Imprimer
Catégorie parente: Science
Catégorie : Hydrographie
S. m. (Physique et Hydrographie) mouvement journalier, régulier, et périodique, qu'on observe dans les eaux de la mer, et dont le détail et les causes vont faire l'objet de cet article.

Dans les mers vastes et profondes, on remarque que l'Océan monte et descend alternativement deux fois par jour. Les eaux, pendant environ six heures, s'élévent et s'étendent sur les rivages ; c'est ce qu'on appelle le flux : elles restent un très-petit espace de temps, c'est-à-dire quelques minutes, dans cet état de repos ; après quoi elles redescendent durant six autres heures, ce qui forme le reflux : au bout de ces six heures et d'un très-petit temps de repos, elles remontent de nouveau ; et ainsi de suite.

Pendant le flux, les eaux des fleuves s'enflent et remontent près de leur embouchure ; ce qui vient évidemment de ce qu'elles sont refoulées par les eaux de la mer. Voyez EMBOUCHURE et FLEUVE Pendant le reflux, les eaux de ces mêmes fleuves recommencent à couler.

On a désigné le flux et reflux par le seul mot de marée, dont nous nous servirons souvent dans cet article. Voyez MAREE. Le moment où finit le flux, lorsque les eaux sont stationnaires, s'appelle la haute mer ; la fin du reflux s'appelle la basse mer.

Dans tous les endroits où le mouvement des eaux n'est pas retardé par des iles, des caps, des détroits, ou par d'autres semblables obstacles, on observe trois périodes à la marée ; la période journalière, la période menstruelle, la période annuelle.

La période journalière est de 24 heures 49 minutes, pendant lesquelles le flux arrive deux fais, et le reflux deux fois ; et cet espace de 24 heures 49 minutes, est le temps que la lune met à faire sa révolution journalière autour de la terre, ou, pour parler plus exactement, le temps qui s'écoule entre son passage par le méridien, et son retour au même méridien.

La période menstruelle consiste en ce que les marées sont plus grandes dans les nouvelles et pleines lunes, que quand la lune est en quartier ; ou, pour parler plus exactement, les marées sont les plus grandes dans chaque lunaison, quand la lune est environ, 18 degrés au-delà des pleines et nouvelles lunes, et les plus petites, quand elle est environ à 18 degrés au-delà du premier et du dernier quartier. Les nouvelles ou pleines lunes s'appellent syzygies, les quartiers, quadratures : ces expressions nous seront quelquefois commodes, et nous en userons. Voyez SYZYGIES, QUADRATURES, etc.

La période annuelle consiste en ce qu'aux équinoxes les marées sont les plus grandes vers les nouvelles et pleines lunes, et celles des quartiers sont plus grandes qu'aux autres lunaisons ; au contraire dans les solstices, les marées des nouvelles et pleines lunes ne sont pas si grandes qu'aux autres lunaisons ; au lieu que les marées des quartiers sont plus grandes qu'aux autres lunaisons.

On voit déjà par ce premier détail, que le flux et reflux a une connexion marquée et principale avec les mouvements de la lune, et qu'il en a même, jusqu'à un certain point, avec le mouvement du soleil, ou plutôt avec celui de la terre autour du soleil. Voyez COPERNIC. D'où l'on peut déjà conclure en général, que la lune et le soleil, et surtout le premier de ces deux astres, sont la cause du flux et reflux, quoiqu'on ne sache pas encore comment cette cause opere. Il ne restera plus sur cela rien à désirer, quand nous entrerons dans le détail de la manière dont ces deux astres agissent sur les eaux : mais suivons les phénomènes du flux et reflux.

Dans la période journalière on observe encore : 1°. que la haute mer arrive aux rades orientales plutôt qu'aux rades occidentales : 2°. qu'entre les deux tropiques la mer parait aller de l'est à l'ouest : 3°. que dans la zone torride, à moins de quelque obstacle particulier, la haute mer arrive en même temps aux endroits qui sont sous le même méridien ; au lieu que dans les zones tempérées, elle arrive plutôt à une moindre latitude qu'à une plus grande ; et au-delà du soixante-cinquième degré de latitude, le flux n'est pas sensible.

Dans la période menstruelle on observé 1°. que les marées vont en croissant des quadratures aux syzygies, et en décroissant, des syzygies aux quadratures : 2°. quand la lune est aux syzygies ou aux quadratures, la haute mer arrive trois heures après le passage de la lune au méridien : si la lune Ve des syzygies aux quadratures, le temps de la haute mer arrive plutôt que ces trois heures : c'est le contraire si la lune Ve des quadratures aux syzygies, 3°. soit que la lune se trouve dans l'hémisphère austral ou dans le boréal, le temps de la haute mer n'arrive pas plus tard aux plages septentrionales.

Enfin dans la période annuelle on observe 1°. que les marées du solstice d'hiver sont plus grandes que celles du solstice d'été : 2°. les marées sont d'autant plus grandes que la lune est plus près de la terre ; et elles sont les plus grandes, toutes choses d'ailleurs égales, quand la lune est périgée, c'est-à-dire à sa plus petite distance de la terre : elles sont aussi d'autant plus grandes, que la lune est plus près de l'équateur ; et en général les plus grandes de toutes les marées arrivent quand la lune est à la fois dans l'équateur, périgée, et dans les syzygies : 3°. enfin dans les contrées septentrionales, les marées des nouvelles et pleines lunes sont en été plus grandes le soir que le matin, et en hiver plus grandes le matin que le soir.

Tels sont les phénomènes principaux ; entrons à-présent dans leur explication.

Les anciens avaient déjà conclu des phénomènes du flux et reflux, que le soleil et la lune en étaient la cause : causa, dit Pline, in sole lunâque, liv. II. c. 97. Galilée jugea de plus, que le flux et reflux était une preuve du double mouvement de la terre par rapport au soleil : mais la manière dont ce grand homme fut traité par l'odieux tribunal de l'inquisition, à l'occasion de son opinion sur le mouvement de la terre, Voyez COPERNIC, ne l'encouragea pas à approfondir, d'après ce principe, les causes du flux et reflux : ainsi on peut dire que jusqu'à Descartes, personne n'avait entrepris de donner une explication détaillée de ce phénomène. Ce grand homme était parti pour cela de son ingénieuse théorie des tourbillons. Voyez CARTESIANISME et TOURBILLON. Selon Descartes, lorsque la lune passe au méridien, le fluide qui est entre la terre et la lune, ou plutôt entre la terre et le tourbillon particulier de la lune, fluide qui se meut aussi en tourbillon autour de la terre, se trouve dans un espace plus resserré : il doit donc y couler plus vite ; il doit de plus y causer une pression sur les eaux de la mer ; et de-là vient le flux et le reflux. Cette explication, dont nous supprimons le détail et les conséquences, a deux grands défauts ; le premier, d'être appuyé sur l'hypothèse des tourbillons, aujourd'hui reconnue insoutenable, voyez TOURBILLONS ; le second est d'être directement contraire aux phénomènes ; car, selon Descartes, le fluide qui passe entre la terre et la lune, doit exercer une pression sur les eaux de la mer ; cette pression doit donc refouler les eaux de la mer sous la lune : ainsi ces eaux devraient s'abaisser sous la lune, lorsqu'elle passe au méridien : or il arrive précisément le contraire. On peut voir dans les ouvrages de plusieurs physiciens modernes, d'autres difficultés contre cette explication : celles que nous venons de proposer sont les plus frappantes, et nous paraissent suffire.

Quelques cartésiens mitigés attachés aux tourbillons, sans l'être aux conséquences que Descartes en a tirées, ont cherché à raccommoder de leur mieux ce qu'ils trouvaient de défectueux dans l'explication que leur maître avait donnée du flux et du reflux : mais indépendamment des objections particulières qu'on pourrait faire contre chacune de ces explications, elles ont toutes un défaut général, c'est de supposer l'existence chimérique des tourbillons : ainsi nous ne nous y arrêterons pas davantage. Les principes que nous espérons donner aux mots HYDRODYNAMIQUE, HYDROSTATIQUE, et RESISTANCE, sur la pression des fluides en mouvement, serviront à apprécier avec exactitude toutes les explications qu'on donne ou qu'on prétend donner du flux et reflux, par les lois du mouvement des fluides et de leur pression. Passons donc à une manière plus satisfaisante de rendre raison de ce phénomène.

La meilleure méthode de philosopher en Physique, c'est d'expliquer les faits les uns par les autres, et de réduire les observations et les expériences à certains phénomènes généraux dont elles soient la conséquence. Il ne nous est guère permis d'aller plus loin, les causes des premiers faits nous étant inconnues : or c'est le cas où nous nous trouvons par rapport au flux et reflux de la mer. Il est certain par toutes les observations astronomiques, voyez LOI DE KEPLER, qu'il y a une tendance mutuelle des corps célestes les uns vers les autres : cette force dont la cause est inconnue, a été nommée par M. Newton, gravitation universelle, ou attraction, voyez ces deux mots ; voyez aussi NEWTONIANISME : il est certain de plus, par les observations, que les planètes se meuvent ou dans le vide, ou au-moins dans un milieu qui ne leur résiste pas. Voyez PLANETE, TOURBILLON, RESISTANCE, etc. Il est donc d'un physicien sage de faire abstraction de tout fluide dans l'explication du flux et reflux de la mer, et de chercher uniquement à expliquer ce phénomène par le principe de la gravitation universelle, que personne ne peut refuser d'admettre, quelque explication bonne ou mauvaise qu'il entreprenne d'ailleurs d'en donner.

