Imprimer
Catégorie parente: Science de Dieu
Catégorie : Theologie
S. f. (Théologie) c'est un mot grec, , il signifie une œuvre, un ministère public ; il est composé de , pro , publicus, et , opus, manus officium, particulièrement consacré au service des autels ; il n'est plus employé aujourd'hui que pour désigner le culte et l'office divin, soit en général toutes les cérémonies qui s'y rapportent.

Suivant cette idée, on peut conclure qu'il y a eu des liturgies depuis que l'homme a reconnu une divinité, et senti la nécessité de lui rendre des hommages publics et particuliers : quelle fut la liturgie d'Adam ? c'est ce qu'il ne serait pas facîle de décider ; il parait seulement par le récit de Moïse, que le culte de notre premier père fut plutôt le fruit de la crainte, que celui de la gratitude ou de l'esperance. Gen. chap. IIIe Ve 10.

Ses fils offraient des sacrifices, s'ils suivaient la même liturgie, on peut conclure que celle de Caïn n'avait pas cette droiture d'intention qui devait en faire tout le mérite, qui seule était nécessaire dans ces premiers âges de la religion ; au lieu que dans la suite les objets et la vénération religieuse, multipliés et mis par la révélation divine au-dessus de l'intelligence humaine, il n'a pas moins fallu qu'une vertu particulière pour les croire ; cette vertu connue sous le nom de foi, est sans doute ce qui donne toute l'efficace à une liturgie : il parait que le successeur d'Abel fut l'auteur d'une liturgie ; car sous lui, dit Moïse, on commença d'invoquer le nom de l'Eternel, Gen. ch. iv. Ve 26. Cette liturgie se conserva dans sa postérité jusques à Abraham, sans doute par le soin qu'Enoch, septième chef de famille depuis Adam, avait pris de la rédiger par écrit, dans l'ancien livre de ce patriarche que saint Jude cite, Ve 14. 16, et que les Abyssins se vantent encore d'avoir dans leur langue.

Mais sous Abraham la liturgie prit une face toute différente ; la circoncision fut instituée comme un signe d'alliance entre Dieu et l'homme. L'Eternel exigea du père des croyans les sacrifices les plus extraordinaires, les diverses visions, les visites assez fréquentes des messagers célestes, dont lui et sa famille furent honorés, sont autant de choses si peu rapprochées des relations que nous soutenons aujourd'hui avec la divinité, que nous ne pouvons avoir que des idées fort confuses de l'espèce de liturgie dont ils faisaient usage.

Quelle fut la liturgie des Hébreux en égypte ? c'est ce qu'il n'est pas facîle de décider. Adorateurs du vrai Dieu, mais trop aisément conduits aux diverses pratiques religieuses d'un peuple qui ne semblait occupé que du soin de multiplier les objets de son adoration, voulant avoir comme leurs hôtes des dieux qui marchassent devant eux ; leur liturgie dut se ressentir de tous ces contrastes, et présentait sans doute quelque chose de monstrueux.

Moïse profita du séjour au désert pour rectifier et fixer le culte des Hébreux, cherchant à occuper par un culte onéreux et assujettissant, un peuple porté à tous vents de doctrine : cette liturgie respectable fut munie du sceau de la divinité ; elle devint aussi intéressante par des allusions continuelles aux divers objets d'espérances flatteuses dont le cœur du peuple juif était en quelque sorte enivré.

Sous un roi poète et musicien, la liturgie des Hébreux releva ses solennités religieuses par une musique que l'ignorance entière où nous sommes de leur mérite, ne nous permet pas même de deviner ; les maîtres chantres de David exécutèrent d'abord ces hymnes sacrées, ces pseaumes, ces Te Deum, dont la lecture prescrite par les liturgies, fit dans la suite une des principales parties du culte.

Salomon bâtit le temple de Jérusalem, la liturgie devint immense : elle réglait un culte des plus fastueux, et des plus propres à satisfaire un peuple qui trouvait dans la multitude de ses ordonnances et de ses rites, dans la pompe de ses sacrifices, dans le nombre, et dans les divers ordres des ministres de la religion, l'image des cultes idolâtres qu'il regrettait sans cesse, et auxquels il revenait toujours avec plaisir.

