les légendes, comme restitutor monetae, remissa ducentesima, quadragesima remissa, vehiculatione Italiae remissa ; fisci judaïci calumnia sublata, congiarium pop. rom. datum, puellae faustinianae, via trajana, indulgentia in Carthaginenses, reliqua vetera H. S. novies millies abolita, c'est-à-dire douze millions, plebei urbanae frumento constituto. Telles sont les légendes de plusieurs médailles d'Alexandre Sévère, de Caligula, de Domitien, de Septime Sévère, d'Hadrien et de Nerva.

On distingue encore par les légendes, les événements particuliers à chaque province, lors même qu'ils ne sont représentés que par des symboles communs. Par exemple, une Victoire avec un trophée, une palme ou une couronne désignent une médaille de Vespasien, et sont déterminées par le mot victoria germanica, à signifier une victoire remportée sur les Germains ; il en est de même de ces autres légendes, victoria navalis, victoria parthica, praetoriani recepti, imperatore recepto, qu'on voit sur les médailles de Marc-Aurele. La légende nous marque la réception glorieuse que firent à Claude les soldats de son armée. La grâce que l'on fit à Néron de l'agréger dans tous les collèges sacerdotaux, a été conservée par celles-ci : sacerdos cooptatus in omnia collegia suprà numerum ; dans cet autre, pax fundata cum Persis, l'empereur Philippes nous a laissé un monument de la paix qu'il fit avec les Perses. La merveille qui arriva à Tarragone, lorsque de l'autel d'Auguste l'on vit sortir une palme, nous est connue par une médaille sur laquelle on voit le type du miracle, et les quatre lettres C. Voyez T. T. Colonia victrix togata, ou plutôt turrita Tarraco ; l'empereur Tibere fit à ce sujet une agréable raillerie, que Suetone rapporte.

Les monuments publics sont aussi connus et distingués par la légende, de sorte que ceux qui ont été construits par le prince même, sont mis au nominatif ou au génitif, ou exprimés par un verbe, au lieu que ceux que l'on a bâtis ou consacrés en leur honneur sont mis au datif. Marcellum Augusti. Basilica Ulpia. Aqua Martia. Portus Ostiensis. Forum Trajani. Templum divi Augusti restitutum ; parce que ces édifices ont été élevés par Néron, par Trajan, par Antonin : au lieu que nous voyons Romae et Augusto, Jovi Deo, Divo Pio, Optimo Principi ; pour marquer les temples en l'honneur d'Auguste, et les colonnes élevées pour Antonin et pour Trajan.

L'attachement que les princes ont eu à certaines déités, et les titres sous lesquels ils les ont honorées en reconnaissance de leur protection en général, ou de quelques grâces particulières, nous est connue par les manières différentes dont la légende est exprimée. Nous savons que Numérien honorait singulièrement Mercure, parce que ce dieu est au revers de la médaille avec ce mot Pietas Aug. Nous connaissons que Dioclétien honorait Jupiter comme son protecteur, parce que nous voyons sur des médailles Jovi Conservatori, Jovi Propugnatori, et même le surnom de Jovius ; que Gordien attribuait à ce dieu le succès d'une bataille où ses gens n'avaient point lâché le pied, Jovi Statori.

Sur les médailles des princesses, on mettait l'image et le nom des déités de leur sexe, Cerès, Juno, Vesta, Venus, Diana. On marquait le bonheur de leur mariage par Venus Felix ; la reconnaissance qu'elles avaient de leurs couches heureuses et de leur fécondité, Junoni Lucinae, Veneri genitrici.

La bonne fortune des princes qui a toujours été leur principale déité, se trouve aussi le plus souvent sur leurs médailles en toutes sortes de manières : Fortuna Augusta, Perpetua. Fortunae Felici, Muliebri. Fortuna manens, Fortuna obsequents, Fortuna Redux, où le nom de la Fortune est indifféremment par le nominatif, par le datif, ou par l'accusatif : car nous voyons également Mars, Victor, Marti Ultori, Martem Propugnatorem, et même Martis Ultoris : mais cette dernière légende se rapporte au temple bâti pour vanger la mort de Jules, ce qui fait une différence notable.

Il ne faut pas oublier ici que les noms exprimés dans les légendes se lisent quelquefois au nominatif, Caesar Augustus, quelquefois au génitif Divi Julii, enfin au datif Imp. Nervae Trajano Germanico, etc. ou à l'accusatif , etc. On ne trouve guère d'exemples de l'accusatif sur les médailles latines, que dans celles de Galien, Gallienum Aug. au revers Ob conservationem salutis.

