GRAND PONTIFE, ou GRAND PRETRE, pontifex, (Théologie) chez les Juifs c'était le chef de la religion et des sacrificateurs de l'ancienne loi. Aaron, frère de Moïse, fut le premier revêtu de cette dignité, qui fut remplie par ses descendants, et ensuite par d'autres juifs, pendant 1578 ans, jusqu'à la prise de Jérusalem par l'empereur Tite.

Le grand pontife était non-seulement le chef de la religion et le juge ordinaire des difficultés qui la concernaient, mais encore de tout ce qui regardait la justice et les jugements de la nation juive, comme il parait par le chap. XVIIIe du Deuteronome, et par plusieurs passages de Philon et de Josephe. Lui seul avait le privilège d'entrer dans le sanctuaire une fois l'année, qui était le jour de l'expiation solennelle. Voyez EXPIATION.

Dieu avait attaché à la personne du grand-prêtre l'oracle de la vérité ; en sorte que quand il était revêtu des ornements de sa dignité et de l'urim et thummim, il répondait aux demandes qu'on lui faisait, et Dieu lui découvrait les choses cachées et futures. Il lui était défendu de porter le deuil de ses proches, pas même de son père et de sa mère, d'entrer dans un lieu où il y aurait eu un cadavre, de peur d'en être souillé. Il ne pouvait épouser ni une veuve, ni une femme répudiée, ni une courtisanne, mais seulement une fille vierge de sa race, et devait garder la continence pendant tout le temps de son service. Voyez URIM et THUMMIN. Exode xxviij. 30. IV. Reg. xxiij. 9. Levit. xxj. 10. Ibid. Ve 13.

L'habit du grand pontife était beaucoup plus magnifique que celui des simples prêtres. Il avait un caleçon et une tunique de lin, d'une tissure particulière. Sur la tunique il portait une longue robe couleur de bleu céleste, ou d'hyacinthe, en bas de laquelle était une bordure composée de sonnettes d'or et de pommes de grenade, faites de laine de différentes couleurs, et rangées de distance en distance les unes auprès des autres. Cette robe était serrée par une large ceinture en broderie. C'est ce que l'Ecriture appelle éphod. Il consistait en deux rubans d'une matière précieuse, qui prenant sur le col et descendant de dessus les épaules, venaient se croiser sur l'estomac, puis retournant par-derrière, servaient à ceindre la robe dont nous venons de parler. L'éphod avait sur les épaules deux grosses pierres précieuses, sur chacune desquelles étaient gravés six noms des tribus d'Israel ; et par-devant sur la poitrine, à l'endroit où les rubans se croisaient, se voyait le pectoral ou rational, qui était une pièce carrée d'un tissu très-précieux et très-solide, large de dix pouces, dans lequel étaient enchâssées douze pierres précieuses, sur chacune desquelles était gravé le nom d'une des tribus d'Israel. Quelques-uns croient que le rational était double comme une poche ou une gibecière, dans laquelle étaient renfermés l'urim et le thummim. La tiare du grand pontife était aussi plus ornée et plus précieuse que celle des simples prêtres. Ce qui la distinguait principalement, c'était une lame d'or qu'il portait sur le devant de son bonnet, sur laquelle étaient écrits ou gravés ces mots, la sainteté est au Seigneur. Cette lame était liée par-derrière la tête avec deux rubans qui tenaient à ses deux bouts. Voyez CIDARIS.

La consécration d'Aaron et de ses fils se fit dans le désert par Moïse, avec beaucoup de solennités qui sont décrites dans l'exode, c. xl. 12. et dans le lévitique, VIIIe 1. 2. 3. etc. On doute si à chaque nouveau grand-prêtre, on réitérait toutes ces cérémonies. Il est très-probable qu'on se contentait de revêtir le nouveau grand-prêtre des habits de son prédécesseur ; quelques-uns pensent qu'on y ajoutait l'onction de l'huîle sainte. Voyez ONCTION.

