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Catégorie parente: Science de Dieu
Catégorie : Theologie
S. m. (Théologie) ce terme est formé de la préposition Grecque ἀντὶ, contra, et de χριστός, Christus. Il signifie en général un ennemi de Jesus-Christ, un homme qui nie que Jesus-Christ soit venu, et qu'il soit le Messie promis. C'est la notion qu'en donne l'apôtre S. Jean dans sa première épitre, c. IIe En ce sens on peut dire des Juifs et des infidèles que ce sont des antéchrists.

Par antéchrist on entend plus ordinairement un tyran impie et cruel à l'excès, qui doit régner sur la terre lorsque le monde touchera à sa fin. Les persécutions qu'il exercera contre les élus, seront la dernière et la plus terrible épreuve qu'ils auront à subir. Jesus-Christ même a prédit qu'ils y eussent succombé si le temps n'en eut été abrégé en leur faveur. C'est par ce fléau que Dieu annoncera le jugement dernier et la vengeance qu'il doit prendre des mécans.

L'Ecriture et les Peres parlent de l'antéchrist, comme d'un seul homme auquel à la vérité ils donnent un grand nombre de précurseurs. Suivant S. Irénée, S. Ambraise, S. Augustin, et presque tous les autres Peres, l'antéchrist doit être non un homme engendré par un démon, comme l'a prétendu S. Jerome, ni un démon revêtu d'une chair apparente et phantastique ; moins encore un démon incarné, comme l'ont imaginé d'autres, qui ont pensé que pour perdre les hommes le démon devait imiter tout ce que Jesus-Christ a fait pour les sauver ; mais un homme de la même nature, et conçu par la même voie que tous les autres, mais qui ne différera d'eux que par une malice et une impiété plus dignes d'un démon que d'un homme. Il en est qui croient qu'il doit naître d'un Juif et d'une Juive de la tribu de Dan ; qu'il déploiera tous ses artifices et sa cruauté contre l'Eglise et l'Evangîle ; s'élevera contre Dieu même, se fera bâtir un palais sur la montagne d'Apadno, rétablira la ville et le temple de Jerusalem, et là se fera adorer, publiant qu'il est le vrai Dieu et le Messie attendu des Juifs ; secondé par la puissance du démon, il étonnera et entraînera les peuples dans la séduction par des prestiges capables d'ébranler même les élus.

Sa naissance sera précédée de signes extraordinaires, tant au ciel que sur la terre. Son règne ne durera que trois ans et demi : mais il sera signalé par des cruautés inouies. Enoch et Elie viendront le combattre, et ce tyran les fera mettre à mort dans l'endroit même où Jesus-Christ fut crucifié. Leurs corps seront exposés dans les rues de Jérusalem, sans que personne ose en approcher, ni leur donner la sépulture : mais trois jours et demi après, l'esprit de vie envoyé de Dieu entrera dans ces cadavres, Elie et Enoch ressusciteront et seront enlevés au ciel dans une nuée. Enfin le Christ ne pouvant plus souffrir la perversité de son ennemi, le tuera du souffle de sa bouche, et le perdra par l'éclat de sa puissance.

Tel est le tableau que l'Ecriture et les Peres nous ont tracé de l'antéchrist. Il suffit d'y jeter les yeux pour sentir combien un grand nombre d'écrivains protestants se sont écartés de la vérité et du bon sens, en appliquant au pape et à l'église romaine tout ce que l'Ecriture, et surtout l'Apocalypse, dit de l'antéchrist. L'absurdité de cette idée n'a pas empêché que les Protestants du dernier siècle ne l'aient adoptée comme un article de foi. Dans leur XVII. synode national, tenu à Gap en 1603, ils affectèrent même de publier que Clément VIII. qui décéda quelque temps après, était mort de chagrin de cette décision : mais ce pontife, aussi-bien que le roi Henri IV. qu'ils avaient déclaré en plein synode race de l'antéchrist, n'opposèrent à leurs excès que la modération, le mépris, et le silence.

Quoique le savant Grotius et le docteur Hammond se fussent attachés à détruire ces rêveries, on a Ve sur la fin du siècle dernier Joseph Mede en Angleterre et le ministre Jurieu en Hollande, les présenter sous une nouvelle forme, qui ne les a pas accréditées davantage. Décriés dans leur propre secte, ces écrivains ont trouvé parmi les Catholiques des adversaires qui ont démontré tout le fanatisme de leurs prophéties et de leurs explications de l'Apocalypse, par lesquelles ils s'efforçaient de montrer que l'antéchrist devait paraitre et sortir de l'Eglise Romaine vers l'an 1710. On peut consulter sur cette matière l'Histoire des Variations, par M. Bossuet, tome II. liv. XIIIe depuis l'article 11. jusqu'à la fin du même livre.

Grotius a prétendu que Caligula avait été l'antéchrist : mais ce sentiment ne s'accorde pas avec ce que l'Ecriture et les Peres nous apprennent de la venue de l'antéchrist à la fin du monde.

