S. m. (Métaphysique et Théologie) Tertullien rapporte que Thalès étant à la cour de Crésus, ce prince lui demanda une explication claire et nette de la Divinité. Après plusieurs réponses vagues, le philosophe convint qu'il n'avait rien à dire de satisfaisant. Cicéron avait remarqué quelque chose de semblable du poète Simonide : Hieron lui demanda ce que c'est que Dieu, et il promit de répondre en peu de jours. Ce délai passé, il en demanda un autre, et puis un autre encore : à la fin, le roi le pressant vivement, il dit pour toute réponse : Plus j'examine cette matière, et plus je la trouve au-dessus de mon intelligence. On peut conclure de l'embarras de ces deux philosophes, qu'il n'y a guère de sujet qui mérite plus de circonspection dans nos jugements, que ce qui regarde la Divinité : elle est inaccessible à nos regards ; on ne peut la dévoiler, quelque soin qu'on prenne. " En effet, comme dit S. Augustin, Dieu est un être dont on parle sans en pouvoir rien dire, et qui est supérieur à toutes les définitions. " Les PP. de l'église, surtout ceux qui ont vécu dans les quatre premiers siècles, ont tenu le même langage. Mais quelqu'incompréhensible que soit Dieu, on ne doit pas cependant en inférer qu'il le soit en tout : s'il en était ainsi, nous n'aurions de lui nulle idée, et nous n'en aurions rien à dire. Mais nous pouvons et nous devons affirmer de Dieu, qu'il existe, qu'il a de l'intelligence, de la sagesse, de la puissance, de la force, puisqu'il a donné ces prérogatives à ses ouvrages ; mais qu'il a ses qualités dans un degré qui passe ce que nous en pouvons concevoir, les ayant 1°. par sa nature et par la nécessité de son être, non par communication et par emprunt ; 2°. les ayant toutes ensemble et réunies dans un seul être très-simple et indivisible, et non par parties et dispersées, telles qu'elles sont dans les créatures ; 3°. les ayant enfin comme dans leur source, au lieu que nous ne les avons que comme des émanations de l'Etre infini, éternel, ineffable.

Il n'y a rien de plus facîle que de connaître qu'il y a un Dieu ; que ce Dieu a éternellement existé ; qu'il est impossible qu'il n'ait pas éminemment l'intelligence, et toutes les bonnes qualités qui se trouvent dans les créatures. L'homme le plus grossier et le plus stupide, pour peu qu'il déploie ses idées et qu'il exerce son esprit, reconnaitra aisément cette vérité. Tout lui parle hautement en faveur de la Divinité. Il la trouve en lui et hors de lui : en lui, 1°. parce qu'il sent bien qu'il n'est pas l'auteur de lui-même, et que pour comprendre comment il existe, il faut de nécessité recourir à une main souveraine qui l'ait tiré du néant ; 2°. au-dehors de lui dans l'univers, qui ressemble à un champ de tableau, où l'ouvrier parfait s'est peint lui-même dans son œuvre, autant qu'elle pouvait en être l'image ; il ne saurait ouvrir les yeux qu'il ne découvre par-tout autour de lui les traces d'une intelligence puissante et sans bornes.

L'éternel est son nom, le monde est son ouvrage.

Racine.

Voyez DEMONSTRATION, CREATION, etc.

C'est donc en vain que M. Bayle s'efforce de prouver que le peuple n'est pas juge dans la question de l'existence de Dieu.

En effet, comment le prouve-t-il ? C'est en disant que la nature de Dieu est un sujet que les plus grands philosophes ont trouvé obscur, et sur lequel ils ont été partagés. Cela lui donne occasion de s'ouvrir un vaste champ de réflexions aux dépens des anciens philosophes, dont il tourne en ridicule les sentiments. Après avoir fait toutes ces incursions, il revient à demander s'il est bien facîle à l'homme de connaître clairement ce qui convient ou ce qui ne convient pas à une nature infinie ; agit-elle nécessairement ou avec une souveraine liberté d'indifférence ? connoit-elle ? aime-t-elle ? hait-elle par un acte pur, simple, le présent, le passé et l'avenir, le bien et le mal, un même homme successivement juste et pécheur ? est-elle infiniment bonne ? elle le doit être ; mais d'où vient donc le mal ? est-elle immuable, ou change-t-elle ses résolutions fléchie par nos prières ? est-elle étendue ou un point indivisible ? si elle n'est point étendue, d'où vient donc l'étendue ? si elle l'est, comment est-elle donc immense ? Voyez l'article Simonide, dans le dictionnaire dont il s'agit.

Parmi les Chrétiens même, ajoute-t-il, combien se forment des notions basses et grossières de la Divinité ? Le sujet en question n'est donc pas si aisé, qu'il ne faille qu'ouvrir les yeux pour le connaître. De très-grands philosophes ont contemplé toute leur vie le ciel et les astres, sans cesser de croire que le Dieu qu'ils reconnaissaient n'avait point créé le monde et ne le gouvernait point.

Il est aisé de voir que tout cela ne prouve rien. Il y a une grande différence entre connaître qu'il y a un Dieu, et entre connaître sa nature. J'avoue que cette dernière connaissance est inaccessible à nos faibles lumières ; mais je ne vois pas qu'on puisse toucher à l'autre. Il est vrai que l'éternité d'un premier être, qui est l'infinité par rapport à la durée, ne se peut comprendre dans tout ce qu'elle est ; mais tous peuvent et doivent comprendre qu'il a existé quelqu'être dans l'éternité ; autrement un être aurait commencé sans avoir de principe d'existence, ni dans lui ni hors de lui, et ce serait un premier effet sans cause. C'est donc la nature de l'homme d'être forcé par sa raison d'admettre l'existence de quelque chose qu'il ne comprend pas : il comprend bien la nécessité de cette existence éternelle ; mais il ne comprend pas la nature de cet être existant nécessairement, ni la nature de son éternité ; il comprend qu'elle est, et non pas quelle elle est.

Je dis donc et je soutiens que l'existence de Dieu est une vérité que la nature a mise dans l'esprit de tous les hommes, qui ne se sont point étudiés à en démentir les sentiments. On peut bien dire ici que la voix du peuple est la voix de Dieu.

M. Bayle a attaqué de toutes ses forces ce consentement unanime des nations et a voulu prouver qu'il n'était point une preuve démonstrative de l'existence de Dieu. Il réduit la question à ces trois principes : le premier, qu'il y a dans l'âme de tous les hommes une idée de la divinité : le second, que c'est une idée préconnue, anticipée, et communiquée par la nature, et non pas par l'éducation : le troisième, que le consentement de toutes les nations est un caractère infaillible de la vérité. De ces trois principes, il n'y a que le dernier qui se rapporte aux questions de droit ; les deux autres sont une matière de fait ; car puisque l'on prouve le second par le premier, il est visible que pour être sur que l'idée de l'Etre divin est innée, et ne vient pas de l'éducation, mais de la nature, il faut chercher dans l'histoire si tous les hommes sont imbus de l'opinion qu'il y a un Dieu. Or ce sont ces trois principes que M. Bayle combat vivement dans ses pensées diverses sur la comete. Voici un précis de ses raisonnements.

1°. Le consentement de tous les peuples à reconnaître un Dieu, est un fait qu'il est impossible d'éclaircir. Montrez-moi une mappemonde ; voyez-y combien il reste encore de pays à découvrir, et combien sont vastes les terres australes qui ne sont marquées que comme inconnues. Pendant que j'ignorerai ce que l'on pense en ces lieux-là, je ne pourrai point être sur que tous les peuples de la terre aient donné le consentement dont vous parlez. Si je vous accorde par grâce qu'il doit vous suffire de savoir l'opinion des peuples du monde connu, vous serez encore hors d'état de me donner une entière certitude : car que me répondrez-vous, si je vous objecte les peuples athées dont Strabon parle, et ceux que les voyageurs modernes ont découverts en Afrique et en Amérique ?