Mettant donc à part toute hypothèse, nous poserons pour principe, que comme la lune pese vers la terre, voyez LUNE, de même aussi la terre et toutes ses parties pesent vers la lune, ou, ce qui revient au même, en sont attirées ; que de même la terre et toutes ses parties pesent ou sont attirées vers le soleil, ne donnant point ici d'autre sens au mot attraction, que celui d'une tendance des parties de la terre vers la lune et vers le soleil, quelle qu'en soit la cause : c'est de ce principe que nous allons déduire les phénomènes des marées.

Kepler avait conjecturé il y a longtemps, que la gravitation des parties de la terre vers la lune et vers le soleil, était la cause du flux et reflux.

" Si la terre cessait, dit-il, d'attirer ses eaux vers elle-même, toutes celles de l'Océan s'éleveraient vers la lune ; car la sphère de l'attraction de la lune s'étend vers notre terre, et en attire les eaux ".

C'est ainsi que pensait ce grand astronome, dans son introd. ad theor. marit. et ce soupçon, car ce n'était alors rien de plus, se trouve aujourd'hui vérifié et démontré par la théorie suivante, déduite des principes de Newton.

Théorie des marées. La surface de la terre et de la mer est sphérique, ou du moins étant à-peu-près sphérique, peut être ici regardée comme telle. Cela posé, si l'on imagine que la lune A (Planche géographique, fig. 6.) est au-dessus de quelque partie de la surface de la mer, comme E, il est évident que l'eau E étant le plus près de la Lune, pesera vers elle plus que ne fait aucune autre partie de la terre et de la mer, dans tout l'hémisphère F E H.

Par conséquent l'eau en E doit s'élever vers la lune, et la mer doit s'enfler en E.

Par la même raison, l'eau en G étant la plus éloignée de la lune, doit peser moins vers cette planète que ne fait aucune autre partie de la terre ou de la mer, dans l'hémisphère F G H.

Par conséquent l'eau de cet endroit doit moins s'approcher de la lune, que toute autre partie du globe terrestre ; c'est-à-dire qu'elle doit s'élever du côté opposé comme étant plus légère, et par conséquent elle doit s'enfler en G.

Par ces moyens, la surface de l'Océan doit prendre nécessairement une figure ovale, dont le plus long diamètre est E G, et le plus court F H ; de sorte que la lune venant à changer sa position dans son mouvement diurne autour de la terre, cette figure ovale de l'eau doit changer avec elle : et c'est-là ce qui produit ces deux flux et reflux que l'on remarque toutes les vingt-cinq heures.

Telle est d'abord en général, et pour ainsi dire en gros, l'explication du flux et reflux. Mais pour faire entendre sans figure, par le seul raisonnement, et d'une manière encore plus précise, la cause de l'élévation des eaux en G et en E, imaginons que la lune soit en repos, et que la terre soit un globe solide en repos, couvert jusqu'à telle hauteur qu'on voudra d'un fluide homogène, rare et sans ressort, dont la surface soit sphérique ; supposons de plus que les parties de ce fluide pesent (comme elles font en effet) vers le centre du globe, tandis qu'elles sont attirées par le soleil et par la lune ; il est certain que si toutes les parties du fluide et du globe qu'il couvre, étaient attirées avec une force égale et suivant des directions parallèles, l'action des deux astres n'aurait d'autre effet, que de mouvoir ou de déplacer toute la masse du globe et du fluide, sans causer d'ailleurs aucun dérangement dans la situation respective de leurs parties. Mais suivant les lois de l'attraction, les parties de l'hémisphère supérieur, c'est-à-dire de celui qui est le plus près de l'astre, sont attirées avec plus de force que le centre du globe ; et au contraire les parties de l'hémisphère inférieur sont attirées avec moins de force : d'où il s'ensuit que le centre du globe étant mu par l'action du soleil ou de la lune, le fluide qui couvre l'hémisphère supérieur, et qui est attiré plus fortement, doit tendre à se mouvoir plus vite que le centre ; et par conséquent s'élever avec une force égale à l'excès de la force qui l'attire sur celle qui attire le centre ; au contraire le fluide de l'hémisphère inférieur étant moins attiré que le centre du globe, doit se mouvoir moins vite : il doit donc fuir le centre pour ainsi dire, et s'en éloigner avec une force à-peu-près égale à celle de l'hémisphère supérieur. Ainsi le fluide s'élevera aux deux points opposés qui sont dans la ligne par où passe le soleil ou la lune : toutes ses parties accourront, si on peut s'exprimer ainsi, pour s'approcher de ces points, avec d'autant plus de vitesse, qu'elles en seront plus proches.

On explique par-là avec la dernière évidence, comment l'élévation et l'abaissement des eaux de la mer se fait aux mêmes instants dans les points opposés d'un même méridien. Quoique ce phénomène soit une conséquence nécessaire du système de M. Newton, et que ce grand géomètre l'ait même expressément remarqué, cependant les Cartésiens soutiennent depuis un demi-siècle, que si l'attraction produisait le flux et reflux, les eaux de l'Océan, lorsqu'elles s'élèvent dans notre hémisphère, devraient s'abaisser dans l'hémisphère opposé. La preuve simple et facîle que nous venons de donner du contraire sans figure et sans calcul, anéantira peut-être enfin pour toujours une objection aussi frivole, qui est pourtant une des principales de cette secte contre la théorie de la gravitation universelle.

Le mouvement des eaux de la mer, au moins celui qui nous est sensible et qui ne lui est point commun avec toute la masse du globe terrestre, ne provient donc point de l'action totale du soleil et de la lune, mais de la différence qu'il y a entre l'action de ces astres sur le centre de la terre, et leur action sur le fluide tant supérieur qu'inférieur : c'est cette différence que nous appellerons dans toute la suite de cet article, action, force, ou attraction solaire ou lunaire. M. Newton nous a appris à calculer chacune de ces deux forces, et à les comparer avec la pesanteur. Il a démontré par la théorie des forces centrifuges, et par la comparaison entre le mouvement annuel de la terre et son mouvement diurne (Voyez FORCE CENTRIFUGE et PESANTEUR), que l'action solaire était à la pesanteur environ comme un à 128682000 : à l'égard de l'action lunaire, il ne l'a pas aussi exactement déterminée, parce qu'elle dépend de la masse de la lune, qui n'est pas encore suffisamment connue ; cependant, fondé sur quelques observations des marées, il suppose l'action lunaire environ quadruple de celle du soleil. Sur quoi voyez la suite de cet article.

Il est au moins certain, tant par les phénomènes des marées que par d'autres observations (Voyez EQUINOXE, NUTATION, ECESSION)ION), que l'action lunaire pour soulever les eaux de l'Océan, est beaucoup plus grande que celle du soleil ; et cela nous suffit quant à présent. Voyons maintenant comment on peut déduire de ce que nous avons avancé l'explication des principaux phénomènes du flux et reflux. Dans cette explication nous tâcherons d'abord de nous mettre à la portée du plus grand nombre de lecteurs qu'il nous sera possible, et par cette raison nous nous contenterons d'abord de rendre raison des phénomènes en gros ; mais nous donnerons ensuite les calculs et les principes, par le moyen desquels on pourra donner rigoureusement les explications que nous n'aurons fait qu'indiquer.

Nous avons Ve que les eaux doivent s'élever en même temps au-dessous de l'endroit où est la lune, et au point de la terre diamétralement opposé à celui-là ; par conséquent à 90 degrés de ces deux points, ces eaux doivent s'abaisser : de même l'action solaire doit faire élever les eaux à l'endroit au-dessus duquel est le soleil, et au point de la terre diamétralement opposé ; et par conséquent les eaux doivent s'abaisser à 90 degrés de ces points. Combinant ensemble ces deux actions, on verra que l'élévation des eaux en un même endroit doit être sujette à de grandes variétés, soit pour la quantité, soit pour l'heure à laquelle elle arrive, selon que l'action solaire et l'action lunaire se combineront entr'elles, c'est-à-dire selon que la lune et le soleil seront différemment placés par rapport à cet endroit.

En général dans les conjonctions et oppositions du soleil et de la lune, la force qui fait tendre l'eau vers le soleil, concourt avec la pesanteur qui la fait tendre vers la lune. Car dans les conjonctions du soleil et de la lune, ces deux astres passant en même temps au-dessus du méridien ; et dans les oppositions, l'un passe au-dessus du méridien, dans le temps que l'autre passe au-dessous ; et par conséquent ils tendent dans ces deux cas à élever en même temps les eaux de la mer. Dans les quadratures au contraire, l'eau élevée par le soleil se trouve abaissée par la lune ; car dans les quadratures, la lune est à 90 degrés du soleil ; donc les eaux qui se trouvent sous la lune sont à 90 degrés de celles au-dessus desquelles se trouve le soleil ; donc la lune tend à élever les eaux que le soleil tend à abaisser, et réciproquement ; donc dans les syzygies l'action solaire conspire avec l'action lunaire à produire le même effet, et au contraire elle tend à produire un effet opposé dans les quadratures : il faut par conséquent en général, et toutes choses d'ailleurs égales, que les plus grandes marées arrivent dans les syzygies, et les plus basses dans les quadratures.

