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Catégorie parente: Science de Dieu
Catégorie : Theologie
S. f. (Histoire moderne, Théologie) revenu d'un an, ou taxe sur le revenu de la première année d'un bénéfice vacant. Il y a eu dès le XIIe siècle des évêques et des abbés, qui par un privilège ou par une coutume particulière recevaient les annates des bénéfices vacans, dépendants de leur diocese ou de leur abbaye. Etienne, abbé de Sainte Génevieve, et depuis évêque de Tournai, se plaint dans une lettre adressée à l'archevêque de Reims, que l'évêque de Saissons s'était réservé l'annate d'un bénéfice, dont le titulaire n'avait pas de quoi vivre. Par ce fait et par plusieurs autres semblables, il parait que les papes avaient accordé le droit d'annate à différents collateurs, avant que de se l'attribuer à eux-mêmes. L'époque de son origine n'est pas bien certaine. Quelques-uns la rapportent à Boniface IX. d'autres à Jean XXII. et d'autres à Clement V. mais M. de Marca, lib. V. de concord. c. Xe et XIe observe que du temps d'Alexandre IV. il s'était élevé de grandes disputes au sujet des annates, et par conséquent qu'elles étaient dès-lors en usage.

Clement V. les établit en Angleterre. Jean XXII. se réserva les annates de tous les bénéfices qui vaqueraient durant trois ans dans toute l'étendue de l'Eglise catholique, à la réserve des évêchés et des abbayes. Ses successeurs établirent ce droit pour toujours, et y obligèrent les évêques et les abbés. Platine dit que ce fut Boniface IX. qui pendant le schisme d'Avignon, introduisit cette coutume, mais qu'il n'imposa pour annate que la moitié de la première année du revenu. Thiery de Niem dit que c'était un moyen de cacher la simonie, dont Boniface IX. ne se faisait pas grand scrupule. Le Jurisconsulte Dumoulin et le docteur de Launoy ont soutenu en conséquence que les annates étaient simoniaques. Cependant Gerson et le cardinal d'Ailly, qu'on n'accusera pas d'être favorables aux papes, ont prouvé qu'il était permis de payer les annates, par l'exemple des réserves, des pensions, des décimes, ou autres impositions sur les fruits des bénéfices, qu'on ne regarde point comme des conventions simoniaques. Ce qu'il y a de plus important à remarquer pour la justification des annates, c'est qu'on ne les paye point pour les provisions, qui s'expédient toujours gratis, mais à titre de subvention, ou, comme parlent les Canonistes, de subsidium charitativum, pour l'entretien du pape et des cardinaux. On peut consulter sur cette matière Fagnan, qui l'a traitée fort au long.

Il faut avouer cependant que les François ne se sont soumis qu'avec peine à cette charge. Le roi Charles VI. en condamnant le prétendu droit de dépouilles, par son édit de 1406, défendit de payer les annates, et les taxes qu'on appelait de menus services, minuta servitia. Dans le même temps ce prince fit condamner par arrêt du parlement, les exactions de l'anti-pape Benait de Lune, surtout par rapport aux annates.