Voici un nouveau champ de recherches très pénibles et inépuisables. Il resterait encore à examiner si quelqu'un a nié cette existence. Il se faudrait informer du nombre de ces athées ; si c'étaient des gens d'esprit, et qui se piquassent de méditation. On sait que la Grèce fertîle en esprits forts, et comme dit un de nos plus beaux esprits, berceau des arts et des erreurs, a produit des athées, qu'elle en a même puni quelques-uns ; ce qui a fait dire que bien d'autres eussent déclaré leur irréligion, s'ils eussent pu s'assurer de l'impunité.

2°. Il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de discerner ce qui vient de la nature d'avec ce qui vient de l'éducation. Voudriez-vous bien répondre, après y avoir bien pensé, qu'on découvrirait des vestiges de religion dans des enfants à qui l'on n'aurait jamais dit qu'il y a un Dieu ? C'est ordinairement par-là qu'on commence à les instruire, dès qu'ils sont capables de former quelques sons et de bégayer. Cette coutume est très-louable ; mais elle empêche qu'on ne vérifie si d'eux mêmes, et par les seules impressions de la nature, ils se porteraient à reconnaître un Dieu.

3°. Le consentement des nations n'est point une marque caractéristique de la verité : 1°. parce qu'il n'est point sur que les impressions de la nature portent ce caractère de la vérité ; 2°. parce que le polythéisme se trouverait par-là autorisé. Rien ne nous dispense donc d'examiner si, ce à quoi la nature de tous les hommes donne son consentement, est nécessairement vrai.

En effet si le consentement des nations était de quelque force, il prouverait plus pour l'existence de plusieurs fausses divinités, que pour celle du vrai Dieu. Il est clair que les Payens considéraient la nature divine comme une espèce qui a sous soi un grand nombre d'individus, dont les uns étaient mâles et les autres femelles, et que les peuples étaient imbus de cette opinion ridicule. S'il fallait donc reconnaître le consentement général des nations pour une preuve de vérité, il faudrait rejeter l'unité de Dieu ; et embrasser le polythéisme.

Pour répondre à la première objection de M. Bayle (voyez l'article ATHEISME), on y prouve qu'il n'y a jamais eu de nations athées. Les hommes, dès qu'ils sont hommes, c'est-à-dire capables de société et de raisonnement, reconnaissent un Dieu. Quand même j'accorderais ce que je ne crois pas vrai, que l'athéisme se serait glissé parmi quelques peuples barbares et féroces, cela ne tirerait point à conséquence ; leur athéisme aurait été tout au plus négatif ; ils n'auraient ignoré Dieu, que parce qu'ils n'auraient pas exercé leur raison. Il faut donc les mettre au rang des enfants qui vivent sans réflexion, et qui ne paraissent capables que des actions animales ; et comme l'on ne doit point conclure qu'il n'est pas naturel à l'homme de se garantir des injures de l'air, parce qu'il y a des sauvages qui ne s'en mettent point en peine, on ne doit pas inférer aussi que parce qu'il y a des gens stupides et abrutis, qui ne tirent aucune conséquence de ce qu'ils voient, il n'est pas naturel à l'homme de connaître la sagesse d'un Dieu qui agit dans l'univers.

On peut renverser avec une égale facilité la seconde objection de M. Bayle. Il n'est pas si mal-aisé qu'il le suppose, de discerner si l'idée que nous avons de Dieu vient seulement de l'éducation et non pas de la nature. Voici les marques à quoi l'on peut le reconnaître. Les principes de l'éducation varient sans-cesse ; la succession des temps, la révolution des affaires, les divers intérêts des peuples, le mélange des nations, les différentes inclinations des hommes, changent l'éducation, donnent cours à d'autres maximes, et établissent d'autres règles d'honneur et de bienséance. Mais la nature est semblable dans tous les hommes qui sont et qui ont été : ils sentent le plaisir, ils désirent l'estime, ils s'aiment eux-mêmes aujourd'hui comme autrefois. Si donc nous trouvons que ce sentiment qu'il y a un Dieu s'est conservé parmi tous les changements de la société, qu'en pouvons-nous conclure, sinon que ce sentiment ne vient pas de la simple éducation, mais qu'il est fondé sur quelque liaison naturelle qui est entre cette première vérité et notre entendement ? Donc ce principe qu'il y a un Dieu est une impression de la nature.

D'où je conclus que ce n'est point l'ouvrage de la politique, toujours changeante et mobîle au gré des différentes passions des hommes. Il n'est point vrai, quoi qu'en dise M. Bayle, que le magistrat législateur soit le premier instituteur de la religion. Pour s'en convaincre il ne faut que jeter les yeux sur l'antiquité grecque et romaine, et même barbare ; on y verra que jamais aucun législateur n'a entrepris de policer une nation, quelque barbare ou féroce qu'elle fût, qu'il n'y ait trouvé une religion : au contraire l'on voit que tous les législateurs, depuis celui des Thraces jusqu'à ceux des Amériquains, s'adressèrent aux hordes sauvages qui composaient ces nations, comme leur parlant de la part des dieux qu'elles adoraient.

Nous voici enfin à la troisième objection, qui parait à M. Bayle la plus forte et la plus solide des trois. La première raison qu'il apporte pour ôter au consentement général des nations tout son poids en fait de preuve, est des plus subtiles. Son argument se réduit à cet enthymème. Le fond de notre âme est gâté et corrompu : donc un sentiment que nous inspire la nature, doit pour le moins nous paraitre suspect. Je n'aurais jamais cru que nous dû.sions nous prémunir contre l'illusion, quand il est question de croire qu'il y a un Dieu. Distinguons en nous deux sentiments, dont l'un nous trompe toujours et l'autre ne nous trompe jamais. L'un est le sentiment de l'homme qui pense et qui suit la raison, et l'autre est le sentiment de l'homme de cupidité et de passions : celui-ci trompe la raison, parce qu'il précède toutes les réflexions de l'esprit ; mais l'autre ne la trompe jamais, puisque c'est des plus pures lumières de la raison qu'il tire sa naissance. Cela posé, venons à l'argument du polythéisme qui aurait été autorisé si le consentement des nations était toujours marqué au sceau de la vérité. Je n'en éluderai point la force en disant que le polythéisme n'a jamais été universel, que le peuple juif n'en a point été infecté, que tous les Philosophes étaient persuadés de l'existence d'un seul Dieu, aussi-bien que ceux qui étaient initiés aux grands mystères. J'accorde à M. Bayle que le polythéisme a dominé tous les esprits, à quelques philosophes près ; mais je soutiens que le sentiment que nous avons de l'existence de Dieu, n'est point une erreur universelle, et voici sur quoi je me fonde. Il y a deux sortes de causes dans nos erreurs ; les unes extérieures, et les autres intérieures. Je mets au premier rang l'exemple, l'éducation, les mauvais raisonnements, et les sophismes du discours. Les causes intérieures de nos erreurs et de nos préjugés se réduisent à trois, qui sont les sens, l'imagination, et les passions du cœur. Si nous examinons les causes extérieures de nos erreurs, nous trouverons qu'elles dépendent des circonstances, des temps, des lieux, et qu'ainsi elles varient perpétuellement. Qu'on considère toutes les erreurs qui règnent, et toutes celles qui ont regné parmi les peuples, l'on trouvera que l'exemple, l'éducation, les sophismes du discours, ou les fausses couleurs de l'éloquence, ont produit des erreurs particulières, mais non pas des erreurs générales. On peut tromper quelques hommes, ou les tromper tous dans certains lieux et en certains temps, mais non pas tous les hommes dans tous les lieux et dans tous les siècles : or puisque l'existence de Dieu a rempli tous les temps et tous les lieux, elle n'a point sa source dans les causes extérieures de nos erreurs. Pour les causes intérieures de nos erreurs, comme elles se trouvent dans tous les hommes du monde, et que chacun a des sens, une imagination et un cœur qui sont capables de le tromper, quoique cela n'arrive que par accident, et par le mauvais usage que nous en faisons, elles peuvent faire naître des erreurs constantes et universelles.

