S. f. terme de Théologie ; union du verbe divin avec la nature humaine, ou mystère par lequel le verbe éternel s'est fait homme, afin d'opérer notre rédemption. Voyez TRINITE.

Les Indiens reconnaissent une espèce de trinité en Dieu, et disent que la seconde personne de cette trinité s'est déjà incarnée neuf fais, et s'incarnera encore une dixième. Ils lui donnent un nom particulier dans chacune de ces incarnations. Voyez Kirc. Chin. illust.

L'ere en usage chez les Chrétiens, suivant laquelle ils comptent leurs années, est celle de l'incarnation, c'est-à-dire de la conception de J. C. dans le sein de la Vierge. Voyez CONCEPTION.

C'est Denys le petit qui a le premier établi cette ere vers le commencement du VIe siècle ; car on avait suivi jusqu'à lui la manière de composer les années par l'ère de Dioclétien. Voyez ERE et EPOQUE.

On fit reflexion quelque temps après que l'on ne comptait point les années des hommes du temps de leur conception, mais de celui de leur naissance, et on retarda d'un an le commencement de cette ere, en gardant du reste le cycle de Denys en son entier.

A Rome on compte les années de l'incarnation, ou de la naissance de J. C. c'est-à-dire du 25 de Décembre ; c'est le Pape Eugène IV. qui le premier en 1431, a daté ses bulles de l'incarnation. En France, en Angleterre, et dans plusieurs autres pays, on compte aussi de l'incarnation, mais les uns la prennent de la naissance, et les autres de la conception de Notre-Sauveur. Les Florentins se fixent au jour de la naissance, et commencent l'année à Noë. Voyez Petav. de Doct. temp. Grandamiens, de die nat. et NATIVITE, ANNEE, CALENDRIER, &c.

INCARNATION, terme de Chirurgie, qui se dit de la régénération des chairs dans les plaies et dans les ulcères. C'est le troisième état dans lequel ils se trouvent pendant la curation méthodique. Il est précédé de la suppuration et de la mondification ou détersion, et suivi de la dessication qui produit la cicatrice. Voyez DETERSIFS et INCARNATIFS.

Cette doctrine quoique généralement admise, ne parait pas fondée sur les faits. C'est un principe certain que les vaisseaux sensibles, les nerfs remarquables, et les tendons ne se réparent pas, lorsqu'ils ont souffert une déperdition de substance ; car on ne trouve jamais aucune de ces parties dans le corps des cicatrices. Les fibres charnues, ou la chair qui forme les muscles, ne se réparent point non plus : on peut s'en convaincre par l'examen des cicatrices qui se font aux grandes plaies des muscles ; car non-seulement la substance de ces cicatrices n'est point fibreuse, mais nous voyons que chaque extrémité de muscle se resserre et se rabat à l'endroit de la division ; et que la consolidation étant faite, il reste toujours à l'endroit de la plaie, un enfoncement proportionné à la déperdition de la substance musculeuse. Les cicatrices qu'on voit aux membres qui ont reçu des blessures profondes par des armes à feu, montrent clairement la vérité du principe posé.

Supposons un ulcère large et profond à la partie antérieure de la cuisse, avec déperdition de la substance des muscles, et dans lequel l'os soit découvert. Il restera une fistule, si l'os n'est préalablement recouvert de chairs vives et vermeilles, susceptibles de consolidation semblable à celle qui se fait aux parties molles. Mais si l'ulcère de l'os est mondifié et bien détergé, ainsi que les parois de la solution de continuité des parties molles, la cure se fera promptement, et s'achevera solidement par une bonne cicatrice. On remarque dans le progrès de la cure une dépression des parties molles qui se fera successivement de la circonférence vers le centre. La peau s'enfoncera insensiblement des deux côtés, en s'approchant du centre de la division. Lorsque les téguments se seront avancés autant qu'il leur aura été possible, relativement à la dépression des parties subjacentes qui forment les parois de la plaie, la cicatrice commencera à se former ; elle s'avancera jusqu'à ce qu'elle soit entièrement collée immédiatement à l'os, et se confonde avec lui. S'il y avait une substance qui reparut et reproduisit la substance détruite, il ne resterait pas un creux et un vide proportionné à la déperdition de la substance de la partie ; et la pellicule qui forme la cicatrice ne serait pas immédiatement adhérente à l'os auquel elle tient lieu de périoste. Dans la plaie qui reste après l'amputation d'une mammelle cancéreuse, si l'on a été obligé pour l'extirpation du mal, de découvrir par une dissection exacte une portion du muscle grand pectoral, et même de l'entamer en quelques points, comme cela arrive quelquefois, la cicatrice sera inutilement adhérente et confondue avec la substance du muscle dans les endroits qui auront été entamés, ou entièrement privés du tissu cellulaire. Ces faits ne prouvent pas la réparation de la substance détruite, et ils sont incontestables.