PONTIFE, souverain (Histoire romaine) pontifex maximus, nom distinctif du chef du collège des pontifes à Rome dans le temps du paganisme. On ne choisit dans les premiers temps que des patriciens pour remplir cette dignité, créée par Numa, mais environ l'an 500, on prit parmi les plébéiens, Tiberius Coruncanus ; il avait été censeur, dictateur et consul avec P. Valerius Laevinus. L'an 473 il fut élu souverain pontife, selon l'usage dans les comices par tribus.

Les fonctions du souverain pontife consistaient, 1°. à régler le culte public, et ordonner les cérémonies sacrées : 2°. réformer le calendrier, et déterminer les jours consacrés au repos en l'honneur de quelque divinité, et ceux où il était permis de rendre la justice et vaquer aux affaires civiles : 3°. juger de l'autorité des livres qui contenaient des oracles, des prédictions ; et décider des circonstances où il était nécessaire de consulter ceux qu'il avait jugés véritablement prophétiques : 4°. juger les prêtres et les prêtresses : 5°. dispenser des règles prescrites par la religion : 6°. connaître les différends en matière de religion, et châtier les fautes contre les divinités adorées dans l'empire : 7°. recevoir les vestales : 8°. faire la dédicace des temples : 9°. offrir des sacrifices : 10°. assister aux jeux établis en l'honneur des divinités, etc.

Les grands-prêtres des Romains étaient obligés d'habiter une maison qui appartenait à la république. On donnait à cette maison le titre de maison royale, regia, parce que le roi des sacrifices, rex sacrorum, y avait aussi son logement. Ils avaient la liberté de subroger un des autres pontifes en leur place, lorsque des raisons importantes les empêchaient de vaquer aux fonctions de leur ministère. Ils étaient dans l'usage de n'approcher d'aucun cadavre, lorsqu'ils devaient sacrifier, et ils se regardaient comme souillés lorsqu'ils en voyaient, ou en approchaient quelques-uns, quoiqu'il n'y eut cependant aucune loi qui leur en fit la défense.

La robe des souverains pontifes différait de celle des autres pontifes, mais il serait difficîle de dire en quoi consistait cette différence.

La liaison étroite qu'il y a toujours eu dans les états entre la religion et le gouvernement politique, fit penser aux empereurs romains que pour être maîtres absolus dans l'empire, il était nécessaire qu'ils fussent revêtus d'une dignité de laquelle dépendait tout ce qui appartenait au culte des dieux. Ils jugèrent donc à propos de s'arroger le souverain pontificat, et de joindre pour jamais le titre de pontife souverain à celui d'empereur. La différence qui se trouva entre le souverain pontife des temps précédents, et l'empereur jouissant de cette dignité, c'est que du temps de la république, l'autorité du souverain pontife semble avoir été bornée à la ville de Rome et à sa banlieue ; mais l'autorité que les empereurs avaient relativement à cette dignité, ne parait avoir eu d'autres bornes que celles de l'empire. Lorsqu'il arrivait dans les provinces quelque fait qui intéressait la religion, les gouverneurs avaient soin d'en informer l'empereur, et de lui demander ses ordres ; et le prince les donnait, sans qu'il paraisse qu'il prit l'avis du collège des pontifes.

Les élections des grandes prêtrises des provinces, qui se faisaient auparavant à la pluralité des voix dans les collèges sacerdotaux, ne se firent plus que par l'empereur, qui y envoyait qui bon lui semblait, Quelquefois même les empereurs laissaient ce soin aux gouverneurs des provinces ; quelquefois ils laissaient le collège pontifical, même à Rome, choisir des juges, et nommer aux places sacerdotales, parmi leurs collègues, pour remplir celles qui venaient à y vaquer.

Du temps de la république, lorsqu'un citoyen voulait en adopter un autre, il fallait auparavant qu'il consultât le collège des pontifes, et ils décidaient s'il n'y avait aucun empêchement religieux ou civil qui y mit obstacle. Tout cela fut changé sous les empereurs ; différentes lois du digeste et du code nous apprennent qu'alors il ne fut plus question de l'autorité du collège des pontifes par rapport aux adoptions ; l'intervention de l'empereur ou d'un magistrat y fut substituée.