Ces observations conduisent au dénouement de la difficulté qu'on tire du polythéisme. On conçoit aisément que le polythéisme a pu devenir une erreur universelle, et que par conséquent ce consentement unanime des nations ne prouve rien par rapport à lui ; il n'en faut chercher la source que dans les trois causes intérieures de nos erreurs. Pour contenter les sens, les hommes se firent des dieux visibles et revêtus d'une forme humaine. Il fallait bien que ces êtres-là fussent faits comme des hommes : quelle autre figure eussent-ils pu avoir ? Du moment qu'ils sont de figure humaine, l'imagination leur attribue naturellement tout ce qui est humain : les voilà hommes en toutes manières, à cela près qu'ils sont toujours un peu plus puissants que des hommes. Lisez l'origine des fables de M. de Fontenelle, vous y verrez comment l'imagination, de concert avec les passions, a enfanté les dieux et les déesses, et les a souillés de toutes sortes de crimes.

L'existence de Dieu étant une de ces premières vérités qui s'emparent avec force de tout esprit qui pense et qui réfléchit, il semble que les gros volumes qu'on fait pour la prouver, sont inutiles, et en quelque sorte injurieux aux hommes ; du moins cela devrait être ainsi. Mais enfin, puisque l'impiété produit tous les jours des ouvrages pour détruire cette vérité, ou du moins pour y répandre des nuages, ceux qui sont bien intentionnés pour la religion, doivent employer toute la sagacité de leur esprit pour la soutenir contre toutes les attaques de l'irreligion.

Pour contenter tous les gouts, je joindrai ici des preuves métaphysiques, historiques et physiques de l'existence de Dieu. M. Clarke, par les mains de qui les matières les plus obscures, les plus abstruses, ne peuvent passer sans acquérir de l'évidence et de l'ordre, nous fournira les preuves métaphysiques. M. Jaquelot, l'homme du monde qui a réuni le plus de savoir et de raisonnement, et qui a le mieux fondu ensemble la philosophie et la critique, nous fournira les preuves historiques. Nous puiserons dans l'ingénieux Fontenelle les preuves physiques, mais parées de tous les ornements que l'esprit peut prêter à un fond si sec et si aride de lui-même.

Arguments métaphysiques. Les raisonnements que met en œuvre M. Clarke, sont un tissu serré, une chaîne suivie de propositions liées étroitement, et nécessairement dépendantes les unes des autres, par lesquelles il démontre la certitude de l'existence de Dieu, et dont il déduit ensuite l'un après l'autre les attributs essentiels de sa nature, que notre raison bornée est capable de découvrir.

Première proposition. Que quelque chose a existé de toute éternité. Cette proposition est évidente ; car puisque quelque chose existe aujourd'hui il est clair que quelque chose a toujours existé.

Seconde proposition. Qu'un être indépendant et immuable a existé de toute éternité. En effet, si quelqu'être a nécessairement existé de toute éternité, il faut ou que cet être soit immuable et indépendant, ou qu'il y ait eu une succession infinie d'êtres dépendants et sujets au changement, qui se soient produits les uns les autres dans un progrès à l'infini, sans avoir eu aucune cause originale de leur existence. Mais cette dernière supposition est absurde, car cette gradation à l'infini est impossible et visiblement contradictoire. Si on envisage ce progrès à l'infini comme une chaîne infinie d'êtres dépendants qui tiennent les uns aux autres, il est évident que tout cet assemblage d'êtres ne saurait avoir aucune cause externe de son existence, puisqu'on suppose que tous les êtres qui sont et qui ont été dans l'univers, y entrent. Il est évident, d'un autre côté, qu'il ne peut avoir aucune cause interne de son existence, parce que dans cette chaîne infinie d'êtres il n'y en a aucun qui ne dépende de celui qui le précède. Or si aucune des parties n'existe nécessairement, il est clair que tout ne peut exister nécessairement, la nécessité absolue d'exister n'étant pas une chose extérieure, relative et accidentelle de l'être qui existe nécessairement. Une succession infinie d'êtres dépendants, sans cause originale et indépendante, est donc la chose du monde la plus impossible.

Traisième proposition. Que cet être immuable et indépendant, qui a existé de toute éternité, existe aussi par lui-même ; car tout ce qui existe, ou est sorti du néant, sans avoir été produit par aucune cause que ce soit ; ou il a été produit par quelque cause extérieure, ou il existe par lui-même. Or il y a une contradiction formelle à dire qu'une chose est sortie du néant, sans avoir été produite par aucune cause. De plus, il n'est pas possible que tout ce qui existe ait été produit par des causes externes, comme nous venons de le prouver : donc etc.

De cette troisième proposition je conclus, 1°. qu'on ne peut nier, sans une contradiction manifeste, l'existence d'un être qui existe nécessairement et par lui-même ; la nécessité en vertu de laquelle il existe étant absolue, essentielle et naturelle, on ne peut pas plus nier son existence, que la relation d'égalité entre ces deux nombres, deux fois deux est quatre, que la rondeur du cercle, que les trois côtés d'un triangle.

La seconde conséquence que je tire de ce principe, est que le monde matériel ne peut pas être cet être premier, original, incréé, indépendant et éternel par lui-même ; car il a été démontré que tout être qui a existé de toute éternité, qui est indépendant, et qui n'a point de cause externe, doit avoir existé par soi-même, doit nécessairement exister en vertu d'une nécessité naturelle et essentielle. Or de tout cela il suit évidemment que le monde matériel ne peut être indépendant et éternel par lui-même, à moins qu'il n'existe nécessairement et d'une nécessité si absolue et si naturelle, que la supposition même qu'il n'existe pas soit une contradiction formelle ; car la nécessité absolue d'exister, et la possibilité de n'exister pas, étant des idées contradictoires, il est évident que le monde matériel n'existe pas nécessairement, si je puis sans contradiction concevoir ou qu'il pourrait ne pas être, ou qu'il pourrait être tout autre qu'il n'est aujourd'hui. Or rien n'est plus facîle à concevoir ; car soit que je considère la forme de l'univers avec la disposition et le mouvement de ses parties, soit que je fasse attention à la matière dont il est composé, je n'y vois rien que d'arbitraire : j'y trouve à la vérité une nécessité de convenance, je vois qu'il fallait que ses parties fussent arrangées ; mais je ne vois pas la moindre apparence à cette nécessité de nature et d'essence pour laquelle les Athées combattent. Voyez ATHEISME et CREATION.

