S. m. (Histoire ecclésiastique) maison bâtie pour loger des religieux ou religieuses, qui y professent la vie monastique. Les premiers monastères ont conservé la religion dans des temps misérables : c'étaient des asiles pour la doctrine et la piété, tandis que l'ignorance, le vice et la barbarie inondaient le reste du monde. On y suivait l'ancienne tradition, soit pour la célébration des divins offices, soit pour la pratique des vertus chrétiennes, dont les jeunes voyaient les exemples vivants dans les anciens. On y gardait des livres de plusieurs siècles, et on en écrivait de nouveaux exemplaires : c'était une des occupations des religieux ; et nous possédons une quantité d'excellents ouvrages qui eussent été perdus pour nous, sans les bibliothèques des monastères.

Cependant comme les choses ont entièrement changé de face en Europe depuis la renaissance des Lettres et l'établissement de la réformation, le nombre prodigieux de monastères qui a continué de subsister dans l'Eglise catholique, est devenu à charge au public, oppressif, et procurant manifestement la dépopulation ; il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'oeil sur les pays protestants et catholiques. Le Commerce ranime tout chez les uns, et les monastères portent par-tout la mort chez les autres.

Quoique le Christianisme dans sa pureté primitive ne soit pas défavorable à la société, on abuse des meilleures institutions ; et il ne serait peut-être pas aisé de justifier tous les édits des empereurs chrétiens à ce sujet. Ce qu'il y a de sur, c'est qu'on regarde la quantité de moines, et celle des personnes du sexe qui dans les couvens font vœu de virginité, comme une des principales causes de la disette de peuple dans tous les lieux soumis à la domination du souverain pontife. On ne doit pas être surpris que des auteurs protestants tiennent ce langage, lorsque les écrivains catholiques les plus judicieux et les plus attachés à la religion, ne peuvent s'empêcher de former les mêmes plaintes.

Si l'Espagne, autrefois si peuplée, est aujourd'hui déserte, c'est surtout à la quantité de monastères qu'il faut s'en prendre, selon les auteurs espagnols. " Je laisse, dit le célèbre dom Diego de Saavedra dans un de ses emblêmes, à ceux dont le devoir est d'examiner si le nombre excessif des ecclésiastiques et des monastères est proportionné aux facultés de la société des laïques qui doit les entretenir, et s'il n'est pas contraire aux vues mêmes de l'Eglise. Le conseil de Castille, dans le projet de réforme qui fut présenté à Philippe III. en 1619, supplie le roi d'obtenir du pape qu'il mette des bornes à ce nombre prodigieux d'ordres et de monastères qui s'accrait tous les jours, et de lui représenter les inconvénients qui en résultent. Celui qui rejaillit sur l'état monastique même, ajoute le conseil, n'est pas le moindre de tous ; le relâchement s'y introduit, parce que la plupart y cherchent moins une pieuse retraite, que l'oisiveté et un abri contre la nécessité. Cet abus a les plus funestes conséquences pour l'état et pour le service de votre majesté. La force et la conservation du royaume consiste dans la multiplicité des hommes utiles et occupés, nous en manquons et par cette cause et par d'autres. Les séculiers cependant s'appauvrissent de plus en plus ; les charges de l'état retombent uniquement sur eux, tandis que les monastères en sont exempts, ainsi que les biens considérables qu'ils accumulent, et qui ne peuvent plus sortir de leurs mains. Il serait donc très-convenable que sa sainteté informée de ces désordres, réglât que les vœux ne pourront être faits avant l'âge de vingt ans, et que l'on ne pourra entrer au noviciat avant l'âge de seize ans. Plusieurs sujets ne prendraient plus alors cet état, qui, pour être plus parfait et plus sur, n'en est pas moins le plus préjudiciable à la société ".