Dans le cours de chaque jour naturel, il y a deux flux et reflux qui dépendent de l'action du soleil, comme dans chaque jour lunaire il y en a deux qui dépendent de l'action de la lune, et toutes ces marées sont produites suivant les mêmes lois ; mais celles que cause le soleil sont beaucoup moins grandes que celles que cause la lune : la raison en est, que quoique le soleil soit beaucoup plus gros que la terre et la lune ensemble, l'immensité de sa distance fait que l'action solaire est beaucoup plus petite que l'action lunaire.

En général, plus la lune est près de la terre, plus son action pour élever les eaux doit être grande ; et il en est de même du soleil. C'est une suite des lois de l'attraction, qui est plus forte à une moindre distance.

Faisant abstraction pour un moment de l'action du soleil, la haute marée devrait se faire au moment du passage de la lune par le méridien, si les eaux n'avaient pas (ainsi que tous les corps en mouvement) une force d'inertie (Voyez FORCE D'INERTIE), par laquelle elles conservent l'impression qu'elles ont reçue : mais cette force doit avoir deux effets ; elle doit retarder l'heure de la haute marée, et diminuer aussi en général l'élévation des eaux. Pour le prouver, supposons un moment la terre en repos et la lune au-dessus d'un endroit quelconque de la terre ; en faisant abstraction du soleil, dont la force pour élever les eaux est beaucoup moindre que celle de la lune, l'eau s'élevera certainement au-dessus de l'endroit où est la lune. Supposons maintenant que la terre vienne à tourner ; d'un côté elle tourne fort vite par rapport au mouvement de la lune ; et d'un autre côté l'eau qui a été élevée par la lune, et qui tourne avec la terre, tend à conserver autant qu'il se peut, par sa force d'inertie, l'élévation qu'elle a acquise, quoiqu'en s'éloignant de la lune, elle tende en même temps à perdre une partie de cette élévation : ainsi ces deux effets contraires se combattant, l'eau transportée par le mouvement de la terre, se trouvera plus élevée à l'orient de la lune qu'elle ne devrait être sans ce mouvement ; mais cependant moins élevée qu'elle ne l'aurait été sous la lune, si la terre était immobile. Donc le mouvement de la terre doit en général retarder les marées et en diminuer l'élévation.

Après le flux et le reflux, la mer est un peu de temps sans descendre ni monter, parce que les eaux tendent à conserver l'état de repos et d'équilibre où elles sont dans le moment de la haute marée, et dans celui de la marée basse ; et qu'en même temps le mouvement de la terre déplaçant ces eaux par rapport à la lune, change l'action de cet astre sur ces eaux, et tend à leur faire perdre l'équilibre : ces deux efforts se contrebalancent mutuellement pendant quelques moments. Il faut y joindre la tenacité des eaux, et les obstacles de différentes espèces qui doivent en général retarder leur mouvement, et empêcher qu'elles ne le prennent tout-d'un-coup, et par conséquent qu'elles ne passent brusquement de l'état d'élévation à celui d'abaissement.

La lune passe au-dessus des rades orientales, avant que de passer au-dessus des rades occidentales : le flux doit donc arriver plutôt aux premières.

Le mouvement général de la mer entre les tropiques de l'est à l'ouest, est plus difficîle à expliquer ; ce mouvement se prouve par la direction constante des corps qui nagent à la merci des flots. On observe de plus que, toutes choses d'ailleurs égales, la navigation vers l'occident est fort prompte, et le retour difficile. J'ai démontré dans mes recherches sur la cause des vents, qu'en effet cela doit être ainsi ; que l'action du soleil et celui de la lune doit mouvoir les eaux de l'Océan sous l'équateur d'orient en occident. Cette même action doit produire dans l'air un effet semblable ; et c'est-là, selon moi, une des principales causes des vents alisés. Voyez ALISE. Mais c'est-là un de ces phénomènes dont on ne peut rendre la raison sans avoir recours au calcul. Voyez donc l'ouvrage cité ; voyez aussi les articles VENT et COURANT.

Si la lune restait toujours dans l'équateur, il est évident qu'elle serait toujours à 90 degrés du pôle, et que par conséquent il n'y aurait au pôle ni flux ni reflux : donc dans les endroits voisins des pôles, le flux et le reflux serait fort petit, et même tout à fait insensible, surtout si on considère que ces endroits opposent beaucoup d'obstacle au mouvement des eaux, tant par les glaces énormes qui y nagent, que par la disposition des terres. Or quoique la lune ne soit pas toujours dans l'équateur, elle ne s'en éloigne que de 28 degrés : il ne faut donc point s'étonner que près des pôles et à la latitude de 65 degrés, le flux et reflux ne soit pas sensible.

Supposons maintenant que la lune décrive pendant un jour un parallèle à l'équateur, on voit 1°. que l'eau sera en repos au pôle pendant ce jour, puisque la lune demeurera toujours à la même distance du pôle ; 2°. que si le lendemain la lune décrit un autre parallèle, l'eau sera encore en repos au pôle pendant ce jour-là, mais plus ou moins abaissée que le jour précédent, selon que la lune sera plus près ou plus loin du zénith ou du nadir des habitants du pôle ; 3°. que si on prend un endroit quelconque entre la lune et le pôle, la distance de la lune à cet endroit sera plus différente de 90 degrés en défaut, lorsque la lune passera au méridien au-dessus de cet endroit, que la distance de la lune à ce même endroit ne différera de 90 degrés en excès, lorsque la lune passera un méridien au-dessous de ce même endroit. Voilà pourquoi en général, en allant vers le pôle boréal, les marées de dessus sont plus grandes quand la lune est dans l'hémisphère boréal, et celles de dessous plus petites ; et en s'avançant même plus loin vers le pôle, il ne doit plus y avoir qu'un flux et qu'un reflux dans l'espace de 24 heures ; parce que quand la lune est au-dessous du méridien, elle n'est pas à beaucoup près à 180 degrés de l'endroit dont il s'agit, et qu'elle se trouve au contraire à une distance assez peu différente de 90 degrés, pour que les eaux doivent s'abaisser alors au lieu de s'élever. Le calcul démontre évidemment toutes ces vérités, que nous ne pouvons ici qu'énoncer en général.

Comme il n'arrive que deux fois par mois que le soleil et la lune répondent au même point du ciel, ou à des points opposés, l'élévation des eaux (telle qu'on la trouve même en négligeant l'inertie) ne doit se faire pour l'ordinaire ni immédiatement sous la lune, ni immédiatement sous le soleil, mais dans un point milieu entre ces points ; ainsi quand la lune Ve des syzygies aux quadratures, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est pas encore à 90 degrés du soleil, l'élévation la plus grande des eaux doit se faire plus au couchant de la lune ; c'est le contraire quand la lune Ve des quadratures aux syzygies. Donc dans le premier cas, le temps de la haute mer doit précéder les trois heures lunaires ; car d'un côté l'inertie des eaux donne l'élévation trois heures après le passage de la lune au méridien ; et d'un autre côté la position respective du soleil et de la lune donne cette élévation avant le passage de la lune au méridien. Au contraire, et par la même raison, dans le second cas, le temps de la haute marée doit arriver plutard que les trois heures.

Les différentes marées qui dépendent des actions particulières du soleil et de la lune, ne peuvent être distinguées les unes des autres, mais elles se confondent ensemble. La marée lunaire est changée tant soit peu par l'action du soleil, et ce changement varie chaque jour, à cause de l'inégalité qu'il y a entre le jour naturel et le jour lunaire. Voyez JOUR.

Comme il arrive quelque retard aux marées par l'inertie et le balancement des eaux, qui conservent quelque temps l'impression qu'elles ont reçue ; par la même raison les plus hautes marées n'arrivent pas précisément dans la conjonction et dans l'opposition de la lune, mais deux ou trois marées après : de même les plus petites marées ne doivent arriver qu'un peu après les quadratures.

Comme dans l'hiver le soleil est un peu plus près de la terre que dans l'été, on observe en général que les marées du solstice d'hiver sont plus grandes, toutes choses d'ailleurs égales, que celles du solstice d'été.

Voilà l'explication des principaux phénomènes du flux et du reflux ; les autres ont besoin du calcul, ou demandent quelques restrictions. C'est par le calcul qu'on peut prouver, 1°. que l'intervalle d'une marée à l'autre est le plus petit dans les syzygies, et le plus grand dans les quadratures : 2°. que dans les syzygies l'intervalle des marées est de 24 h. 35 min. et qu'ainsi les marées priment de 15 m. sur le mouvement de la lune : 3°. qu'au contraire dans les quadratures les marées retardent de 35 min. sur le mouvement de la lune ; voyez l'excellente pièce de M. Daniel Bernoulli, sur le flux et reflux de la mer : 4°. que l'intervalle moyen entre deux marées consécutives, lequel intervalle est de 24 h. 50 min. arrive beaucoup plus près des quadratures que des syzygies ; ces différentes lois souffrent quelque altération, selon que la lune est apogée ou périgée. Ibid. ch. VIe et VIIe 5°. Que les changements dans la hauteur des marées sont fort petits, tant aux syzygies qu'aux quadratures ; cela doit être en effet, car les marées sont les plus grandes aux syzygies, et les plus petites aux quadratures : or quand des quantités passent par le maximum ou par le minimum, elles croissent ou décroissent pour l'ordinaire insensiblement avant et après l'instant où elles passent par cet état. Voyez MAXIMUM et MINIMUM. 6°. Que les plus grands changements dans la hauteur des marées se feront plus près des quadratures que des syzygies.