Quatrième proposition. Que l'être qui existe par lui-même, doit être infini et présent par-tout. L'idée de l'infinité ou de l'immensité, aussi-bien que celle de l'éternité, est si étroitement liée avec l'idée de l'existence par soi-même, que qui pose l'une, pose nécessairement l'autre : en effet, exister par soi-même, c'est exister en vertu d'une nécessité absolue, essentielle et naturelle. Or cette nécessité étant à tous égards absolue, et ne dépendant d'aucune cause intérieure, il est évident qu'elle est d'une manière inaltérable la même par-tout, aussi-bien que toujours ; par conséquent tout ce qui existe en vertu d'une nécessité absolue en elle-même, doit nécessairement être infini aussi-bien qu'éternel. C'est une contradiction manifeste que de supposer qu'un être fini puisse exister par lui-même. Si sans contradiction je puis concevoir un être absent d'un lieu, je puis sans contradiction le concevoir absent d'un autre lieu, et puis d'un autre lieu, et enfin de tout lieu ; ainsi quelque nécessité d'exister qu'il ait, il doit l'avoir reçue de quelque cause extérieure : il ne saurait l'avoir tirée de son propre fonds, et par conséquent il n'existe point par lui-même.

De ce principe avoué par la raison, je conclus que l'être existant par lui-même doit être un être simple, immuable et incorruptible, sans parties, sans figure, sans mouvement et sans divisibilité ; et pour tout dire en un mot, un être en qui ne se rencontre aucune des propriétés de la matière : car toutes les propriétés de la matière nous donnent nécessairement l'idée de quelque chose de fini.

Cinquième proposition. Que l'être existant par lui-même, doit nécessairement être unique. L'unité de l'être suprême est une conséquence naturelle de son existence nécessaire ; car la nécessité absolue est simple et uniforme, elle ne reconnait ni différence ni variété, quelle qu'elle soit ; et toute différence ou variété d'existence procede nécessairement de quelque cause extérieure de qui elle dépend. Or il y a une contradiction manifeste à supposer deux ou plusieurs natures différentes, existantes par elles-mêmes nécessairement et indépendamment ; car chacune de ces natures étant indépendante de l'autre, on peut fort bien supposer que chacune d'elles existe toute seule, et il n'y aura point de contradiction à imaginer que l'autre n'existe pas ; d'où il s'ensuit que ni l'une ni l'autre n'existera nécessairement. Il n'y a donc que l'essence simple et unique de l'être existant par lui-même, qui existe nécessairement.

Sixième proposition. Que l'être existant par lui-même, est un être intelligent. C'est sur cette proposition que roule le fort de la dispute entre les Athées et nous. J'avoue qu'il n'est pas possible de démontrer d'une manière directe à priori, que l'être existant par lui-même est intelligent et réellement actif ; la raison en est que nous ignorons en quoi l'intelligence consiste, et que nous ne pouvons pas voir qu'il y ait entre l'existence par soi-même et l'intelligence, la même connexion immédiate et nécessaire, qui se trouve entre cette même existence et l'éternité, l'unité, l'infinité, etc. mais, à posteriori, il n'y a rien dans ce vaste univers qui ne nous démontre cette grande vérité, et qui ne nous fournisse des arguments incontestables, qui prouvent que le monde et tout ce qu'il contient, est l'effet d'une cause souverainement intelligente et souverainement sage.

1°. L'être existant par lui-même étant la cause et l'original de toutes choses, doit posséder dans le plus haut degré d'éminence toutes les perfections de tous les êtres. Il est impossible que l'effet soit revêtu d'aucune perfection qui ne se trouve aussi dans la cause : s'il était possible que cela fût, il faudrait dire que cette perfection n'aurait été produite par rien, ce qui est absurde.

2°. La beauté, la variété, l'ordre et la symétrie qui éclatent dans l'univers, et surtout la justesse merveilleuse avec laquelle chaque chose se rapporte à sa fin, prouvent l'intelligence d'un premier être. Les moindres plantes et les plus vils animaux sont produits par leurs semblables, il n'y a point en eux de génération équivoque. Ni le soleil, ni la terre, ni l'eau, ni toutes les puissances de la nature unies ensemble, ne sont pas capables de produire un seul être vivant, non pas même d'une vie végétale ; et à l'occasion de cette importante observation je remarquerai ici en passant qu'en matière même de religion la philosophie naturelle et expérimentale est quelquefois d'un très-grand avantage.

Or les choses étant telles, il faut que l'athée le plus opiniâtre demeure d'accord, malgré qu'il en ait, ou que l'organisation des plantes et des animaux est dans son origine l'ouvrage d'un être intelligent, qui les a créés dans le temps ; ou qu'ayant été de toute éternité construits et arrangés comme nous les voyons aujourd'hui, ils sont une production éternelle d'une cause éternelle et intelligente, qui déploie sans relâche sa puissance et sa sagesse infinie ; ou enfin qu'ils naissent les uns des autres de toute éternité, dans un progrès à l'infini de causes dépendantes, sans cause originale existante par elle-même. La première de ces assertions est précisément ce que nous cherchons ; la seconde revient au fond à la même chose, et n'est d'aucune ressource pour l'athée ; et la troisième est absurde, impossible, contradictoire, comme il a été démontré dans la seconde proposition générale. Voyez CREATION.

Septième proposition. Que l'être existant par lui-même doit être un agent libre ; car si la cause suprême est sans liberté et sans choix, il est impossible qu'aucune chose existe ; il n'y aura pas jusqu'aux manières d'être et aux circonstances de l'existence des choses, qui n'aient dû être à tous égards précisément ce qu'elles sont aujourd'hui. Or toutes ces conséquences étant évidemment fausses et absurdes, je dis que la cause suprême, bien loin d'être un agent nécessaire, est un être libre et qui agit par choix.

D'ailleurs si la cause suprême était un agent purement nécessaire, il serait impossible qu'aucun effet de cette cause fût une chose finie ; car un être qui agit nécessairement, n'est pas maître de ses actions pour les gouverner ou les désigner comme il lui plait : il faut de toute nécessité qu'il fasse tout ce que sa nature est capable de faire. Or il est clair que chaque production d'une cause infinie, toujours uniforme, et qui agit par une impétuosité aveugle, doit de toute nécessité être immense et infinie ; une telle cause ne peut suspendre son action, il faut qu'elle agisse dans toute son étendue. Il n'y aurait donc point de créature dans l'univers qui put être finie, ce qui est de la dernière absurdité, et contraire à l'expérience.

Enfin le choix que la cause suprême a fait parmi tous les mondes possibles, du monde que nous voyons, est une preuve de sa liberté ; car ayant donné l'actualité à une suite de choses qui ne contribuait en rien par sa propre force à son existence, il n'y a point de raison qui dû. l'empêcher de donner l'existence aux autres suites possibles, qui étaient toutes dans le même cas, quant à la possibilité. Elle a donc choisi la suite des choses qui composent cet univers, pour la rendre actuelle, parce qu'elle lui plaisait le plus. L'être nécessaire est donc un être libre ; car agir suivant les lois de sa volonté, c'est être libre. Voyez LIBERTE, OPTIMISME, etc.

Huitième proposition. Que l'être existant par lui-même, la cause suprême de toutes choses, possède une puissance infinie. Cette proposition est évidente et incontestable ; car puisqu'il n'y a que Dieu seul qui existe par soi-même, puisque tout ce qui existe dans l'univers a été fait par lui, et puis enfin que tout ce qu'il y a de puissance dans le monde vient de lui, et lui est parfaitement soumise et subordonnée, qui ne voit qu'il n'y a rien qui puisse s'opposer à l'exécution de sa volonté ?

Neuvième proposition. Que la cause suprême et l'auteur de toutes choses doit être infiniment sage. Cette proposition est une suite naturelle et évidente des propositions précèdentes ; car n'est-il pas de la dernière évidence qu'un être qui est infini, présent partout, et souverainement intelligent, doit parfaitement connaître toutes choses ? Revêtu d'ailleurs d'une puissance infinie, qui est-ce qui peut s'opposer à sa volonté, ou l'empêcher de faire ce qu'il connait être le meilleur et le plus sage ?

