S. m. pl. (Histoire ecclésiastique) anciens hérétiques qui ont été fameux dès les premiers commencements du Christianisme, principalement dans l'orient.

Ce mot gnostique vient du latin gnosticus, et du grec , qui signifiait savant, éclairé, illuminé, spirituel, de , je connais.

Ce mot gnostique, qui signifie savant, avait été adopté par ceux de cette secte, comme s'ils avaient eux seuls la véritable connaissance du Christianisme. Sur ce principe, ils regardaient les autres chrétiens comme des gens simples et grossiers qui expliquaient les livres sacrés d'une manière basse et trop littérale.

C'étaient d'abord des philosophes qui s'étaient formé une théologie particulière sur la philosophie de Pythagore et de Platon, à laquelle ils avaient accommodé les interprétations de l'Ecriture.

Mais ce nom de gnostique devint dans la suite un nom générique que l'on donna à plusieurs hérétiques du premier siècle, qui différent entr'eux sur certaines circonstances, étaient néanmoins d'accord sur les principes : tels furent les Valentiniens, les Simoniens, les Carpocratiens, les Nicolaïtes, et autres hérétiques.

Quelquefois c'est un nom particulier que l'on donne aux successeurs des premiers Nicolaïtes et des premiers Carpocratiens qui parurent dans le second siècle, et quittèrent le nom des auteurs de leur secte. Voyez CARPOCRATIENS, etc.

Ceux qui voudront apprendre à fond leur doctrine et leurs visions, n'ont qu'à consulter S. Irénée, Tertullien, Clement d'Alexandrie, Origène, et S. Epiphane, et surtout le premier, qui a rapporté au long leurs sentiments qu'il réfute en même temps. Quoique S. Irénée parle plus en détail des Valentiniens que des autres Gnostiques, on trouve cependant dans ses ouvrages les principes généraux sur lesquels ces hérétiques établissaient leurs fausses opinions, et la méthode qu'ils suivaient en expliquant l'Ecriture ; il les accuse d'avoir introduit dans la religion de vaines et ridicules généalogies, c'est-à-dire de certaines émanations ou processions divines, qui n'ont d'autre fondement que leur imagination. Voyez EONS.

En effet les Gnostiques avouaient que ces émanations n'étaient point expliquées clairement dans les livres sacrés ; mais ils disaient en même temps que Jesus-Christ les y avait indiquées mystiquement sous des paraboles à ceux qui pouvaient les comprendre.

Ils n'appuyaient pas seulement sur les évangiles et sur les épitres de S. Paul leur fausse théologie, mais encore sur la loi de Moïse et sur les prophetes. Comme il y a dans ces derniers plusieurs paraboles ou allégories qui peuvent être interprétées différemment, ils s'en servaient avec adresse pour cacher plus facilement l'ambiguité de leurs interprétations.

Ils faisaient grand fond sur le commencement de l'évangîle de S. Jean, où ils prétendaient trouver une partie de leurs émanations, parce qu'il y est parlé du Verbe, de la vie, de la lumière, et de plusieurs autres choses qu'ils expliquaient selon leurs idées : ils distinguaient aussi trois sortes d'hommes, le matériel, l'animal, et le spirituel. Ils divisaient pareillement la nature en trois sortes d'êtres, en hylique ou matériel, en psychique ou animal, et en pneumatique ou spirituel.

Les premiers hommes, qui étaient matériels et incapables de connaissance, périssaient selon le corps et selon l'âme ; les spirituels, au contraire, tels que se disaient les Gnostiques, étaient tous sauvés naturellement, sans qu'il en périt aucun. Les psychiques ou animaux, qui tenaient le milieu entre les deux ordres, pouvaient se sauver ou se damner, selon les bonnes ou mauvaises actions qu'ils faisaient.

Le nom de Gnostique se prend quelquefois en bonne part dans les anciens écrivains eccléfiastiques, principalement dans Clément d'Alexandrie, qui décrit en la personne de son gnostique, les qualités d'un parfait chrétien, dans le septième livre de ses stromates, où il prétend qu'il n'y a que le gnostique ou l'homme savant qui ait une véritable religion ; il assure que s'il se pouvait faire que la connaissance de Dieu fût séparée du salut éternel, le gnostique ne se ferait pas un scrupule de préférer la connaissance ; et que quand même Dieu lui promettrait l'impunité s'il agissait contre ses commandements, ou lui offrait le ciel à ces conditions, il ne voudrait pas l'accepter à ce prix, ni changer de conduite.

