S. f. (Théologie) créance uniforme de plusieurs personnes, qui les unit sous un même chef dans une même église. Voyez UNITE, EGLISE.

C'est dans ce sens que l'on dit que les Luthériens et les Calvinistes ont été retranchés de la communion de l'Eglise romaine. Dès les premiers temps le mot de communion est pris en ce sens, comme il parait par les canons du concîle d'Elvire. Le pape est le chef de la communion catholique, et l'Eglise ou le siège de Rome en est le centre : on ne peut s'en séparer sans être schismatique. Voyez UNITE et SCHISME.

COMMUNION DES SAINTS, c'est l'union, la communication qu'ont entr'elles l'Eglise triomphante, l'Eglise militante, et l'Eglise souffrante, c'est-à-dire les saints qui règnent dans le ciel, les âmes qui sont dans le purgatoire, et les fidèles qui vivent sur la terre : ces trois parties d'une seule et même Eglise forment un corps dont Jesus-Christ est le chef invisible ; le pape, vicaire de Jesus-Christ, le chef visible, et dont les membres sont unis entr'eux par les liens de la charité, et par une correspondance mutuelle d'intercession et de prières. De-là l'invocation des saints, la prière pour les défunts, et la confiance au pouvoir des bienheureux auprès du trône de Dieu. La communion des saints est un dogme de foi, un des articles du symbole des apôtres. Credo.... sanctorum communionem. Elle se trouve assez clairement exprimée au II. liv. des Macchab. ch. XIIe vers. 44. et suiv. et elle a été constamment reconnue par toute la tradition.

COMMUNION est aussi l'action par laquelle on reçoit le corps et le sang de Jesus-Christ au très-saint sacrement de l'eucharistie. Cette action, la plus auguste de notre Religion, est ainsi décrite par saint Paul, prem. aux Cor. ch. Xe Calix benedictionis cui benedicimus, nonne communicatio sanguinis Christi est ? et panis quem frangimus, nonne participatio corporis Domini est ? L'apôtre au même endroit explique l'esprit de cette cérémonie religieuse : Unus panis et unum corpus multi summus, omnes qui de uno panne et de uno calice participamus. On peut voir dans l'apologétique de Tertullien, et dans la seconde apologie de S. Justin, avec quelle ferveur et quelle pureté les premiers fidèles célébraient cette action, à l'occasion de laquelle les payens les noircissaient des plus horribles calomnies. Voyez EUCHARISTIE et PRESENCE REELLE.

COMMUNION SOUS LES DEUX ESPECES, c'est-à-dire sous l'espèce du pain et sous l'espèce du vin. Il est constant par plusieurs monuments des premiers siècles, que l'Eglise n'a pas jugé la communion sous les deux espèces nécessaire, et qu'elle a cru que Jesus-Christ étant tout entier sous chaque espèce, on le recevait également sous chaque espèce séparée, comme sous les deux espèces réunies. Mais sa discipline a varié sur cet article, quoique sa foi ait toujours été la même. Dans le IXe siècle on donnait la communion sous les deux espèces, ou plutôt on donnait l'espèce du pain trempée dans celle du vin. Acta SS. Bened. saec. IIIe M. de Marca dans son histoire de Béarn, liv. V. ch. Xe §. 3. observe aussi qu'on la recevait dans la main ; et il croit que la communion sous une seule espèce a commencé en Occident sous le pape Urbain II. l'an 1096, au temps de la conquête de la Terre-sainte.

Le vingt-huitième canon du concîle de Clermont auquel ce pape présida, ordonne que l'on communie sous les deux espèces séparément : mais il ajoute cependant deux exceptions, l'une de nécessité, et l'autre de précaution, nisi per necessitatem aut cautelam ; la première pour les malades, et la seconde en faveur des abstèmes, ou de ceux qui auraient horreur du vin.

Cette observation prouve combien étaient mal fondées les instances qu'ont faites par la suite les Hussites, les Calixtins, et après eux Carlostad, pour faire rétablir l'usage de la communion sous les deux espèces. Le retranchement de la coupe était une discipline depuis longtemps établie pour remédier à mille abus, et surtout au danger de la profanation du sang de Jesus-Christ. L'indulgence qu'eut l'Eglise de s'en relâcher par le compactatum du concîle de Constance en faveur des Hussites, ne produisit aucun des bons effets qu'on s'en était promis : ces hérétiques persévérèrent dans leur révolte contre l'Eglise, et n'en furent pas moins acharnés à inonder de sang leur patrie. La même question fut agitée depuis au concîle de Trente, où l'empereur Ferdinand et le roi de France Charles IX. demandaient qu'on rendit au peuple l'usage de la coupe. Le sentiment contraire prévalut d'abord ; mais à la fin de la vingt-deuxième session les pères laissèrent à la prudence du pape à décider s'il était expédient ou non d'accorder cette grâce. En conséquence Pie IV. à la prière de l'empereur Ferdinand, l'accorda à quelques peuples d'Allemagne, qui n'usaient pas mieux de cette condescendance que n'avaient fait les Bohémiens. Une foule de monuments d'antiquité ecclésiastique, qu'on peut voir dans les théologiens catholiques, prouvent que la communion sous les deux espèces n'est nécessaire ni de précepte divin ni de précepte ecclésiastique, et par conséquent qu'il n'y a nulle nécessité de changer la discipline présente de l'Eglise romaine, que les Protestants n'attaquent d'ailleurs que par de mauvaises raisons.