Dans le concîle de Constance en 1414, il y eut de vives contestations au sujet des annates ; les François demandaient qu'on les abolit, et s'assemblèrent pour ce sujet en particulier. Jean de Scribani, Procureur fiscal de la chambre apostolique, appela au pape futur de tout ce qui pourrait être décidé dans cette congrégation particulière ; les cardinaux se joignirent à lui, et l'affaire demeura indécise ; car Martin V. qui fut élu, ne statua rien sur cet article. Cependant en 1417, Charles VI. renouvella son édit contre les annates : mais les Anglais s'étant rendus maîtres de la France, le duc de Bedfort, régent du royaume pour eux, les fit rétablir. En 1433 le concîle de Bâle décida par le decret de la session 12, que le pape ne devait rien recevoir pour les bulles, les sceaux, les annates, et autres droits qu'on avait coutume d'exiger pour la collation et la confirmation des bénéfices. Il ajouta que les évêques assemblés pourvoiraient d'ailleurs à l'entretien du Pape, des officiers, et des cardinaux, à condition que si cette proposition n'était point exécutée, on continuerait de payer la moitié de la taxe ordinaire pour les bénéfices qui étaient sujets au droit d'annates, non point avant la concession des bulles, mais après la première année de la jouissance. Dans le decret de la session 21, qui est relatif à celui de la douzième, le même concîle semble abolir les annates : mais il approuve qu'on donne au Pape un secours raisonnable pour soutenir les charges du gouvernement ecclésiastique, sans toutefois fixer sur quels fonds il le prendra. L'assemblée de Bourges en 1438, à laquelle assista le roi Charles VII. reçut le decret du concîle de Bâle contre les annates, et accorda seulement au pape une taxe modérée sur les bénéfices vacans pendant sa vie, et à cause des besoins pressants de la cour de Rome, mais sans tirer à conséquence. Charles VII. avait confirmé dès 1422 les édits de son prédécesseur. Louis XI. avait rendu de pareils édits en 1463 et 1464. Les Etats assemblés à Tours en 1493, présentèrent à Charles VIII. une requête pour l'abolition des annates ; et il est sur qu'on ne les paya point en France, tant que la pragmatique-sanction y fut observée. Mais elles furent rétablies par le concordat pour les évêchés et les abbayes, comme le remarque M. de Marca, lib. VI. de concord. cap. XIe n°. 12. car les autres bénéfices sont tous censés au-dessous de la valeur de vingt-quatre ducats, et par conséquent ne sont pas sujets à l'annate. Malgré cette dernière disposition, qui a aujourd'hui force de loi dans le royaume, François I. fit remontrer au pape l'injustice de ces exactions, par les cardinaux de Tournon et de Grammont, ses ambassadeurs extraordinaires en 1532. Henri II. dans les instructions données à ses ambassadeurs envoyés au concîle de Trente en 1547, demandait qu'on supprimât ces impositions ; et enfin Charles IX. en 1561 donna ordre à son ambassadeur auprès du pape, de poursuivre l'abolition des annates, que la Faculté de Théologie de Paris avait déclarées simoniaques. Ce decret de la Faculté ne condamnait comme tel que les annates exigées pour les provisions sans le consentement du roi et du clergé, et non pas celles qui se paient maintenant sous le titre de subvention, suivant la disposition du concîle de Bâle.

En Angleterre, l'archevêque de Cantorbery jouissait autrefois des annates de tous les bénéfices de son diocèse, par un privilège du pape, comme rapporte Matthieu Paris dans son histoire d'Angleterre sur l'année 746. Clement V. en 1305 se fit payer les annates de tous les bénéfices quelconques vacans en Angleterre pendant deux ans, comme écrit Matthieu de Westminster : ou pendant trois ans, selon Walsingham. Les annates furent depuis établies dans tout ce royaume, jusqu'à Henri VIII qui les abolit.

Par le concordat fait entre la nation Germanique et le pape Nicolas V, en 1448, on regla que tous les évêchés et les abbayes d'hommes payeraient l'annate ; que les autres bénéfices n'y seraient sujets, que quand le revenu serait de vingt-quatre florins d'or. Charles V. fit des efforts inutiles pour abolir les annates en Allemagne ; et l'article de l'ordonnance d'Orléans, qui les abrogeait en France, fut révoqué par l'édit de Chartres en 1562.

Paul II. fit une bulle en 1469, pour ordonner qu'on payerait les annates de quinze ans en quinze ans pour les bénéfices sujets à ce droit, qui seraient unis à quelque Communauté. Ses successeurs confirmèrent ce règlement. Fagnan remarque que quand il arrive plusieurs vacances du même bénéfice dans la même année, on ne paye qu'une seule annate : ce qui prouve, ajoute-t-il, que ce n'est point pour la collation des bénéfices, mais pour l'entretien du pape et du sacré collège. Voyez ce canoniste, Fevret, le P. Alexandre, M. de Marca, etc. Thomassin, Discipline de l'Egl. part. IV. liv. IV. ch. xxxv. et xxxvj. Fleury, Instit. au Droit ecclés. tom. I. part. XVII. chap. xxjv. pag. 424.




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