Henri VIII. voulant réformer l'église d'Angleterre, détruisit tous les monastères, parce que les moines y pratiquant l'hospitalité, une infinité de gens aisifs, gentilshommes et bourgeois, y trouvaient leur subsistance, et passaient leur vie à courir de couvent en couvent. Depuis ce changement, l'esprit de commerce et d'industrie s'est établi dans la Grande-Bretagne, et les revenus de l'état en ont singulièrement profité. En général, toute nation qui a converti les monastères à l'usage public, y a beaucoup gagné, humainement parlant, sans que personne y ait perdu. En effet, on ne fit tort qu'aux passagers que l'on dépouillait, et ils n'ont point laissé de descendants qui puissent se plaindre. C'est une injustice d'un jour qui a produit un bien pendant des siècles.

Il est vrai, dit M. de Voltaire, qu'il n'est point de royaume catholique où l'on n'ait du moins proposé plusieurs fois de rendre à l'état une partie des citoyens que les monastères lui enlèvent ; mais ceux qui gouvernent sont rarement touchés d'une utilité éloignée, toute sensible qu'elle est, surtout quand cet avantage futur est balancé par les difficultés présentes. (D.J.)

MONASTERE, (Jurisprudence) Un monastère a le titre d'abbaye, prieuré ou autre, selon que le monastère est soumis directement à un abbé ou abbesse, prieur ou prieure.

Pour qu'une maison religieuse ait le caractère de monastère ou couvent, il faut qu'il y ait un nombre compétent de religieux, que la règle de l'ordre s'y observe, et que la maison ait, ou au moins qu'elle ait eu anciennement, claustrum, arca communis et sigillum, c'est-à-dire des lieux réguliers, une administration commune des biens, et un sceau particulier pour la maison.

Les premiers monastères s'établirent en Egypte vers l'an 306, sous la conduite de saint Antoine, et ceux-ci furent comme la source des autres qui s'établirent dans la suite en divers lieux.

Le plus ancien monastère de France est celui de Ligugé, près Poitiers, sondé par S. Martin en 360.

Au commencement les monastères étaient des maisons de laïcs ; les moines ayant été appelés à la cléricature par saint Sirice pape, ne restèrent pas moins soumis à l'évêque : c'est pourquoi aucun monastère ne peut être établi sans son consentement ; la règle doit aussi être approuvée par le saint siège.

Pendant plus de six siècles tous les monastères d'Occident étaient indépendants les uns des autres, et gouvernés par des abbés qui ne répondaient de leur conduite qu'à leur évêque.

En Orient il y avait des abbés appelés archimandrites qui gouvernaient plusieurs laures, dans lesquelles ils établissaient des supérieurs particuliers.

Dans le ix. siècle il se forma en France une congrégation encore plus étendue, Louis le débonnaire ayant établi saint Benait d'Aniane abbé général de plusieurs monastères ; mais après la mort de cet abbé ces maisons se séparèrent et restèrent indépendantes les unes des autres.

Dans le x siècle, saint Odon, abbé de Clugny, unit à cette abbaye plusieurs monastères, qu'il mit sous la conduite de l'abbé de Clugny.

Plusieurs reformes des siècles suivants ont donné lieu à des congrégations qui sont comme autant d'ordres séparés, composés de plusieurs monastères répandus en diverses provinces et royaumes, gouvernés par un même général ou abbé. Entre ces monastères, il y en a ordinairement un qui est le chef-lieu des autres, et qu'on appelle la maison chef-d'ordre.

Les ordres mendiants, dont les premiers ont été établis dans le XIIIe siècle, sont aussi composés chacun de plusieurs monastères.

Nous avons parlé de l'établissement des monastères au mot COUVENT.

Quant au temporel des monastères, l'évêque en avait autrefois l'administration ; il y établissait des économes pour en avoir la direction et leur fournir les nécessités de la vie. Les abbés et les moines ne pouvaient rien aliéner ni engager sans que l'évêque eut approuvé et signé le contrat, c'est ce que prouvent les conciles d'Agde et d'Epone ; les troisième et quatrième conciles d'Orléans ; le second concîle de Nicée ; les capitulaires et la règle de S. Isidore de Séville.