Ne parlons plus maintenant des personnes, mais des choses mêmes qui paraissent sur les médailles, où leurs noms et leurs qualités tiennent lieu de légende : je rangerai dans ce nombre,

1°. Les villes, les provinces, les rivières, dont nous voyons les unes avec leur simple nom, Tiberis, Danuvius, Rhenus, Nilus, Aegyptos, Hispania, Italia, Dacia, Africa, Roma, Alexandrea, Valentia, Italica, Bilbilis. Les autres avec leurs titres particuliers, leurs qualités et leurs prérogatives : Colonia Julia Augusta, Felix Berytus. Colonia immunis illici Augusta. Colonia Aurelia. Metropolisidon. Colonia Prima Flavia Augusta Caesarensis. Municipium Ilerda, Celium Municipium Coillutanum Antoninianum.

Les villes grecques surtout étaient soigneuses d'exprimer les privilèges dont elles jouissaient, . Pour marquer qu'elles étaient inviolables, c'est-à-dire qu'on ne pouvait en retirer les criminels qui s'étaient réfugiés dans leurs murs, elles se qualifiaient . Le droit qu'elles avaient conservé de se gouverner par leurs propres lais, s'exprimait sur leurs médailles par le mot . Les villes qui n'étaient point soumises à la juridiction du magistrat envoyé de Rome pour gouverner la province dans laquelle elles étaient situées, s'appelaient libres, . C'est une observation du Marquis Mafféi. Le privilège d'avoir un port de mer et des vaisseaux se marquait en légende sur les médailles par le mot . Celui d'être exempt des tributs et des impôts par le mot . Les privilèges particuliers des colonies, tels que le droit du pays latin, ou le droit des citoyens romains par le mot . Ceux des Néocores, qu'elles étaient fort soigneuses. de marquer par les mots . Enfin les alliances qu'elles avaient avec d'autres villes, par le terme . Il faut consulter sur tous ces titres, les savantes remarques de M. Vaillant, dans son livre des médailles grecques, il serait difficîle d'y rien ajouter.

2°. Les légendes de médailles nous découvrent le nom des légions particulières qui composaient les armées. Nous trouvons dans une médaille de M. Antoine, Leg. xxiv. dans une médaille du cabinet du P. Chamillart, qui est une médaille bien rare. La médaille qui porte Leg. I. l'est encore davantage ; car la plupart de celles qu'on connait, portaient dans leur origine un autre chiffre, et ne sont réduites à celui-ci que par la friponnerie de quelque brocanteur. Il est bon d'en avertir les curieux, pour qu'ils n'y soient pas trompés.

Les jeux publics marqués ordinairement par des vases, d'où il sort des palmes ou des couronnes, ne se distinguent que par la légende, qui contient ou le nom de celui qui les a institués, ou de celui en l'honneur duquel on les célébrait. Ainsi l'on apprend que Néron fut l'auteur des jeux qui se devaient donner à Rome de cinq en cinq ans, par la médaille où l'on lit, Certamen Quinquennale Romae Constitutum. Par la légende du revers de la médaille de Caracalla, ; on apprend qu'à Ancyre en Galatie on célébrait en l'honneur d'Esculape, dit le Sauveur, les mêmes jeux qui se célébraient dans l'isthme de Corinthe en l'honneur d'Apollon ; qu'on consulte là-dessus les lettres de Spanheim, publiées par M. Morel dans le projet qu'il nous a donné du plus beau dessein qu'on ait jamais formé pour la satisfaction des curieux.

On trouvera dans ce projet, Speciem universae rei nummariae, les légendes qui expriment les principaux jeux des anciens, et les savantes remarques que M. de Spanheim a faites sur ce sujet ; on nommait , ceux qui se faisaient à Thessalonique en l'honneur des Cabires ; , ceux qui se célébraient principalement en Sicile, pour honorer le mariage de Proserpine et de Pluton ; , ceux qui avaient été institués par Septime Sevère ; , ceux qu'on faisait par l'ordre de Commode, etc. On trouve aussi les jeux marqués sur les médailles latines avec le temps de leur célébration. Nous avons sur la médaille de Memmius, Ced. Cerialia primus fecit. Nous trouvons surtout des jeux séculaires qui se célébraient à la fin de chaque siècle, marqués avec grand soin sur les médailles, Ludos Saeculares Fecit, dans celles de Domitien ; Saeculares Aug. ou Augg. dans Philippe ; etc. Les types en sont différents ; tantôt ils expriment des sacrifices, tantôt des combats, tantôt des animaux extraordinaires, dont on donnait le spectacle au peuple dans ces jeux.