A l'égard des règles qu'on a établies sur les grandes marées des équinoxes, M. Euler dans ses savantes recherches sur le flux et reflux de la mer, observe avec raison que quand la lune est dans l'équateur, ces règles n'ont lieu que pour les eaux situées sous l'équateur même. C'est ce que la théorie et les observations confirment, comme on le peut voir dans l'ouvrage cité.

Telles seraient régulièrement toutes les marées, si les mers étaient par-tout également profondes ; mais les bas-fonds qui se trouvent en certains endroits, et le peu de largeur de certains détroits où doivent passer les eaux, sont cause de la grande variété que l'on remarque dans les hauteurs des marées : et l'on ne saurait rendre compte de ces effets, sans avoir une connaissance exacte de toutes les particularités et inégalités des côtes, c'est-à-dire de la position des terres, de la largeur et de la profondeur des canaux, etc.

Ces effets sont visibles dans les détroits entre Portland et le cap de la Hogue en Normandie, où la marée ressemble à ces eaux qui sortent d'une écluse qu'on vient de lever ; et elle serait encore plus rapide entre Douvres et Calais, si elle n'y était contrebalancée par celle qui fait le tour de l'île de la Grande-Bretagne.

L'eau de la mer, après avoir reçu l'impression de la force lunaire, la conserve longtemps, et continue de s'élever fort au-dessus du niveau de la hauteur ordinaire qu'elle a dans l'Océan, surtout dans les endroits où elle trouve un obstacle direct, et dans ceux où elle trouve un canal qui s'étend fort avant dans les terres, et qui s'étrécit vers son extrémité, comme elle fait dans la mer de Severn, près de Chepstow et de Bristol.

Les bas-fonds de la mer, et les continens qui l'entre-coupent, sont aussi cause en partie que la haute marée n'arrive point en plein Océan dans le temps que la lune s'approche du méridien, mais toujours quelques heures après, comme on le remarque sur toutes les côtes occidentales de l'Europe et de l'Afrique, depuis l'Irlande jusqu'au cap de Bonne-Espérance, où la lune placée entre le midi et le couchant, cause les hautes marées. On assure que la même chose a lieu sur les côtes occidentales de l'Amérique.

Les vents et les courants irréguliers contribuent aussi beaucoup à altérer les phénomènes du flux et du reflux. Voyez VENT et COURANT.

On ne finirait point, si on voulait entrer dans le détail de toutes les solutions ou explications particulières de ces effets, qui ne sont que des corollaires aisés à déduire des mêmes principes ; ainsi lorsqu'on demande, par exemple, pourquoi les mers Caspienne, Méditerranée, Blanche et Baltique n'ont point de marées sensibles, la réponse est que ces mers sont des espèces de lacs qui n'ont point de communication réelle ou considérable avec l'Océan : or le calcul montre que l'élévation des eaux doit être d'autant moindre, que la mer a moins d'étendue. Voyez les pièces de MM. Daniel Bernoulli et Euler. Ainsi les marées doivent être presqu'insensibles dans la mer Noire, dans la mer Caspienne, et très-petites dans la Méditerranée. Elles doivent être encore moindres dans les mers Blanche et Baltique, à cause de leur éloignement de l'équateur, par les raisons exposées ci-dessus. Dans le golfe de Venise la marée est plus sensible que dans le reste de la Méditerranée ; mais cela doit être attribué à la figure de ce golfe, qui le rend propre à élever davantage les eaux en les resserrant.

Nous dirons ici un mot des marées qui arrivent dans le port de Tunking à la Chine ; elles sont différentes de toutes les autres, et les plus extraordinaires dont on ait jamais entendu parler. Dans ce port on ne s'aperçoit que d'un flux et d'un reflux qui se fait en 24 heures de temps. Quand la lune s'approche de la ligne équinoctiale, il n'y a point de marée du tout et l'eau y est immobîle : mais quand la lune commence à avoir une déclinaison, on commence à s'apercevoir d'une marée, qui arrive à son plus haut point lorsque la lune approche des tropiques ; avec cette différence, que la lune étant au nord de la ligne équinoctiale, la marée monte pendant que la lune est au-dessus de l'horizon, et qu'elle descend pendant que la lune est au-dessous de l'horizon ; de sorte que la haute marée y arrive au coucher de la lune, et la basse marée au lever de la lune : au contraire quand la lune est au midi de la ligne équinoctiale, la haute marée arrive au lever de la lune, et la basse à son coucher ; de sorte que les eaux se retirent pendant tout le temps que la lune est au-dessus de l'horizon.

On a donné différentes explications plausibles de ce phénomène ; M. Euler a prouvé par le calcul que cela devait être ainsi. Voyez la fin de son excellente pièce sur le flux et reflux. Newton a insinué que la cause de ce fait singulier résulte du concours de deux marées, dont l'une vient de la grande mer du Sud, le long des côtes de la Chine ; et l'autre de la mer des Indes.

La première de ces marées venant des lieux dont la latitude est septentrionale, est plus grande quand la lune se trouve au nord de l'équateur au-dessus de l'horizon, que quand la lune est au-dessous.

La seconde de ces deux marées venant de la mer des Indes et des pays dont la latitude est méridionale, est plus grande quand la lune décline vers le midi, et ne se trouve au-dessus de l'horizon, que quand la lune est au-dessous ; de sorte que de ces marées alternativement plus grandes et plus petites, il y en a toujours successivement deux des plus grandes et deux des plus petites qui viennent tous les jours ensemble.

La lune s'approchant de la ligne équinoctiale, et les flux alternatifs devenant égaux, la marée cesse, et l'eau reste sans mouvement ; mais la lune ayant passé de l'autre côté de l'équateur, et les flux, qui étaient auparavant les moindres, étant devenus les plus considérables, le temps qui était auparavant celui des hautes eaux, devient le temps des eaux basses, et le temps des eaux basses devient celui des hautes eaux ; de sorte que tout le phénomène de cette marée singulière du port de Tunking s'explique naturellement et sans forcer la moindre circonstance, par les principes ci-dessus, et sert infiniment à confirmer la certitude de toute la théorie des marées.

Ceux de nos lecteurs qui seront assez avancés dans la Géométrie, pourront consulter sur la cause des marées les excellentes dissertations de MM. Maclaurin, Daniel Bernoulli et Euler, couronnées par l'académie royale des Sciences de Paris en 1740. Dans mes réflexions sur la cause générale des vents, imprimées à Paris en 1746, j'ai donné aussi quelques remarques sur les marées, cette matière ayant beaucoup de rapport à celle des vents réglés, entant qu'ils sont causés par l'action du soleil et de la lune.

Après avoir expliqué en gros les phénomènes du flux et reflux pour le commun des lecteurs, il nous parait juste de mettre ceux qui sont plus versés dans les Sciences, à portée de se rendre raison à eux-mêmes de ces phénomènes d'une manière plus précise. Pour cela, nous allons donner la formule algébrique de l'élévation des eaux pour une position quelconque donnée du soleil et de la lune.

Si on nomme S la masse du soleil, L celle de la lune, D la distance du soleil à la terre, d celle de la lune, r le rayon de la terre, les forces du soleil et de la lune, pour mouvoir les eaux de la mer, sont entr'elles, toutes choses d'ailleurs égales, comme (S r)/D3 à (L r) /d3, ou plus simplement comme S/D3 à L /d3.

Pour nous expliquer plus exactement, soit z la distance de la lune au zénith d'un lieu quelconque, on aura à très-peu-près d - r cosin. z pour la distance de la lune à ce lieu ; et L/(d - r cosin. z)2 pour la force avec laquelle la lune tend à attirer l'eau de la mer en cet endroit-là ; cette force se décompose en deux autres : l'une tend vers le centre de la terre ; et par le principe de la décomposition des forces (voyez DECOMPOSITION et COMPOSITION), elle est L r/(d - r cos. z)3 ; l'autre est parallèle à la ligne qui joint les centres de la terre et de la lune ; et elle est par les mêmes principes égale à d L/(d - r cosin. z)3 = à très-peu-près L/d2 + 3 L r cosin. z/d3. Voyez SUITE, APPROXIMATION, NOMENOME, et surtout l'article NEGLIGER, en Algèbre. Il faut retrancher de cette force, suivant ce qui a été dit plus haut, la force L /d2 qui agit également sur toutes les parties du globe terrestre, et qui tend à transporter toute cette masse par un mouvement commun à toutes les parties ; ainsi (le centre de la terre étant par ce moyen regardé comme en repos par rapport aux eaux de la mer) on aura (3 L r cos. z)/d3 pour la force avec laquelle ces eaux tendent à s'élever vers la lune suivant une ligne parallèle à celle qui joint les centres du soleil et de la lune : cette force se décompose en deux autres : l'une dans la direction du rayon de la terre ; elle est par le principe de la décomposition des forces, (3 L r cos. z2)/d3, et tend à éloigner les eaux du centre de la terre. L'autre est dirigée suivant une perpendiculaire au rayon, ou tangente à la terre ; et elle est (3 L r cos. z x sin. z)/d3. Ainsi comme nous avons déjà trouvé qu'il y a une force (L r) /d3 qui tend à pousser les eaux vers le centre de la terre, il s'ensuit que les eaux tendront à s'éloigner de ce centre avec une force égale à 3 L r (cos. z)2 - L r/d3, et à se mouvoir parallèlement à la surface de la terre avec une force = 3 L r sin. z cos. z /d3. Il en est de même de l'action du soleil ; il n'y aura qu'à mettre dans l'expression précédente S au lieu de L, et D au lieu de d.