Jéroboam proposa sans doute au peuple d'Israèl une nouvelle liturgie pour le culte des dieux de Bethel et de Dan, mais ne serait-ce pas lui faire trop d'honneur que de la supposer plus raisonnable que les idoles qui en furent l'objet ?

Dans l'un et l'autre royaume, le culte religieux souffrit des altérations inconcevables, et qui durent apporter les plus grands changements aux liturgies générales et particulières.

Jamais les Juifs ne furent plus éloignés de l'idolâtrie que dans le temps que Jésus-Christ vint au monde, et jamais les dogmes et la morale n'avaient été plus corrompus ; les Saducéens dont les erreurs se renouvellent aujourd'hui, et trouvent tant de defenseurs, étaient une secte en crédit à Jérusalem, et jamais la liturgie n'avait été plus exactement observée ; celui qui niait l'immortalité de l'âme, les anges, la résurrection, une vie à venir, ne perdait rien de l'estime publique chez un peuple qui criait au blasphème pour la petite infraction à la loi cérémonielle, et qui lapidait impitoyablement un artisan, père de famille, qui aurait travaillé un jour de sabbat pour fournir à la subsistance de ses enfants ; pour peu qu'on connaisse l'histoire de l'esprit humain, on ne doit pas s'étonner de ces contrastes et de ces inconséquences.

Jesus Christ, l'auteur d'une religion toute divine, n'a rien écrit ; mais on peut recueillir de ses discours une liturgie également simple et édifiante, il condamne les longues prières et les vaines redites ; il veut le recueillement, et le seul formulaire de prière qu'il laisse et qu'il prescrit à ses disciples est également simple et édifiant, il institue des cérémonies religieuses ; leur extrême simplicité donne beaucoup à la réflexion, et très-peu à l'extérieur et au faste.

L'institution du baptême au nom des trois Personnes fut embrassée par des sectateurs de Platon, devenus chrétiens ; ils y trouvaient les sentiments de leur maître sur la divinité, puisqu'il distinguait la nature en trois, le Père, l'entendement du Père, qu'il nomme aussi le germe de Dieu, ou l'ouvrier du monde, et l'âme qui contient toutes choses ; ce que Chalcidius rend par le Dieu souverain, l'esprit ou la providence, et l'âme du monde, ou le second esprit ; ou, comme l'exprime Numenius, cet autre célèbre académicien, celui qui projette, celui qui commande, et celui qui exécute. Ordinans, jubens, insinuans.

La liturgie de l'institution de la sainte cène est aussi dans l'Evangîle d'une simplicité tout à fait édifiante ; on eut évité, en la suivant à la lettre et dans l'esprit de son auteur, bien des disputes et des schismes qui ont eu leur source dans la fureur des disciples, à vouloir aller toujours plus loin que leur maître.

On ne doit point passer sous silence la liturgie pour l'élection de saint Matthias, Act. ch. j. Ve 24. 25.

Elle est des plus simples et des plus précises ; on s'est écarté de cette simplicité dans les élections, à mesure qu'on s'éloignait de la première source des grâces et de l'inspiration divine.

Les apôtres et leurs successeurs immédiats avaient beaucoup de foi et de piété dans les actes de leur culte, et dans la célébration de leurs mystères ; mais il y avait peu de prières et peu de cérémonies extérieures ; leur liturgie en langue vulgaire, simple, peu étendue, était gravée dans la mémoire de tous les néophites. Mais lorsque les objets de la foi se développèrent davantage, qu'on voulut attaquer des interprétations nécessaires par les ressources de l'éloquence, du faste et de la pompe, chacun y mit du sien ; on ne sut bientôt plus à quoi s'en tenir dans plusieurs églises ; on se vit obligé de régler et de rédiger par écrit les prières publiques, la manière de célébrer les mystères, et surtout l'Eucharistie. Alors les liturgies furent très-volumineuses, la plupart marquées au coin des erreurs ou des opinions régnantes dans l'Eglise, ou chez les divers docteurs qui les avaient compilées ; ainsi les liturgies chrétiennes qui devaient être très-uniformes, furent extrêmement différentes pour le tour, les expressions, et surtout les divers rites et pratiques religieuses, différence sensible en particulier sur le point essentiel, à savoir la célébration de l'Eucharistie.