4°. Les vœux publics pour les empereurs, et qui sont marqués sur plusieurs médailles, soit en légende, soit en inscription, ont fait nommer ces sortes de médailles médailles votives. Voyez MEDAILLES VOTIVES.

5°. L'une des choses les plus curieuses que les médailles nous apprennent par les légendes, ce sont les différents titres que les empereurs ont pris, selon qu'ils ont Ve leur puissance plus ou moins affermie. Jules-César n'osa jamais revêtir ni le titre de roi, ni celui de seigneur, il se contenta de celui d'Imperator, Dictator perpetuus, Pater Patriae. Ses successeurs réunirent insensiblement à leur dignité le pouvoir de toutes les charges. On les vit souverains pontifes, tribuns, consuls, proconsuls, censeurs, augures. Je ne parle que des magistratures ; car, pour les qualités, elles devinrent arbitraires, et le peuple s'accoutumant peu-à-peu à la servitude, laissa prendre au souverain tel nom que bon lui sembla, même ceux des divinités qu'il adorait : témoin Hercules Romanus, dans Commode ; Sol Dominus Imperii Romani, dans Aurélien ; si toutefois ce nom est donné au prince, et non pas au soleil même, qui se trouve si souvent sur les médailles, Soli invicto Comiti.

Auguste ne se nomma d'abord que Caesar Divi Filius, et puis Imperator, ensuite Triumvir Reipublicae Constituendae, ensuite Augustus ; enfin il y ajouta la puissance de tribun qui le faisait souverain. Caligula garda les trois noms, Imp. Caes. Aug. Claude y ajouta le titre de Censor. Domitien se fit Censor Perpetuus, sans que depuis lui on puisse rencontrer cette qualité sur les médailles. Aurélien, ou, selon d'autres Oemilien, s'arrogea le titre de Dominus, que les provinces accordèrent à Septime Sevère et à ses enfants. Après Carus, cette qualité devint commune à tous les empereurs, jusqu'à ce que ceux d'Orient prirent le nom de rois des Romains, . Il est bon d'apprendre ici que les Grecs donnèrent quelquefois ce même nom aux Césars, quoiqu'ils n'aient jamais souffert qu'ils prissent celui de Rex en latin. Le titre de Nobilissimus Caesar donné au prince destiné à l'empire, ne se vit pas pour la première fois sur les médailles de Philippe le jeune, comme tous les antiquaires l'ont cru ; M. l'abbé Belley prouve dans l'histoire de l'acad. des Inscrip. que ce titre parut dès le règne de Macrin sur les médailles de Diaduménien.

L'ambition des princes grecs et la flatterie de leurs sujets nous fournissent sur leurs médailles une grande quantité de titres, qui sont inconnus aux empereurs latins, , Nicator, Nicephorus, Evergetes, Eupator, Soter, Epiphanes, Cezaunus, Callinicus, Dionysius, Theopator. Ils ont été aussi bien moins scrupuleux que les Latins à se faire donner le nom de dieu. Démétrius s'étant appelé, , Antiochus, ; un autre Démétrius, . Ils ne faisaient pas non plus difficulté d'adopter les symboles des divinités, comme le foudre et les cornes de Jupiter Hammon, avec la peau de lion d'Hercule. Tous les successeurs d'Alexandre s'en firent même un point d'honneur.

Les princesses reçurent la qualité d'Augusta dès le haut empire, Julia Augusta, Antonia Agrippina, etc. On la trouve même sur les médailles de celles qui ne furent jamais femmes d'empereurs, Julia Titi, Marciana, Matidia, etc. Le titre de Mater Senatus et Mater Patriae se voient sur les médailles d'or et d'argent, de grand et de moyen bronze de Julie, femme de Septime Sevère, dont le revers représente une femme assise, ou une femme debout, tenant d'une main un rameau, et de l'autre un bâton ou une haste, avec ces mots en abrégé, Mat. Augg. Mat. Sen. Mat. Pat.

6°. Les alliances se trouvent aussi marquées dans les légendes à la suite des noms, et non seulement les alliances par adoption qui donnaient droit de porter le nom de fils, mais celles mêmes qui ne procuraient que le titre de neveu et de nièce. Nous n'entrerons point dans ce détail assez connu, ce qui d'ailleurs serait long et ennuyeux.