De ces deux forces on peut même négliger entièrement la première, comme je l'ai démontré dans mes Réflexions sur la cause des vents, et comme plusieurs géomètres l'avaient démontré avant moi ; car l'action de la pesanteur, pour pousser les particules de l'eau au centre de la terre, est comme infiniment plus grande que l'action qui tend à les en écarter ; nous l'avons déjà observé ci-dessus, et nous le prouverons ainsi en peu de mots. La force de la pesanteur est T/r2, en appelant T la masse de la terre ; car chaque particule de la surface de la terre est attirée vers son centre avec une force égale à la masse de la terre divisée par le carré du rayon. Voyez ATTRACTION et GRAVITATION. Or T/r2 est à (L r) /d3 comme T d3 à L r3, c'est-à-dire incomparablement plus grande, puisque T est plus grand que L, et que d est égale à environ 60 fois r. Voyez LUNE, TERRE, etc. Ainsi l'action de la gravité sur les eaux de la mer, est incomparablement plus forte que l'action de la lune : or on trouve par le calcul, que l'action du soleil (S r)/D3 est beaucoup plus petite que l'action de la lune (L r) /d3. Donc l'action de la gravité est beaucoup plus grande que les actions du soleil et de la lune, pour élever les eaux de la mer dans une direction perpendiculaire à la terre. Donc, etc.

La force (3 L r cos. z sin. z)/d3 est aussi beaucoup plus petite que la gravité, et par les mêmes raisons ; mais l'effort de cette force n'étant point contraire à celui de la pesanteur, elle doit avoir tout son effet : or quel est son effet ? de mouvoir les eaux de la mer horizontalement et avec des vitesses différentes, selon la différence de la distance z de la lune au zénith : et ce mouvement doit évidemment faire élever les eaux de la mer au-dessous de la lune.

Pour le démontrer d'une manière plus immédiate et plus directe, supposons une sphère fluide, dont les parties pesent vers le centre avec une force égale à-peu-près à T/r2, et soient outre cela poussées perpendiculairement au rayon par une force égale à (3 L r cos. z sin. z)/d3 ; on démontre aisément par les principes de l'Hydrostatique (voyez FIGURE DE LA TERRE, mes réflexions sur la cause des vents, et plusieurs autres ouvrages), que cette sphère, pour conserver l'équilibre de ses parties, doit se changer en un sphéroïde, dont la différence des axes serait (3 L r)/(2 d) x r2/ T = (3 L r3)/(2 T d3) ; et que la différence d'un rayon quelconque au petit axe de ce sphéroïde serait (3 L r4)/(2 T d3) x cos. z2.

Ce nouveau sphéroïde devant être égal en masse à la sphère primitive, il est facile, par les principes de Géométrie, de déterminer la différence des rayons de ce sphéroïde aux rayons correspondants de la sphère, de trouver par conséquent de combien le fluide sera élevé ou abaissé en chaque endroit, au-dessus du lieu qu'il occuperait dans la sphère, si la lune n'avait point d'action. Par-là on trouvera d'abord aisément l'élevation et l'abaissement des eaux en chaque endroit, en supposant la lune en repos, et la terre sphérique et aussi en repos. Car quoique ces hypothèses soient bien éloignées de la vérité, cependant il faut commencer par-là, pour aller ensuite du simple au composé.

Quand la terre ne serait pas supposée primitivement sphérique, mais sphéroïde, pourvu qu'on la regardât comme en repos, ainsi que la lune, l'élévation des eaux, en vertu de l'action de la lune, serait sensiblement la même que sur une sphère parfaite. J'ai démontré cette proposition dans mes réflexions sur la cause des vents, art. 50-62.

On trouverait de même, et par les mêmes principes, l'élévation des eaux sur la sphère ou sur le sphéroïde, en vertu de l'action seule du soleil, et on peut démontrer (comme je l'ai fait dans l'endroit même que je viens de citer) que l'élévation des eaux, en vertu de l'action conjointe des deux astres, est sensiblement égale à la somme des élevations qu'elles auraient en vertu des deux actions séparées.

Mettons en calcul les idées que nous venons d'exposer. Sait r le rayon de la sphère, r' le demi petit axe du sphéroïde dans l'hypothèse que la lune seule agisse ; on aura pour la différence des rayons de la sphère et du sphéroïde r' + (3 L r' 4)/(2 T d3) x cosin. z2 - r = (voyez les articles SINUS et NEGLIGER) r' + 3 L r4/4 D 3 + 3 L r4 cos. 2 z/4 d3 - r : ainsi la différence de la sphère et du sphéroïde, aura pour élément (r' - r + 3 L r4/4 d3 + 3 L r4 cos. 2 z/4 d3) x rdz x r sin. z x 2 , 2 étant le rapport de la circonférence au rayon. L'intégrale de cette quantité qui doit être = 0, lorsque z = 0, est 2 r2 (r' - r + 3 L r4/4 d3) x (1 - cosin. z) + 2 r2 x 3 L r4/4 d3 x ((1/3 . 2) - (cos. 3 z/3 . 2) - 1/2 + cos. z/2) ; lorsque z = 90 degrés, et que par conséquent cosin. z = 0, et cos. 3 z = 0, cette quantité devient 2 r2 (r' - r + 3 L r4/4 d3 + 3 L r4/ 4 d3 x -1/3) ; or la différence de la sphère et du sphéroïde, qui est le double de cette dernière quantité, doit être égale à zero : dont cette quantité elle-même doit être égale à zero ; on aura donc r' - r = 3 L r/4 d3 x -2/3, ou r' = r - L r4/2 d3. Donc la différence des rayons du sphéroïde et des rayons correspondants de la sphère pour chaque angle z, sera - L r4/2 d3 + 3 L r4/4 d3 + 3 L r4 cos. 2 z/4 d3 = L r4/4 d3 + 3 L r4 cos. 2 z/4 d3 .

Donc si on nomme Z la distance du soleil au zénith, l'élévation des eaux, en vertu des actions réunies du soleil et de la lune, sera L r4/4 d3 + S r4/4D3 + 3 L r4 cos. 2 z/4 d3 + 3 S r4 cos. 2 z/4 D3 . C'est la formule de l'élévation des eaux de la mer, en faisant abstraction du mouvement de la terr et de celui des deux astres ; et cette formule a lieu généralement, de quelque manière qu'on suppose le soleil et la lune placés par rapport à un point quelconque de la terre, sans qu'il soit nécessaire que ces astres soient, ni dans l'équateur, ni dans un même parallèle à l'équateur.

En faisant la quantité précédente = 0, on trouvera l'endroit où les eaux ne sont ni élevées, ni abaissées ; en la faisant égale à un plus grand ou à un moindre (voyez MAXIMUM et MINIMUM ), on trouvera l'endroit où les marées sont les plus hautes et les plus basses ; on trouvera de plus l'heure des hautes et basses marées par la même formule, en supposant, ce qui n'est pas exactement vrai, que le point des plus hautes et des plus basses marées soit le même que si on considérait le soleil et la lune comme en repos ; mais quoique cette supposition ne soit pas parfaitement exacte, cependant elle répond en général assez bien aux phénomènes, comme on le peut voir dans les excellentes pièces de M M. Euler et Daniel Bernoulli sur le flux et reflux de la mer. Voyez aussi l'article MAREE. Au reste ces deux grands géomètres, ainsi que M. Maclaurin, ont donné des méthodes d'approximation particulières pour déterminer le moment précis de l'élevation des eaux, en ayant égard au mouvement de la terre et à celui de la lune.

La formule qu'on a donnée ci-dessus pour les hauteurs des marées, donne les plus petites et les plus hautes, les premières dans les quadratures, les secondes dans les syzygies ; et c'est par le rapport de ces marées que M. Newton a déterminé celui des quantités L /d3 et S/D3. Mais M. Daniel Bernoulli croit qu'il vaut mieux le déterminer par les intervalles entre les marées consécutives aux syzygies et aux quadratures. Le premier de ces deux grands géomètres trouve ce rapport égal à environ 4, et M. Daniel Bernoulli à 5/2 ; ce qui, comme l'on voit, est fort différent. Mais il faut avouer aussi qu'eu égard aux circonstances physiques, qui troublent et dérangent ici beaucoup le géométrique, la méthode d'employer les marées pour découvrir un tel rapport, est fort incertaine. Les phénomènes de la nutation et de la précession sont bien préférables, voyez NUTATION et PRECESSION, et ces phenomenes donnent un rapport assez approchant de celui de M. Daniel Bernoulli. Voyez mes Recherches sur la précession des équinoxes. Paris, 1749.