COMMUNION FREQUENTE. La communion est de précepte divin pour les adultes, selon ces paroles de Jesus-Christ, en S. Jean, ch. VIe vers. 45. Nisi manducaveritis carnem Filii hominis, et biberitis ejus sanguinem, non habebitis vitam in vobis. Mais Jesus-Christ n'ayant fixé ni le temps ni les circonstances où ce précepte oblige, c'est à l'Eglise seule à les déterminer. Dans les premiers siècles de l'Eglise la ferveur et la piété des fidèles étaient si grandes, qu'ils participaient fréquemment à l'eucharistie. On voit dans les actes des apôtres que les fidèles de Jérusalem persévéraient dans la prière et dans la fraction du pain ; ce que les interpretes entendent de l'eucharistie. Lorsque la persécution était allumée, les Chrétiens se munissaient tous les jours de ce pain des forts, pour résister à la fureur des tyrants : considerantes idcirco, dit S. Cyprien, épit. 56. se quotidie calicem sanguinis Christi bibere, ut possint et ipsi propter Christum sanguinem fundere. Mais quand la paix eut été rendue à l'Eglise, cette ferveur se ralentit, l'Eglise même fut obligée de faire des lois pour fixer le temps de la communion. Le dix-huitième canon du concîle d'Agde enjoint aux clercs de communier toutes les fois qu'ils serviront au sacrifice de la messe, tome IV. concil. p. 1586. Mais il ne parait pas qu'il y en eut encore de bien précise pour obliger les laïcs à la communion fréquente. S. Ambraise en exhortant les fidèles à s'approcher souvent de la sainte table, remarque qu'en Orient il y en avait beaucoup qui ne communiaient qu'une fois l'année : Si quotidianus est panis, cur post annum sumis, quemadmodum Graeci facère in Oriente consueverunt ? lib. V. de sacram. c. IVe Et S. Chrysostome rapporte que de son temps les uns ne communiaient qu'une fois l'année, les autres deux fais, et d'autres enfin plus souvent : Multi hujus sacrificii semel in toto anno sunt participes ; alii autem bis, alii saepe. Homil. 17. in epist. ad Hebr. Et le jugement qu'en porte ce père est très-remarquable : Quid ergo, ajoute-t-il ? quinam erunt nobis magis accepti ? an qui semel ? an qui saepe ? an qui raro ? nec hi, nec illi ; sed qui cum mundâ conscientiâ, qui cum mundo corde, qui cum vitâ quae nulli est affinis reprehensioni.

Gennade prêtre de Marseille, qui vivait au Ve siècle, dans son livre des dogmes ecclésiastiques qu'on a autrefois attribué à S. Augustin, et qui se trouve imprimé dans l'appendix du tome VIII. des ouvrages de ce père, parle ainsi de la communion journalière : Quotidie eucharistiae communionem percipere, nec laudo, nec vitupero : omnibus tamen dominicis diebus communicandum suadeo et hortor ; si tamen ments in affectu peccandi non sit : nam habentem adhuc voluntatem peccandi, gravari dico magis eucharistiae perceptione, quam purificari. Ces pères, et une infinité d'autres que nous pourrions citer, en exhortant les fidèles à la communion fréquente, et même très-fréquente, et leur intimant la menace de Jesus-Christ, nisi manducaveritis carnem, etc. ne manquaient jamais de leur remettre sous les yeux ces paroles terribles de S. Paul aux Corinthiens : Quicumque manducaverit panem hunc, vel biberit calicem Domini indignè, reus erit corporis et sanguinis Domini... Probet autem se ipsum homo.... Non potestis participes esse mensae Domini, et mensae daemoniorum. C'est-à-dire qu'ils ne séparaient jamais ces deux choses, le désir ou la fréquentation du sacrement, et le respect ou les dispositions nécessaires pour s'en approcher dignement, et le recevoir avec fruit. Mais ils n'ont jamais parlé de la communion fréquente, encore moins de la communion journalière, comme d'une chose prescrite par aucun précepte divin ou ecclésiastique.

Ce ne fut que vers le huitième siècle que l'Eglise voyant la communion devenue très-rare, obligea les Chrétiens à communier trois fois l'année, c'est-à-dire à Pâque, à la Pentecôte, et à Noel. C'est ce que nous voyons par le chapitre etsi non frequentius, de consecr. dist. secund. et par la decrétale que Gratien attribue au pape S. Fabien, mais que la critique a fait voir être un ouvrage du huitième siècle. Vers le treizième siècle la tiédeur des fidèles était encore devenue plus grande, ce qui obligea le quatrième concîle de Latran à ordonner de recevoir au moins à Pâque le sacrement de l'eucharistie, sous les peines portées par le canon suivant : Omnis utriusque sexus fidelis, postquam ad annos discretionis pervenerit, omnia sua peccata, saltem semel in anno, confiteatur proprio sacerdoti, et injunctam sibi paenitentiam studeat pro viribus adimplere, suscipiens reverenter ad minus in Paschâ eucharistiae sacramentum, nisi forte de consilio proprii sacerdotis, ob aliquam rationabilem causam, ad tempus ab ejus perceptione duxerit abstinendum ; alioquin et vivens ab ingressu ecclesiae arceatur, et moriens christianâ careat sepulturâ. Il est bon de remarquer dans ce canon, que par le mot ad minus le concîle montre qu'il souhaite que les fidèles ne se bornent point à communier à Pâque, mais qu'ils le fassent plus souvent, pour ramener la pratique des premiers siècles où l'on communiait plus fréquemment : 2°. que le concîle laisse à la prudence du confesseur à décider si dans certaines occasions il n'est pas expédient de différer la communion même paschale, eu égard aux dispositions du pénitent ; ce qui prouve que le concîle n'a pas eu moins d'attention que les pères à la nécessité de ces dispositions.

Le concîle de Trente a renouvellé le même canon, sess. 13. ch. xjx. Mais pour ce qui regarde la communion fréquente, voici comme il s'exprime dans la même session, ch. VIIIe Paterno affectu admonet sancta synodus per viscera misericordiae Dei nostri.... ut panem illum supersubstantialem frequenter fidèles percipere possint. Et dans la session 22. ch. VIe Optaret quidem sancta synodus ut in singulis missis fidèles adstantes, non solum spirituali affectu, sed sacramentali etiam eucharistiae perceptione communicarent, quo ad eos sanctissimi hujus sacrificii fructus uberior perveniret. Tel est le vœu de l'Eglise sur la fréquente communion ; mais ce n'est ni une ordonnance ni un decret formel. Quant aux dispositions à la communion en général, outre que le concîle exige l'état de grâce ou l'exemption de péché mortel pour ne pas recevoir indignement l'eucharistie, qui, selon le langage de l'école, est un sacrement des vivants et non des morts, il exige encore que pour communier avec fruit, on s'en approche avec des dispositions plus éminentes ; et quant à la communion fréquente, voici ce qu'il enseigne, sess. 13. ch. VIIIe Haec sacra mysteria corporis et sanguinis Domini omnes et singuli, ea fidei constantia et firmitate, ea animi devotione ac pietate et cultu credant et venerentur, ut panem illum supersubstantialem frequenter suscipere possint. Il enseigne encore dans la même session, qu'un chrétien ne doit pas s'approcher de l'eucharistie sans un grand respect et une grande sainteté. Nous verrons bien-tôt ce que les pères et les maîtres de la vie spirituelle entendent par cette sainteté.