M. Van-Swieten dans ses commentaires sur l'aphorisme 158 de Boerhaave, dit positivement que la matière vive et vermeille qui remplit la cavité des plaies, et qui en fait l'incarnation, n'est pas de la chair musculeuse, quoiqu'on lui donne le nom de matière charnue ; que c'est une nouvelle substance qui croit dans les plaies par un travail merveilleux de la nature, mirabili naturae artificio. Il admire la sagesse infinie du créateur dans la prétendue génération de cette substance reproductive ; et en parlant de la consolidation, il n'oublie pas de dire qu'après l'extirpation des tumeurs considérables, telles que sont les mammelles, la cicatrice est enfoncée, immobile, et adhérente aux parties subjacentes. On voit dans l'exposé de l'illustre auteur que je cite, le flambeau de l'expérience qui éclaire une des faces de l'objet, pendant que l'autre reste couverte du voîle de la prévention. Il est facîle de le lever. Il y a des observations sans nombre qui prouvent la non-régénération ; je vais en prendre une qui mérite une considération particulière. Les plaies faites pour l'inoculation de la petite vérole paraissent fermées le troisième et le quatrième jour, mais le cinquième la plaie forme une ligne blanchâtre, environnée d'une petite rougeur. Dès le sixième jour les plaies s'ouvrent, leurs bords deviennent blancs, durs et élevés, avec une rougeur inflammatoire ou érésipélateuse, plus ou moins étendue dans la circonférence. A mesure que la maladie fait du progrès, les lèvres de la plaie s'écartent davantage, l'inflammation et la suppuration avancent d'un pas égal avec l'inflammation et la suppuration des pustules ; de sorte que ces petites plaies qui n'étaient dans leur origine qu'une ligne sur la peau, semblable à une égratignure, forment ensuite des ulcères pénétrants dans le corps graisseux, et quelquefois larges d'un demi-pouce. Voilà donc une plaie si légère qu'elle en mérite à peine le nom ; une simple égratignure, qui par l'engorgement des parties circonvoisines, se montre sous les apparences d'une plaie large et profonde, qui fournit une suppuration abondante. Pour consolider cette plaie, il ne faut pas que des chairs se régénèrent et remplissent le vide qu'on aperçoit ; l'affaissement des parais, par le dégorgement de la suppuration, rapprochera les lèvres de cette plaie de son fond ; tout se rétablit dans l'ordre naturel, la légère égratignure se desseche, à peine en reste-t-il un vestige.

