Epitre de S. (Théologie) nom d'un des livres canoniques du nouveau-Testament écrit par l'apôtre saint Jude, surnommé Thadée ou Lebbée et le zélé qui est appelé aussi quelquefois le frère du Seigneur, parce qu'il était, à ce qu'on croit, fils de Marie sœur de la sainte Vierge, et frère de saint Jacques le mineur évêque de Jérusalem.

Cette épitre n'est adressée à aucune église particulière, mais à tous les fidèles qui sont aimés du père et appelés du fils notre-Seigneur. Il parait cependant par le verset 17 de cette épitre où il cite la seconde de saint Pierre, et par tout le corps de la lettre où il imite les expressions de ce prince des apôtres, comme déjà connues à ceux à qui il écrit, que son dessein a été d'écrire aux Juifs convertis qui étaient répandus dans toutes les provinces d'Orient, dans l'Asie mineure et au-delà de l'Euphrate. Il y combat les faux docteurs qu'on croit être les Gnostiques, les Nicolaïtes, et les Simoniens qui troublaient déjà l'Eglise.

On ignore en quel temps elle a été écrite ; mais elle est certainement depuis les hérétiques dont on vient de parler ; d'ailleurs saint Jude y parle des apôtres comme morts depuis quelque temps ; ce qui fait conjecturer qu'elle est d'après l'an de J. C. 66, et même selon quelques-uns, écrite après la ruine de Jerusalem.

Quelques anciens ont douté de la canonicité et de l'authenticité de cette épitre. Eusebe témoigne qu'elle a été peu citée par les écrivains ecclésiastiques, liv. II. chap. 23. mais il remarque en même temps qu'on la lisait publiquement dans plusieurs églises. Ce qui a le plus contribué à la faire rejeter par plusieurs, c'est que l'apôtre y cite le livre d'Enoch ou du moins sa prophétie. Il y cite aussi un fait de la vie de Moïse qui ne se trouve point dans les livres canoniques de l'ancien-Testament, et qu'on croit avoir été pris d'un ouvrage apocryphe, intitulé l'assomption de Moïse. Mais enfin elle est reçue comme canonique depuis plusieurs siècles, parce que saint Jude pouvait savoir d'ailleurs ce qu'il cite des livres apocryphes, ou qu'étant inspiré il pouvait y discerner les vérités des erreurs avec lesquelles elles étaient mélées.

Grotius a cru que cette épitre n'était pas de saint Jude apôtre, mais de Judas quinzième évêque de Jerusalem, qui vivait sous Adrien. Il pense que ces mots frater autem Jacobi, qu'on lit au commencement de cette épitre, ont été ajoutés par les copistes, et que saint Jude n'aurait pas oublié, comme il fait, de s'y qualifier apôtre ; qu'enfin toutes les églises auraient reçu cette épitre dès le commencement, si on eut cru qu'elle eut été d'un apôtre : mais cet auteur ne donne aucune preuve de cette addition prétendue. Saint Pierre, saint Paul et saint Jean ne mettent pas toujours leur qualité d'apôtres à la tête de leurs lettres. Enfin le doute de quelques églises sur l'authenticité de cette épitre, ne lui doit pas plus préjudicier que le même doute sur tant d'autres livres canoniques de l'ancien et du nouveau-Testament. On a aussi attribué à saint Jude un faux évangîle qui a été condamné par le pape Gélase. Voyez APOCRYPHES. Calmet, Diction. de la Bible.