S. f. (Théologie) déclaration du pape par laquelle, après un long examen et plusieurs solennités, il met au catalogue des saints un homme qui a mené une vie sainte et exemplaire, et qui a fait quelques miracles. Voyez SAINT et MIRACLE.

Le nom de canonisation semble être d'une origine moins ancienne que la chose même ; on ne trouve point qu'il ait été en usage avant le XIIe siècle, quoique dès le XIe on trouve un decret ou bulle de canonisation donnée à la prière de Lintolfe, évêque d'Augsbourg, par le pape Jean XV. pour mettre S. Udelric ou Ulric au catalogue des saints.

Ce mot est formé de canon, catalogue, et il vient de ce que la canonisation n'était d'abord qu'un ordre des papes ou des évêques, par lequel il était statué que les noms de ceux qui s'étaient distingués par une piété et une vertu extraordinaires, seraient insérés dans les sacrés diptyques ou le canon de la messe, afin qu'on en fit mémoire dans la liturgie. On y ajouta ensuite les usages de marquer un office particulier pour les invoquer, d'ériger des églises sous leur invocation, et des autels pour y offrir le saint sacrifice, de tirer leurs corps de leurs premiers sepulcres. Peu-à-peu on y joignit d'autres cérémonies : on porta en triomphe les images des saints dans les processions : on déclara jour de fête l'anniversaire de celui de leur mort ; et pour rendre la chose plus solennelle, le pape Honorius III. en 1225, accorda plusieurs jours d'indulgence pour les canonisations.

Toutes ces règles sont modernes, et étaient inconnues à la primitive Eglise. Sa discipline à cet égard, pendant les premiers siècles, consistait à avoir à Rome, qui fut longtemps le premier théâtre des persécutions, des greffiers ou notaires publics, pour recueillir soigneusement et avec la dernière fidélité les actes des martyrs, c'est-à-dire les témoignages des Chrétiens touchant la mort des martyrs, leur constance, leurs derniers discours, le genre de leurs supplices, les circonstances de leurs accusations, et surtout la cause et le motif de leur condamnation. Et afin que ces notaires ne pussent pas falsifier ces actes, l'Eglise nommait encore des sous-diacres et d'autres officiers, qui veillaient sur la conduite de ces hommes publics, et qui visitaient les procès-verbaux de la mort de chaque martyr, auquel l'Eglise, quand elle le jugeait à propos, accordait un culte public et un rang dans le catalogue des saints. Chaque évêque avait le droit d'en user de même dans son diocèse, avec cette différence, que le culte qu'il ordonnait pour honorer le martyr qu'il permettait d'invoquer, ne s'étendait que dans les lieux de sa juridiction, quoiqu'il put engager les autres évêques, par lettres, à imiter sa conduite ; s'ils ne le faisaient pas, le martyr n'était regardé comme bienheureux que dans le premier diocese : mais quand l'église de Rome approuvait ce culte, il devenait commun à toutes les églises particulières. Ce ne fut que longtemps après qu'on canonisa les confesseurs.

Il est difficîle de décider en quel temps cette discipline commença à changer, en sorte que le droit de canonisation, que l'on convient avoir été commun aux évêques, et surtout aux métropolitains, avec le pape, a été réservé au pape seul. Quelques-uns prétendent qu'Alexandre III. élu pape en 1159, est le premier auteur de cette réserve, qui ne lui fut contestée par aucun évêque. Les jésuites d'Anvers assurent qu'elle ne s'est établie que depuis deux ou trois siècles par un consentement tacite et une coutume qui a passé en loi, mais qui n'était pas généralement reçue dans le Xe et XIe siècle : on a même un exemple de canonisation particulière, faite en 1373 par Witikind, évêque de Mindon en Westphalie, qui fit honorer comme saint l'évêque Félicien, par une fête qu'il établit dans tout son diocese. Cependant on a des monuments plus anciens, qui prouvent que les évêques qui connaissent le mieux leurs droits et qui y sont les plus attachés, les évêques de France, reconnaissaient ce droit dans le pape. C'est ce que firent authentiquement l'archevêque de Vienne et ses suffragans, dans la lettre qu'ils écrivirent à Grégoire IX. pour lui demander la canonisation d'Etienne, évêque de Die, mort en 1208. Quia nemo, disaient-ils, quantâlibet meritorum prærogativâ polleat, ab ecclesiâ Dei pro sancto habendus aut venerandus est, nisi priùs per sedem apostolicam ejus sanctitas fuerit approbata.

Quoi qu'il en sait, le saint siège apostolique est en possession de ce droit depuis plusieurs siècles, et l'exerce avec des précautions et des formalités qui doivent écarter tout soupçon de surprise et d'erreur.

Le cardinal Prosper Lambertini, aujourd'hui pape sous le nom de Benait XIV. a publié sur cette matière de savants ouvrages, qui prouvent qu'il ne peut rien s'introduire de faux dans les procès-verbaux que l'on dresse au sujet de la canonisation des saints.

Le P. Mabillon distingue aussi deux espèces de canonisation ; l'une générale, qui se fait par toute l'église assemblée en concîle oecuménique, ou par le pape ; et l'autre particulière, qui se faisait par un évêque, par une église particulière, ou par un concîle provincial. On prétend aussi qu'il y a eu des canonisations faites par de simples abbés. Voyez POMPE TYRRHENIQUE. (G)