Il suit donc évidemment de ces principes, que l'être suprême doit toujours faire ce qu'il connait être le meilleur, c'est-à-dire qu'il doit toujours agir conformément aux règles les plus sévères de la bonté, de la vérité, de la justice, et des autres perfections morales. Cela n'entraîne point une nécessité prise dans le sens des Fatalistes, une nécessité aveugle et absolue, mais une nécessité morale, compatible avec la liberté la plus parfaite. Voyez les articles MANICHEISME et PROVIDENCE.

Argument historique. Moyse dit qu'au commencement Dieu créa le ciel et la terre ; il marque avec précision l'époque de la naissance de l'univers ; il nous apprend le nom du premier homme ; il parcourt les siècles depuis ce premier moment jusqu'au temps où il écrivait, passant de génération en génération, et marquant le temps de la naissance et de la mort des hommes qui servent à sa chronologie. Si on prouve que le monde ait existé avant le temps marqué dans cette chronologie, on a raison de rejeter cette histoire ; mais si on n'a point d'argument pour attribuer au monde une existence plus ancienne, c'est agir contre le bon sens que de ne la pas recevoir.

Quand on fait réflexion que Moyse ne donne au monde qu'environ 2410 ans, selon l'hébreu, ou 3943 ans, selon le grec, à compter du temps où il écrivait, il y aurait sujet de s'étonner qu'il ait si peu étendu la durée du monde, s'il n'eut été persuadé de cette vérité par des monuments invincibles.

Ce n'est pas encore tout : Moyse nous marque un temps dans son histoire, auquel tous les hommes parlaient un même langage. Si avant ce temps-là on trouve dans le monde des nations, des inscriptions de différentes langues, la supposition de Moyse tombe d'elle-même. Depuis Moyse, en remontant à la confusion des langues, il n'y a dans l'hébreu que six siècles ou environ, et onze, selon les Grecs : ce ne doit plus être une antiquité absolument inconnue. Il ne s'agit plus que de savoir si en traversant douze siècles tout au plus, on peut trouver en quelque lieu de la terre un langage usité entre les hommes, différent de la langue primitive usitée, à ce qu'on prétend, parmi les habitants de l'Asie. Examinons les histoires, les monuments, les archives du monde : renversent-elles le système et la chronologie de Moyse, ou tout concourt-il à en affermir la vérité ? dans le premier cas, Moyse est un imposteur également grossier et odieux ; dans l'autre, son récit est incontestable : et par conséquent il y a un Dieu, puisqu'il y a un être créateur. Or durant cette longue durée de siècles qui se sont écoulés avant nous, il y a eu des auteurs sans nombre qui ont traité des fondations des empires et des villes, qui ont écrit des histoires générales, ou les histoires particulières des peuples ; celles même des Assyriens et des Egyptiens, les deux nations, comme l'on sait, les plus anciennes du monde ; cependant avec tous ces secours dépositaires de la plus longue tradition, avec mille autres que je ne rapporte point, jamais on n'a pu remonter au-delà des guerres de Thebes et de Troie, jamais on n'a pu fermer la bouche aux philosophes qui soutenaient la nouveauté du monde.

Avant le législateur des Juifs, il ne parait dans ce monde aucun vestige des sciences, aucune ombre des arts. La Sculpture et la Peinture n'arrivèrent que par degrés à la perfection où elles montèrent : l'une au temps de Phidias, de Polyclete, de Lysippe, de Miron, de Praxitèle et de Scopas ; l'autre, par les travaux de Nicomachus, de Protogène, d'Apelles, de Zeuxis et d'Aristide. La Philosophie ne commença à faire des recherches qu'à la trente-cinquième olympiade, où naquit Thales ; ce grand changement, époque d'une révolution dans les esprits, n'a pas une datte plus ancienne. L'Astronomie n'a fait chez les peuples qui l'ont le plus cultivée, que de très-foibles progrès, et elle n'était pas même si ancienne parmi leurs savants qu'ils osaient le dire. La preuve en est évidente. Quoiqu'en effet ils eussent découvert le zodiaque, quoiqu'ils l'eussent divisé en douze parties et en 360 degrés, ils ne s'étaient pas néanmoins aperçus du mouvement des étoiles d'occident en orient ; ils ne le soupçonnaient pas même, et ils les croyaient immuablement fixes. auraient-ils pu le penser, s'ils eussent eu quelques observations antiques ? Ils ont mis la constellation du bélier dans le zodiaque, précisément au point de l'équinoxe du printemps ; autre erreur. S'ils avaient eu des observations de 2202 ans seulement, n'auraient-ils pas dit que le taureau était au point de l'équinoxe ? Les lettres mêmes, je veux dire, l'art de l'écriture, quel peuple en a connu l'usage avant Moyse ? Tout ce que nous avons d'auteurs profanes s'accordent à dire que ce fut Cadmus qui apporta les lettres de Phénicie en Grèce ; et les Phéniciens, comme on le sait, étaient confondus avec les Assyriens et les Syriens, parmi lesquels on comprenait aussi les Hébreux. Quelle apparence donc que le monde eut eu plus de durée que Moyse ne lui en donne, et toutefois que la Grèce fût demeurée dans une si longue enfance, ne connaissant rien, ou ne perfectionnant rien de ce qui était trouvé dejà ? On voit les Grecs en moins de quatre cent ans, devenus habiles et profonds dans les arts et dans les sciences. Est-ce donc que les hommes de ces quatre heureux siècles avaient un esprit d'une autre espèce et d'une trempe plus heureuse que leurs ayeux ?

On pouvait dire à M. Jacquelot, de qui cet argument est tiré, qu'en se renfermant dans les connaissances et dans les inventions de la Grèce, il prenait la question du côté le plus avantageux à sa cause, et lui opposer l'ancienneté prodigieuse des empires d'Assyrie, d'Egypte, de la Chine même. Aussi prend-t-il soin de rechercher en habîle critique l'origine de ces nations, et de faire voir qu'elles n'ont (au moins ces deux premieres) que l'antiquité que leur donne Moyse. Ceux en effet qui accordent la plus longue durée à l'empire des Assyriens, ne l'étendent pas au-delà de 1700 ans. Justin l'a renfermée dans l'espace de treize siécles. Ctesias n'y ajoute que 60 années de plus ; d'autres ne lui donnent que 1500 ans. Eusebe la resserre en des bornes encore plus étroites ; et Georges Syncelle pense à-peu-près comme Ctesias. C'est-à-dire qu'à prendre le calcul le moins sevère, les Assyriens n'auront commencé que deux mille cinq ou six cent ans avant J. C. et environ cinq ou six siècles avant la première connaissance que l'histoire nous donne de la Grèce.