Il serait inutîle de s’arrêter sur les différents noms que divers Auteurs, tant anciens que modernes, ont donnés à l’Antechrist, fondés sur un passage du xiij chap. de l’Apocalypse, où il est dit que les lettres du nom de la bête, c’est-à-dire de l’Antechrist, expriment le nombre de 666 : car les lettres qui expriment ce nombre étant susceptibles d’une multitude de combinaisons différentes, et ces diverses combinaisons formant autant de noms différents, il parait fort difficile, pour ne pas dire impossible, qu’on ait réussi à trouver la véritable. Quoi qu’il en sait, on peut voir dans la bibliothèque de Sixte de Sienne, liv. II. une partie de ces noms, dont le plus probable parait être celui qu’ont imaginé S. Irenée et S. Hippolyte ; savoir τεῖταν, mot Grec qui signifie géant, et qui est composé de six lettres dont la valeur numérale équivaut à 666.

On trouve parmi les écrits de Raban-Maur, d'abord abbé de Fulde, puis archevêque de Mayence, auteur fort célèbre du neuvième siècle, un traité sur la vie et les mœurs de l'antéchrist. Nous n'en citerons qu'un endroit singulier ; c'est celui où l'auteur, après avoir prouvé par S. Paul que la ruine totale de l'empire romain, qu'il suppose être celui d'Allemagne, précédera la venue de l'antéchrist, il conclut de la sorte : " Ce terme fatal pour l'empire romain n'est pas encore arrivé. Il est vrai que nous le voyons aujourd'hui extrêmement diminué, et pour ainsi dire détruit dans sa plus grande étendue : mais il est certain que son éclat ne sera jamais entièrement éclipsé ; parce que tandis que les rois de France qui en doivent occuper le trône subsisteront, ils en seront toujours le ferme appui ". Hoc tempus nondum advenit ; quia licet Romanum imperium videamus ex maximâ parte destructum, tamen quandiu Francorum reges duraverint qui Romanum imperium tenere debent, Romani imperii dignitas ex toto non peribit, quia in regibus suis stabit. Et rapportant ensuite le sentiment de quelques docteurs de bon sens, il ajoute : " Quelques-uns de nos docteurs assurent que ce sera un roi de France qui à la fin du monde dominera sur tout l'empire Romain. Ce roi sera le dernier et le plus grand qui ait jamais porté le sceptre. Après le règne le plus brillant et le plus heureux, il ira à Jérusalem déposer son sceptre et sa couronne sur la montagne des Oliviers ; le moment d'après l'empire Romain finira pour toujours, et soudain s'accomplira l'oracle de l'apôtre sur la venue de l'antéchrist ". Quidam doctores nostri dicunt quod unus de regibus Francorum, imperium Romanum ex integro tenebit, qui in novissimo tempore erit, et ipse erit maximus et omnium regum ultimus, qui postquam regnum suum feliciter gubernaverit, ad ultimum Jerosolymam veniet, et in monte Oliveti sceptrum et coronam suam deponet. Hic erit finis et consummatio Romanorum Christianorum. que regnorum ; statimque secundum proedictam sententiam apostoli Pauli antichristum dicunt futurum. Si la dernière prédiction de ces docteurs n'est pas plus exactement accomplie que la première de Raban-Maur, elles seront fausses de tout point.

Malvenda, théologien espagnol, a donné un long et savant ouvrage sur l'antéchrist. Son traité est divisé en 13 livres. Il expose dans le premier les différentes opinions des Peres touchant l'antéchrist. Il détermine dans le second le temps auquel il doit paraitre, et prouve que tous ceux qui ont assuré que la venue de l'antéchrist était proche, ont supposé en même temps que la fin du monde n'était pas éloignée. Le troisième est une dissertation sur l'origine de l'antéchrist, et sur la nation dont il doit être. L'auteur prétend qu'il sera Juif et de la tribu de Dan, et il se fonde sur l'autorité des Peres et sur le vers. 17 du ch. xljx. de la Genèse, où Jacob mourant dit à ses fils : Dan est un serpent dans le chemin, et un céraste dans le sentier ; et sur le chap. VIIIe vers. 16. de Jérémie, où il est dit que les armées de Dan dévoreront la terre ; et encore sur le chap. VIIe de l'Apocalypse, où S. Jean a omis la tribu de Dan dans l'énumération qu'il fait des autres tribus. Il traite dans le quatrième et le cinquième des caractères de l'antéchrist. Il parle dans le sixième de son règne et de ses guerres ; dans le septième, de ses vices ; dans le huitième, de sa doctrine et de ses miracles ; dans le neuvième, de ses persécutions ; et dans le reste de l'ouvrage, de la venue d'Enoch et d'Elie, de la conversion des Juifs, du règne de Jesus-Christ et de la mort de l'antéchrist, qui arrivera après un règne de trois ans et demi. Voyez MILLENAIRES. (G)




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