subst. m. pl. (Théologie) nom qu'on a d'abord donné aux Anti-trinitaires ou nouveaux Ariens hérétiques du seizième siècle, qui n'admettaient d'autre Dieu que Dieu le père, regardant J. C. comme un pur homme, et le S. Esprit comme un simple attribut de la divinité. On les appelle aujourd'hui Sociniens ou unitaires. Voyez SOCINIENS ou UNITAIRES.

Les Déistes modernes sont une secte ou sorte de prétendus esprits forts, connus en Angleterre sous le nom de free-thinkers, gens qui pensent librement, dont le caractère est de ne point professer de forme ou de système particulier de religion, mais de se contenter de reconnaître l'existance d'un Dieu, sans lui rendre aucun culte ni hommage extérieur. Ils prétendent que Ve la multiplicité des religions et le grand nombre de révélations, dont on ne donne, disent-ils, que des preuves générales et sans fondement, le parti le meilleur et le plus sur, c'est de se renfermer dans la simplicité de la nature et la croyance d'un Dieu, qui est une vérité reconnue de toutes les nations. Voyez DIEU et REVELATION.

Ils se plaignent de ce que la liberté de penser et de raisonner est opprimée sous le joug de la religion révélée ; que les esprits souffrent et sont tyrannisés par la nécessité qu'elle impose de croire des mystères inconcevables, et ils soutiennent qu'on ne doit admettre ou croire que ce que la raison conçoit clairement. Voyez MYSTERE et FOI.

Le nom de Déiste est donné surtout à ces sortes de personnes qui, n'étant ni athées ni chrétiennes, ne sont point absolument sans religion (à prendre ce mot dans son sens le plus général), mais qui rejettent toute révélation comme une pure fiction, et ne croient que ce qu'ils reconnaissent par les lumières naturelles, et que ce qui est cru dans toute religion, un Dieu, une providence, une vie future, des récompenses et des châtiments pour les bons et pour les méchants ; qu'il faut honorer Dieu et accomplir sa volonté connue par les lumières de la raison et la voix de la conscience, le plus parfaitement qu'il est possible ; mais que du reste chacun peut vivre à son gré, et suivant ce que lui dicte sa conscience.

Le nombre des Déistes augmente tous les jours. En Angleterre la plupart des gens de lettres suivent ce système, et l'on remarque la même chose chez les autres nations lettrées. On ne peut cependant pas dire que le déisme fasse secte et corps à part. Rien n'est moins uniforme que les sentiments des Déistes ; leur façon de penser, presque toujours accompagnée de pyrrhonisme, cette liberté qu'ils affectent de ne se soumettre qu'aux vérités démontrées par la raison, font qu'ils n'ont pas de système commun, ni de point bien fixe dont tous conviennent également : c'est pourquoi les auteurs qui les ont combattus, distinguent différentes espèces de Déistes.

Abbadie les divise en quatre classes : 1°. ceux qui se font une idée bizarre de la divinité : 2°. ceux qui ayant une idée de Dieu, qui avait paru d'abord assez juste, lui attribuent de ne prendre aucune connaissance de ce qui se fait sur la terre : 3°. ceux qui tenant que Dieu se mêle des affaires des hommes, s'imaginent qu'il se plait dans leurs superstitions et dans leurs égarements : 4°. enfin ceux qui reconnaissent que Dieu a donné aux hommes une religion pour les conduire, mais qui en réduisent tous les principes aux sentiments naturels de l'homme, et qui prennent tout le reste pour fiction. Traité de la vérité de la Religion chrétienne, tome I. sect. IIe chap. 1. On peut voir dans le même auteur avec quelle force il combat ces quatre espèces de Déistes par les seules armes de la raison. Voyez CHRISTIANISME.

M. l'abbé de la Chambre docteur de Sorbonne, dans un traité de la véritable Religion, imprimé à Paris en 1737, parle des Déistes et de leurs opinions d'une manière encore plus précise. " On nomme Déistes, dit cet auteur, tous ceux qui admettent l'existance d'un être suprême, auteur et principe de tous les êtres qui composent le monde, sans vouloir reconnaître autre chose en fait de religion, que ce que la raison laissée à elle-même peut découvrir. Tous les Déistes ne raisonnent pas de la même manière : on peut réduire ce qu'ils disent à deux différentes hypothèses.

La première espèce de Déistes avance et soutient ces propositions : Il faut admettre l'existance d'un être suprême, éternel, infini, intelligent, créateur, conservateur et souverain maître de l'univers, qui préside à tous les mouvements et à tous les événements qui en résultent. Mais cet être suprême n'exige de ses créatures aucun devoir, parce qu'il se suffit à lui-même.