L'extrême grossiereté des Grecs, ou plutôt le manque de politique de leurs patriarches, qui n'ont pas su, comme nos papes, conserver en Orient le droit de chef visible de l'Eglise, et s'affranchir de bonne heure de l'autorité des empereurs, qui prétendaient régler et le culte et les cérémonies religieuses ; cette grossiereté, ce manque de politique, dis-je, leur ont laissé ignorer le dogme important de la transubstantiation, et toutes les pratiques religieuses qui en sont la suite, leur liturgie est restée, à cet égard, dans l'état de cette primitive simplicité, méprisable aujourd'hui à ceux qu'éclaire une foi plus étendue, et fortifiée par d'incompréhensibles mystères. Ils ne croyaient point la présence réelle, et communiaient bonnement sous les deux espèces. Quelques Grecs modernes ont profité des lumières de l'Eglise latine ; mais esclaves de leurs anciens usages, ils ont voulu associer leurs idées aux nôtres, et leur liturgie offre sur l'article important de l'Eucharistie une bigarrure peu édifiante.

D'anciens Grecs, qui sont aujourd'hui les Rasciens et les Valaques, communiaient avec un petit enfant de pâte, dont chacun des communiants prenait un membre, ou une petite partie ; cet usage bizarre s'est conservé jusqu'à nos jours dans quelques églises de Transylvanie sur les confins de la Pologne ; il y a des églises en Rascie, où l'on célèbre l'Eucharistie avec un gâteau sur lequel est peint ou représenté l'Agneau paschal ; en général, dans toute l'église grecque, l'Eucharistie se fait, more majorum, à la suite d'une agape ou repas sacré. La haute église d'Angleterre, appelée l'église anglicane, a conservé dans l'Eucharistie bien des usages de l'église latine ; le saint Sacrement posé sur un autel, le communiant vient le recevoir à genoux. En Hollande, les communiants s'asseyent autour d'une table dressée dans l'ancien chœur de leurs temples, le ministre placé au milieu bénit et rompt le pain, il remplit et bénit aussi la coupe, il fait passer le plat où sont les morceaux de pain rompu à droite, la coupe à gauche ; et dès que les assistants ont participé à l'un et à l'autre des symboles, il leur fait une petite exhortation, et les bénit ; une seconde table se forme, et ainsi de suite.

En Suisse, et dans la plupart des églises protestantes d'Allemagne, on Ve en procession auprès de la table, on reçoit debout la communion ; le pasteur, en distribuant le pain et le vin, dit à chacun des communiants un passage de l'Ecriture sainte ; la cérémonie finie, le pasteur remonte en chaire, fait une prière d'action de grâces ; après le chant du cantique de Siméon, il bénit l'assemblée et la congédie.

Les collégiants de Rinsburg ne communient qu'une fois l'année ; ils font précéder le Sacrement d'un pain, ou d'une oblation générale, qu'ils appellent le baptême et la mort de Christ : ils font un repas entrecoupé de prières courtes et fréquentes, et le terminent par l'Eucharistie ou fraction du pain, avec toute la simplicité des premiers temps de l'Eglise.

Les Quakers, les Piétistes, les Anabaptistes, les Méthodistes, les Moraves ont tous des pratiques et des usages différents dans la célébration de l'Eucharistie ; les derniers en particulier ne craient leur communion efficace, qu'autant qu'ils entrent par la foi dans le trou mystique du Sauveur, et qu'ils vont s'abreuver à cette eau miraculeuse, à ce sang divin qui sortit de son côté percé d'une lance, qui est pour eux cette source d'une eau vive, jaillissante en vie éternelle, qui prévient pour jamais la soif, et dont Jesus-Christ parlait à l'obligeante Samaritaine. Les liturgies de ces diverses sectes règlent ces pratiques extérieures, et établissent aussi les sentiments de l'Eglise sur un sacrement, dont l'essence est un des points fondamentaux de la foi chrétienne.

