S. m. (Histoire ecclésiastique) c'est le corps des personnes consacrées à Dieu par la cléricature ou par la profession religieuse, d'où le clergé se divise en séculier et en régulier.

Ce mot est dérivé du grec , ou du latin clerus, qui signifient part ou portion ; parce que quoique tous les Chrétiens puissent être appelés la portion de Dieu, cependant ceux d'entre les chrétiens que Dieu a choisis, séparés des autres et consacrés à son service, sont la portion distinguée et chérie de l'héritage du Seigneur. On peut dire encore que le corps des ecclésiastiques, institué pour enseigner aux peuples la religion, pour administrer les sacrements et célébrer l'office divin, est ainsi appelé parce qu'il a choisi le seigneur pour sa portion, suivant ce verset que prononcent les clercs lorsqu'on les tonsure : Dominus pars heraeditatis meae et calicis mei ; tu es qui restitues hereditatem meam mihi. Psaumes 15.

Le clergé a toujours été dans l'état un corps distingué par des honneurs, des immunités, des revenus, et autres droits ou honorifiques ou utiles, qui lui appartiennent de droit ecclésiastique, ou qui lui ont été attribués, soit par la concession des princes, soit par la piété des fidèles.

Parmi nous le clergé est reconnu pour le premier corps et le premier des ordres du royaume, et en cette qualité il est maintenu dans tous les droits, honneurs, rangs, séances, présidences et avantages dont il a joui ou dû jouir jusqu'à-présent : ce sont les termes de l'édit du mois d'Avril 1695, art. 45. Long-temps avant, nos rois s'en étaient expliqués de même dans la déclaration du 10 Février 1580, et dans leurs lettres patentes du premier Mai 1596, du 9 Décembre 1606, du 10 Aout 1615, et du 15 Juin 1628. Voyez les nouveaux mém. du clergé, tom. VI. et VIII.

Quant aux honneurs, le clergé a régulièrement le pas et la préséance sur les laïques, les parlements, ou autres cours séculières, dans les églises, les processions, et dans toutes les cérémonies de la religion. Divers arrêts du conseil privé, rapportés dans le tome V. des nouveaux mémoires du clergé, ont réglé des contestations qui s'étaient élevées à ce sujet entre l'archevêque et le parlement de Rouen, entre l'évêque de Metz et le parlement de cette ville : ces arrêts ont maintenu le clergé dans le droit de préséance.

Dans les assemblées politiques, telles qu'étaient autrefois en France les états généraux, et qui sont encore aujourd'hui les assemblées des états en Languedoc, en Bretagne, en Bourgogne, en Artais, le corps du clergé précède la noblesse et le tiers-état, et porte le premier la parole dans les députations au roi. L'archevêque de Narbonne est président né des états de Languedoc ; et l'évêque d'Autun jouit de la même prérogative dans ceux de Bourgogne. Aux assemblées des états généraux le clergé suivait l'ordre politique du royaume, et nommait ses députés par gouvernements et par bailliages, comme les autres corps de l'état. En Suède, malgré le changement de religion, le clergé précède dans les états généraux les deux autres ordres du royaume. En Pologne les évêques n'ont leur rang aux dietes qu'en qualité de sénateurs, excepté dans les interrègnes et dans la diete d'élection, où le primat du royaume préside de droit. En France les évêques comtes ou ducs et pairs ont séance au parlement de Paris. Quelques autres sont conseillers nés au parlement dans le ressort desquels sont situés leurs évêchés. Les évêques et archevêques d'Angleterre sont membres de la chambre haute. Ceux d'Allemagne ont place et voix dans la diete de l'Empire, dans le collège des princes. Voyez COLLEGE et DIETE.

