S. m. (Théologie) peuples d'Asie, considérés quant à la religion, ils ont à-peu-près la même que les Grecs. Quelques historiens ecclésiastiques disent qu'un esclave convertit à la foi de Jesus-Christ le roi et la reine, et les grands de la Colchide, sous le règne de Constantin le grand, qui leur envoya des prêtres et des docteurs pour les baptiser, et pour les instruire dans les mystères de notre religion. D'autres disent que ces peuples doivent la connaissance du Christianisme à un Cyrille, que les Esclavons appellent en leur langue Chiusi, qui vivait vers l'an 806. Les Mingréliens montrent sur le bord de la mer, proche du fleuve Corax, une grande église où ils assurent que saint André a prêché. Le primat de la Mingrélie y Ve une fois en sa vie faire l'huîle sainte, que les Grecs appellent Myron. Ces peuples reconnaissaient autrefois le patriarche d'Antioche, maintenant ils obéissent à celui de Constantinople, et ont néanmoins deux primats de leur nation qu'ils appellent catholicos. Celui de la Géorgie a sous sa juridiction les provinces de Cartuli ou Cardulli, de Gaghetri, de Baratralu et de Samché : celui d'Odisci a les provinces d'Odisci, d'Imereti, de Guriel, des Abcasses et des Suans. Ce patriarche a presque autant de revenu que le prince de Mingrélie. Il y avait autrefois douze évêchés dans le pays, mais il n'en reste maintenant que six, parce que les six autres ont été convertis en abbayes. Ces évêchés sont Dandars, Moquis, Bedias, Cïaïs, Scalingiers, où sont les sépultures des princes, et Scondidi : les abbayes sont Chiaggi, Grippurias, Copis, Obbugi, Sebastopoli, Anarghia. Les évêques de ce pays sont fort riches, et vivent ordinairement dans une grande dissolution ; néanmoins parce qu'ils ne mangent point de viande, et qu'ils jeunent fort exactement le carême, ils craient être plus réguliers que les prélats de l'Eglise romaine. La simonie y est ordinaire. Les primats ne consacrent point d'évêque à moins de six cent écus. Ils ne célebrent point de messe des morts qu'on ne leur en donne cinq cent ; et ils ne disent les autres messes que pour le prix de cent écus chacune. Ils se font aussi payer des confessions ; et l'on a Ve un de ces primats qui fut fort mal satisfait d'une somme de cinquante écus qu'un vizir du prince de Mingrélie lui avait donnée après s'être confessé à lui dans une maladie. Les évêques vendent aussi l'ordination des prêtres. Tous les ecclésiastiques y sont fort ignorants, et disent la messe avec beaucoup d'irrévérence. Plusieurs même ont appris une seule messe par cœur. Ils font aussi des sacrifices comme dans l'ancienne loi. La victime est conduite le matin devant le prêtre, qui la bénit avec quelque cérémonie, ensuite de quoi on la mène à la cuisine pour y être égorgée. Cependant le prêtre dit la messe, après laquelle il se rend à la maison de celui qui a présenté la victime, où l'on fait un festin. Le prêtre est assis à une petite table particulière, sur laquelle on sert certaines parties de la victime qui lui sont destinées, comme la poitrine, le dos, le foie et la rate. Tout le reste de la victime, avec la tête et la peau, est porté chez le prêtre, parce que c'est une viande de sacrifices. Il n'y a point de peuples plus superstitieux que les Mingréliens. Ils ne mangent point de viande le lundi, parce qu'ils respectent ou craignent la lune : le vendredi est pour eux une fête ; et il y a apparence qu'ayant reçu le Christianisme au temps de Constantin, ils ont pris de lui cette coutume ; car cet empereur ordonna que ses sujets célébrassent le vendredi comme une fête en l'honneur de la passion de Jesus-Christ. L'habillement des prélats est superbe pour le pays, car il est d'écarlate et de velours, et n'est guère différent de celui des séculiers ; ce qui les distingue particulièrement, c'est leur barbe longue, leur bonnet noir, rond et haut, fait comme celui des moines grecs. Ils portent des chaînes d'or au col ; ils vont à la chasse et même à la guerre, où ils se mettent à la tête de leurs sujets, principalement quand le roi Ve en personne, et ne combattent pas moins que les gentilshommes. Il y a en Mingrélie des religieux de l'ordre de saint Basîle que l'on appelle berres, qui vont habillés comme les moines grecs, et qui observent leur façon de vivre. Un enfant est fait religieux par son père et sa mère, avant même qu'il soit capable de faire un choix ; ils l'engagent dans cet état dès l'enfance, en lui mettant un bonnet noir sur la tête, lui laissant croitre les cheveux, l'empêchant de manger de la viande, et lui disant pour toutes raisons qu'il est berre. Il y a aussi des religieuses de cet ordre, qui observent le jeune et portent un voîle noir ; mais elles ne sont point enfermées dans les couvens, ne font point de vœux, et quittent le jeune et le voîle quand il leur plait.