Depuis le XIIe siècle, l'Eglise catholique ne communie que sous une espèce avec du pain azyme : dans ce pain seul et dans chaque partie de ce pain on trouve le corps et le sang de Jesus-Christ ; et quoique les bons et les méchants le reçoivent également, il n'y a que les justes qui reçoivent le fruit et les grâces qui y sont attachées.

Luther et ses sectateurs soutiennent que la substance du pain et du vin restent avec le corps et le sang de Jesus-Christ. Zwingle et ceux qui suivent sa doctrine, pensent que l'Eucharistie n'est que la figure du corps et du sang du Sauveur, à laquelle on donnait le nom des choses dont le pain et le vin sont la figure. Calvin cherchant à spiritualiser encore plus les choses, dit que l'Eucharistie renferme seulement la vertu du corps et du sang de Jesus-Christ. Pour dire le vrai, il y a peu de système et de philosophie dans ces diverses opinions ; c'est qu'on a voulu chercher beaucoup de mystères dans des pratiques religieuses très-simples dans leur origine, et dont l'esprit facîle à saisir était cependant moins proposé à notre intelligence qu'à notre foi.

Quoique ces diverses opinions soient assez obscurement énoncées dans les liturgies, leurs auteurs ont cependant cherché comme à l'envi à accréditer leurs ouvrages, en les mettant sous les noms respectables des évangelistes, des apôtres, ou des premiers pères de l'Eglise.

1°. Ainsi la liturgie de saint Jacques, l'une des plus anciennes, ne saurait être de cet apôtre, puisque les termes consacrés dans le culte, l'ordre des prières et les cérémonies qu'elle règle, ne conviennent absolument point aux temps apostoliques, et n'ont été introduites dans l'Eglise que très-longtemps après. 2°. La liturgie de S. Pierre, compilation de celle des Grecs et de celle des Latins, porte avec elle des preuves qu'elle ne fut jamais composée par cet apôtre. 3°. La messe des Ethiopiens, appelée la liturgie de saint Matthieu, est visiblement supposée, puisque l'auteur y parle des évangélistes, il veut qu'on les invoque ; et l'attribuer à saint Matthieu, c'est lui prêter un manque de modestie peu assorti à son caractère. D'ailleurs les prières pour les papes, pour les rais, pour les patriarches, pour les archevêques, ce qui y est dit des conciles de Nicée, Constantinople, Ephese, etc. sont autant de preuves qu'elle n'a de saint Matthieu que le nom. On peut dire la même chose de telles sous les noms de saint Marc, de saint Barnabé, de saint Clément, de saint Denis l'aréopagite, etc.

L'Eglise latine a sa liturgie, qui a eu son commencement, ses progrès, ses augmentations, et qui n'est point parvenue à sa perfection, sans subir bien des changements, suivant la nécessité des temps et la prudence des pontifes.

L'Eglise grecque a quatre liturgies, celle de saint Jacques, de saint Marc, de saint Jean-Chrysostôme et de saint Basile, mais les deux dernières sont celles dont elle fait le plus généralement usage ; celle de saint Jacques ne se lisant qu'à Jérusalem et à Antioche, et celle de saint Marc dans le district d'Alexandrie.

Il est étonnant que Leo Allatius, le cardinal Bellarmin, et après lui le cardinal Bona, aient pu assurer que les liturgies de saint Marc et de saint Jacques soient réellement de ces apôtres, que celle de saint Jacques est l'origine de toutes les liturgies, et qu'elle a été changée et augmentée dans la suite, comme il arrive à tous les livres ecclésiastiques.