La nécessité ou la suffisance des dispositions requises pour la communion fréquente, ont jeté divers théologiens modernes dans des excès et des erreurs bien opposées à la doctrine des pères et à l'esprit de l'Eglise. Les uns uniquement occupés de la grandeur et de la dignité du sacrement, et de la distance infinie qu'il y a entre la majesté de Dieu et la bassesse de l'homme, ont exigé des dispositions si sublimes, que non-seulement les justes, mais les plus grands saints, ne pourraient communier même à Pâque. Telle est la pernicieuse doctrine condamnée dans ces deux propositions par le pape Alexandre VIII. Sacrilegi judicandi sunt, qui jus ad communionem percipiendam praetendunt, antequam condignam de delictis suis paenitentiam egerint.... Similiter arcendi sunt à sacrâ communione quibus nondum inest amor Dei purissimus, et omnis mixtionis expers. Les autres oubliant le respect dû à J. C. présent dans l'eucharistie, et uniquement attentifs aux avantages qu'on retire ou qu'on peut retirer de la communion fréquente et même journalière, n'ont cherché qu'à en faciliter la pratique, en négligeant d'insister ou d'appuyer sur les dispositions que demande un sacrement si auguste. Ils ont donc enseigné que la seule exemption du péché mortel suffit pour communier souvent, très-souvent, et même tous les jours : que les dispositions actuelles de respect, d'attention, de désir, et la pureté d'intention, ne sont que de conseil : qu'il est meilleur et plus salutaire de recevoir la communion, et même tous les jours, sans ces dispositions, que de la différer pendant quelque temps pour les acquérir : que jamais, et dans aucune occasion, il n'est permis à un juste de s'éloigner de la communion par respect : que tout pécheur, coupable même de crimes énormes et multipliés, doit communier aussi-tôt après l'absolution reçue : qu'il ne faut ni plus de disposition ni plus de perfection pour communier tous les jours, que pour communier rarement : que les confesseurs ne doivent jamais imposer pour pénitence le délai de la communion, quelque court qu'il puisse être ; que les pénitens sont seuls juges par rapport à eux dans cette matière : que pour communier plus ou moins souvent, ils ne doivent ni demander conseil à leurs directeurs, ni suivre leur avis, surtout s'il tend à les éloigner de la sainte table, ne fût-ce que pour quelque temps : enfin ils taxent d'imprudence les règles des communautés religieuses qui fixent le nombre des communions, quoique ces règles soient approuvées par les souverains pontifes, et autorisées par l'usage constant de tous les ordres religieux.

Comme on a accusé M. Arnauld d'avoir établi le rigorisme dans son livre de la fréquente communion, et qu'on taxe le père Pichon jésuite de favoriser ouvertement le relâchement dans son ouvrage intitulé l'Esprit de Jesus-Christ et de l'Eglise sur la fréquente communion, nous allons donner au lecteur une idée de ces deux fameux écrits.

Le livre de la fréquente communion fut composé par M. Arnauld à cette occasion. Le père de Saismaisons jésuite ayant vu, par le moyen d'une de ses pénitentes, une instruction que M. de S. Cyran avait dressée pour la direction de madame la princesse de Guimené qui se conduisait par ses avis, crut y trouver des maximes dangereuses, et entreprit aussi-tôt de le réfuter par un écrit intitulé question, s'il est meilleur de communier souvent que rarement. Cette réfutation étant tombée entre les mains de M. Arnaud, il se crut obligé d'y répondre.

Cet ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première, M. Arnauld traite de la véritable intelligence de l'Ecriture et des pères, que le père de Saismaisons allegue pour la fréquente communion ; 2°. des conditions d'un bon directeur pour régler les communions ; 3°. si l'on doit porter indifféremment toutes sortes de personnes à communier tous les huit jours ; 4°. de l'indisposition que les péchés véniels peuvent apporter à la fréquente communion. Dans les vingt-sept premiers chapitres ce docteur discute les passages de l'Ecriture et des pères allégués par le jésuite. Depuis le chapitre xxviij. jusqu'au xxxjv. inclusivement, on expose les qualités prescrites par le père de Saismaisons même pour un bon directeur. Le troisième objet remplit les chapitres xxxv. xxxvj. xxxvij. et xxxviij. où l'on combat encore des raisons assez legeres que le père de Saismaisons avait alléguées pour prouver qu'on peut permettre indifféremment la communion à toutes sortes de personnes tous les huit jours. Les deux chapitres suivants sont destinés à prouver, par des témoignages des pères et par des exemples des saints, qu'on a eu égard aux péchés véniels pour régler les communions.

Dans la seconde partie M. Arnauld examine cette question, s'il est meilleur et plus utîle aux âmes qui se sentent coupables de péchés mortels, de communier aussi-tôt qu'elles se sont confessées, ou de prendre quelque temps pour se purifier par la pénitence avant que de se présenter au saint autel. Il divise sa réponse en trois points : 1°. il examine les autorités de l'Ecriture, des pères, et des conciles, dont le P. de Saismaisons appuyait son sentiment : 2°. il examine si ce n'a jamais été la pratique de l'Eglise de faire pénitence plusieurs jours avant que de communier ; et sur ce point il conclut de la discipline de l'Eglise primitive sur la pénitence, à l'usage présent de l'Eglise ; et c'est sans-doute ce qui a donné occasion à ce rigorisme introduit dans la spéculation et dans la pratique, et qui a fait dire sans distinction, que c'est une conduite pleine de sagesse, de lumière et de charité, de donner aux âmes le temps de porter avec humilité et de sentir l'état du péché, de demander l'esprit de pénitence et de contrition, et de commencer au moins à satisfaire à la justice de Dieu avant que de les reconcilier ; c'est la quatre-vingt-septième proposition du P. Quesnel condamnée par la bulle, et évidemment fausse dans sa généralité ; 3°. Mr. Arnauld s'efforce de prouver que c'est à tort qu'on condamne de témérité ceux qui s'efforcent de fléchir la miséricorde de Dieu par la mortification de leur chair et l'exercice des bonnes œuvres avant que de s'approcher du sanctuaire ; et il le prouve assez bien par différentes autorités qui concernent les péchés mortels publics ou d'habitude. Mais on sait assez jusqu'où les rigoristes ont porté les conséquences de ce principe, qui est vrai et incontestable à quelques égards.