Pour le corps du clergé, comme les chapitres et les communautés régulières, leur rang entr'eux et avec les corps séculiers, se règle suivant les anciens usages. Il en est de même à proportion des ecclésiastiques particuliers, s'ils n'ont un certain rang, à cause de leurs bénéfices ou de leurs charges. En Angleterre on distingue le haut et le bas clergé : le haut clergé est composé des archevêques et évêques ; le bas clergé comprend tous les autres ecclésiastiques. Nous avons en France la même distinction, mais sous des noms différents : on dit le premier et le second ordre. Le terme de bas clergé est pourtant en usage dans les chapitres pour signifier les sémi-prébendés, chapelains, chantres, musiciens, ou autres officiers gagés qui n'ont pas voix en chapitre. Voyez CHAPITRE.

Les immunités ou exemptions dont jouit le clergé sont de temps immémorial : nos rois les ont confirmées par leurs ordonnances. On a sur ce sujet celles de S. Louis, de Philippe le Bel, des rois Jean, Charles V. , Charles VII. etc. Voyez les mémoires du clergé, tome VI.

Les évêques et les conciles ont marqué dans tous les temps la plus grande fermeté pour les maintenir et les conserver. On peut voir sur cette matière la lettre que les provinces de Rheims et de Rouen écrivirent en 858 à Louis II. Il y a même des exemples d'interdits et d'excommunications prononcées contre les juges laïcs qui violent les immunités ecclésiastiques. En 1207 le chapitre de Rouen, pendant la vacance du siège, jeta un interdit général sur toutes les églises de Rouen, parce que le maire de cette ville avait, de son autorité privée, fait emprisonner le domestique d'un chanoine. Dans un des registres du parlement de Paris, on lit qu'en l'année 1359 l'évêque de Chartres et ses officiers mirent en interdit la ville de Mantes, parce qu'on ne voulut pas leur rendre deux clercs détenus prisonniers. Il est parlé de semblables interdits en une constitution insérée dans un ancien recueil des statuts synodaux de l'église de Rheims, faits par l'archevêque Guillaume de Tryes, environ l'an 1330. Voyez les mémoires du clergé, tome VI. et VII. et la tradition des faits.

L'immunité ecclésiastique est de deux sortes ; la personnelle, qui concerne la personne des clercs ; et la réelle, qui concerne les biens ou revenus de l'église. La première tend à conserver aux ecclésiastiques le repos nécessaire pour vaquer à leurs fonctions ; la seconde regarde plus la conservation de leurs biens.

Les exemptions personnelles sont premièrement celles de la juridiction : régulièrement un ecclésiastique ne peut être poursuivi devant les tribunaux séculiers ; ou du moins, dans certains cas, il faut que le juge ecclésiastique instruise leur procès conjointement avec le juge laïc. Les ecclésiastiques sont exempts de charges municipales, de tutele et curatelle, s'ils ne l'acceptent volontairement. Dès le temps de S. Cyprien, la règle était ancienne, que si quelqu'un nommait un clerc pour tuteur dans son testament, on n'offrirait point pour lui le saint sacrifice après sa mort. Les ecclésiastiques sont aussi exempts de la contrainte par corps pour dettes civiles. Ils sont dispensés du service de la guerre qui se devait autrefois pour cause de fief, et n'a plus lieu qu'à la convocation de l'arriere-ban. Décl. du roi du 8 Février 1657. Ils ne sont pas même obligés à fournir d'autres personnes pour faire le service, ni de payer aucune taxe à cet effet. Ils sont exempts de guet et de garde, et de logement de gens de guerre : on ne peut leur imposer aucune taxe pour raison de logement, ustensile, ou fourniture quelle qu'elle sait. Les ecclésiastiques ne doivent point être aussi compris dans aucune imposition pour la subsistance des troupes ou fortifications des villes, ni généralement pour aucuns octrais, subventions, ou autres emprunts de communautés. En pays de tailles personnelles, ils en sont exempts, soit pour leur patrimoine, soit pour leurs dixmes ; mais ils sont compris dans les tailles négotiales, c'est-à-dire imposées pour les dixmes qu'ils font valoir, qui ne sont pas attachées à leur bénéfice. En pays de tailles réelles, les biens appartenans à l'église sont francs comme les biens nobles. Ils sont aussi exempts des droits d'aides pour les vins de leur cru, soit bénéfice ou patrimoine, du moins ils ne paient que des droits fort médiocres. Tels sont les principaux privilèges dont jouit le clergé, en considération des contributions particulières qu'il paye au prince sous le titre de décimes, de subventions, de dons gratuits, etc. Voyez DECIMES.