Les trois pièces de MM. Bernoulli, Euler et Maclaurin sur le flux et reflux de la mer, dont nous avons parlé plusieurs fois dans le courant de cet article, ont chacune un mérite particulier, et ont paru avec raison aux commissaires de l'académie, dignes de partager leurs suffrages : ils y ont joint (apparemment pour ne pas paraitre adopter aucun système) une pièce du P. Cavalleri jésuite, qui est toute cartésienne, ou du moins toute fondée sur la théorie de) tourbillons, et dont nous n'avons tiré rien autre chose que le détail des principaux phénomènes. C'est dans les trois autres pièces qu'il faut chercher les explications, surtout dans celles de MM. Euler et Bernoulli, car la pièce de M. Maclaurin entre dans un moindre détail ; mais elle est remarquable par un très-beau théoreme sur la figure que doit prendre la terre en vertu de l'action du soleil et de la lune, combinée avec la pesanteur et la force centrifuge de ses parties. Voyez FIGURE DE LA TERRE.

Dans la pièce de M. Euler on trouve un calcul ingénieux du mouvement des eaux, en ayant égard à leur inertie ; mais ce calcul est peut-être un peu trop hypothétique. Dans le premier chapitre de cette même piéce, l'auteur parait adopter les tourbillons ; mais il est aisé de voir que ce n'est pas sérieusement, et qu'il se montre d'abord Cartésien en apparence, pour être ensuite Newtonien plus à son aise. M. Daniel Bernoulli est plus franc, et sa pièce n'en est par-là que plus estimable : elle joint d'ailleurs à ce mérite, celui d'être faite avec beaucoup d'intelligence et de clarté. Plus on relit ces trois excellents ouvrages, plus on est embarrassé auquel on doit donner la préférence, et plus on applaudit au jugement que l'académie en a porté en les couronnant tous trois.

Je crois qu'on me permettra de donner aussi dans cet article une idée de la manière dont j'ai traité la question dont il s'agit dans mes réflexions sur la cause des vents, que l'académie royale des Sciences de Prusse a honorées de son suffrage en 1746. Comme je ne considère guère dans cette pièce que l'attraction de la lune et du soleil sur la masse de l'air, il est évident que les mêmes principes peuvent s'appliquer au flux et reflux. Je commence donc, ce que personne n'avait fait avant moi, par déterminer les oscillations d'un fluide qui couvrirait la terre à une petite profondeur, et qui serait attiré par le soleil ou par la lune. On peut par cette théorie comparer ces oscillations à celle d'un pendule, dont il est aisé de déterminer la longueur. Je fais voir ensuite que le célèbre M. Daniel Bernoulli s'est trompé dans l'équation qu'il a donnée pour l'élévation des eaux, en supposant la terre composée de couches différemment denses ; et je démontre qu'il n'est point nécessaire pour expliquer l'élévation des eaux, d'avoir recours à ces différentes couches ; qu'il suffit seulement de supposer que la partie fluide de la terre n'ait pas la même densité que la partie solide : enfin je donne le moyen de déterminer la vitesse et l'élévation des particules du fluide, en ayant égard à l'inertie, et d'une manière, ce semble, beaucoup moins hypothétique que M. Euler. C'est par ce moyen que je trouve qu'un fluide qui couvrirait la terre, doit avoir de l'est à l'ouest un mouvement continuel. L'article VENT présentera un plus grand détail sur l'ouvrage dont il s'agit.

Ce mouvement de la mer d'orient en occident est très-sensible dans tous les endroits : par exemple, au détroit de Magellan le flux élève les eaux à plus de 20 pieds de hauteur, et cette intumescence dure six heures ; au lieu que le reflux ne dure que deux heures, et l'eau coule vers l'occident : ce qui prouve que le reflux n'est pas égal au flux, et que de tous deux il résulte un mouvement vers l'occident, mais beaucoup plus fort dans le temps du flux que dans celui du reflux : c'est par cette raison que dans les hautes mers éloignées de toute terre, les marées ne sont guère sensibles que par le mouvement général qui en résulte, c'est-à-dire par ce mouvement d'orient en occident. Ce mouvement est surtout remarquable dans certains détroits et certains golfes ; dans le détroit des Manilles, dans le golfe du Mexique, dans celui de Paria, etc. Voyez Varenii geographia, et l'hist. nat. de M. de Buffon, tome I. p. 439.

Les marées sont plus fortes dans la Zone Torride, entre les Tropiques, que dans le reste de l'Océan, sans-doute parce que la mer sous la Zone Torride est plus libre et moins gênée par les terres. Elles sont aussi plus sensibles dans les lieux qui s'étendent d'orient en occident, dans les golfes qui sont longs et étroits, et sur les côtes où il y a des îles et des promontoires. Le plus grand flux qu'on connaisse pour ces sortes de détroits, est à l'une des embouchures du fleuve Indus, où l'eau s'élève de 30 pieds. Il est aussi fort remarquable auprès de Malaga, dans le détroit de la Sonde, dans la mer Rouge ; dans la baie de Hudson, à 55 degrés de latitude septentrionale, où il s'élève à 15 pieds ; à l'embouchure du fleuve Saint-Laurent, sur les côtes de la Chine et du Japon, etc. Ibid.

Il y a des endroits où la mer a un mouvement contraire, savoir d'occident en orient, comme dans le détroit de Gibraltar, et sur les côtes de Guinée. Ce mouvement peut être occasionné par des causes particulières ; mais il est bon de remarquer en général, comme je l'ai prouvé dans mes réflexions sur la cause des vents, qu'à une certaine distance de l'équateur le mouvement de l'est à l'ouest doit se changer en un mouvement de l'ouest à l'est, ou du moins en un mouvement qui participe de l'ouest, avec quelques modifications que l'on peut avoir dans la pièce citée art. lxx. n°. 5. mais comme le mouvement de la mer vers l'occident est le plus constant et le plus général, il s'ensuit que la mer doit avec le temps gagner du terrain vers l'occident. Voyez MER.

Nous réservons pour le mot MAREE d'autres détails sur ce phénomène, si on les juge nécessaires : nous croyons devoir renvoyer pour le présent nos lecteurs aux ouvrages cités, ainsi qu'aux autres remarques que M. de Buffon a faites sur les effets du flux et reflux, dans le premier volume de son histoire naturelle ; remarques qui pourront aussi trouver leur place ailleurs. Mais pour rendre cet article le plus utîle qu'il nous est possible, nous allons joindre ici, d'après l'état du ciel de M. Pingré, les tables suivantes, avec l'explication que lui-même y a jointe. (O)

Nous donnons, dit-il, une liste des principaux ports et des côtes de l'Europe sur l'Océan, avec l'établissement de ces endroits, tel qu'on a pu le connaître par les expériences réitérées. (On appelle établissement ou heure d'un port, l'heure à laquelle la mer est la plus haute au temps des nouvelles et pleines lunes). Nous y ajoutons une note de la hauteur à laquelle la mer monte communément aux nouvelles et pleines lunes des équinoxes. Cette table est presque entièrement tirée du quatrième volume de l'Architecture hydraulique de M. Bélidor.

PROBLEME XX.

Trouver l'heure de la pleine mer dans un port dont l'établissement est connu.

Première méthode. Ajoutez autant de fois 48' qu'il se sera écoulé de jours depuis la nouvelle ou pleine lune précédente ; et ajoutez la somme à l'établissement ou à l'heure du port. Si on est trop éloigné de la nouvelle ou pleine lune précédente, on peut prendre autant de fois 48' qu'il y a de jours jusqu'à la nouvelle ou pleine lune suivante, et retrancher la somme de l'heure du port à laquelle on ajoutera 12 heures, s'il est nécessaire.

Seconde méthode. Cherchez dans l'état du ciel l'heure du passage de la lune au méridien, soit sur l'horizon, soit sous l'horizon ; et ajoutez-y l'heure du port.

Traisième méthode plus exacte. Cherchez dans l'état du ciel la distance de la lune au soleil. Cette distance vous donnera, avec le secours de la table, page 133. le nombre d'heures qu'il faut ajouter à l'heure du port, si vous vous servez de la colonne qui a pour titre retardement des marées ; ou qu'il en faut retrancher, si vous employez celle qui est intitulée anticipation. Il faut préférer celle-ci, lorsque l'on approche de la nouvelle ou pleine Lune suivante.

EXEMPLE.

On demande l'heure de la pleine mer au Havre-de-Grace le 18 Mai 1755. L'heure du port est 9 heures.

1°. Le 18 Mai à 9 heures du matin, il se sera écoulé environ 7 jours depuis la nouvelle Lune. 7 fois 48' donnent 5h 26' qu'il faut ajouter à 9h. La haute mer sera à 2h 36' du soir.

2°. La lune passe au méridien sous l'horizon le 18 Mai matin à 5h 32'. Ajoutez-y l'heure du port 9h, et vous trouverez la pleine mer à 2h 32' du soir.

3°. Le 18 Mai à 9h du matin la distance de la lune au soleil est d'environ deux signes 21d. A cette distance le retardement de la marée doit être, selon la table de la page 133. de 4h 16'. Ajoutez donc 4h 16' à 9h ; et l'heure de la pleine mer se trouvera réduite à 1h 16' du soir, plus de 5 quarts-d'heure plutôt que par les deux autres méthodes.

