S. f. (Théologie) nom qu'on donne au texte latin de nos bibles, que le concîle de Trente a déclaré authentique et préférable aux autres versions latines.

Voici les termes de ce concile, sess. iv. c. IIe " le saint concîle considérant que l'église de Dieu ne tirerait pas un petit avantage si de plusieurs éditions latines que l'on voit aujourd'hui, on sçavait qui est celle qui doit passer pour autentique, ordonne et déclare qu'on doit tenir pour autentique l'ancienne et commune édition qui a été approuvée dans l'Eglise par un long usage de tant de siècles, qu'elle doit être reconnue pour autentique dans les leçons publiques, dans les disputes, dans les prédications, dans les explications théologiques, et veut que nul ne soit si osé que de la rejeter, sous quelque prétexte que ce soit ".

Le concile, comme on voit, ne compare pas la vulgate aux originaux ; il n'en était pas question alors ; mais seulement aux autres versions latines qui couraient en ce temps-là, et dont plusieurs étaient suspectes, comme venant d'auteurs inconnus ou hérétiques. C'est donc mal-à-propos qu'on accuse l'Eglise d'avoir préféré la vulgate aux originaux. Salmeron qui avait assisté au concîle de Trente, et Pallavicin qui en a fait l'histoire, nous assurent que le concîle n'eut point d'autre intention que de déclarer que la vulgate était la seule des versions latines qu'il approuvât et qu'il tint pour autentique, comme ne contenant rien ni contre la foi ni contre les mœurs.

Il est certain que les chrétiens ont eu de bonne heure des versions de l'Ecriture, et qu'elles s'étaient si fort multipliées et avec tant de différences entre elles, que S. Jérôme assurait qu'il y avait autant de versions diverses qu'il y avait d'exemplaires. Mais parmi ces anciennes versions, il y en eut toujours une plus autorisée et plus universellement reçue, c'est celle qui est connue dans l'antiquité sous le nom d'ancienne italique, itala vetus, de commune, de vulgate, et qui fut appelée ancienne, depuis que S. Jérôme en eut composé une nouvelle sur l'hébreu. La première avait été faite sur le grec des septante, mais on n'en connait pas l'auteur, pas même par conjecture. On lui avait donné le premier rang parmi les éditions latines, parce qu'elle était la plus attachée à la lettre et la plus claire pour le sens. Verborum tenacior cum perspicuitate sententiae, dit S. Grégoire, praefat. moral. in Job. S. Augustin pensait aussi qu'elle devait être préférée à toutes les autres versions latines qui existaient de son temps, parce qu'elle rendait les mots et le sens ou la lettre, et l'esprit du texte sacré avec plus d'exactitude et de justesse que toutes les autres versions. Nobilius en 1588 et le père Morin en 1628, en donnèrent de nouvelles éditions, prétendant l'avoir rétablie et recueillie dans les anciens qui l'ont citée.

S. Jérôme retoucha cette ancienne version, traduisit sur l'hébreu la plupart des livres de l'ancien Testament, mais il ne toucha point à ceux qui ne se trouvent qu'en grec, il fit quelques légères corrections à l'ancienne version italique du pseautier, et traduisit tout le nouveau Testament à la sollicitation du pape S. Damase. C'est cette version de S. Jérôme qu'on appelle aujourd'hui la vulgate, et que le concîle de Trente a déclarée autentique.

L'Eglise romaine ne se sert que de cette vulgate de S. Jérôme, excepté quelques passages de l'ancienne qu'on a laissés dans le missel et le pseautier tel qu'on le chante, qui est presque tout entier de l'ancienne italique ; ou, pour mieux dire, notre version du pseautier n'est pas même l'ancienne version latine réformée sur le grec par S. Jérôme ; c'est un mélange de cette ancienne italique et des corrections de ce saint docteur.

Le concîle de Trente ayant ordonné, sess. iv. que l'Ecriture sainte serait imprimée au plus tôt le plus correctement qu'il serait possible, particulièrement selon l'édition ancienne de la vulgate, le pape Sixte V. donna ses soins à procurer une édition parfaite de la vulgate latine, qui put servir de modèle à toutes celles que l'on ferait dans la suite pour toute l'église catholique. Il employa à cet ouvrage plusieurs savants théologiens qui y travaillèrent avec beaucoup d'application. Son édition fut faite dès l'an 1589, mais elle ne parut qu'en 1590 ; et comme elle ne se trouva pas encore dans toute la perfection que l'on désirait, le pape Clément VIII. en fit une autre édition en 1592, qui a toujours été considérée depuis comme le modèle de toutes celles qu'on a imprimées. C'est cette édition que l'église latine tient pour autentique, suivant la déclaration du concîle de Trente, et selon la bulle de Clément VIII. Il ne faut pas toutefois s'imaginer que cette édition soit entièrement exemte des plus légers défauts. Le cardinal Bellarmin, qui avait travaillé avec d'autres théologiens à la corriger, reconnait dans sa lettre à Luc de Bruges qu'il y a encore plusieurs fautes que les correcteurs n'ont pas jugé à-propos d'en ôter, pour de justes causes.

La vulgate du nouveau Testament est celle que S. Jérôme fit sur le grec, et que le concîle de Trente a aussi déclaré autentique, sans cependant défendre d'avoir recours aux originaux ; car plusieurs auteurs catholiques, et en particulier le père Bouhours, qui a employé les dernières années de sa vie à nous donner une traduction française du nouveau Testament, conformément à la vulgate, conviennent que dans le nombre des différences qui se trouvent entre le texte grec et la vulgate, il y en a où les expressions grecques paraissent plus claires et plus naturelles que les expressions latines, de sorte que l'on pourrait corriger la vulgate sur le texte grec, au cas que le saint siège l'approuvât. Cependant ces différences ne consistent en général que dans un petit nombre de mots et de syllabes, qui n'influent que rarement sur le sens, outre que dans quelques-unes de ces différences la vulgate est autorisée par un grand nombre d'anciens manuscrits. Ainsi quelque déchainement que les Protestants aient d'abord marqué contre la vulgate, on peut dire que les plus modérés et quelques-uns des plus habiles d'entr'eux, tels que Grotius, Louis de Dieu, Fagius, etc. ont reconnu qu'elle était préférable aux autres éditions latines.

En 1675, l'université d'Oxford publia une nouvelle édition du nouveau Testament grec, et elle prit un soin particulier de comparer le texte grec commun avec tous les manuscrits les plus anciens qui se trouvent en France, en Angleterre, en Espagne et en Italie, et de marquer toutes les différences des uns aux autres.

Dans la préface de cet ouvrage, les éditeurs, en parlant des diverses traductions de la bible en langues vulgaires, observent qu'il n'y en a point qui puisse entrer en comparaison avec la vulgate ; ce qu'ils justifient en comparant les passages des manuscrits grecs les plus célèbres avec les mêmes passages de la vulgate où il se trouve quelque différence entr'elle et la commune copie grecque imprimée. En effet, il est probable que dans le temps que S. Jérôme traduisit le nouveau Testament, il avait des copies grecques plus exactes et mieux conservées que toutes celles dont on s'est servi depuis l'établissement des imprimeries, c'est-à-dire depuis deux siècles. D'où il s'ensuit que cette vulgate est infiniment préférable à toutes les autres versions latines, et à juste titre déclarée autentique.

M. Simon appelle ancienne vulgate grecque la version des septante, avant qu'elle eut été revue et réformée par Origène. La révision d'Origène l'emporta sur cette ancienne version des septante dont on cessa de faire usage ; de sorte qu'à-présent à peine en reste-t-il quelques copies. Voyez SEPTANTE.