L'immunité réelle qui concerne les biens donnés aux églises, ou par la magnificence des rais, ou par la piété des fidèles, est fondée sur ce principe, qu'ils sont spécialement voués et consacrés à Dieu pour le soulagement des pauvres, pour l'entretien et la décoration des temples et des autels, et pour la subsistance des ministres du Seigneur. On a depuis peu agité vivement cette question, et nous pourrons entrer à cet égard dans des détails intéressants à l'art. IMMUNITE.

Nous nous contenterons d'observer ici, que ces biens ne sont ni si excessifs ni si exempts de charges publiques, que l'ont prétendu les adversaires du clergé. Outre les droits d'amortissement qu'il lui en a couté pour les retirer du commerce, ignore-t-on que les impositions ordinaires connues sous le nom de décimes, et les impositions extraordinaires ou dons gratuits, sont très-fortes ; qu'elles vont communément au dixième, souvent au septième, quelquefois même au cinquième du revenu des bénéfices ? c'est ce qu'il serait aisé de démontrer, si c'en était ici le lieu. Qu'il nous suffise de remarquer que la religion ne pouvant se soutenir sans ministres, il faut qu'il y ait dans l'état des fonds assurés pour leur subsistance ; et d'ajouter avec M. l'abbé Fleuri, " que puisque le public les entretient et les récompense de leur travail, il est juste au moins de leur conserver ce revenu, et de ne pas reprendre d'une main ce qu'on leur donne d'une autre ".

Les droits honorifiques du clergé sont les honneurs et prérogatives attachées aux seigneuries, terres, fiefs, etc. que possèdent certains bénéficiers, chapitres ou communautés, tels que les droits de haute, basse et moyenne justice, de chasse, de pêche, etc. Ses droits utiles consistent ou en revenus fixes et assurés, attachés à chaque bénéfice, chapitre, ou communauté religieuse, et en rétributions ou offrandes casuelles. Fleury, institut. au droit ecclés. tome I. part. I. ch. xxxjx. p. 258. et suiv.

En France le clergé s'assemble sous l'autorité du Roi, ou pour traiter des matières ecclésiastiques, ou pour ordonner des impositions. Ces assemblées sont ou ordinaires ou extraordinaires. Les ordinaires sont ou particulières de chaque diocèse, ou provinciales de chaque province ecclésiastique, ou générales de tout le clergé de France. A ces dernières assemblées on fait les députations par métropoles, qu'on appelle provinces ecclésiastiques. Voyez METROPOLE.

Les assemblées générales du clergé sont de deux sortes ; les grandes, auxquelles chaque province ecclésiastique envoye deux députés du premier ordre et deux du second ; on les appelle les assemblées du contrat ; et les petites assemblées, auxquelles les provinces ne députent qu'un ecclésiastique du premier ordre et un du second ; on les nomme les assemblées des comptes. Celles qu'on appelle du contrat, ou les grandes assemblées, se tiennent tous les dix ans ; et cinq ans après la convocation de l'assemblée du contrat, on convoque une assemblée moins nombreuse, dans laquelle les comptes du receveur général sont examinés. Toutes les assemblées ordinaires sont indiquées dans l'usage au 25 de Mai, mais elles ont été quelquefois avancées, et quelquefois remises, suivant les circonstances. L'art. 24. du règlement de 1625, porte que les grandes assemblées ne pourront durer plus de six mois, et les assemblées des comptes plus de trois mois. Le Roi fixe le lieu pour chaque assemblée, et pour l'ordinaire elles se tiennent à Paris, dans le couvent des grands Augustins. Il s'en est cependant tenu autrefois à Melun, à Saint-Germain-en-Laye et ailleurs. Mém. du clergé, tome VIII. Les députés aux assemblées doivent être dans les ordres, et pourvus d'un bénéfice dans la province qui les députe. Le rochet et le camail sont l'habit des députés du premier ordre ; et ceux du second y assistent en habit long et en bonnet carré. Ces députés ont le privilège d'être tenus présents, pendant le temps de l'assemblée, à leurs bénéfices qui demandent résidence, et celui de faire surseoir aussi pendant le même temps les poursuites des procès et des différends intentés contr'eux, avant la convocation ou pendant le temps de l'assemblée. Ils ont aussi une rétribution ou taxe pour leur séjour ou leur voyage, que leur paye la chambre ecclésiastique de leur province. Les présidents sont toujours choisis dans le premier ordre, soit évêques, soit archevêques. L'assemblée nomme aussi des promoteurs et secrétaires tirés des députés du second ordre. Enfin il est d'usage qu'au commencement et à la fin de chaque assemblée, on nomme une députation pour aller complimenter le Roi. Voyez les mémoires du clergé, tome VIII.