Plutarque prétendait que le souverain pontife, du temps de la république, ne pouvait sortir de Rome ; mais il y a lieu de croire qu'il se trompe ; il lui était seulement défendu de sortir de l'Italie. Pareille défense était aussi faite à tout le corps sacerdotal. Ainsi Fabius Pictor fut empêché d'aller en Sardaigne, parce qu'il était prêtre de Quirinus.

Pendant tout le temps de la république, on ne vit jamais deux souverains pontifes à la fais, et ce titre a continué d'être unique sous les premiers empereurs. Dans la suite on l'a rendu commun à tous les augustes qui régnaient ensemble : les médailles frappées à leur coin, les inscriptions gravées en leur honneur, nous l'ont appris depuis longtemps. Mais il y a une grande diversité d'opinions sur les empereurs qui ont commencé les premiers de partager le souverain pontificat : le sentiment général a été cependant depuis près d'un siècle, que cette nouveauté s'introduisit à l'avénement de Balbin et de Pupien à l'empire, c'est-à-dire que Balbin et Pupien prirent tous deux en même temps le titre de souverains pontifes. Leurs successeurs, lorsqu'ils ont gouverné ensemble, ont aussi pris la même qualité, sans excepter Constantin, quoiqu'il eut abandonné la religion de ses pères pour embrasser le Christianisme. On peut en dire de même de ceux qui lui succédèrent, et entr'autres de Valentinien et de Valents.

La qualité de souverain pontife ne cessa d'être prise par les empereurs, que lorsque Gratien succéda à Valentinien son père, l'an de J. C. 375. Les pontifes étant allés suivant l'usage, lui présenter la robe pontificale, il la refusa, ne trouvant pas qu'il fût permis à un chrétien de se revêtir de cet habillement. Il trouva le titre de souverain prêtre des cérémonies payennes incompatible avec la religion qu'il professait ; et au lieu de réunir en sa personne le sacerdoce et l'empire, il refusa ce titre très-important, qu'à son exemple, ses successeurs laissèrent aussi tomber.

PONTIFE, (Histoire romaine) pontifex ; les pontifes étaient ceux qui avaient la principale direction des affaires de la religion chez les Romains, qui connaissaient de tous les différends qu'elle occasionnait, qui en réglaient le culte et les cérémonies. Ils formaient à Rome un collège qui dans la première institution faite par Numa, ne fut composée que de quatre pontifes pris du corps des patriciens ; ensuite on en adopta quatre autres choisis entre les plébéïens. Sylla le dictateur en augmenta le nombre jusqu'à quinze, dont les huit premiers prenaient le titre de grands pontifes, pontifices majores ; et les sept autres celui de petits pontifes, pontifices minores, quoique tous ensemble ne fissent qu'un même corps, dont le chef était appelé le souverain pontife, pontifex maximus. Mais le nombre des pontifes ne resta point fixe ; il y en eut tantôt plus, tantôt moins. Cette dignité était si considérable, qu'on ne la donna d'abord, comme on vient de le dire, qu'aux patriciens. Quoique les plébéïens eussent été consuls, et qu'ils eussent eu l'honneur du triomphe, ils en étaient cependant exclus. Decius Mus fut le premier de cet ordre qui parvint au sacerdoce, après avoir vivement représenté au peuple l'injustice qu'on lui faisait en le privant de cet honneur. Depuis ce temps, il n'y eut plus de distinction entre les patriciens et les plébéïens, par rapport à cette dignité.

Plutarque tire l'étymologie du mot pontifes, du soin qu'ils avaient de réparer le pont de bois qui conduisait au-delà du Tibre, et il combat le sentiment de Denis d'Halicarnasse, qui prétendait qu'ils bâtirent ce pont ; parce que, dit-il, du temps de Numa, qui institua les pontifes, il n'y avait point de pont à Rome.

Les pontifes étaient regardés comme des personnes sacrées ; ils avaient le pas au-dessus de tous les magistrats ; ils présidaient à tous les jeux du cirque, de l'amphithéâtre et du théâtre, donnés en l'honneur des divinités. Ils pouvaient se subroger un de leurs collègues, lorsque de fortes raisons les empêchaient de remplir leurs fonctions.

Leur habillement consistait en une de ces robes blanches bordées de pourpre, qu'on appelait praetextes, et que portaient les magistrats curules. (D.J.)