(Astronomie) satellites de Vénus. Depuis la découverte des satellites de Jupiter et de Saturne, qui ne sont que des lunes semblables à celle qui tourne autour de la planète que nous habitons, l'analogie a dû faire soupçonner l'existence de pareils astres autour des autres corps. Pourquoi ce présent n'aurait-il été fait qu'à certaines planètes, tandis qu'il s'en trouve d'intermédiaires, qui par leur éloignement semblaient devoir jouir des mêmes avantages, et qui ne sont pas moins importants dans le système des corps assujettis à notre soleil : tels sont Mercure, Vénus et Mars ? Ces sortes d'inductions prennent une nouvelle force, si on considère attentivement les phénomènes de ces planètes secondaires à l'égard de la planète principale dont ils dépendent. Soumises aux mêmes lois générales, leurs révolutions périodiques sont déterminées par leurs distances au centre du mouvement qui leur est commun.

Mais sans chercher des raisons pour expliquer les variétés que nous offrent les productions de l'Etre suprême, contentons-nous de rapporter les faits. Il vaut mieux arrêter l'esprit qui ne court que trop vite au système.

Toutes les observations faites sur Mars nous mettent en droit de conclure qu'il est dépourvu de satellite. Cette planète est trop voisine de la nôtre pour que nous ayons pu tarder jusqu'à cette époque à le découvrir, les circonstances dans lesquelles il se présente à nos yeux sont d'ailleurs trop favorables pour qu'il ait pu échapper à l'époque de l'invention des lunettes. La phase ronde qu'il aurait toujours eu à notre égard le rendait trop sensible pour n'être pas aperçu de Galilée.

Il n'en était pas ainsi de Vénus : placée entre le soleil et nous, les observations faites sur cette planète ont été plus délicates, plus rares, plus sujettes à des variations, que des circonstances de toute nature rendent très-difficiles à saisir, la perfection des instruments, l'habileté des observateurs, des travaux sans nombre entrepris pour les progrès de l'astronomie ; tous ces efforts suffisent à peine pour nous instruire de la révolution de cette planète sur son axe. Qu'on ne soit donc pas surpris si les observations que nous allons rapporter ont été si peu répétées malgré les veilles et les peines de nos astronomes les plus infatigables.

La première observation du satellite de Vénus est dû. à M. Cassini : il s'exprime en ces termes dans sa découverte de la lumière zodiacale, in-fol. 1685. Paris. Seb. Cramaisi, p. 45. " A 4 heures 15 minutes, 28 Aout 1686, en regardant Vénus par la lunette de 34 pieds, je vis à 3/5 de son diamètre vers l'orient une lumière informe, qui semblait imiter la phase de Vénus, dont la rondeur était diminuée du côté de l'occident. Le diamètre de ce phénomène était à-peu-près égal à la quatrième partie du diamètre de Vénus, je l'observai attentivement pendant un quart d'heure, et après avoir interrompu l'observation l'espace de 4 ou 5'je ne la vis plus, mais le jour était grand ".

M. Cassini avait Ve une lumière semblable qui imitait la phase de Vénus, le 25 Janvier 1672, pendant 10'depuis 6 h. 52'du matin, jusqu'à 7 h. 2'vers les 7 h. du matin, que la clarté du crépuscule fit disparaitre cette lumière. La plupart des astronomes cherchèrent inutilement ce satellite, aucun ne l'aperçut jusqu'à M. Short, qui le revit 54 ans après, pendant qu'il observait Vénus avec un télescope de 16°.

Cette observation étant une de celles qui constate le plus l'existence du satellite de Vénus, par l'impossibilité d'y supposer que l'observateur ait été trompé par des illusions optiques, mérite une attention particulière ; c'est pourquoi je la rapporterai telle qu'elle se trouve dans les transactions philosophiques et dans l'histoire de l'académie de 1741.

" M. Short, à Londres, le 3 Novembre 1741, un matin avec un télescope de 16° 1/2 qui augmentait 50 à 60 fois le diamètre de l'objet, aperçut d'abord comme une petite étoîle fort proche de Vénus, sur quoi ayant adapté à son télescope un oculaire plus fort et un micromètre, il trouva la distance de la petite étoîle à Vénus de 10'20''; Vénus paraissant alors très-distinctement, et le ciel fort serein ; il prit des oculaires trois ou quatre fois plus forts, et vit avec une agréable surprise que la petite étoîle avait une phase, et la même phase que Vénus ; son diamètre était un peu moins que le tiers de celui de Vénus, sa lumière moins vive, mais bien terminée ; le grand cercle qui passait par le centre de Vénus et de ce satellite (qu'il serait difficîle de qualifier autrement), faisait un angle d'environ 18 à 20°. avec l'équateur ; le satellite étant un peu vers le nord, et précédant Vénus en ascension droite. M. Short le considera à différentes reprises, et avec différents télescopes pendant une heure jusqu'à ce que la lumière du jour le lui ravit entièrement. "

Ce fut en vain que M. Short chercha par la suite à faire de nouvelles observations de ce satellite. Il ne put découvrir avec son fameux télescope de 12 pieds (le plus grand qui eut été fait jusqu'alors), ce que le hazard lui avait offert dans un télescope de 16° 1/2, il paraissait donc qu'on devait encore être incertain de l'existence de ce satellite : on n'en trouve aucunes traces dans toutes les observations postérieures des astronomes de l'Europe, jusqu'à l'année 1761 ; les observations de ce satellite devinrent pour lors plus fréquentes.