A l'égard de l'Egypte, qui croira, dans la supposition qu'elle fut aussi ancienne qu'elle se vantait de l'être, que Moyse n'en eut pas accommodé l'histoire avec la chronologie du monde, et qu'il eut exposé la fausseté de ses dates à la dérision d'un peuple si connu de lui, si habile, si voisin ? Cependant il le fait descendre d'une race maudite de Dieu ; et en le disant, il ne craint point d'être repris. Il est constant, d'ailleurs, qu'il n'y a guère eu de peuple plus célèbre que les Egyptiens dans les annales profanes. La seule ville d'Alexandrie, devenue comme le rendez-vous des grands talents, renfermait dans ses murs, et surtout depuis l'établissement du Christianisme, des savants de toutes les parties de l'univers, de toutes les religions et de toutes les sectes ; des Juifs, des Chrétiens, et des Philosophes. On ne peut vraisemblablement douter qu'il n'y eut souvent des disputes entr'eux ; car où il y a des savants, il y a bientôt des contestations, et la vérité elle-même y est toujours combattue avec ces armes que l'esprit humain ne sait que trop bien employer dans les matières de doctrine. Or ici tout roulait sur des faits : tout dépendait de savoir si l'univers, ainsi que Moyse l'avait dit, n'avait que six mille ans tout au plus ; si quatre siècles avant lui, ce même monde avait été noyé dans les eaux d'un déluge qui n'avait épargné qu'une famille, et s'il était vrai que trois mille ans auparavant, il n'y eut eu sur la terre qu'un seul et unique langage. Qu'y avait-il de plus facîle à éclaircir ? On était sur le lieu même. On pouvait aisément examiner les temples, les sepulchres, les pyramides, les obélisques, les ruines de Thebes, et visiter ces fameuses colonnes Sciriadiques ; ou, comme les appelle Ammian Marcellin, ces syringues souterraines, où l'on avait gravé les mystères sacrés. On avait sous la main les annales des prêtres ; et enfin on pouvait consulter les histoires, qui alors étaient nombreuses. Toutefais au milieu de tant de ressources contre l'erreur, ces faits posés avec tant de confiance dans les livres de Moyse, ne trouvaient point de contradicteurs ; et l'on défie la critique qui ose tant d'oser les nommer.

Le seul Manethon, qui vivait sous Ptolémée Philadelphe, mit au jour une histoire chronologique de l'Egypte depuis sa première origine, jusqu'à la fuite de Nectanebo en Ethiopie, environ la 117 olympiade. Mais quelle histoire ! et qui pouvait s'y laisser tromper ? Elle fait régner en Egypte six dieux, dix héros ou demi- dieux, durant trente-un ou trente-deux mille ans ; ensuite elle fait paraitre le roi Ménès, et compose la liste de ses successeurs de trois cent quarante monarques, dont la durée totale est d'environ trois mille ans. De grands hommes ont essayé dans tous les temps de mettre quelqu'ordre dans la confusion de ce cahos, et de débrouiller ce monstrueux entassement de dynasties de dieux, de heros, et de princes ; mais ce que l'étude la plus opiniâtre a fait d'efforts, n'a servi qu'à en montrer l'impuissance, et le jour n'a pu percer encore de si épaisses ténèbres. Ces dynasties sont-elles successives, sont-elles collatérales ? On ne sait. Les années Egyptiennes n'étaient-elles que d'un mois ou de deux, comme quelques-uns l'ont prétendu ? étaient-elles de quatre, et se réglaient-elles par les saisons, comme d'autres le soutiennent ? Question impossible à terminer par les témoignages anciens ; ils se contrarient trop sur cet article. Nos modernes eux-mêmes sont encore moins unanimes ; et malgré les travaux de Scaliger, du père Petau, du chevalier Marsham, du père Pezron, et des autres, cette chronologie de Manethon est demeurée un labyrinthe, dont il faut pour jamais désespérer de sortir.

Il y a un peuple encore subsistant, ce sont les Chinois, qui semble donner au monde une plus grande ancienneté que nos Ecritures ne lui en donnent. Depuis que ces régions nous sont plus connues, on en a publié les annales historiques, et elles font remonter l'origine de cet empire à-peu-près 3 mille ans au-delà de la naissance de J. C. Nouvelle difficulté souvent saisie par les incrédules contre la chronologie de Moyse. Afin de détruire ce prétexte, M. Jacquelot fait diverses remarques toutes importantes et solides, sur l'incertitude de l'histoire Chinoise. Mais pour trancher, il soutient que même en lui accordant ses calculs, ils ne nuiraient point à la vérité des nôtres. Rien n'oblige en effet à préférer la supputation de l'Hébreu à celle des septante. Or, dans celle-ci, l'ancienneté de l'univers est plus grande que dans l'autre. Donc, puisqu'il ne faudrait pour concilier les dates des Chinois avec les nôtres, que cinq siècles de plus que n'en porte le texte hébreu, et que ces cinq siècles sont remplacés, et au delà, dans la traduction des septante, la difficulté est levée ; et il est clair que l'empire de la Chine est postérieur au déluge. Voyez CHRONOLOGIE.

Objection. Suivant les abrégés latins des annales maintenant suivies à la Chine, les temps même historiques de cet empire commencent avec le règne de Hoamti 2697 ans avant J. C. et cette époque, qui dans la chronologie du texte hébreu, est antérieure au déluge de plus d'un siècle, ne se trouve dans le calcul des septante, postérieure que de 200 ans, à la dispersion des peuples et à la naissance de Phaleg. Or ces 200 ans, qui d'abord semblent un assez grand fond et une ressource capable de tout concilier, se trouvent à peine suffisans pour conduire les fondateurs de la colonie Chinoise et leurs troupeaux, depuis les plaines de Sennaar, jusqu'aux extrémités orientales de l'Asie ; et encore par quels chemin ? à travers des solitudes affreuses et des climats devenus presqu'inaccessibles, après les ravages de l'inondation générale.

M. Freret, un des plus savants hommes de nos jours, et des plus versés dans la connaissance des temps, a senti toute la force de cette objection, et se l'est faite. Il a bien vu, que pour la résoudre, il était nécessaire de percer plus qu'on ne l'avait fait encore dans les ténèbres de la chronologie Chinoise. Il a eu le courage d'y entrer, et nous lui avons l'obligation d'y avoir jeté du jour par ses doctes recherches. Il est prouvé maintenant, du moins autant qu'il est possible, que cette immense durée que les Chinois modernes assignent aux temps fabuleux de leur histoire, n'est que le résultat des périodes astronomiques inventées pour donner la conjonction des planètes dans certaines constellations. A l'égard des temps historiques, il est prouvé de même que les règnes d'Iao et de Chum, les deux fondateurs de la monarchie Chinoise, ont fini seulement 1991 ans avant l'ère chrétienne ; que ces deux règnes ne font au plus que 156 ans, qu'ils ne peuvent par conséquent avoir commencé que vers l'an du monde 2147, plusieurs années après la vocation d'Abraham, et du temps même de l'expédition des Elamites dans le pays de Chanaan, c'est-à-dire bien après les établissements des empires d'Egypte et de Chaldée. Voilà donc la naissance des plus anciens peuples du monde ramenée et réduite à sa juste époque, l'histoire de Moyse confirmée, le fait de la création évidemment établi, et par cela même l'existence de l'Etre suprême invinciblement démontrée.

Argument physique. Les animaux ne se perpétuent que par la voie de la génération ; mais il faut nécessairement que les deux premiers de chaque espèce aient été produits ou par la rencontre fortuite des parties de la matière, ou par la volonté d'un être intelligent qui dispose la matière selon ses desseins.

Si la rencontre fortuite des parties de la matière a produit les premiers animaux, je demande pourquoi elle n'en produit plus ; et ce n'est que sur ce point que roule tout mon raisonnement. On ne trouvera pas d'abord grande difficulté à répondre, que lorsque la terre se forma, comme elle était remplie d'atomes vifs et agissants, impregnée de la même matière subtîle dont les astres venaient d'être formés, en un mot, jeune et vigoureuse, elle put être assez féconde pour pousser hors d'elle-même toutes les différentes espèces d'animaux, et qu'après cette première production qui dépendait de tant de rencontres heureuses et singulières, sa fécondité a bien pu se perdre et s'épuiser ; que par exemple on voit tous les jours quelques marais nouvellement desséchés, qui ont toute une autre force pour produire que 50 ans après qu'ils ont été labourés. Mais je prétends que quand la terre, selon ce qu'on suppose, a produit les animaux, elle a dû être dans le même état où elle est présentement. Il est certain que la terre n'a pu produire les animaux que quand elle a été en état de les nourrir ; ou du moins il est certain que ceux qui ont été la première tige des espèces n'ont été produits par la terre, que dans un temps où ils ont pu aussi bien être nourris. Or, afin que la terre nourrisse les animaux, il faut qu'elle leur fournisse beaucoup d'herbes différentes ; il faut qu'elle leur fournisse des eaux douces qu'ils puissent boire ; il faut même que l'air ait un certain degré de fluidité et de chaleur pour les animaux, dont la vie a des rapports assez connus à toutes ces qualités.

