S. m. (Théologie) chose cachée et secrète, impossible ou difficîle à comprendre. Voyez ACATALEPSIE.

Ce mot vient du grec , qu'on prétend être formé de , claudo, taceo, je ferme, je tais, et de , bouche ; mais d'où vient l'r dans mystère ? veut-on que l'm de se soit changée en r ? Ce mot est donc originairement hébreu : il vient de sator, qui signifie cacher, d'où se fait mystar, une chose cachée.

Mystères se dit premièrement des vérités révélées aux Chrétiens, et dans l'intelligence desquelles la raison humaine ne peut pénétrer. Tels sont les mystères de la Trinité, de l'Incarnation, etc. Voyez TRINITE.

Nous avons un abrégé des mystères de la foi, ou du Christianisme, dans le symbole des apôtres, du concîle de Nicée, et dans celui qu'on attribue communément à S. Athanase. Voyez CREDO.

Dans ces trois symboles, il est parlé du mystère de la Trinité, de ceux de l'Incarnation du fils de Dieu, de sa mort et passion, de sa descente aux enfers, pour la rédemption des hommes ; de sa résurrection le troisième jour, de son ascension au ciel, de sa séance à la droite de Dieu, et de sa venue à la fin du monde ; de la divinité et de l'égalité du Saint-Esprit avec le père et le fils ; de l'unité de l'Eglise, de la communion des saints, de leur participation mutuelle dans les sacrements, et de la résurrection générale. Ce sont là les principaux mystères de la foi que chacun est obligé de savoir et de croire pour être sauvé.

L'Eglise a établi dès les premiers âges des fêtes particulières pour honorer ces mystères, pour remercier Dieu de les avoir révélés, et pour obliger les ministres et les pasteurs d'en instruire les fidèles. Voyez FETE.

Telles sont les fêtes de l'incarnation, de la circoncision, de la passion et de la résurrection. Voyez INCARNATION, CIRCONCISION, PAQUE, EPIPHANIE, etc.

Les payens avaient aussi leurs mystères, particulièrement ceux de Cerès, de la bonne déesse, etc. Voyez ELEUSINES. Les prêtres égyptiens cachaient leurs mystères au peuple sous des caractères hiéroglyphiques. Voyez HIEROGLYPHIQUE. On punissait sévérement ceux qui violaient ou révélaient les mystères de la bonne déesse ; et on n'en confiait le secret qu'à ceux qui étaient initiés, et qui avaient juré de garder le secret.

Ces secrets de la religion étaient appelés des mystères, non parce qu'ils étaient incompréhensibles, ni élevés au-dessus de la raison, mais seulement parce qu'ils étaient couverts et déguisés sous des types et des figures, afin d'exciter la vénération des peuples par cette obscurité. Les mystères du Paganisme se célébraient dans des grottes plus propres à cacher des crimes, qu'à célébrer des mystères de religion. Voyez INITIE, ORACLE, etc.

L'Ecriture emploie le mot de mystère dans plusieurs sens, quelquefois pour signifier une chose qu'on ne peut connaître sans le secours de la révélation divine. Voyez REVELATION.

C'est dans ce sens qu'on doit entendre ces textes : celui qui découvre les secrets ou mystères, vous a fait connaître les choses qui doivent arriver. Dan. IIe 29. Il y a un Dieu au ciel qui découvre les mystères. Ib. Ve 28.

Le mot de mystère se prend aussi pour ces choses secrètes et cachées que Dieu a révélées par les prophetes, par Jesus-Christ, ou par les apôtres, et par les pasteurs aux fidèles.

C'est dans ce sens que saint Paul dit je parle de la sagesse de Dieu dans un mystère que Dieu avait résolu avant tous les siècles, de révéler pour notre gloire. I. cor. IIe 7. On nous doit regarder comme des ministres de Jesus-Christ, et des dispensateurs des mystères de Dieu. I. cor. iv. 1. Quand j'aurais la connaissance de tous les mystères, et la science de toutes les choses, si je n'ai point de charité, je ne suis rien. I. cor. XIIIe 2. Je vais vous découvrir un mystère. II. cor. XVe 51. Ensorte que lisant ma lettre, vous pouvez y apprendre quelle est l'intelligence que j'ai du mystère de Jesus-Christ. Ephes. IIIe 4. Il ajoute dans les versets suivants, ce mystère est que les Gentils sont héritiers, et font un même corps avec les Juifs, et qu'ils ont part avec eux aux promesses de Dieu par l'Evangîle de Jesus-Christ ; qu'ils conservent le mystère de la foi avec une conscience pure. I. Tim. IIIe Lorsque le septième ange sonnera de la trompette, le mystère de Dieu s'accomplira, ainsi qu'il l'a annoncé par les Prophètes ses serviteurs. Apocalyps. Xe 7.