Le fameux passage de Vénus sur le soleil, cette époque si célèbre vit renaître le zèle de tous les savants. Ce passage était une occasion plus intéressante que toute autre de constater l'existence du satellite de Vénus, et de l'observer au cas qu'on put le découvrir. Tandis que les nations s'empressaient à l'envi de faire voyager des académiciens dans toutes les parties du monde habitable, des savants cultivaient en silence leur goût pour l'astronomie, et se préparaient à l'observation du 6 Juin, pour contribuer par leurs travaux à cette correspondance générale, qui devait seule prouver les résultats qu'avait annoncé le grand Halley. M. Baudouin avait fait dresser dans l'observatoire de la marine sur les bains de Julien, rue des Mathurins, une lunette de 25 pieds, il se proposa de faire des recherches sur l'existence de cet astre. Il crut devoir associer à son travail un astronome éloigné de la capitale, et sur l'assiduité duquel il put compter. Il engagea donc M. Montaigne, de la société de Limoges, à s'appliquer à la recherche de ce satellite. M. Montaigne est un philosophe sans faste, occupé dans le fond de sa retraite du plaisir de jouir de ses connaissances, plutôt que du désir d'en acquérir de nouvelles ; observant par pur délassement, il se détermina plutôt que tout autre astronome à un travail dans lequel on avait si souvent échoué. Quoi qu'il en sait, il était réservé à l'observateur de Limoges d'être assez heureux pour chercher ce satellite dans une de ces circonstances favorables, où non seulement il est visible, mais où il n'exige même que des instruments médiocres.

Il aperçut donc le 3 Mai 1761 sur les 9 heures 1/2 du soir, environ à 20'de distance de Vénus, un petit croissant assez faible, et situé de la même manière que Vénus. Le diamètre de ce petit croissant était à-peu-près le quart de celui de la planète, et la ligne menée du centre de Vénus à celui de ce satellite, faisait avec le vertical de cette planète et au-dessous d'elle vers le midi un angle d'environ 20°.

Le lendemain 4 Mai à la même heure, notre observateur aperçut encore le même phénomène, mais un peu plus éloigné d'environ 30''ou 1', et dans la partie septentrionale à l'égard du vertical de Vénus avec lequel il faisait un angle d'environ 10°.

Le 5 et 6 on ne put faire aucune observation, à-cause d'un brouillard épais qui tenait l'athmosphère jusqu'à la hauteur de Vénus, dont on pouvait à-peine observer le disque. On fut plus heureux le 7, et l'on vit encore le satellite toujours à la distance d'environ 25 à 26'du centre de Vénus, mais au-dessus d'elle vers le nord dans un plan qui passait par la planète, le satellite faisait un angle de 45°. avec le vertical de Vénus.

Les jours suivants le satellite ne fut point aperçu jusqu'au 11 du même mois, qu'il parut encore vers les 9 heures, toujours à-peu-près à même distance de Vénus, et faisant encore un angle de 45°. avec le vertical, mais dans la partie méridionale. Il est très-remarquable que le satellite paraissait également, soit que Vénus se trouvât dans le champ de la lunette avec le satellite, soit qu'elle ne s'y trouvât point ; mais qu'il s'apercevait avec beaucoup plus de facilité, lorsque tenant Vénus hors de la lunette il y conservait le satellite. La faiblesse de sa lumière était presque toujours absorbée en présence de Vénus. C'est ainsi que les astronomes ont attention de tenir Jupiter hors du champ de leurs instruments, lorsqu'ils observent les immersions de ses satellites, principalement celles des 3 et 4. L'éclat de la planète empêche de saisir l'instant précis où le satellite recouvre la lumière.

Toutes ces observations furent communiquées à M. Baudouin qui lut à ce sujet deux mémoires à l'académie royale des Sciences, dans lesquels il essayait d'en déduire les éléments de l'orbite de ce satellite. Quoique les conséquences y soient développées avec toute l'adresse et la sagacité possibles, néanmoins les éléments de cet orbite exigent encore quelques observations, pour qu'on la puisse déterminer d'une manière invariable.

La lunette de M. Montaigne était dépourvue de micromètre, et toutes ses distances n'étaient fixées que par estime. Il est à remarquer cependant qu'on en peut conclure avec assez de certitude, que l'orbite ou satellite doit être à-peu-près perpendiculaire à l'écliptique, que la ligne de ses nœuds tomberait à-peu-près au 22°. de la vierge, et qu'il serait presque aussi éloigné de Vénus, que la lune l'est de la terre.