C'est en ce sens qu'il oppose les Gnostiques aux hérétiques de ce nom, assurant que le vrai gnostique a vieilli dans l'étude de l'Ecriture-sainte, et qu'il garde la doctrine orthodoxe des apôtres et de l'Eglise ; au lieu que les faux gnostiques abandonnent les traditions apostoliques, s'imaginant être plus habiles que les apôtres.

Le nom de gnostique, qui est si beau dans sa vraie étymologie, est devenu infame par les désordres auxquels s'abandonnèrent ceux qui se disaient gnostiques, comme nous avons Ve de nos jours le quiétisme et le piétisme décrié et condamné à cause des désordres de ceux de cette secte. Voyez QUIETISME, etc.

Ce que le Chambers vient de dire des faux gnostiques, d'après le Trévoux, étant trop général pour donner au lecteur une idée bien distincte de leur doctrine et de leurs mœurs, il est bon d'ajouter que quoique les Gnostiques composassent différentes sectes, ils convenaient pourtant presque tous sur certains chefs dont voici les principaux. 1°. Ils admettaient tous une production chimérique d'éons qui composaient une même divinité, et ils ne variaient que sur le nombre ; les uns le réduisant à huit, et les autres en comptant jusqu'à trente. 2°. Ils attribuaient la création et le gouvernement du monde visible à ces éons, et non pas au dieu souverain. 3°. Ils croyaient que la loi de Moïse, les prophéties, et généralement toutes les lais, étaient l'ouvrage du créateur de ce monde qu'ils distinguaient du souverain ou de la collection des éons qui composait la divinité. 4°. Ils enseignaient que le Christ envoyé d'en-haut pour sauver les hommes, n'avait pas pris une véritable chair ni souffert véritablement, mais seulement en apparence ; ce qui les avait fait appeler docetes.

Leurs principes les conduisaient tous au dérèglement et au libertinage ; ils enseignaient qu'il était permis et même louable de s'abandonner aux plaisirs de la chair ; ils se nourrissaient de viandes délicieuses et de vins exquis, se baignaient et se parfumaient le corps avec une extrême sensualité : souvent ils faisaient leurs prières entièrement nuds, comme pour marque de liberté. Les femmes étaient communes entr'eux ; et quand ils recevaient un étranger qui était de leur secte, d'abord ils lui faisaient la meilleure chère qu'il leur était possible ; après le repas, le mari lui offrait lui-même sa femme, et cette infamie se couvrait du beau nom de charité. Ils nommaient aussi leurs assemblées agapes, où l'on dit qu'après les excès de bouche, ils éteignaient la lumière, et suivaient indifféremment tous leurs désirs : toutefois ils empêchaient la génération autant qu'ils pouvaient ; on les accusait même de faire avorter les femmes, de piler un enfant nouveau né dans un mortier, et d'en manger les membres ensanglantés ; d'offrir une eucharistie infame, et de commettre plusieurs autres abominations sacrileges dont on trouve le détail dans S. Epiphane, qui avait Ve en Egypte des restes de ces sectes ; car elles s'étaient répandues en diverses contrées, et subsistèrent jusqu'au IVe siècle.

Les noms que l'on donnait aux Gnostiques ont été fort différents et presque tous relatifs ou à leurs dogmes ou à la dépravation de leurs mœurs. Les plus anciens appelés eutuchiles ou eutuchites, étaient disciples des Simoniens, dont il est parlé dans le VII. livre des stromates de Clément Alexandrin, et dans l'apologie de Pamphîle pour Origène, où il est dit qu'ils opposaient le nom de l'évangîle à celui de la loi et des prophetes, et qu'ils voulaient que J. C. fût fils, non du Dieu auteur de l'ancien Testament, mais d'un autre dieu inconnu. On appelait aussi les Gnostiques barbelonites, phibionites, borborites, stratiotiques, zachéens, coddiens, lévites, ou lévitiques ; ces derniers surtout commettaient entr'eux les plus infames abominations.

Ils avaient plusieurs ouvrages apocryphes sur lesquels ils fondaient leurs impiétés, entr'autres le livre des révélations, ou l'apocalypse d'Adam ; l'histoire de Noria, femme de Noé ; quelques livres supposés sous le nom de Seth ; la prophétie de Bahuba ; l'évangîle de perfection, qui contenait quantité d'impuretés ; l'évangîle d'Eve, remplie de rêveries et de visions ; l'accouchement et les interrogations de Marie, dont S. Epiphane rapporte quelques passages pleins de fictions et d'infamies ; l'évangîle de Philippe, et divers autres évangiles qu'ils attribuaient aux apôtres pour accréditer leurs erreurs. Dupin, bibliotheq. ecclésiast. des auteurs des trois premiers siècles. Fleury, histoire ecclésiastique, liv. III. n°. 20. pp. 333 et 334. (G)