Dieu seul ne peut périr ; toutes les créatures sont sujettes à l'anéantissement, l'être suprême en dispose comme il lui plait : maître absolu de leur sort, il leur distribue les biens et les maux selon son bon plaisir, sans avoir égard à leurs différentes actions, parce qu'elles sont toutes de même espèce devant lui.

La distinction du vice et de la vertu est une pure chicane aux yeux de l'être suprême ; elle n'est fondée que sur les lois arbitraires des sociétés. Les hommes ne sont comptables de leurs actions qu'au tribunal de la justice séculière. Il n'y a ni punition ni récompense à attendre de la part de Dieu après cette vie.

La seconde espèce de Déistes raisonne tout autrement. L'être suprême, disent-ils, est un être éternel, infini, intelligent, qui gouverne le monde avec ordre et avec sagesse ; il suit dans sa conduite les règles immuables du vrai, de l'ordre et du bien moral, parce qu'il est la sagesse, la vérité, et la sainteté par essence. Les règles éternelles du bon ordre sont obligatoires pour tous les êtres raisonnables ; ils abusent de leur raison lorsqu'ils s'en écartent. L'éloignement de l'ordre fait le vice, et la conformité à l'ordre fait la vertu. Le vice mérite punition, et la vertu mérite récompense.... Le premier devoir de l'homme est de respecter, d'honorer, d'estimer et d'aimer l'être suprême, de qui il tient tout ce qu'il est ; et il est obligé par état de se conformer dans toutes ses actions à ce que lui dicte la droite raison.

Les hommes sont agréables ou désagréables à Dieu, à proportion de l'exactitude ou de la négligence qu'ils ont pour la pratique des devoirs que la raison éternelle leur impose. Il est juste qu'il récompense ceux qui s'attachent à la vertu, et qu'il punisse ceux qui se livrent aux mouvements déréglés de leurs passions ; mais comme l'expérience montre que l'impie triomphe dans cette vie, tandis que le juste y est humilié, il faut qu'il y ait une autre vie, où chacun recevra selon ses œuvres. L'immortalité glorieuse sera le fruit de la vertu, l'ignominie et l'opprobre seront le fruit du vice ; mais cet état de peine et de douleur ne durera pas toujours. Il est contre l'ordre de la justice, disent les Déistes, qu'on punisse éternellement une action d'un moment. Voyez DAMNATION. Enfin ils ajoutent que la religion ayant pour but principal la réformation des mœurs, l'exactitude à remplir les devoirs que la raison prescrit par rapport à Dieu, à soi-même et au prochain, forme les vrais adorateurs de l'être suprême. "

Le même auteur, après avoir exposé ces deux systèmes, propose la méthode de les réfuter. Elle consiste à prouver, " 1°. que les bornes qui séparent le vice d'avec la vertu, sont indépendantes des volontés arbitraires de quelqu'être que ce soit : 2°. que cette distinction du bien et du mal, antérieure à toute loi arbitraire des législateurs, et fondée sur la nature des choses, exige des hommes qu'ils pratiquent la vertu et qu'ils s'éloignent du vice : 3°. que celui qui fait le bien mérite récompense, et que celui qui s'abandonne au crime mérite punition : 4°. que la vertu n'étant pas toujours récompensée sur la terre, ni le vice puni, il faut admettre une autre vie, où le juste sera heureux et l'impie malheureux : 5°. que tout ne périt pas avec le corps, et que la partie de nous-mêmes qui pense et qui veut, et qu'on appelle âme, est immortelle : 6°. que la volonté n'est point nécessitée dans ses actions, et qu'elle peut à son choix pratiquer la vertu et éviter le mal : 7°. que tout homme est obligé d'aimer et d'estimer l'être suprême, et de témoigner à l'extérieur les sentiments de vénération et d'amour dont il est pénétré à la vue de sa grandeur et de sa majesté : 8°. que la religion naturelle, quoique bonne en elle-même, est insuffisante pour apprendre à l'homme quel culte il doit rendre à la divinité ; et qu'ainsi il en faut admettre une surnaturelle et révélée, ajoutée à celle de la nature. " Traité de la véritable Religion, tome II. part. IIe pag. 1. 2. 3. 4. 5. et 6.

C'est la methode qu'a suivie cet auteur dans huit dissertations particulières, et l'on peut dire qu'elle est excellente contre les Déistes de la première espèce. Mais ceux de la seconde convenant avec nous d'une partie de ces propositions, il semble qu'on pourrait suivre contr'eux une voie bien plus abrégée : ce serait de prouver, 1°. l'insuffisance de la loi naturelle, 2°. la nécessité d'une révélation, 3°. la certitude et la divinité de la révélation contenue dans les écritures des Juifs et des Chrétiens, parce que la nécessité d'un culte extérieur et l'éternité des peines sont des conséquences faciles à admettre, quand ces trois points sont une fois démontrés. (G)