La troisième partie roule sur quelques dispositions plus particulières pour communier avec fruit : M. Arnaud y examine si l'on doit s'approcher de l'eucharistie sans aucune crainte, dans quelque froideur, indévotion, inapplication aux choses de Dieu, privation de grâce, plénitude de l'amour de soi-même, et prodigieux attachement au monde que l'on se trouve, et si le délai ne peut point servir à communier avec plus de révérence et meilleure disposition : il montre qu'au moins pour la communion fréquente on doit avoir beaucoup d'égards à toutes ces indispositions.

Il résulte de cet ouvrage que M. Arnauld, et tous ceux qui pensent comme lui, exigent pour la fréquente communion des dispositions bien sublimes, et par conséquent rares dans la plupart des chrétiens : aussi leurs adversaires les ont-ils accusés de retirer d'une main la communion aux fidèles, tandis qu'ils la leur présentaient de l'autre.

Quoi qu'il en puisse être des intentions et de la conduite de M. Arnauld et de ses partisans, dans la pratique ; le livre de la fréquente communion parut imprimé en 1643, muni des approbations de seize archevêques et évêques de France, et de vingt-quatre docteurs de Sorbonne : on peut les voir à la tête de l'ouvrage. A ces premiers prélats se joignit deux ans après, la province ecclésiastique d'Ausch, composée de son archevêque et de dix évêques suffragans, qui avec quantité d'ecclésiastiques du second ordre, approuvèrent le livre tout d'une voix dans une assemblée provinciale tenue en 1645.

Cet ouvrage dès sa naissance excita des plaintes très-vives. Il fut dénoncé à Rome. Les seize évêques premiers approbateurs en écrivirent, en 1644, au pape Urbain VIII. une longue lettre, où ils font l'éloge du livre, et s'en déclarent les défenseurs. Les mêmes évêques, excepté trois qui étaient morts, écrivirent l'année d'après, sur le même sujet, au pape Innocent X. qui avait succédé à Urbain VIII. Ces deux lettres furent rendues au pape par M. Bourgeais, l'un des vingt-quatre docteurs de Sorbonne qui avaient approuvé le livre ; et il lui présenta depuis une procuration signée de quatre archevêques et de seize évêques, qui lui donnaient le pouvoir de comparaitre pour eux et en leur nom devant le pape, pour y défendre le livre de la fréquente communion. Ce docteur fut reçu par la congrégation en qualité de contradicteur ; on lui communiqua les plaintes et accusations : il y répondit par des mémoires : il instruisit les cardinaux, les officiers, et les théologiens de la congrégation ; et enfin l'affaire ayant été rapportée et mise en délibération, tous les cardinaux conclurent d'une voix à laisser le livre sans atteinte ; et jamais depuis le livre de la fréquente communion n'a été condamné à Rome. Les lettres des évêques approbateurs aux papes Urbain VIII. et Innocent X. se trouvent à la fin des nouvelles éditions de cet ouvrage.

Cependant le P. Nouet jésuite, avait prêché publiquement dans Paris contre le livre de la fréquente communion, sans ménager l'auteur ni les évêques approbateurs. D'un autre côté, le fameux P. Petau entra en lice, tant par une lettre qu'il adressa à la reine régente Marie Anne d'Autriche, que par un autre écrit plus étendu, où il combattit méthodiquement le livre de M. Arnauld : celui-ci répondit à l'un et à l'autre, 1°. par un avertissement sur quelques sermons prêchés à Paris ; 2°. par une lettre à la reine, et par une préface qu'on trouve à la tête de la tradition de l'Eglise, sur le sujet de la pénitence et de la communion.

Le livre du P. Pichon jésuite, dont nous avons déjà rapporté le titre, parut en 1745, muni des approbations ordinaires, et annoncé avec éloge par le journaliste de Trévoux, Octobre 1745, art. lxxxvij. Il fut depuis approuvé formellement par M. l'archevêque de Besançon, par M. l'évêque de Marseille, et par M. l'évêque et prince de Bâle. Les archevêques de Paris, de Sens, de Tours, de Rouen ; les évêques d'Evreux, de Lodève, de Saint-Pons, etc. n'en portèrent pas le même jugement.

Ces prélats furent donc choqués d'entendre le P. Pichon enseigner, 1°. que lorsque l'apôtre dit, probet autem se ipsum homo, c'est comme s'il disait : " avant de communier tous les jours, à quoi il exhorte, examinez bien si vous êtes exempt de péché mortel ; et si vous l'êtes, communiez ; si vous ne l'êtes pas, purifiez-vous au plutôt, afin de ne pas manquer à la communion quotidienne ". Entret. II. pag. 212.

2°. " Que la coutume de l'Eglise déclare que cette épreuve consiste en ce que nulle personne sentant sa conscience souillée d'un péché mortel, quelque contrition qu'il lui semble en avoir, ne doit s'approcher de la sainte eucharistie sans avoir fait précéder l'absolution sacramentelle ; ce que le saint concîle de Trente ordonne devoir être observé par tous les Chrétiens, et même par les prêtres qui se trouvent obligés de célébrer par le devoir de leur emploi ". Les évêques déclarent que le P. Pichon a puisé cette maxime dans le livre de Molinos sur la fréquente communion, et ils la condamnent, aussi-bien que le commentaire suivant qu'en fait le jésuite à la page 283 de son ouvrage.