Heures de la pleine mer, ou établissement des côtes et des principaux ports de l'Europe.

ITALIE.

Le mouvement des eaux est insensible dans presque toute l'étendue de la mer Méditerranée. Il y a divers courants, il est vrai, mais sans flux et reflux, La mer ne monte sensiblement que dans le fond du golfe de Venise, dans l'Archipel, et au fond de la mer Noire. A Venise, elle monte de trois pieds : elle monte d'autant moins qu'on s'éloigne plus du fond du golfe.

AMERIQUE.

J'ai peu de connaissance de ce qui regarde le flux et le reflux des mers d'Amérique. Voici le peu que j'en ai rassemblé dans les meilleurs livres que j'aye pu consulter.

Dans la Zone Torride, la mer ne monte que de 3 ou 4 pieds.

Cependant à Panama, le flux monte à plus de 16 pieds.

Dans la baie d'Hudson, la mer monte jusqu'à 16 pieds.

Au port de Saint-Julien, vers l'extrémité de la terre Magellanique, l'élévation des eaux est de 20 à 25 pieds.

Dans le port de Chéquetan, distant de 30 lieues à l'ouest d'Acapulco en Mexique, la mer monte de 5 pieds.

A l'embouchure de la rivière des Emeraudes, 16 pieds.

A Guayaquil en Pérou, 16 pieds : établissement, 10 heures.

A l'île Gorgone sur la même côte, 14 pieds.

Aux îles de Lobos sur la même côte, 3 pieds.

A l'île de Jean Fernandez, 7 pieds.

A l'entrée orientale du détroit de Magellan, 21 pieds : établissement, 11 heures.

A l'embouchure de la rivière des Amazones, selon Orellane, l'eau monte près de 30 pieds.

Aux Antilles, l'eau ne monte que de 3 pieds.

A Louisbourg, la mer monte de 5 pieds 8 pouces : l'établissement est 7h 15'.

Entre l'île Royale et l'Acadie, au détroit de Fronsac, 5 pieds 4 pouces : heure 8h 30'.

Au passage de Bacareau sur la côte de l'Acadie, la mer aux solstices monte à près de 9 pieds : heure 8h 15'. Au fond de la même baie, l'eau monte, à ce qu'on assure, de 60 à 70 pieds.

AFRIQUE.

Aux Canaries, la mer monte de 7 à 8 pieds.

A l'île de Gorée, 6 à 7 pieds.

Le long des côtes de Guinée, elle monte assez généralement de 3 pieds, et de 5 ou 6 aux embouchures des rivières et entre les iles.

A l'embouchure de la rivière de S. Vincent, sur la côte de Grain en Guinée elle monte de 8 ou 9 pieds au moins ; et de 6 ou 7 au cap Corse sur la côte d'Or.

A Bandi, sur la même côte de Guinée dans le golfe, l'établissement est de 4 heures.

Entre l'île de Loanda et la terre ferme d'Angola, la plus grande hauteur des eaux est de 4 à 5 pieds : mais elle est de 8 pieds à l'embouchure de la rivière de Quanza.

Au cap de Bonne-Espérance, établissement 2h 3'. hauteur des eaux, 3 pieds.

A l'île de Socotora, vis-à-vis le cap Guardafuy, établissement 6 heures.

Au-dessous de Suaquem dans la mer Rouge, la mer monte de 10 pieds, de 4 seulement dans la baie de Suaquem, et de 6 sur les côtes : mais à 7 lieues au nord de Suaquem, on nous dit que la mer monte jusqu'à 22 coudées, et bien plus haut encore vers Suez.

ASIE.

A Aden en Arabie, la hauteur des eaux est de 6 à 7 pieds.

A Tamarin aux Indes orientales, établissement 9 heures : la mer monte jusqu'à 12 pieds.

Aux Moluques, et sur la côte occidentale de l'île Formose, elle ne monte que de 3 ou 4 pieds.

FLUX, s. m. (Médecine) ce terme a plusieurs significations, mais qui concourent toutes à exprimer un transport d'humeurs d'une partie dans une autre, soit pour y être déposées, soit pour y être évacuées ; ainsi dans le premier cas, le mot flux est synonyme à celui de fluxion. Voyez FLUXION. Dans le second cas, il est employé pour désigner tout écoulement contre nature, de quelque humeur que ce sait, par quelque partie qu'il se fasse. On ne distingue ordinairement les différentes espèces de flux, que par des épithetes relatives à la source immédiate de la matière de l'écoulement, c'est-à-dire à la partie qui la fournit, ou à cette matière même, ou aux circonstances de l'écoulement.

De la première espèce, sont le flux hépatique, les différents flux utérins, etc. dont la matière coule du foie, de la matrice, et c. Voyez HEPATIQUE (FLUX), UTERIN (FLUX), etc.

De la seconde espèce sont les différents flux hématiques, le flux céliaque, le flux salivaire, etc. dans lesquels la matière de l'écoulement est du sang, du chyle, de la salive, etc. Voyez HEMORRHAGIE, HEMORRHOÏDE, CELIAQUE (PASSION), SALIVATION, etc.

De la troisième espèce, sont le flux menstruel, le flux lochial, dans lesquels l'écoulement doit naturellement se faire dans des temps réglés ou dans des cas particuliers ; le premier chaque mois, le second après chaque accouchement. Voyez MENSTRUES, LOCHIES.

Le mot flux n'est employé que rarement dans les écrits des Médecins, parce qu'on s'y sert le plus souvent de termes tirés du grec, propres à chaque sorte de flux ; ainsi on appelle diarrhée, le flux, le cours de ventre ; diabetes le flux d'urine ; gonorrhée le flux de semence, etc. Voyez DIARRHEE, DIABETES, GONORRHEE, etc.

La dyssenterie avec déjections sanglantes, est appelée vulgairement flux de sang, quoique cette dernière dénomination convienne à toute hémorrhagie, dans quelque partie qu'elle se fasse. Voyez DYSSENTERIE, HEMORRHAGIE. (d)

FLUX DYSSENTERIQUE, (Manège et Maréchalerie) quelques médecins l'ont nommé diarrhée sanglante.

Cette maladie s'annonce par des excréments glaireux, bilieux, sanieux, sanglans, féculents, mêlés à des matières filamenteuses, etc.

Elle est le plus souvent une suite du flux de ventre dans lequel il y a douleur, inflammation, irritation, voyez FLUX DE VENTRE, et elle reconnait les mêmes causes. Ici la bîle est beaucoup plus acre et infiniment plus stimulante ; aussi les douleurs intestinales sont-elles extrêmement violentes et les spasmes très-cruels. L'animal est extrêmement fatigué, surtout lorsque les intestins grêles sont attaqués, ce dont on ne peut douter, quand on s'aperçoit d'un grand dégoût et d'un grand abattement dès les premiers jours de la maladie. Si les matières chargées d'une grande quantité de mucosité sont légèrement teintes de sang, ainsi que dans la dyssenterie blanche, l'érosion, les exulcérations des intestins ne sont point encore bien considérables : mais si le sang est abondant, comme dans la dyssenterie rouge, et que les déjections soient purulentes, on doit craindre la putréfaction sphacéleuse qui peut conduire incessamment le cheval à la mort.

La première intention et le premier soin du maréchal doit être d'apaiser les accidents. La saignée est un remède indispensable. Il la multipliera selon le besoin. L'animal sera mis au son, à l'eau blanche, à la décoction faite avec la rapure de corne de cerf, et dans laquelle on aura fait bouillir des têtes de pavot blanc ; son régime sera le même, en un mot, que celui qu'il doit observer dans le flux de ventre qui peut dégénérer en dyssenterie. On prescrira en même temps des lavements anodyns, faits avec le bouillon de tripe ou le lait de vache, trois ou quatre jaunes d'œufs, et trois onces de sirop de pavot blanc. Dans le cas de la purulence de matières, on ferait succéder à ceux-ci des lavements de bouillon de tripes dans lesquels on délayerait des jaunes d'œufs et deux ou trois onces de térebenthine en résine. Le cérat de Galien ajouté à ces lavements, n'est pas moins efficace que la térebenthine.

En supposant que les douleurs soient diminuées ou calmées, et que les symptômes les plus effrayans commencent à disparaitre, on pourra donner à l'animal pendant quelques jours avec la corne, une décoction légère d'hypecacuana, cette racine ayant été mise en infusion sur de la cendre chaude l'espace de douze heures dans une pinte d'eau commune, à la dose d'une once. Insensiblement on substituera à l'eau commune une tisane astringente, composée de racines de grande consoude et de tormentille : mais le maréchal ne doit point oublier que les stiptiques et les astringens ne doivent être administrés qu'avec la plus grande circonspection, ainsi que les purgatifs, lors même que l'animal parait sur le point de son rétablissement. (e)

FLUX DE VENTRE, (Manège et Maréchalerie) diarrhée, dévoiement, termes synonymes par lesquels nous désignons en général une évacuation fréquente de matières différentes, plus ou moins ténues, plus ou moins copieuses et plus ou moins acres, selon les causes qui y donnent lieu. Cette évacuation se fait par la route ordinaire des déjections ; les matières se montrent quelquefois seules, et le plus souvent elles accompagnent la sortie des excréments, qui sont dès lors plus liquides.