Mais la discipline ecclésiastique ayant changé peu-à-peu à cet égard, les évêques ont été entièrement privés de cette administration. Saint Grégoire le grand est le premier qui en fasse mention en faveur d'une abbesse de Marseille ; il étendit ensuite cette exemption à tous les monastères dans le concîle de Latran, et elle est devenue d'un usage général.

Dans la suite on a reconnu la nécessité de charger l'évêque du soin d'empêcher le dépérissement du bien des monastères ; c'est ce que Boniface VIII. fit à l'égard des monastères de filles, et ce que Grégoire XV. a décidé encore plus expressément et conformément à l'article 37 du règlement des réguliers. Cette décision a été confirmée par la congrégation des cardinaux, et par différents conciles et synodes.

En France, l'évêque est supérieur immédiat de tous les monastères de l'un et de l'autre sexe qui ne sont pas soumis à une congrégation et sujets à des visiteurs, quand même ces monastères se prétendraient soumis immédiatement au saint siege. L'évêque peut donc les visiter, y faire des statuts, et juger les appelations interjetées des jugements de l'abbé ou autre supérieur : c'est la disposition du concîle de Trente et de l'ordonnance de Blais, article 27.

Les monastères qui sont en congrégation, ne sont pas pour cela exempts de la juridiction épiscopale, à moins qu'ils n'aient d'ailleurs des titres et une preuve de possession constante d'exemption : l'évêque peut donc visiter les monastères, y faire des règlements, soit pour le service divin ou pour la discipline monastique, soit pour le temporel des monastères. Il peut enjoindre au supérieur de faire le procès à ceux qui ont commis quelque délit dans le cloitre ; mais il ne peut connaître ni par lui-même ni par son official, des jugements rendus par les supérieurs de la communauté, l'appel devant être porté devant le supérieur régulier, à moins que celui-ci ayant été averti par l'évêque ne négligeât de remplir son ministère. Edit de 1695, article 18.

L'évêque n'a pas droit de visite dans les monastères qui sont chefs et généraux d'ordre de l'un et de l'autre sexe, ni dans ceux où résident les supérieurs réguliers qui ont une juridiction légitime sur d'autres monastères du même ordre, ni enfin sur ceux qui étant exempts de la juridiction épiscopale, se trouvent en congrégation ; il peut seulement avertir le supérieur régulier de pourvoir dans six mois ou même plus promptement si le cas requiert, au désordre ou scandale ; et si le supérieur n'y satisfait pas dans le temps marqué, l'évêque peut lui-même y pourvoir, suivant la règle du monastère. Edits de 1695, art. 18. et du 29 Mars 1696.

La visite de l'archevêque ou évêque dans les monastères qui ne sont pas exempts de la juridiction épiscopale, quoique soumis à une congrégation, n'empêche pas celle des supérieurs réguliers, lesquels doivent faire observer la discipline monastique.

Quand le général d'ordre est étranger, il ne peut visiter en France les monastères de son ordre sans une permission particulière du roi. Voyez ce qui a été dit au mot EXEMPTION, et au mot VISITE.

Sur les donations faites aux monastères, voyez NOVICES et RELIGIEUX.

Ce sont les évêques et supérieurs réguliers qui doivent réformer les monastères, quand on n'y suit pas la règle. Voyez REFORME.

La conventualité doit être rétablie dans les monastères dont les revenus sont suffisans pour l'y entretenir.

On transfère quelquefois un monastère d'un lieu dans un autre, lorsqu'il y a des raisons essentielles pour le faire. Voyez TRANSLATION.

Il arrive aussi quelquefois qu'un monastère est sécularisé. Voyez SECULARISATION.

Il y a dans les monastères divers offices claustraux. Voyez au mot OFFICE l'article OFFICE CLAUSTRAL.

Quand aux charges des monastères. Voyez INDULT du parlement, DECIMES, OBLATS.

Sur les monastères, voyez Jean Thaumas en son dictionnaire canonique, au mot monastère ; les mémoires du clergé. (A)