Penser de la sorte, c'est se refuser aux règles d'une saine critique, et ne faire nulle attention à d'anciennes autorités, qui ne doivent laisser aucun doute sur la question : ainsi Théod. Balsamon, ce patriarche grec d'Antioche, que l'empereur Isaac Lange sut si bien leurrer en se servant de lui pour procurer à Dosithée le patriarchat de Constantinople, dont il l'avait flatté en secret ; ce Balsamon, dis-je, requis par lettres de dire son sentiment, si les liturgies qu'on avait sous les noms de saint Marc et de saint Jacques, étaient véritablement d'eux, répondit : " Que ni l'Ecriture-sainte, ni aucun concîle n'avait attribué à saint Marc la liturgie qui portait son nom ; qu'il n'y avait que le 32. canon du concîle de Trullo qui attribuât à saint Jacques la liturgie qui était sous son nom, mais que le 85 canon des apôtres, le 59 canon du concîle de Laodicée dans le dénombrement qu'ils ont fait des livres de l'Ecriture-sainte composés par les apôtres, et dont on devait se servir dans l'Eglise, ne faisaient aucune mention des liturgies de saint Jacques et de saint Marc ".

Les Arméniens, les Cophtes, les Ethiopiens ont aussi leurs diverses liturgies, écrites dans leurs langues, ou traduites de l'arabe.

Les chrétiens de Syrie comptent plus de quarante liturgies syriaques, sous divers noms d'apôtres, d'évangélistes, ou de premiers pères de l'Eglise ; les Maronites ont fait imprimer à Rome, en 1592, un Missel qui contient douze liturgies différentes.

Les Nestoriens ont aussi leur liturgie en langue syriaque, de laquelle se servent aujourd'hui les chrétiens des Indes, qu'on appelle de saint Thomas ; il est étonnant que ceux qui ont attribué ce christianisme indien, ou plutôt ce nestorianisme à saint Thomas l'apôtre, ne lui aient pas attribué aussi la liturgie. Mais la vérité est que saint Thomas n'établit ni la liturgie, ni la religion sur la côte de Coromandel ; on sait aujourd'hui que ce fut un marchand de Syrie, nommé Marc-Thomas, qui s'étant habitué dans cette province au VIe siècle, y porta sa religion nestorienne ; et lorsque dans les derniers temps nous allames trafiquer avec ces anciens chrétiens, nous trouvames qu'ils n'y connaissaient ni la transubstantiation, ni le culte des images, ni le purgatoire, ni les sept sacrements.

On voit dans le cabinet d'un curieux en Hollande un manuscrit sur une espèce de peau de poisson, qui est un ancien Missel d'Islande, dans un jargon dont il n'y a que les terminaisons qui soient latines, on y lit les noms de saint Olaus et Hermogaré, c'est une liturgie très-informe, l'office des exorcistes en contient près des trois quarts, tant la philosophie avait de part à ces sortes d'ouvrages.

Les Protestants ont aussi leurs liturgies en langue vulgaire ; ils les prétendent fort épurées et plus conformes que toutes les autres à la simplicité évangélique, mais il ne faut que les lire pour y trouver l'esprit de parti parmi beaucoup de bonnes choses et des pratiques très-édifiantes ; d'ailleurs les dogmes favoris de leurs réformateurs, la prédestination, l'élection, la grâce, l'éternité des peines, la satisfaction, etc. répandent plus ou moins dans leurs liturgies une certaine obscurité, quelque chose de dur dans les expressions, de forcé dans les allusions aux passages de l'Ecriture-sainte ; ce qui, sans éclairer la foi, diminue toujours jusques à un certain point cette onction religieuse, qui nourrit et soutient la piété.

Enfin quelques-unes de leurs liturgies particulières pechent par les fondements qu'elles prennent pour les cérémonies les plus respectables ; comme, par exemple, quelques liturgies fondent le baptême sur la bénédiction des enfants par le Seigneur Jesus ; action du Sauveur qui n'a nul rapport avec l'institution de ce sacrement.

Chaque église, ou plutôt chaque état protestant, a sa liturgie particulière. Dans plusieurs pays les magistrats civils ont mis la main à l'encensoir, et ont fait et rédigé par écrit les liturgies ; se contentant de consulter pour la forme les ecclésiastiques ; peut-être n'est-ce pas un si grand mal.