Du moment que l'on me donne la terre couverte de toutes les espèces d'herbes nécessaires pour la subsistance des animaux, arrosée de fontaines et de rivières propres à étancher leur soif, environnée d'un air respirable pour eux ; on me la donne dans l'état où nous la voyons ; car ces trois choses seulement en entraînent une infinité d'autres, avec lesquelles elles ont des liaisons et des enchainements. Un brin d'herbe ne peut croitre qu'il ne soit de concert, pour ainsi dire, avec le reste de la nature. Il faut de certains sucs dans la terre ; un certain mouvement dans ces sucs, ni trop fort, ni trop lent ; un certain soleil pour imprimer ce mouvement ; un certain milieu par où ce soleil agisse. Voyez combien de rapports, quoiqu'on ne les marque pas tous. L'air n'a pu avoir les qualités dont il contribue à la vie des animaux, qu'il n'ait eu à-peu-près en lui le même mélange et de matières subtiles, et de vapeurs grossières ; et que ce qui cause sa pesanteur, qualité aussi nécessaire qu'aucune autre par rapport aux animaux, et nécessaire dans un certain degré, n'ait eu la même action. Il est clair que cela nous menerait encore loin, d'égalité en égalité : surtout les fontaines et les rivières dont les animaux n'ont pu se passer, n'ayant certainement d'autre origine que les pluies, les animaux n'ont pu naître qu'après qu'il a tombé des pluies, c'est-à-dire un temps considérable après la formation de la terre, et par conséquent lorsqu'elle a été en état de consistance, et que ce cahos, à la faveur duquel on veut tirer les animaux du néant, a été entièrement fini.

Il est vrai que les marais nouvellement desséchés, produisent plus que quelque temps après qu'ils l'ont été ; mais enfin ils produisent toujours un peu, et il suffirait que la terre en fit autant ; d'ailleurs le plus de fécondité qui est dans les marais nouvellement desséchés, vient d'une plus grande quantité de sels qu'ils avaient amassés par les pluies ou par le mouvement de l'air, et qu'ils avaient conservés, tandis qu'on ne les employait à rien : mais la terre a toujours la même quantité de corpuscules ou d'atomes propres à former des animaux, et la fécondité, loin de se perdre, ne doit aucunement diminuer. De quoi se forme un animal ? d'une infinité de corpuscules qui étaient épars dans les herbes qu'il a mangées, dans les eaux qu'il a bues, dans l'air qu'il a respiré ; c'est un composé dont les parties sont venues se rassembler de mille endroits différents de notre monde ; ces atomes circulent sans-cesse, ils forment tantôt une plante, tantôt un animal ; et après avoir formé l'un, ils ne sont pas moins propres à former l'autre. Ce ne sont donc pas des atomes d'une nature particulière qui produisent les animaux ; ce n'est qu'une matière indifférente dont toutes choses se forment successivement, et dont il est très-clair que la quantité ne diminue point, puisqu'elle fournit toujours également à tout. Les atomes, dont on prétend que la rencontre fortuite produisit au commencement du monde les premiers animaux, sont contenus dans cette même matière, qui fait toutes les générations de notre monde ; car quand ces premiers animaux furent morts, les machines de leurs corps se dessassemblèrent, et se résolurent en parcelles, qui se dispersèrent dans la terre, dans les eaux et dans l'air ; ainsi nous avons encore aujourd'hui ces atomes précieux, dont se durent former tant de machines surprenantes ; nous les avons en la même quantité aussi propres que jamais à former de ces machines ; ils en forment encore tous les jours par la voie de la nourriture ; toutes choses sont dans le même état que quand ils vinrent à en former par une rencontre fortuite ; à quoi tient-il que par de pareilles rencontres ils n'en forment encore quelquefois ?

Tous les animaux, ceux même qu'on avait soupçonné venir ou de pourriture, ou de poussière humide et échauffée, ne viennent que de semences que l'on n'avait pas aperçues. On a découvert que les macreuses se forment d'œufs que cette espèce d'oiseaux fait dans les îles désertes du septentrion : et jamais il ne s'engendra de vers sur la viande, où les mouches n'ont pu laisser de leurs œufs. Il en est de même de tous les autres animaux que l'on croit qui naissent hors de la voie de la génération. Toutes les expériences modernes conspirent à nous désabuser de cette ancienne erreur ; et je me tiens sur que dans peu de temps, il n'y restera plus le moindre sujet de doute. Voyez CORRUPTION.

Mais en dû.-il rester, y eut-il des animaux qui vinssent hors de la voie de génération, le raisonnement que j'ai fait n'en deviendrait que plus fort. Ou ces animaux ne naissent jamais que par cette voie de rencontre fortuite ; ou ils naissent et par cette voie, et par celle de génération : s'ils naissent toujours par la voie de rencontre fortuite, pourquoi se trouve-t-il toujours dans la matière une disposition, qui ne les fait naître que de la même manière dont ils sont nés au commencement du monde ; et pourquoi, à l'egard de tous les autres animaux que l'on suppose qui soient nés d'abord de cette maniere-là, toutes les dispositions de la matière sont-elles si changées qu'ils ne naissent jamais que d'une manière différente ? S'ils naissent et par cette voie de rencontre fortuite, et par celle de génération, pourquoi toutes les autres espèces d'animaux n'ont-elles pas retenu cette double manière de naître ? Pourquoi celle qui était la plus naturelle, la seule conforme à la première origine des animaux, s'est-elle perdue dans presque toutes les espèces ?

Une autre réflexion qui fortifie la première, c'est qu'il n'eut pas suffi que la terre n'eut produit les animaux, que quand elle était dans une certaine disposition où elle n'est plus. Elle eut dû aussi ne les produire que dans un état où ils eussent pu se nourrir de ce qu'elle leur offrait ; elle eut dû. par exemple, ne produire le premier homme qu'à l'âge d'un an ou deux, où il eut pu satisfaire, quoiqu'avec peine, à ses besoins, et se secourir lui-même. Dans la faiblesse où nous voyons un enfant nouveau né, en vain on le mettrait au milieu de la prairie la mieux couverte d'herbes, auprès des meilleures eaux du monde, il est indubitable qu'il ne vivrait pas longtemps. Mais comment les lois du mouvement produiraient-elles d'abord un enfant à l'âge d'un an ou de deux ? Comment le produiraient-elles même dans l'état où il est présentement, lorsqu'il vient au monde. Nous voyons qu'elles n'amènent rien que par degrés, et qu'il n'y a point d'ouvrages de la nature qui, depuis les commencements les plus faibles et les plus éloignés, ne soient conduits lentement par une infinité de changements tous nécessaires jusqu'à leur dernière perfection. Il eut fallu que l'homme qui eut dû être formé par le concours aveugle de quelques parties de la matière, eut commencé par cet atome, où la vie ne se remarque qu'au mouvement presqu'insensible d'un point ; et je ne crois pas qu'il y ait d'imagination assez fausse pour concevoir d'où cet atome vivant, jeté au hasard sur la terre, aura pu tirer du sang ou du chyle tout formé, la seule nourriture qui lui convienne, ni comment il aura pu croitre, exposé à toutes les injures de l'air. Il y a là une difficulté qui deviendra toujours plus grande, plus elle sera approfondie, et plus ce sera un habîle physicien qui l'approfondira. La rencontre fortuite des atomes n'a donc pu produire les animaux ; il a fallu que ces ouvrages soient partis de la main d'un être intelligent, c'est-à-dire de Dieu même : les cieux et les astres sont des objets plus éclatants pour les yeux ; mais ils n'ont peut-être pas pour la raison, des marques plus sures de l'action de leur auteur. Les plus grands ouvrages ne sont pas toujours ceux qui parlent le plus de leur ouvrier. Que je voie une montagne applanie, je ne sais si cela s'est fait par l'ordre d'un prince ou par un tremblement de terre ; mais je serai assuré que c'est par l'ordre d'un prince, si je vois sur une petite colonne une inscription de deux lignes. Il me parait que ce sont les animaux qui portent, pour ainsi dire, l'inscription la plus nette, et qui nous apprennent le mieux qu'il y a un Dieu auteur de l'univers. Cette démonstration, dont on peut vanter avec raison la force et la solidité, est de M. de Fontenelle, comme nous l'avons déjà dit. Cet article est tiré des papiers de M. FORMEY.