Additions de mystères, voyez ADDITIONS.

MYSTERE, (Critique sacrée) ; la véritable notion de mystère est que c'est une vérité cachée, et qui cesse d'être mystère quand elle est révélée. Il n'y a point de mystère que vous ne puissiez découvrir, dit Nabuchodonosor à Daniel, c'est-à-dire point de secrets : . Dan. c. iv. 6. Ainsi mystère signifie une chose secrète, et l'on n'aurait pas dû en changer l'idée pour lui faire signifier une chose incompréhensible, que la raison doit croire sans l'entendre. Nous voyons que Jesus-Christ prend ce mot dans le sens que nous lui attribuons, Mat. c. XIIIe Ve 11. En effet, puisqu'il fut donné aux disciples de connaître les mystères du royaume des cieux, il faut que ces mystères ne fussent point incompréhensibles. Voyez encore mystère dans le même sens. Rom. 16. 25. Ce mot se prend aussi pour sacrement, figure, signe, qui sont des termes de même signification, comme M. Rigault l'a remarqué et prouvé.

Enfin mystère désigne dans l'Ecriture une sentence parabolique, qui contient un sens caché, une action mystique qui en figure, en représente une autre. St. Paul dit dans ce sens, Ephes. 5. 32. Ce mystère est grand. Or je parle de Jesus-Christ et de son Eglise ; la vulgate laissant le mot grec mystère, a mis dans cet endroit sacrement ; et les PP. latins ont dit souvent sacrement pour mystère. (D.J.)

MYSTERE, (Antiquité romaine) c'est ainsi qu'on appelait par excellence, les mystères qu'on célébrait en l'honneur de Cérès à Eleusis, d'où ils prirent le nom d'éleusinies ; voyez ce mot : mais il mérite bien un supplément, parce qu'il ne s'agit pas moins ici, que des mystères les plus graves et les plus sacrés de toute la Grèce.

La faveur d'être admis aux cérémonies secrètes des grands mystères, ne s'obtenait qu'après cinq ans de noviciat dans ce que l'on appelait les petits mystères de Cérès. Au bout de ce terme de noviciat, on recevait de nuit le récipiendaire, après lui avoir fait laver les mains à l'entrée de ce temple, et l'avoir couronné de myrthe, on ouvrait une cassette où étaient les lois de Cérès et les cérémonies de ses mystères ; on les lisait au récipiendaire pour lui en donner la connaissance, et on les lui faisait transcrire. Un léger repas succédait à cette cérémonie ; ensuite l'initié ou les initiés passaient dans le sanctuaire dont le prêtre tirait le voile, et tout était alors dans une grande obscurité ; un moment après, une vive lumière leur faisait paraitre devant les yeux la statue de Cérès magnifiquement ornée, et tandis qu'ils étaient appliqués à la considérer, la lumière disparaissait encore, et tout était de nouveau couvert de profondes ténèbres. Les éclats de tonnerre qui se faisaient entendre, des éclairs qui brillaient de toutes parts, la foudre qui tombait au milieu du sanctuaire, et cent figures monstrueuses qui paraissaient de tous côtés, les remplissaient de crainte et de frayeur : mais un moment après le calme succédait, et l'on apercevait dans un grand jour une prairie agréable, où l'on allait danser et se réjouir ; c'était l'image des champs élysées.

Il y a apparence que cette prairie était dans un lieu enfermé de murailles derrière le sanctuaire du temple, que l'on ouvrait tout d'un coup lorsque le jour était venu, et ce spectacle paraissait d'autant plus agréable, qu'il succédait à une nuit, où on n'avait presque rien Ve que de lugubre et d'effrayant. C'était là qu'on révélait aux initiés tous les secrets des mystères, après quoi le prêtre congédiait l'assemblée en employant quelques mots d'une langue barbare, différents de la langue grecque, et que M. le Clerc interprête par ceux-ci, veillez, et ne faites point de mal.