La meilleure liturgie protestante est l'anglicane, autrement celle de la haute église d'Angleterre, la dévotion du peuple y est excitée par les petites litanies, et les divers passages de l'Ecriture-sainte qu'il répète fréquemment.

Il est dans le christianisme une secte considérable, dont on peut dire que le principe fondamental est de ne point avoir de liturgie, et d'attendre dans leurs assemblées religieuses ce que l'esprit leur ordonne de dire, et l'esprit est rarement muet pour ceux qui ont la fureur de parler.

Les liturgies ont une intime relation avec les livres symboliques, entant qu'ils font règles de foi et de culte ; mais ils trouveront leur place à l'article SYMBOLE.

Est-ce à la foudroyante musique des chantres de Josué autour de Jérico, à la douce harmonie de la harpe de David, à la bruyante ou fastueuse musique des chantres du temple de Salomon, ou au pieux chant du cantique que Jesus-Christ et ses apôtres entonnèrent après la première institution de la pâque chrétienne, que nous sommes redevables de nos chœurs, des hymnes, pseaumes et cantiques spirituels, qui, dans toutes les communions chrétiennes, font et ont toujours fait une partie considérable du culte public réglé par nos liturgies ; c'est sans doute ce qui mériterait de devenir l'objet des recherches de nos commentateurs, autant et plus que ce tas de futilités dont leurs savants et inutiles ouvrages sont remplis.

Au reste, la musique, ou plutôt le chant a été chez tous les peuples le langage de la dévotion.

Pacis opus docuit, jussit que silentibus omnes

Inter sacra tubas, non inter bella sonare.

Calph. eclog.

C'est encore aujourd'hui en chantant que les Sauvages de l'Amérique honorent leurs divinités. Toutes les fêtes, les mystères des dieux de l'antiquité païenne se célébraient au milieu des acclamations publiques, du pieux frédonnement des prêtres et des bruyantes chansons des dévots. Chansons dont le sujet et les paroles faisaient avec les rites et les diverses cérémonies de leurs sacrifices toutes leurs liturgies ; à l'exacte observation desquelles ils étaient, comme on le sait, très-scrupuleusement attachés.

Jean-Gaspard Suicer, savant grec, fait une remarque qui merite qu'on y fasse attention dans son trésor de la langue grecque au mot , qui munus aliquod publicum obiit, minister publicus, sed peculiariter usurpatur de bello ; en effet, ce mot dans Isocrates signifie un héraut d'armes, et sans doute que était ou sa commission, ou la harangue qu'il prononçait dans les déclarations de guerre ; dans cette supposition toute naturelle, il faut convenir que les liturgies ont assez bien soutenu leur primitive destination, puisqu'elles ont causé je ne sais combien de guerres sanglantes, d'autant plus cruelles que leur source était sacrée. Que de sang n'ont pas fait répandre les doutes sur ces questions importantes dont les premières notions parurent dans les liturgies ! La consubstantiabilité du verbe, les deux volontés de Jesus-Christ, la célèbre question, si le saint Esprit procede du Père ou du Fils ?

Mais, pour parler d'évenements plus rapprochés de notre siècle, ne fut-ce pas une question de liturgie qui abattit, en 1619, la tête du respectable vieillard Barneweldt ? Et trente ans après, l'infortuné roi d'Angleterre Charles I. ne dut-il point la perte ignominieuse et de sa couronne et de sa vie, à l'imprudence qu'il avait eue quelques années auparavant, d'envoyer en Ecosse la liturgie anglicane, et d'avoir voulu obliger les presbytériens écossais à recevoir un formulaire de prières différent de celui qu'ils suivaient.

Conclusion. Les liturgies nécessaires sont les plus courtes, et les plus simples sont les meilleures ; mais sur un article aussi délicat, la prudence veut qu'on sache respecter souvent l'usage de la multitude quelque informe qu'il sait, d'autant plus que celui à qui on s'adresse entend le langage du cœur, et qu'on peut, in pettò, réformer ce qui parait mériter de l'être.




Affichages : 1757