7°. Les légendes nous découvrent encore le peu de temps que durait la reconnaissance de ceux qui ayant reçu l'empire de leur père, de leur mère, ou de leur prédécesseur qui les avait adoptés, quittaient bientôt après le nom et la qualité de fils qu'ils avaient pris d'abord avec empressement. Trajan joignit à son nom celui de Nerva qui l'avait adopté, mais peu de temps après il ne porta plus que celui de Trajan. D'abord c'était Nerva Trajanus Hadrianus, bientôt ce fut Hadrianus tout seul : et le bon Antonin, qui s'appelait au commencement de son règne Titus Aelius Hadrianus Antoninus, s'appela peu après Antoninus Augustus Pius ; cependant la vanité et l'ambition leur faisait quelquefois garder des noms auxquels ils n'avaient aucun droit, ni par le sang, ni par le mérite. Ainsi celui d'Antonin a été porté par six empereurs jusqu'à Eliogabale : celui de Trajan par Dèce, etc.

Ces noms propres devenus communs à plusieurs, ont causé beaucoup d'embarras aux antiquaires ; parce que ces sortes de médailles ne portent aucune époque, au lieu que les médailles grecques, beaucoup plus exactes, portent les surnoms, et marquent les années, et par-là facilitent extrêmement la connaissance de certains rais, dont on n'aurait jamais bien débrouillé l'histoire sans ce secours, comme les Antiochus, les Ptolomées, et les autres.

8°. N'oublions pas d'ajouter que dans les légendes des médailles, on trouve souvent le nom du magistrat sous lequel elles ont été frappées. M. Vaillant s'est donné la peine de faire le recueil des divers noms de magistrature grecque énoncés sur les médailles, et d'expliquer les fonctions de ces différentes charges. Dans les médailles de colonies latines, on voit les noms des duumvirs à l'ablatif.

Il est temps de parler de la position de la légende. L'ordre naturel qui la distingue de l'inscription est qu'elle soit posée sur le tour de la médaille, au-dedans du grenetis en commençant de la gauche à la droite, et cela généralement dans toutes depuis Nerva. Mais, dans les médailles des douze Césars, il est assez ordinaire de les trouver marquées de la droite à la gauche, ou même partie à gauche, partie à droite.

Il y en a qui ne sont que dans l'exergue, De Germanis, De Sarmatis, etc. Il y en a qui sont en deux lignes parallèles, l'une au-dessus du type, et l'autre au-dessous, comme dans Jules. Il y en a dans le même empereur posées en-travers, et comme en sautoir. Il y en a en pal, comme dans une médaille de Jules ; où la tête de Marc-Antoine sert de revers. Il y en a au milieu du champ, coupées par la figure comme dans un revers de Marc-Antoine, qui représente un fort beau trophée. On voit un autre revers du même, où un grand palmier au milieu d'une couronne de lierre coupe ces mots, Alexand. Aegyp. Enfin il y en a en baudrier, comme dans Jules ; tout cela prouve que la chose a toujours dépendu de la fantaisie de l'ouvrier.

C'est particulièrement sur les grandes médailles grecques qu'on trouve les positions de légendes les plus bizarres, surtout quand il y a plus d'un cercle. Il n'est point de manière de placer, de trancher, de partager les mots et de séparer les lettres que l'on n'y rencontre : ce qui donne bien de la peine à ceux qui ne sont pas assez intelligens pour les bien démêler.

On pourrait être trompé à certaines médailles où la légende est écrite à la manière des Hébreux, les lettres posées de la droite à la gauche. Celle du roi Gelas est de cette sorte . Quelques-unes de Palerme et d'autres de Césarée, c'est ce qui a fait croire à quelques-uns que l'on avait autrefois nommé Césarée, , au lieu de Flavia, . La médaille de Lipari est du même genre ; on a été longtemps sans l'entendre, parce qu'on y lit pour .

Il ne parait donc pas que les anciens aient suivi de règles fixes dans la manière de placer les légendes sur les médailles, et de plus toutes leurs médailles n'ont pas des légendes ; car encore qu'il soit vrai que la légende est l'âme de la médaille, il se trouve cependant quelques corps sans âmes, non seulement dans les consulaires, mais aussi dans les impériales, c'est-à-dire, des médailles sans légende ni du côté de la tête, ni du côté du revers ; par exemple, dans la famille Julia, la tête de Jules se trouve souvent sans légende. On voit aussi des revers sans légende, et surtout dans cette même famille. Une médaille qui porte d'un côté la tête de la piété avec la cigogne, et de l'autre une couronne qui enferme un bâton augural et un vase de sacrificateur, est sans aucune légende.