La fête de l'initiation durait neuf jours destinés à différentes cérémonies, que le lecteur trouvera décrites dans Murtius. Les principaux ministres qui officiaient, était le hiérophante ou mystagogue, qu'on appelait aussi quelquefois prophète ; le second était le porte-flambeau ; le troisième était le héraut sacré, et le quatrième s'appelait le ministre de l'autel. Il y avait outre ces quatre ministres en chef, des prêtres pour les sacrifices et des surveillans pour avoir soin que tout se passât dans l'ordre.

Presque tout le monde briguait l'honneur d'être admis à ces mystères. Les prêtres avaient persuadé le peuple que ceux qui y participeraient, auraient les premières places dans les champs élysées, et que ceux qui n'y seraient pas initiés ne jouiraient point de cet honneur. Ces déclarations firent impression, et la curiosité y mit un nouvel attrait.

On garda longtemps un silence impénétrable sur tout ce qui se passait dans les mystères d'Eleusis, et ce ne fut que fort tard qu'on parvint à en savoir quelques particularités, tant les Grecs portaient de respect à la sainteté de ces fêtes sacrées. Il était défendu de les divulguer directement ni indirectement, sous peine de la vie. Diagoras Mélien fut pour cette seule raison proscrit par les Athéniens, qui promirent un talent à celui qui le tuerait, et deux à celui qui le prendrait en vie. Le poète Eschîle courut lui-même un très-grand danger pour avoir touché quelque chose des mystères de Cérès dans une de ses tragédies.

Il y a plus, Alcibiade au rapport de Plutarque, fut condamné à mort par contumace " pour avoir commis un sacrilege envers Cérès, en contrefaisant ses saints mystères, et en les montrant à ses camarades dans sa maison, comme fait le hiérophante lorsqu'il montre les choses saintes, se nommant lui-même le grand-prêtre, donnant à Polition le nom de porte-flambeau, à Théodore celui de héraut, et à ses autres camarades, celui d'initiés ou de confrères, contre les lois établies par les Eumolpides, et par les prêtres du temple de la sainte Eleusis ; pour punition duquel crime le peuple l'a condamné à mort, a confisqué tous ses biens, et a enjoint à tous les prêtres et à toutes les prêtresses de le maudire. "

Voilà la teneur de l'arrêt contre ce grand capitaine, qui n'était vraisemblablement que trop coupable du crime pour lequel il était condamné. Cependant une seule prêtresse eut le courage de s'opposer à ce decret, et allégua pour unique raison de son opposition, qu'elle était prêtresse pour bénir et non pas pour maudire, mot admirable qui devrait servir d'épigraphe à tous les temples du monde.

Je n'ose décider s'il nous reste quelque monument de l'antiquité qui représente les mystères ; mais dumoins la savante dissertation que M. de Boze a donnée dans les mém. des Belles-Lettres, d'un tombeau de marbre antique, sur lequel cet habîle homme trouve la représentation des mystères de Cérès, passera toujours pour une conjecture des plus ingénieuses dans l'esprit des personnes mêmes qui ne seront pas de son avis. (D.J.)

MYSTERES DE LA PASSION, (Théat. français) terme consacré aux farces pieuses, jouées autrefois sur nos théâtres, et dont on a déjà parlé sous les mots COMEDIE SAINTE et MORALITE ; mais il fallait en développer l'origine.

Il est certain que les pélerinages introduisirent ces spectacles de dévotion. Ceux qui revenaient de la Terre-Sainte, de Sainte-Reine, du mont saint-Michel, de Notre-Dame du Puy, et d'autres lieux semblables, composaient des cantiques sur leurs voyages, auxquels ils mêlaient le récit de la vie et de la mort de Jesus-Christ, d'une manière véritablement très-grossière, mais que la simplicité de ces temps-là semblait rendre pathétique. Ils chantaient les miracles des saints, leur martyre, et certaines fables à qui la créance des peuples donnait le nom de visions. Ces pélerins allant par troupes, et s'arrêtant dans les places publiques, où ils chantaient le bourdon à la main, le chapeau et le mantelet chargés de coquilles et d'images peintes de différentes couleurs, faisaient une espèce de spectacle qui plut, et qui excita quelques bourgeois de Paris à former des fonds pour élever dans un lieu propre, un théâtre où l'on représenterait ces moralités les jours de fête, autant pour l'instruction du peuple, que pour son divertissement. L'Italie avait déjà montré l'exemple, on s'empressa de l'imiter.