Un auteur moderne a admis deux sortes de suppuration dans les plaies ; une suppuration primitive et abondante qui opère le dégagement de la partie, et un affaissement manifeste : il l'a appelée suppuration préparante, pour la distinguer de cette suppuration louable qui n'est plus que l'excrétion du suc nourricier des parties divisées ; il appelle cette suppuration secondaire, suppuration régénérante, parce que c'est quand elle a lieu qu'on croit voir les bourgeons d'une nouvelle chair se développer pour remplir le vide que l'affaissement seul fait disparaitre. Car ce n'est jamais le fond des plaies qui s'élève au niveau de la surface ; il est manifeste que ce sont les bords qui s'affaissent et se dépriment, et qui continuent de le faire à mesure que la suppuration opère le dégorgement des vaisseaux qui s'ouvrent dans la cavité de la plaie. C'est par l'affaissement et la dépression des solides qu'une légère goutte de suc nourricier consolide les orifices de ces vaisseaux de la circonférence au centre, successivement de proche en proche. Supposons un instant que cet affaissement cesse de continuer, supposons qu'il se fasse une régénération de chairs, ce serait le plus grand obstacle à la cicatrisation. Ces chairs en croissant dans le fond de la plaie, feraient bailler son ouverture, et en augmenteraient les dimensions. Jamais l'extension des vaisseaux qu'on donne pour l'agent de la reproduction des chairs, ne menera au resserrement qui est de l'essence de la cicatrice, puisque sans ce resserrement il est de toute impossibilité qu'il se fasse une consolidation. Nous voyons tous les jours que par l'usage indiscret des remèdes relachants et huileux dans les plaies, le tissu des chairs s'amollit, et qu'elles deviennent pâles et fongueuses ; il faut les affaisser par des remèdes dessicatifs ; on panse avec de la charpie seche, souvent il faut avoir recours à des caustiques tels que la pierre infernale pour donner aux chairs engorgées la consistance nécessaire, et les mettre dans l'état de dépression qui permet la consolidation. Il est certain que la cicatrice n'avancera point si la dépression est interrompue. Que serait-ce si les chairs augmentaient et se reproduisaient ? Les sujets bien constitués qui sur la fin de la guérison d'une plaie avec déperdition de substance, se livrent à leur appétit, et prennent une nourriture trop abondante, retardent par cette augmentation de sucs nourriciers, la formation de la cicatrice. La plaie se r'ouvre même quelquefois par le gonflement des chairs qui rompt une cicatrice tendre et mal affermie, parce qu'il détruit manifestement l'ouvrage de la dépression.

Il y a des cas où la grande maigreur est un obstacle à la réunion des parties divisées ; ceux qui sont dans cet état doivent être nourris avec des aliments d'une facîle digestion, qui refournissent la masse du sang de sucs nourriciers. Mais dans ce cas-là même on doit distinguer le rétablissement de l'embonpoint nécessaire jusqu'à un certain degré, d'avec la prolongation végétative des vaisseaux qui opérait la régénération d'une nouvelle substance. Comme la réunion ne peut jamais se faire que par l'affaissement des parties, c'est une raison pour qu'on n'en doive pas attendre dans les sujets exténués : il faut donc leur donner un degré d'embonpoint qui puisse permettre aux parties le mécanisme sans lequel la réunion n'aurait jamais lieu.

Le fait de pratique qui m'arrête le plus sur l'idée de la régénération, c'est la réunion d'une plaie à la tête, avec perte de téguments qui laissent une assez grande portion du crâne à découvert. On voit dans ce cas les chairs qui bourgeonnent de toute la circonférence des téguments, qui gagnent insensiblement sur une surface convexe qui ne se déprime point. Mais j'ai bien-tôt découvert l'erreur de mes sens. Les bourgeons charnus ne croissent pas sur la surface de l'os ; c'est l'exfoliation de sa lame extérieure, si mince qu'on voudra la supposer, qui découvre la substance vasculeuse par laquelle l'os est organisé et au nombre des parties vivantes. Ce réseau se tuméfie un peu parce qu'il n'est plus contenu par la lame osseusse dont il était recouvert avant l'exfoliation de cette lame. Cette tuméfaction est légère et superficielle, et n'est qu'accidentelle et passagère ; car la cicatrice qui se forme de la circonférence au centre, ne se fait réellement que par l'affaissement et la conglutination successive de ces bourgeons vasculeux tuméfiés. S'ils ne s'affaissaient point, la cicatrice n'avancerait pas : il est certain qu'ils se dépriment, et que la cicatrice bien faite est toujours plus basse que le niveau des chairs. La cicatrice dans le cas posé, recouvre l'os immédiatement, et y a de très-fortes adhérences, sans aucune partie intermédiaire ; cela ne peut être autrement, puisque cette cicatrice n'est elle-même que l'obturation des vaisseaux découverts par l'exfoliation, et dont les extrémités qui produisaient le pus, sont fermés par une goutte de suc nourricier épaissi. En déposant toute préoccupation, et en consultant les faits avec une raison éclairée, on connaitra bien-tôt que dans la réunion des plaies, l'idée de leur incarnation n'est pas soutenable. (Y)