La plupart des églises n'ont point de cloches, mais on y appelle le peuple au son d'une planche de bois que l'on frappe avec un bâton. Les églises cathédrales sont assez propres et bien ornées d'images peintes, et non pas en relief : ces images sont partie d'or et de pierreries, mais celles des paroisses sont fort négligées. Le peuple leur offre des cornes de cerf, des defenses de sanglier, des ailes de faisan, et des armes, afin d'obtenir un heureux succès à la chasse et à la guerre, et leur rend un culte qui approche de l'idolâtrie. Leur grand saint est S. Georges, ainsi que chez les Géorgiens, les Moscovites et les Grecs. On dit qu'ils ont beaucoup de saintes reliques, et que les principales furent transportées dans la Mingrélie par des prélats qui s'y retirèrent lorsque Constantinople fut prise par les Turcs, en l'année 1453. Dom Joseph Zampy, préfet des Théatins en Mingrélie, assure que les religieux de cet ordre y ont Ve un morceau de la vraie croix long d'une palme ou de huit pouces ; une chemise de la Vierge brodée à l'aiguille et semée de fleurs, et plusieurs autres reliques que le prince de Mingrélie tient à sa garde.

La messe des Mingréliens se dit à la grecque, mais avec peu de cérémonies. Pendant le carême on ne dit la messe que le samedi et le dimanche, parce que tous les autres jours il faut jeuner, et que, selon leur pensée, la communion rompt le jeune. Ils ont quatre carêmes ; celui qui se fait avant Pâques, qui est de 48 jours ; celui qui précède la fête de Noë, qui dure 40 jours ; celui qui prend son nom de la fête de saint Pierre, qui est d'environ un mois ; et celui que tous les chrétiens orientaux font en l'honneur de la vierge, qui dure 15 jours. Ils font des sacrifices comme faisaient les Juifs, et immolent des victimes qu'ils mangent ensemble. Ils égorgent aussi des bêtes et des oiseaux sur les sépulchres de leurs parents, et y versent du vin et de l'huile, comme faisaient les payens. Les prêtres peuvent non-seulement se marier avant leur ordination, comme font les Grecs, mais ils passent à de secondes noces, et en sont quittes pour prendre de leur évêque une dispense qui ne coute qu'une pistole. Quand quelqu'un est malade, il appelle un prêtre, qui ne lui parle point de confession, mais qui se contente de feuilleter un livre pour chercher la cause de la maladie, qu'il attribue à la colere de quelqu'une de leurs images. Il ordonne ensuite que le malade fera son offrande à cette image pour l'apaiser, ce qui tourne au profit du prêtre. Aussi-tôt qu'un enfant est venu au monde, le prêtre l'oint du crême, en lui faisant une croix sur le front, et diffère son baptême jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge environ de deux ans : alors on le baptise, en le plongeant dans l'eau chaude, et en l'oignant presque par toutes les parties du corps : enfin on lui donne à manger du pain qui a été béni, et du vin à boire. Quelquefois, pour rendre le baptême plus solennel, ils baptisent sans eau, avec du vin. Ptolomée, lib. Voyez Lenoir, description d'Asie. Ortelius, Clunier, Daniti ; dom Joseph Zampy théatin, relation de la Mingrélie ; le P. Lamberti, dans le recueil de Thevenot, le chevalier Chardin, et Jean-Baptiste Tavernier, voyage de Perse.