" Le concîle ne demande point en rigueur d'autre disposition, parce qu'il n'en connait point d'autre qui soit absolument nécessaire : autrement il n'aurait pas manqué un point d'une aussi grande conséquence, surtout pour les prêtres qui communient tous les jours. L'exemption du péché mortel, ou l'état de grâce, est donc la seule disposition nécessaire : elle est donc une disposition suffisante pour bien communier. Bien plus, le concîle exhorte à la communion de tous les jours, sans dire un mot d'une plus grande disposition : il le pouvait, et s'il eut été nécessaire, il le devait ; cependant il se tient ferme à dire, que les prêtres obligés par office de célébrer tous les jours, sont obligés seulement, s'ils sont coupables d'un péché mortel, de s'en confesser, sans quoi ils ne peuvent pas célébrer. Avec cette disposition, ils le peuvent donc faire. Cette disposition est donc suffisante, et seule commandée. Une comparaison, ajoute le P. Pichon, rendra la chose sensible. Vous voulez acheter une charge ; on exige dix mille livres ; ce n'est qu'à ce prix que vous la posséderez : ne suffit-il pas de donner ce qu'on exige ? est-il nécessaire de donner quelque chose de plus, puisqu'on n'exige rien au-delà ? Concluons : les PP. assemblés au concîle de Trente, ne demandent point d'autre disposition que l'exemption du péché mortel.... La sainteté commandée par Jesus-Christ, par l'apôtre, et par l'Eglise, pour recevoir dignement l'eucharistie, consiste donc précisément à être en état de grâce, et exempt de péché mortel. Voilà l'oracle qui a parlé, qui osera dire le contraire " ?

3°. De la distinction de sainteté commandée et de sainteté conseillée ou de bienséance, qui est la clé de tout l'ouvrage et la base du système du P. Pichon. Il est nécessaire de rapporter ici le texte de l'auteur, quoique fort étendu. Il se trouve aux pages 264, 265 et suiv. de son livre.

" L'abbé. Il faut être saint pour communier dignement ; les sacrés mystères ne se donnent qu'aux saints, sancta sanctis, disait autrefois le diacre à ceux qui devaient communier.

Le docteur. Je le dis aussi-bien que vous, et aussi-bien que l'Eglise par la bouche du diacre ; mais de quelle sainteté est-il ici question ? Distinguons-en de deux sortes ; sainteté de précepte, ou sainteté conseillée : la sainteté de précepte est absolument nécessaire, et sans elle on communie indignement et sacrilégement : elle consiste dans l'actuelle exemption du péché mortel, et à être par une foi animée de la charité en état de grâce. La sainteté de conseil est l'actuelle exemption de péchés véniels, dans une actuelle disposition de ferveur, de dévotion proportionnée aux grâces présentes. On a la sainteté commandée quand on est en état de grâce ; alors on est juste, on est saint, on est séparé des pécheurs : c'est en ce sens que les apôtres ont appelé les fidèles des saints....

L'abbé. Quoi, la seule nécessaire et indispensable disposition pour recevoir dignement Jesus-Christ, c'est l'exemption de tout péché mortel : en sorte qu'étant en état de grâce, et possédant Dieu par la charité, je puis communier et espérer que ma communion sera bonne, chrétienne, qu'elle plaira à Dieu, qu'elle augmentera la grâce en moi ? cela supposé, tout juste peut donc approcher de ce sacrement ; c'est-là votre sentiment ?

" Le docteur. C'est mon sentiment, parce que c'est celui de Jesus-Christ et celui de l'Eglise ; ni l'un ni l'autre ne demandent rien davantage : c'est-là une vérité catholique qu'on ne peut combattre sans errer dans la foi. Concevez bien ma pensée.

L'abbé. Je la conçais bien : vous ne parlez que de la sainteté commandée, et vous dites que l'état de grâce suffit, et qu'il est nécessairement requis pour communier dignement ; et vous ajoutez que c'est-là une vérité catholique que l'on ne peut combattre sans errer dans la foi : vos idées sont nettes, et faute de cela je vois bien maintenant qu'on l'on confond tout, que l'on brouille tout ; c'est la ressource des novateurs, que j'ai trop écoutés pour mon malheur....

L'abbé. Cela est positif ; j'en conviens : mais ne déguisons rien ; les saints pères sont bien contraires à cette décision ; que d'années de pénitence n'exigeaient-ils pas avant que d'admettre à la communion ?

Le docteur. Errez-vous toujours avec vos novateurs ? 1°. Il n'est question ici que des justes, que des âmes exemptes de péché, que des chrétiens en état de grâce. 2°. Tous les pères ont toujours pensé que selon Jesus-Christ l'exemption du péché mortel était une disposition indispensable pour la fréquente communion ; mais ils ont aussi pensé que cette disposition était suffisante....

Voici donc la vérité catholique décidée par l'Eglise : l'exemption de tout péché mortel dont on a obtenu la remission dans le sacrement de pénitence, c'est la grande sainteté qui nous rend dignes de communier ; tout le reste est conseillé ; tout le reste est une sainteté qui n'est pas commandée pour pouvoir communier. Je me fixe là avec l'Eglise, et je conclus : dès-lors que ma conscience ne me reproche aucun péché mortel, soit à cause de l'innocence de ma vie, soit à cause d'une bonne confession où je me suis purifié, j'ai la grande sainteté commandée, la sainteté nécessaire et suffisante pour communier et bien communier : je ne profanerai donc pas le sacrement ; je n'y recevrai donc pas ma mort, ma condamnation, mon jugement ; ma communion ne sera donc pas indigne ni sacrilège. Si je suis donc assez heureux pour être souvent exempt de fautes mortelles par la demeure du S. Esprit en moi, je puis souvent communier, et communier dignement. Et si par un bonheur encore plus digne d'envie, je suis toujours exempt de fautes mortelles, je puis toujours communier, et j'aurai la consolation d'apporter à la communion la grande sainteté commandée par l'Eglise. Voilà ma religion, c'est l'Eglise qui me l'enseigne.