Ces sortes de spectacles parurent si beaux dans ces siècles ignorants, que l'on en fit les principaux ornements des réceptions des princes quand ils entraient dans les villes ; et comme on chantait noel, noel, au lieu des cris vive le roi, on représentait dans les rues la samaritaine, le mauvais riche, la conception de la sainte Vierge, la passion de Jesus-Christ, et plusieurs autres mystères, pour les entrées des rais. On allait en procession au-devant d'eux avec les bannières des églises : on chantait à leur louange des cantiques composés de passages de l'écriture sainte, cousus ensemble, pour faire allusion aux actions principales de leurs règnes.

Telle est l'origine de notre théâtre, où les acteurs, qu'on nommait confrères de la passion, commencèrent à jouer leurs pièces dévotes en 1402 : cependant comme elles devinrent ennuyeuses à la longue, les confrères intéressés à réveiller la curiosité du peuple, entreprirent pour y parvenir d'égayer les mystères sacrés. Il aurait fallu un siècle plus éclairé pour leur conserver leur dignité ; et dans un siècle éclairé, on ne les aurait pas choisis. On mêlait aux sujets les plus respectables, les plaisanteries les plus basses, et que l'intention seule empêchait d'être impies : car ni les auteurs ni les spectateurs ne faisaient une attention bien distincte à ce mélange extravagant, persuadés que la sainteté du sujet couvrait la grossiereté des détails. Enfin le magistrat ouvrit les yeux, et se crut obligé en 1545 de proscrire sévèrement cet alliage honteux de religion et de bouffonnerie. Alors naquit la comédie profane, qui livrée à elle-même et au goût peu délicat de la nation, tomba sous Henri III. dans une licence effrénée, et ne prit le masque honnête, qu'au commencement du siècle de Louis XIV. (D.J.)

MYSTERES DES ROMAINS, (Littérature) c'est le nom que donne Cicéron aux mystères de la bonne déesse, ou à la fête qui se célébrait à Rome pendant la nuit en l'honneur de la mère de Bacchus.

C'est cette fête que profana Claudius, qui était devenu éperduement amoureux de Pompeia, femme de César, à laquelle il avait su plaire. Les détails de cette scène sont connus de tout le monde. La mère de César, après avoir reproché au criminel son insolence et son impiété, le fit sortir de sa maison, et le lendemain de grand matin, elle donna avis au sénat de ce qui s'était passé la nuit chez elle. Toute la ville en fut scandalisée, les femmes surtout se déchainèrent avec fureur contre le criminel, et un tribun le cita devant l'assemblée du peuple, et se déclara son accusateur. On sait comme César se tira d'embarras vis-à-vis le tribun : on sait enfin que le témoignage de Cicéron ne put prévaloir au crédit de Claudius, ni à l'argent qu'il répandit parmi ses juges. Tous ces faits étant si connus, c'est assez de remarquer avec M. l'abbé de Vertot, que les hommes étaient absolument exclus de ces cérémonies nocturnes. Il fallait même que le maître de la maison où elles se célébraient en sortit. Il n'y avait que des femmes et des filles qui fussent admises dans ces mystères, sur lesquels plusieurs modernes prétendent, peut-être à tort, qu'on ne peut laisser tomber des voiles trop épais. C'était ordinairement la femme d'un consul ou d'un prêteur qui faisait la fonction de prêtresse de la divinité qu'on n'osait nommer, et qu'on révérait sous le titre de la bonne déesse. Voyez BONNE DEESSE. (D.J.)

MYSTERES DE SAMOTHRACE, (Littérature) Strabon en parle, et remarque qu'ils étaient de la plus grande antiquité. Ils furent apportés de Samothrace à Troie par Dardanus, et de Troie en Italie par Enée. Les vestales étaient chargées, dit Denis d'Halicarnasse, de garder ces mystères dont elles seules avec le grand prêtre, avaient la connaissance. (D.J.)