DIEU EST MON DROIT, (Histoire moderne) c'est le mot ou la devise des armes d'Angleterre, que prit d'abord Richard premier ou Cœur-de-lion, qui vivait à la fin du XIIe siècle, ce qu'il fit pour marquer qu'il ne tenait son royaume d'aucun mortel à titre de vassal.

Edouard III. au XIVe siècle le prit ensuite quand il commença à faire valoir ses prétentions sur la couronne de France ; et les rois ses successeurs l'ont continué sans interruption jusqu'au temps du roi Guillaume III. prince d'Orange, qui fit usage de ce mot, je maintiendrai, quoiqu'il ordonnât qu'on se servit toujours du premier sur le grand sceau. La reine Anne en usa de même, quoiqu'elle eut pris pour sa devise particulière ces deux mots latins, semper eadem, toujours la même, à l'exemple de la reine Elizabeth. Voyez DEVISE. (G)

DIEUX, s. m. pl. (Mythologie) se dit des faux dieux des Gentils, qui tous étaient des créatures auxquelles on rendait les honneurs dû. à la divinité. Voyez DEESSE, IDOLE, etc.

Il faut remarquer que parmi les Grecs et les Latins, les peuples par le nom de Dieu, n'entendaient point un être très-parfait, dont l'éternité est un attribut essentiel. Ils appelaient dieux, tous les êtres qu'ils regardaient comme supérieurs à la nature humaine, ou qui pouvaient leur être de quelque utilité, ou même de la colere desquels ils avaient à craindre ; car les anciens, comme les modernes, ont presque toujours été conduits par l'intérêt propre, c'est-à-dire l'espérance du bien et la crainte du mal. Les hommes mêmes, selon eux, pouvaient devenir des dieux après leur mort, parce que leur âme pouvait acquérir un degré d'excellence qu'ils n'avaient point eu pendant leur vie ; voyez APOTHEOSE et CONSECRATION. Mais qu'on ne croye pas que les sages comme Socrate, Platon, Cicéron, et les autres, parlassent toujours selon les idées du peuple : ils étaient cependant quelquefois obligés de s'y conformer, pour n'être pas accusés d'athéisme. C'était le prétendu crime que l'on imputait à ceux qui ne croyaient qu'un Dieu.

Les Poètes, suivant la remarque du P. le Bossu, étaient théologiens, et ces deux fonctions, quoique séparées aujourd'hui, étaient pour lors réunies dans la même personne. Voyez POESIE.

Ils personnifièrent les attributs divins, parce que la faiblesse de l'esprit humain ne saurait concevoir ni expliquer tant de puissance et tant d'action dans une substance aussi simple et aussi indivisible qu'est celle de Dieu.

C'est ainsi qu'ils ont représenté la toute-puissance de Dieu sous la personne et le nom de Jupiter ; sa sagesse sous celui de Minerve ; sa justice sous celui de Junon. Voyez ÉPOPEE, FABLE, etc.

Les premiers faux-dieux qu'on ait adoré sont les astres, le ciel, le soleil, la lune, à cause de la chaleur et de la lumière que les hommes en reçoivent. Voyez IDOLATRIE, ASTRONOMIE, ÉTOILE, SOLEIL, etc. ensuite la terre, qui fournit les fruits qui servent à la nourriture des hommes et des animaux : le feu aussi-bien que l'eau devinrent aussi l'objet du culte des hommes à cause des avantages qu'on en reçoit. Voyez EAU et FEU.

Dans la suite ces dieux se sont multipliés à l'infini par le caprice de leurs adorateurs, et il n'y a presqu'aucune chose qui n'ait été déifiée, sans en excepter celles qui sont inutiles ou nuisibles.

Pour autoriser le crime et justifier la débauche, on se fit des dieux criminels et débauchés ; des dieux injustes et violents ; des dieux avares et voleurs ; des dieux yvrognes, des dieux impudiques, des dieux cruels et sanguinaires.

Les principaux dieux que les Romains appelaient dii majorum gentium, et Cicéron dieux célestes, Varron dieux choisis, Ovide nobiles deos, d'autres consentes deos, étaient Jupiter, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane, Vénus, Mars, Mercure, Neptune, Vulcain, Apollon.

Jupiter était le dieu du ciel, Neptune le dieu de la mer, Mars le dieu de la guerre, Apollon celui de l'éloquence, de la Poésie, et de la Médecine ; Mercure celui des voleurs, Bacchus celui du vin, Cupidon celui de l'amour, etc.

On mettait aussi au rang des demi-dieux, qu'on appelait encore semi-dii, dii minorum gentium, indigetes, les héros et les hommes qu'on avait déifiés. Les grands dieux possédaient le ciel comme une chose qui leur appartenait de droit, et ceux-ci comme une récompense de la manière extraordinaire dont ils avaient vécu sur la terre. Voyez HEROS, OTHEOSEEOSE.

Il serait trop long de nommer ici tous les dieux du Paganisme : on en peut trouver le détail dans le dictionnaire de Trévoux, qui en rapporte la plus grande partie comme extraite du livre d'Isaac Vossius, intitulé, de origine et progressu idololatriae. Il n'y a point d'excès où les hommes ne se soient portés à cet égard : non contens d'avoir divinisé la vertu, ils avaient fait le même honneur au vice. Tout était dieu, dit Bossuet, excepté Dieu même.

On reconnaissait pour dieux la santé, la fiévre, la peur, l'amour, la douleur, l'indignation, la pudeur, l'impudence, la fureur, la joie, l'opinion, la renommée, la prudence, la science, l'art, la fidélité, la félicité, la calomnie, la liberté, la monnaie, la guerre, la paix, la victoire, le triomphe, etc.

Mais ce qui déshonore l'humanité, est de voir un dieu Sterculus, parce que le premier il avait enseigné à fumer les champs : la pâleur et la crainte, pallor et pavor, mis au rang des dieux, comme il y a eu les déesses Caca, Cloaima, et Muta ; et Lactance, en son liv. I. a eu raison de faire honte aux payens de ces ridicules divinités.

Enfin, la nature et le monde tout entier a passé pour un dieu. Voyez NATURE.

DIEU (l'ile), ou L'ISLE D'YEU, (Géographie moderne) cette petite île est sur la côte de Poitou.

DIEU-LE-FIT, (Géographie moderne) deux petites villes de la généralité de Grenoble, dans le Dauphiné, en France.