L'abbé. Excluez-vous la sainteté conseillée ; et pourvu que l'on soit sans péché mortel, ne demanderiez-vous rien autre chose ? Si cela est, n'est-ce pas donner dans un autre excès, et permettre les communions imparfaites, et même celles que l'on ferait avec des péchés véniels ?

Le docteur. La sainteté conseillée, ou l'exemption de péché véniel, et d'affection au péché véniel ou à des imperfections, je les conseille aussi, autant que la fragilité humaine en est capable.

L'abbé. S. François de Sales ordonne que pour communier souvent, et même tous les huit jours, on soit exempt de tout péché véniel, et même de toute affection au péché véniel.

Le docteur. Jesus-Christ ni l'Eglise ne l'ordonnant pas, ce saint n'avait garde de le faire ; il était trop habîle théologien pour cela ; mais il le conseille. Cette affection est une volonté délibérée de persévérer dans ses fautes : or quel chrétien, communiant en chrétien ne tâche pas de se purifier de tout ce qui peut en lui déplaire à Dieu.

L'abbé. Dieu me parle par votre bouche, et je me sens animé de plus en plus à communier souvent. Vous exigez avec l'Eglise une préparation sage, digne de Dieu, qui ne désespère point, qui ôte toute inquiétude : vous fixez pour tous une sainteté commandée, une sainteté que tous peuvent aisément avoir : car qui voudrait communier en haïssant Dieu ? Vous conseillez toujours une sainteté plus parfaite ; vous y exhortez, et vous en donnez le moyen dans la fréquente communion : c'est le vrai esprit de Jesus-Christ et de l'Eglise ".

4°. On a été révolté d'entendre dire au père Pichon, " qu'on peut donner pour pénitence de communier souvent, puisque selon les saints conciles la fréquente communion est le moyen le plus efficace et le plus abrégé de conversion et de sanctification ; qu'un pénitent, quand il est assez heureux pour trouver un directeur qui lui impose pareille pénitence, est sur d'être conduit par l'esprit de Jesus-Christ et de l'Eglise ; qu'il n'y a que l'enfer, les libertins, les mauvais chrétiens, les novateurs, qui blâment cette pratique. Pag. 496. 497 ".

En conséquence d'avoir substitué la fréquente communion aux œuvres satisfactoires, voici ces paroles, pag. 336. " Vous ne comptez pour pénitence que de vivre dans un désert, de coucher sur la dure, de porter le cilice : ah, messieurs ce n'est-là que l'extérieure de la pénitence ! Et aux pages 473. et 474. Pour la plupart des chrétiens il n'y a guère, moralement parlant, d'autre moyen de salut que la fréquente communion. Venons à la preuve. Combien ne peuvent pas jeuner ? combien ne peuvent pas faire de longues prières ? l'aumône est impossible à tous les pauvres : la solitude et la fuite du monde ne conviennent pas à ceux qui sont mariés et à ceux qui sont en place. Pour se sauver, ajoute-t-il, il faudrait une prière fervente et continuelle ; les gens du monde sont trop occupés, trop dissipés : il faudrait faire l'aumône ; une nombreuse famille met hors d'état de la faire : il faudrait jeuner, dompter sa chair rébelle ; un tempérament délicat et infirme s'y oppose : il faudrait par un travail assidu se tirer d'une dangereuse oisiveté ; les richesses donnent un funeste repos : votre salut demanderait la fuite du monde, une profonde solitude ; une épouse, des enfants, retiennent dans le tracas du siècle. Que faire donc ? Comparons, dit-il page 369. les moyens de salut marqués dans l'Evangîle : auquel de ces moyens vous déterminerez-vous ? est-ce à une prière continuelle, à un jeune continuel, à une solitude profonde, à la distribution de tout votre bien aux pauvres, aux exercices les plus humiliants de la charité dans les hôpitaux, dans les prisons, à la pratique d'une pureté virginale ? chacun de ces moyens alarme l'amour-propre, effraye les sens, et désespère une faible volonté comme la nôtre : mais communier souvent, souvent nous unir à Jesus-Christ, est une voie bien plus aisée. Et à la page 372. le pauvre et le riche, l'homme d'épée et l'homme de robe, l'artisan et le marchand, tout le monde enfin peut aisément participer à ce sacrement adorable, sans ruiner sa santé, sans abandonner sa famille, son commerce, son emploi ; on ne peut y opposer raisonnablement aucune impossibilité : disons mieux, on a pour communier souvent toutes les facilités imaginables. D'où cet auteur conclut, p. 472. que c'est un grand mal que de ne pas employer un remède qui est, pour ainsi dire, à la main, qui nous est si proportionné, et qui peut suppléer à tous les autres remèdes. Or il avait dit de ce remède, page 470. qu'il corrige nos défauts sans amertume ; qu'il guérit nos plaies sans douleur ; qu'il purifie notre cœur sans violence ; qu'il sanctifie sans alarme, et presque sans combat ; qu'il nous détache et sépare de nous-mêmes, sans nous donner les convulsions de la mort ; et qu'il nous arrache aux créatures et nous unit à Dieu sans agonie. N'est-ce pas enseigner assez clairement qu'il n'y a guère pour les gens du monde de pénitence plus facîle et plus abrégée que la fréquente communion " ?

5°. On lui a reproché d'avoir dit, page 355. qu'il en est de l'eucharistie comme du baptême, qui agit sur les enfants et donne la grâce sans aucune autre disposition.

6°. D'avoir parlé avec peu de décence de la pénitence publique autrefois en usage dans l'Eglise, en l'appelant, page 323. une pénitence de cérémonie.

7°. D'avoir tronqué, altéré, falsifié des passages des pères, des papes, des conciles, pour en tirer des preuves en faveur de son sentiment.

8°. D'avoir imaginé ou allégué des histoires apocryphes, pour l'appuyer et en tirer des conséquences favorables à ses opinions.