Il s'en trouve qui ne sont que demi-animées, pour parler ainsi, parce que l'un des côtés est sans légende, tantôt celui de la tête et tantôt celui du revers. Nous avons plusieurs têtes d'Auguste sans inscription, comme celle qui porte au revers la statue équestre que le sénat fit ériger en son honneur, avec ce mot ; Caesar Divi filius. Nous avons aussi une infinité de revers sans légende ; quelquefois même des revers considérables pour la singularité du type, et pour le nombre des figures ; je crois qu'on peut mettre dans ce nombre ceux qui ne portent que le nom du monétaire, ou le simple S. C. puisque ni ce nom, ni ces lettres ne contribuent en rien à expliquer le type. Telles que sont trois ou quatre belles médailles de Pompée, avec des revers très curieux, qui n'ont que le nom de M. Minatius Sabinus proquestor. Deux de Jules César, dont l'une chargée d'un globe, de faisceaux, d'une hache, d'un caducée et de deux mains jointes, n'a que le nom L. Buca. L'autre qui porte une aigle militaire, une figure assise tenant une branche de laurier ou d'olivier, couronnée par derrière par une Victoire en pied, n'a que ex S. C. Une de Galba, dont le revers est une allocution de six figures, que quelques-uns croient marquer l'adoption de Pison, se trouve aussi sans aucune légende. Les savants disent que le coin est moderne, et que la véritable médaille porte Allocutio.

Pour celles qui se trouvent avec les seules légendes sans tête, on les met dans la classe des inconnues ou des médailles incertaines, et on les abandonne aux conjectures des savants. Voyez MEDAILLE sans tête.

Il manquerait quelque chose d'important à ce discours ; si je ne disais rien des deux langues savantes, la latine et la grecque, dans lesquelles sont écrites les légendes et les inscriptions des médailles antiques.

Mais je dois observer d'abord que la langue ne suit pas toujours le pays, puisque nous voyons quantité de médailles impériales frappées en Grèce ou dans les Gaules, dont les légendes sont en latin ; car le latin a toujours été la langue dominante dans tous les pays où les Romains ont été les maîtres ; et depuis même que le latin est devenu une langue morte, par la destruction de la monarchie romaine, il ne laisse pas de se conserver pour tous les monuments publics et pour toutes les monnaies considérables dans tous les états de l'Empire chrétien.

Il y a des médailles frappées dans les colonies, dont la tête porte l'inscription en latin, et le revers l'inscription en grec. Le P. Jobert parle d'un Hosticien M. B. qui d'un côté porte , avec la tête du prince rayonnée, et de l'autre côté Col. P. T. Caes. Metr. La tête du génie de la ville est surmontée d'un petit château tout entier ; c'est Césarée de Palestine. Enfin, les médailles, dont les légendes sont en deux langues différentes, ne sont pas extrêmement rares ; témoin celles d'Antioche, où l'on trouve des légendes latines du côté des têtes de Claude, de Néron et de Galba, et des légendes grecques au revers.

Le grec est, comme je l'ai dit, l'autre langue savante dont on s'est servi le plus universellement sur les médailles. Les Romains ont toujours eu du respect pour cette langue, et se sont fait une gloire de l'entendre et de la parler. C'est pourquoi ils n'ont pas trouvé mauvais que non seulement les villes de l'Orient, mais toutes celles où il y avait eu des Grecs, la conservassent sur leurs médailles. Ainsi les médailles de Sicîle et de plusieurs villes d'Italie ; celles des Provinces, et de tout le pays qu'on appelait la grande Grèce, portent toutes des légendes grecques, et ces sortes de médailles font une partie si considérable de la science des Antiquaires, qu'il est impossible d'être un parfait curieux, si l'on n'entend le grec comme le latin, et l'ancienne Géographie aussi-bien que la nouvelle.

Il ne nous reste plus, pour complete r cet article, qu'à faire quelques observations sur les lettres initiales des légendes.

1°. Il parait qu'à proprement parler, les lettres initiales sont celles qui étant uniques, signifient un mot entier. Dès qu'on en joint plusieurs ce sont des abréviations, non pas des initiales : P. P. Aug. signifie Perpetuus Augustus par abréviation ; T. P. signifie tribunitia potestate par des initiales : Tr. Pot. le dit par abréviation : V. P. exprime vota populi par initiales : Vot. Po. par abréviation. Or dans un grand nombre de lettres, il n'est pas aisé de deviner celles qui doivent être jointes ensemble, et celles qui doivent demeurer seules ; et je ne crois pas qu'on puisse donner sur cela de règle certaine.