Parmi les apparitions, il y en a eu d'autres de la même année rapportées par différents observateurs, et dans des pays très-différents ; une des plus remarquables est sans contredit celle du P. la Grange, jésuite. Ce savant cultivait à Marseille l'Astronomie depuis nombre d'années ; muni d'excellents instruments, et entr'autres du télescope de 6 pieds de foyer du P. Pezenas, construit par M. Short en 1756, dont l'effet est de grossir 800 fais, et égale celui d'une lunette qui aurait 1600 pieds. Son expérience reconnue et son exactitude dans les observations, rendent précieuses celles que nous allons rapporter.

Il n'y vit point de phase comme l'avaient aperçue tous les autres observateurs ; et ce qui n'est pas moins surprenant, c'est qu'il lui parut que ce petit astre suivait une route perpendiculaire à l'écliptique. Cette direction qui par ce qui précède se concluait des observations de Limoges, parut si étrange au P. la Grange, qu'il ne fit point difficulté d'abandonner toutes les conséquences qu'il avait déduites de ses observations. Elles furent faites des 10 au 12 Février 1761, à trois jours différents.

Nous joindrons les apparitions de ce satellite à Auxerre. Les 15, 28 et 29 Mars 1765, vers les 7 heures 1/2 du soir, M. de Montbaron, conseiller au présidial d'Auxerre, répéta ses observations avec son télescope de 32 pouces, en changea le petit miroir, varia les oculaires, tint Vénus hors du champ de son instrument pendant qu'il observait son satellite, le fit voir à nombre de personnes pendant des heures entières, ne négligea rien de tout ce qui pouvait accroitre la certitude de l'apparition de cet astre.

On trouve aussi dans le Journal étranger, Aout 1761, une autre observation tirée du London evening post, et qui fut communiquée à l'auteur de cette feuille périodique, par une lettre du 6 Juin de Saint-Neost, dans le comté d'Hutingdon. Cette observation est d'autant plus remarquable qu'elle a été faite pendant le passage de Vénus sur le soleil. Tandis en effet que l'observateur anglais était occupé de ce fameux passage, il aperçut un phénomène qui lui parut décrire sur le disque du soleil une route différente de celles des taches qu'on observe de temps à autres.

Son télescope lui fit apercevoir qu'il décrivait la même ligne que Vénus, mais seulement plus proche de l'écliptique. Il serait néanmoins à désirer que cette observation fût revêtue de caractères plus authentiques ; car comment imaginer qu'un tel phénomène eut échappé à tous les observateurs qui pendant la durée de ce passage avaient tous les yeux fixés sur le soleil dans toutes les parties du monde ? Quoi qu'il en sait, il y a lieu de croire que l'on a dans l'Angleterre d'autres observations du satellite de Vénus ; il semble que l'on n'y doute plus de son existence, d'après ce qu'en dit M. Bonnet dans son premier livre des considérations de la nature.

Malgré tant de témoignages qui établissent l'existence du satellite de Vénus, il semble que l'on soit encore dans le cas de douter de sa réalité, à-cause de la rareté de ses apparitions. Les astronomes qui ne l'ont point aperçu, pensent que ceux qui ont observé ce satellite s'en sont laissé imposer par des illusions optiques, contre lesquelles ils auraient été d'autant moins en garde, qu'ils les ignorent ; ce qui pourtant n'est pas sujet à de moindres difficultés.

Comment en effet concevoir que tant de personnes dans des lieux si éloignés et avec des instruments si différents, ont tous été trompés de la même manière, dans le même temps et sur le même objet ? Quelque vraisemblance que puissent avoir les objections qu'on peut faire contre les observations où l'on s'est servi de lunettes ordinaires, il suffit pour les faire regarder au-moins comme douteuses, qu'il y en ait une où les mêmes illusions soient absolument impossibles ; et c'est ce que nous trouvons dans le rapport de M. Short de 1740. En effet, quel degré de confiance n'ajoute pas à son observation le nom de cet artiste célèbre, le plus fameux des opticiens, celui de tous les astronomes qui ait connu le mieux les télescopes et l'art de s'en servir, à qui les observations astronomiques sont si familières, et qui donne encore dans la société royale de Londres, les plus grandes preuves de son habileté.

Mais je vais encore plus loin. Supposons contre toute vraisemblance, qu'il ait pu se tromper dans sa première observation, de quelque manière que ses yeux aient été affectés dans le premier moment, les différents oculaires qu'il adapta à son télescope, tous plus forts les uns que les autres, auraient dû lui faire connaître sur les lieux son erreur ; et c'est précisément le contraire qui arriva, puisqu'il aperçut son phénomène plus distinctement avec une phase semblable à celle de la planète principale, et telle qu'elle avait déjà été observée cinquante-quatre ans auparavant par M. Cassini.

J'ajouterai de plus que le degré de certitude ne laisse plus entrevoir le plus léger doute, par l'attention scrupuleuse avec laquelle M. de la Lande dans son voyage à Londres en 1764, eut soin de demander à H. Short lui-même, toutes les circonstances de son observation.

Ce savant, dont le nom passera à la postérité la plus reculée, crut devoir immortaliser sa découverte en la prenant pour type, et fit graver la phase du satellite telle qu'il l'aperçut en 1740. Il s'en sert en forme de cachet depuis cette époque.