Ce livre fit tant de bruit, que l'auteur se crut obligé de se rétracter : et c'est ce qu'il fit par une lettre datée de Strasbourg le 24 de Janvier 1748, et adressée à M. l'archevêque de Paris, qui la rendit publique. Cette rétractation mit à couvert la personne de l'auteur ; mais elle ne garantit pas son livre de la condamnation qu'en portèrent vingt évêques de France, les uns par des remarques, les autres par des mandements ou instructions pastorales, par lesquels ils interdirent la lecture de ce livre dans leurs diocèses. M. l'archevêque de Besançon et M. l'évêque de Marseille rétractèrent les approbations qu'ils avaient d'abord données à l'ouvrage ; et les évêques se crurent d'autant plus en droit de le condamner, malgré la soumission de l'auteur, que, comme dit l'un d'entre ces prélats, " un auteur qui condamne de bonne foi son ouvrage, qui se repent amérement devant Dieu de l'avoir donné au public, désire sincèrement qu'il ne soit point épargné : plein d'indignation contre ses malheureuses productions, qui ont alarmé tous les gens de bien, il les livre à l'autorité de la justice la plus respectable : plus il déteste toutes les erreurs qui lui ont échappé, plus il souhaite qu'il n'y en ait aucune qui soit exempte de condamnation ". Avis de M. l'archevêque de Tours aux fidèles de son diocèse.

Les principales autorités qu'on a proposées au père Pichon sont, outre les passages de S. Chrysostome et de Gennade, que nous avons rapportés au commencement de cet article, 1°. cet endroit de la dix-septième homélie de S. Chrysostome sur l'épitre aux Hébreux : " Les choses saintes sont pour les saints, sancta sanctis : le cri plein de majesté que le diacre, élevant sa main et se tenant debout, fait retentir au milieu du silence qui règne dans la célébration des saints mystères, est comme une main invisible qui repousse les uns, pendant qu'elle appelle et fait approcher les autres : comme si le ministre sacré disait, si quelqu'un n'est pas saint, qu'il se retire. Il ne dit pas, si quelqu'un n'est pas purifié de ses péchés, mais si quelqu'un n'est pas saint ; car c'est la seule habitation du S. Esprit, et l'abondance des bonnes œuvres, et non la seule exemption du péché, qui fait les saints. Ce n'est donc pas assez que vous soyez lavés de la boue, j'exige encore que vous soyez éclatants par la blancheur et par la beauté de votre âme. Que ceux-là donc approchent, et touchent avec respect à la coupe sacrée du roi ". 2°. Cet endroit de S. Thomas, in. 4. dist. IXe art. 4. Non esset consulendum alicui quod statim post peccatum mortale, etiam contritus et confessus, ad eucharistiam accedere ; sed deberet, nisi magna necessitas urgeret, per aliquod tempus propter reverentiam abstinere. Autorités qui paraissent bien diamétralement opposées à ce qu'a avancé le P. Pichon, que l'exemption du péché mortel était la seule disposition nécessaire et suffisante pour communier fréquemment.

2°. Qu'outre cette exemption de péché mortel, le concîle de Trente exige, du moins pour la communion fréquente, d'autres dispositions de ferveur : Si non decet ad sacras ullas functiones quempiam accedere nisi sanctè ; certe quo magis sanctitas et divinitas coelestis hujus sacramenti viro christiano comperta est, diligentius cavère debet, ne absque magnâ reverentiâ et sanctitate ad id percipiendum accedat. Sess. 13. ch. VIIe

3°. A sa distinction de sainteté commandée et de sainteté conseillée, on a opposé ce passage de Salazar jésuite, dans son traité de la pratique et de l'usage de la communion, ch. VIIIe où à l'exemption du péché mortel il ajoute la droiture d'intention, l'attention, la révérence, et la dévotion ou désir. " Prétendre, comme le disent quelques-uns, que le défaut d'attention n'est pas contraire à la sainte communion, est une doctrine fausse, contraire à la raison, à la doctrine des saints pères, et de S. Thomas en particulier ". Et à la fin du même chapitre : " Il se collige clairement de tout ce qui a été dit jusqu'ici : Combien se trompent lourdement ceux qui disent que toutes ces dispositions sont seulement de conseil, et précisément volontaires, excepté l'état de grâce et la confession sacramentelle, supposé quelque péché mortel. Car cela est grandement éloigné de la vérité, et ce sont doctrines qui n'ont jamais été ouies en l'Eglise de Dieu, qui sont contraires à ce que nous ont enseigné les SS. pères et les docteurs scolastiques.

A ce que le P. Pichon avait répondu à son interlocuteur, que S. François de Sales était trop habîle théologien pour avoir exigé l'exemption de toute affection au péché véniel, comme une disposition nécessaire à la fréquente communion, mais qu'il la conseillait seulement, on lui a opposé ce texte du saint évêque de Geneve, qui n'a pas besoin de commentaire. " De recevoir la communion de l'eucharistie tous les jours, ni je ne loue, ni je ne blâme : mais de communier tous les jours de dimanche, je le conseille, et y exhorte un chacun, pourvu que l'esprit soit sans aucune affection de pécher.... Pour communier tous les huit jours, il est requis de n'avoir ni péché mortel, ni aucune affection au péché véniel, et d'avoir un grand désir de communier : mais pour communier tous les jours, il faut avoir surmonté la plupart des mauvaises inclinations, et que ce soit par l'avis du père spirituel ". Ces mots, il est requis, ne peuvent jamais s'entendre d'une sainteté de conseil et de bienséance.

4°. On a fait voir par une foule de passages de l'Ecriture, des pères, et des conciles, que la pénitence étant un baptême laborieux, qui demande des combats, des efforts, qui coute à la nature, on ne pouvait regarder comme une pénitence l'eucharistie, qui est le prix de ces combats et de ces efforts, ni assigner comme un moyen de conversion, un sacrement qui suppose la conversion ; et l'on a fait voir que tant pour la communion en général, que pour la communion fréquente, il fallait avoir égard aux dispositions des pénitens ; qu'il était quelquefois à propos de leur différer la communion, suivant l'esprit du concîle de Trente sur la pénitence, et les règles prescrites par S. Charles Borromée aux confesseurs ; règles adoptées par le clergé de France en 1700, et renouvellées par les évêques dans leurs mandements, qu'on peut consulter à cet égard : on y verra qu'ils ont aussi pris la sage précaution de ne pas faire dégénérer cette épreuve en une sévérité outrée, propre à désespérer le pécheur ; et dans quel sens l'assemblée de 1714 a condamné la quatre-vingt-septième proposition du P. Quesnel.