2°. L'usage des lettres initiales est de tous les temps et de toutes les nations depuis qu'on a commencé à écrire. Les Latins, les Grecs, les Hébreux, s'en sont servis, témoin l'arrêt fatal qui fut prononcé au roi Baltazar par trois lettres initiales, Man, Thau, Phe, que Daniel seul put expliquer, Mane, Thecel, Phares. On en a fait usage principalement sur les médailles, à cause du peu d'espace qu'il y a pour exprimer les légendes, la multiplicité des prénoms, des surnoms, des titres et des charges, n'a pu se marquer autrement, non pas même sur le G. B. La nécessité a été encore plus grande dans les longues inscriptions ; c'est pourquoi il n'est pas possible de donner aucun précepte : la vue seule de plusieurs médailles et des inscriptions où les mots se lisent tout au long, en peut faciliter la connaissance. Ainsi personne ne doute que S. C. ne signifie senatus consulto, et que S. P. Q. R. ne signifie senatus, populusque romanus. On convient aussi que I. O. M. veut dire Jovi optimo, maximo ; mais on n'est pas d'accord sur l'interprétation de ces deux lettres qui peuvent également signifier , tribunitia potestate, decreto provinciae, voto publico.

3°. Si l'on avait toujours ponctué exactement les lettres initiales, il serait aisé de les reconnaître, et de distinguer quand il en faut joindre quelques-unes ensemble pour un même mot : mais parce qu'on a souvent négligé de le faire, particulièrement dans le bas empire et sur les petites médailles, on n'y trouve pas la même facilité. On dit, sans se tromper D. N. Voyez L. Licinius : dominus noster Valerius Licinianus Licinius ; mais il faut savoir d'ailleurs que DDNNIOVLICINVAUG et CAES. sur la médaille où les deux bustes sont affrontés, signifie domini nostri Jovii Licinii invicti Augustus et Caesar. Delà est venue la liberté qu'on s'est donnée de prendre pour des lettres initiales celles qui ne le sont point, et de faire plusieurs mots d'un seul : dans Con. Constantinopoli, on veut trouver civitates omnes Narbonenses, &c.

4°. Je crois qu'on peut donner pour constant, que toutes les fois que plusieurs lettres jointes ensemble ne forment aucun mot intelligible, il faut conclure que ce sont des initiales ; et que lorsque les mots ont quelques sens, il ne faut pas les séparer pour en faire plusieurs mots.

5°. Quand plusieurs lettres ne peuvent former aucun mot, et que ce sont clairement des lettres initiales, il s'agit d'en découvrir la signification. La difficulté ne consisterait pas tant à donner un sens aux légendes les plus embarrassantes, puisqu'il suffirait pour cela de se livrer à toutes les conjectures qui peuvent s'offrir à l'esprit d'un antiquaire exercé et ingénieux. Mais il ne serait pas si aisé de faire adopter ces conjectures par des personnes accoutumées à demander des preuves de ce qu'on prétend leur persuader ; aussi la plupart des explications paraissent peu vraisemblables au plus grand nombre des Savants. C'est ainsi que la prière à Jesus-Christ, que le P. Hardouin trouvait le secret de lire sur la médaille de Decentius, n'est aux yeux d'un autre savant Jésuite, Froelich (diss. de numm. monet. culp. vitios. cap. IIe p. 381.) qu'une pure imagination uniquement fondée sur l'arrangement bizarre de quelques lettres transposées par l'ignorance de l'ouvrier qui a gravé le coin.

Il ne faut pas se persuader que les monétaires aient été si savants, qu'ils n'aient fait quelquefois de très-grosses fautes dans les légendes. Nous en avons en particulier des preuves trop évidentes sur certaines médailles frappées hors d'Italie, comme celles des Tetricus. etc. Ces méprises venaient, tantôt de précipitation, tantôt de ce que les ouvriers ne savaient pas assez le latin ou le grec, tantôt encore de ce que ceux qui leur donnaient des légendes, ne les écrivaient pas assez distinctement.

N'oublions pas de remarquer, en finissant cet article, qu'il y a des medailles dans la légende desquelles on lit le mot restitut. entier ou abrégé rest. On nomme ces médailles, médailles de restitution, ou médailles restituées. Voyez-en l'article. (D.J.)