On distingue encore dans le clergé des assemblées extraordinaires, et il y en a de deux sortes ; les unes sont générales, et sont convoquées dans la forme usitée pour la convocation des assemblées ordinaires ; les autres, qu'on peut appeler des assemblées extraordinaires particulières, se font sans solennités ; les provinces n'y envoyent point leurs députés, et les prélats qui les composent n'ont souvent ni l'ordre ni la permission du Roi de s'assembler. La convocation des assemblées extraordinaires particulières se fait dans cette forme : lorsqu'il se présente quelque cas extraordinaire qui intéresse l'Eglise, les agens en donnent avis aux évêques qui sont à Paris ou en cour ; le plus ancien des archevêques ou évêques, s'il ne s'y trouve point d'archevêque, donne ses ordres aux agens d'envoyer des billets de convocation à tous ces prélats. Cette forme est expliquée dans le procès verbal de l'assemblée de 1650. Celle de 1655 a réglé que les évêques in partibus ne seraient point appelés à ces sortes d'assemblées, mais seulement les coadjuteurs d'évêques, et les anciens évêques qui se sont démis. Elles peuvent faire des députations au Roi, et être d'une très-grande utilité, quoiqu'elles ne puissent pas statuer sur bien des choses avec la même autorité ni la même plénitude de pouvoir que les assemblées ordinaires du clergé. Voyez AGENS DU CLERGE. Voyez aussi les mém. du clergé, tome VIII. et M. Fleury, mém. des affaires du clergé de France, inséré à la suite de l'instit. au droit ecclésiast. tome II. p. 264. et suiv. (G)

Réflexions tirées de l'esprit des lois sur la puissance ecclésiastique. 1. Autant le pouvoir du clergé est dangereux dans une république, autant est-il convenable dans une monarchie, surtout si elle tend au despotisme. Où en seraient l'Espagne et le Portugal depuis la perte de leurs lais, sans ce pouvoir qui arrête seul la puissance arbitraire ? barrière toujours bonne quand il n'y en a point d'autres : car comme le despotisme cause à la nature des maux effroyables, le mal même qui le limiterait serait un bien.

2. Dès les commencements de la première race, on voit les chefs de l'Eglise arbitres des jugements ; ils assistent aux assemblées de la nation ; ils influent puissamment sur les résolutions des rois ; on leur avait accordé des privilèges ; ils étaient comblés de biens. L'auteur que nous citons rend raison de cette autorité.

3. Le clergé a tant reçu pendant les trois races, qu'on a été jusqu'à dire qu'on lui a donné la valeur de tous les biens du royaume : mais si la nation lui donna trop alors, elle trouva depuis les moyens de lui reprendre. Le clergé a toujours acquis ; il a toujours rendu ; il acquiert encore. Voyez l'esprit des lais.

CLERGES, (Jurisprudence) dans quelques anciennes ordonnances, signifie les gens de justice, comme en l'ordonnance de Charles V. de l'an 1356, art. j. On les appelait ainsi comme étant gens lettrés ; car anciennement les clercs ou ecclésiastiques étant presque les seuls qui eussent quelque connaissance des lettres, on appelait clerc tout homme de lettres, et la science se nommait clergie. (A)