5°. On n'a pas eu de peine à faire sentir le faux de la comparaison entre le baptême et l'eucharistie : c'est une des premières notions du catéchisme, que l'un agit sur les enfants sans aucune disposition, et que l'autre en demande de très-grandes dans les adultes.

6°. On a cru que le P. Pichon en appelant l'ancienne pénitence publique une pénitence de cérémonie, approchait beaucoup de ces expressions de Mélanchton : Scholastici viderunt in Ecclésiastesiâ esse satisfactiones, sed non animadverterunt illa spectacula instituta esse, tum exempli causâ, tum ad probandos hos qui petebant recipi ab Ecclésiastesiâ : in summâ non viderunt esse disciplinam et rem prorsus politicam. Apolog. confess. August. art. de confess. et satisf.

Quant au septième et au huitième article, on peut consulter les remarques de M. l'archevêque de Sens, et les mandements des autres prélats. (G)

COMMUNION LAIQUE : c'était autrefois une espèce de châtiment pour les clercs qui avaient commis quelque faute, que d'être réduits à la communion des laïques, c'est-à-dire à la communion sous une seule espèce.

COMMUNION ETRANGERE, était aussi un châtiment de même nature, quoique sous un nom différent, auquel les canons condamnaient souvent les évêques et les clercs. Cette peine n'était ni une excommunication, ni une déposition, mais une espèce de suspense de fonctions de l'ordre, avec la perte du rang que l'on tenait. Ce nom de communion étrangère vient de ce qu'on n'accordait la communion à ces clercs, que comme on la donnait aux clercs étrangers. Si un prêtre était réduit à la communion étrangère, il avait le dernier rang parmi les prêtres, et avant les diacres, comme l'aurait eu un prêtre étranger ; et ainsi des diacres et des sous-diacres. Le second concîle d'Agde veut qu'un clerc qui refuse de fréquenter l'église, soit réduit à la communion étrangère.

COMMUNION, dans la Lithurgie, est la partie de la messe où le prêtre prend et consume le corps et le sang de N. S. J. C. consacré sous les espèces du pain et du vin. Ce terme se prend aussi pour le moment où l'on administre aux fidèles le sacrement de l'eucharistie. On dit en ce sens, la messe est à la communion.

COMMUNION se dit aussi de l'antienne que récite le prêtre après avoir pris les ablutions, et avant les dernières oraisons qu'on nomme postcommunion. Voyez POSTCOMMUNION. (G)

COMMUNION, s. f. (Jurisprudence) se prend quelquefois pour société de biens entre toutes sortes de personnes ; c'est sous ce nom qu'elle est le plus connue dans les deux Bourgognes. C'est une maxime en droit, que in communione nemo invitus detinetur ; cod. lib. III. tit. xxxvij. l. 5. Dans quelques provinces, comme dans les deux Bourgognes, la communauté de biens entre mari et femme n'est guère connue que sous le terme de communion. On se sert aussi quelquefois de ce même terme en Bourgogne, pour désigner la portion de la dot qui entre en communauté : enfin c'est le nom que l'on donne aux associations qui ont lieu en certaines provinces entre toutes sortes de personnes, et singulièrement entre main-mortables. Cette communion entre main-mortables est une espèce de société qui a ses règles particulières ; elle doit être de tous biens ; elle se contracte expressément ou tacitement. La communion tacite est celle qui se contracte par le seul fait, par le mélange des biens et la demeure commune par an et jour. Cette communion tacite a lieu entre le père et les enfants main-mortables, et entre les enfants de l'un des communiers décédé et les autres communiers survivants. Si les enfants sont mineurs et que la continuation de communion leur soit onéreuse, ils sont restituables dans la coutume de Nivernais. La communion tacite a lieu entre les père et mère et leurs enfants mariés lorsqu'ils continuent de demeurer avec eux par an et jour, à moins qu'il n'y ait quelque acte à ce contraire ; en Bourgogne la communion n'a pas lieu dans ce cas. La communion par convention expresse se peut contracter entre toutes sortes de personnes capables de contracter, soit parents entr'eux ou étrangers, soit avec une personne franche ou avec un main-mortable ; ils n'ont même pas besoin pour cet effet du consentement du seigneur de la main-morte. Cependant la coutume de Bourgogne veut que les communiers qui se sont séparés ne puissent se remettre en communion sans le consentement du seigneur ; mais cette disposition exorbitante du droit commun doit être renfermée dans ce cas particulier. Il faut aussi excepter les communions qui ne seraient contractées qu'en fraude du seigneur, et pour le frustrer d'une succession qui lui serait échue. Le fils émancipé peut contracter une communion expresse avec son père, et la femme de ce fils participe à cette société ; mais les mineurs ne peuvent contracter aucune nouvelle communion, soit expresse ou tacite. Pour que les main-mortables soient en communion de biens à l'effet d'exclure le seigneur de son droit d'échute, il ne suffit pas qu'ils se communiquent tous leurs revenus et le produit de leur travail, il faut de plus qu'ils demeurent ensemble, et qu'ils aient un même pain et un même feu. L'absence d'un des communiers ne rompt point la communion, tant qu'il n'a point pris ailleurs d'établissement pour perpétuelle demeure. L'émancipation expresse ou tacite ne rompt pas non plus la communion du père avec le fils, à moins qu'il n'y ait habitation séparée, et une séparation volontaire, ou que le père en mariant son fils ait souffert que celui-ci ait stipulé une communauté particulière de biens entre lui et sa femme. L'habitation séparée rompt aussi la communion entre les héritiers, soit directs ou collatéraux : la vente et le partage produisent aussi le même effet. Cette matière est amplement traitée par M. le président Bouhier, en ses observations sur la coutume de Bourgogne, article lxjx. où l'on trouvera encore beaucoup d'autres questions qui y ont rapport. Voyez aussi Coquille sur Nivernais, ch. VIIIe §. 7. Dunod, de la main-morte, ch. IIIe sect. 1. p. 77. (A)