Tout ce qui peut déterminer abondamment le cours des humeurs sur les intestins, en occasionner le séjour et l'amas ; former obstacle à la résorption des sucs digestifs ; obstruer les orifices des vaisseaux lactés ; affoiblir, augmenter le mouvement péristaltique ou l'action des fibres intestinales, et troubler les puissances digestives, doit nécessairement susciter un flux de ventre. La transpiration insensible interceptée d'une manière quelconque, un exercice trop violent, un repos trop constant, la protrusion difficîle et douloureuse des crochets, l'inflammation des intestins, leur irritation conséquemment à une bîle acre et mordicante, des aliments pris en trop grande quantité, des fourrages corrompus, l'herbe gelée, l'avoine germée, la paille de seigle, des eaux trop crues, trop froides, des eaux de neige, une boisson qui succede immédiatement à une portion considérable d'avoine, des purgatifs trop forts, etc. sont donc autant de causes que l'on peut justement accuser dans cette circonstance.

Le traitement de cette maladie demande de la part du maréchal une attention exacte, eu égard à leurs différences.

Dans le cas où il est question de l'abondance des humeurs et de leur séjour, ainsi que de leur amas, ce dont il sera assuré par les borborygmes qui se feront entendre, et par la liquidité et la blancheur des excréments, il purgera l'animal ; il s'attachera ensuite à fortifier les fibres de l'estomac et des intestins, dont la faiblesse et le relâchement favorisent l'abord et l'accumulation dont il s'agit. Pour cet effet il aura recours aux remèdes corroborants, tels que la thériaque, le diascordium, la cannelle enfermée dans un nouet suspendu au mastigadour, etc. La rhubarbe serait très-salutaire, mais elle jetterait dans une trop grande dépense.

Lorsqu'il y aura inflammation, irritation, douleur, chaleur, tension des muscles du bas-ventre, et que les déjections seront jaunâtres, verdâtres et écumeuses, il emploiera les médicaments dont l'effet est de délayer, de détendre, de calmer et d'adoucir ; et quelque temps après que les symptômes seront dissipés, il terminera la cure par des purgatifs legers.

Les lavements émolliens multipliés, les décoctions des plantes émollientes données en boisson, les têtes de pavot blanc dans les lavements et dans ces mêmes décoctions, supposé que les douleurs soient vives, la saignée même, si l'on craint les progrès de l'inflammation, la décoction blanche de Sydenham, c'est-à-dire la corne de cerf rapée à la dose de quatre onces, que l'on fera bouillir dans environ trois pintes d'eau commune, pour jeter cette même eau dans les décoctions émollientes dont j'ai parlé, produiront de grands changements. Les purgatifs convenables après l'administration de ces remèdes, et ensuite de leur efficacité, pour évacuer entièrement les humeurs vitiées qui entretiennent la cause du mal, seront une décoction de sené à la dose d'une once et demie, dans laquelle on délayera trois onces de casse ou trois onces d'électuaire de psillio, &c.

Il importe au surplus que le maréchal soit très-circonspect et ne se hâte point d'arrêter trop tôt le flux de ventre, qui souvent n'est qu'une suite des efforts de la nature, qui se décharge elle-même des matières qui lui sont nuisibles, et qui dès lors est très-salutaire à l'animal. (e)

FLUX D'URINE, (Manège et Maréchalerie) évacuation excessive et fréquente de cette sérosité saline, qui séparée de la masse du sang dans les reins, et conduite à la vessie par la voie des uretères, s'échappe au-dehors par celle du canal de l'urethre. Cette évacuation n'a lieu que conséquemment à la volonté de l'animal, et le flux n'est en aucune façon involontaire, comme dans l'incontinence d'urine.

Dans le nombre infini de chevaux que j'ai traités, je n'en ai Ve qu'un seul attaqué de cette maladie. Elle me parait d'autant plus rare dans l'animal qui fait mon objet, que très-peu de nos écrivains en font mention. Je ne m'arrêterai point à ce qu'ils nous en ont dit ; car je ne m'occupe que du soin de me préserver des erreurs répandues dans leurs ouvrages, et je me contenterai d'insérer simplement ici l'observation que le cas dont j'ai été témoin, m'a suggérée.

Un cheval ayant été tourmenté par des tranchées violentes, accompagnées de rétention d'urine, fut mis à un très-long usage de diurétiques les plus puissants. Les remèdes les plus salutaires et les plus efficaces ne sont dans les mains ignorantes qui ont la témérité et l'audace de les administrer, que des sources de nouveaux désordres et de nouveaux maux. L'animal fut atteint d'un flux tel que celui qui, relativement au corps humain, constitue la seconde espèce de diabetes. Ses urines auparavant troubles, épaisses et semblables à celles que rendent les chevaux sains, étaient crues, limpides, aqueuses, et si abondantes qu'elles surpassaient en quantité l'eau dont on l'abreuvait ; et il ne se saisissait du fourrage que dans le moment où il avait bu. Cette dernière circonstance fut la seule qui étonna le maréchal auquel il était confié ; il se félicitait d'ailleurs d'avoir sollicité la forte évacuation dont il ne prévoyait pas le danger, et vantait ingénument ses succès. Le propriétaire du cheval, alarmé de l'éloignement que le cheval témoignait pour tous les aliments qui lui étaient offerts, eut recours à moi. Après quelques questions faites de ma part au maréchal, je crus pouvoir décider que le défaut apparent d'appétit n'avait pour cause qu'une grande soif, et que l'écoulement excessif de l'urine n'était occasionné que par la dilatation et le relâchement des canaux secrétoires des reins, ensuite de la force impulsive qui avait déterminé les humeurs en abondance dans ces conduits. La maladie était récente, je ne la jugeai point invincible. Je prescrivis d'abord un régime rafraichissant, car j'imaginai qu'il était important de calmer l'agitation que des diurétiques chauds, et du genre des lithontriptiques, devaient avoir suscitée. J'ordonnai qu'on tint l'animal au son, et qu'on lui en donnât quatre fois par jour, arrosé d'une décoction forte de racines de nenuphar, de guimauve et de grande consoude. Je prohibai une boisson copieuse, et je fis bouillir dans l'eau dont on l'abreuvait, une suffisante quantité d'orge. Ces remèdes incrassants opérèrent les effets que je m'en étais promis ; l'animal fut moins altéré, il ne dédaignait plus le fourrage, et ses urines commençaient à diminuer et à se charger. Alors je le mis à l'usage des astringens. J'humectai le son avec une décoction de racines de bistorte, de tormentille et de quinte-feuille ; enfin les accidents s'évanouissant toujours, et le cheval reprenant sans-cesse ses forces, on exigea de lui un exercice, qui excitant de legeres sueurs, le rappela entièrement à son état naturel. (e)

FLUX, (Chimie, Métallurg.) se dit en général de toute matière destinée à accélérer la fusion des substances qui n'y entrent que difficilement, ou à la procurer à celles qui sont absolument infusibles par elles-mêmes. Dans ce rang on a abusivement placé les corps réductifs qui ne font que donner du principe inflammable sans fondre par eux-mêmes ; les fondants qui procurent la fusion sans réduire, avec ceux qui, étant composés des deux premiers et opérant leur double action, méritent seuls de porter le nom de flux simplement, ou de flux réductifs. Nous allons entrer dans le détail de ces différentes espèces, et assigner leurs emplois particuliers.

Flux blanc. On prend une certaine quantité du flux crud, à parties égales de nitre et de tartre, que nous décrirons ci-après. On le met dans une poesle de fer ou dans un creuset, dont les deux tiers restent vides. On place ce vaisseau sur un feu médiocre : ou la matière s'embrase toute seule, ou bien on l'allume avec un charbon ardent, sans la mettre sur le feu. Elle détonne et s'enflamme rapidement. Le bruit cessé, on trouve au fond du vaisseau une masse saline rouge, qu'on pîle et enferme toute chaude dans une bouteille de grès pour le besoin. Cette préparation s'appelle aussi alkali extemporané. On la bouche bien, parce qu'elle attire l'humidité de l'air presqu'aussi rapidement que l'alkali fixe, dont elle ne diffère qu'en ce qu'elle contient un peu de phlogistique. Elle est d'un blanc grisâtre.

Flux crud. On met en poudre fine, séparément du nitre et du tartre. On prend parties égales pour faire le flux blanc décrit ci-dessus. Si l'on veut faire du flux noir, on met deux ou trois parties de tartre sur une de nitre ; on mêle bien le tout par la trituration, et on le garde dans des vaisseaux bien bouchés, quoiqu'il ne souffre pas beaucoup d'altération quand il est exposé à l'air libre.

Flux noir. Nous avons dit qu'il contenait plus de tartre que le blanc. La préparation en est la même : mais il ne détonne pas avec autant de rapidité. La raison en est sensible ; ce phénomène est dû au nitre qui est ici empâté d'une plus grande quantité de tartre. Voici l'explication que donne M. Rouelle de cette inflammation. Le nitre ne s'enflamme point par lui-même dans un creuset rouge où il est en fonte. Il lui faut le contact d'un charbon ardent. Ce charbon met donc le feu au nitre, et le fait détonner ; celui-ci brule le tartre à son tour et le réduit en charbon ; et ce charbon du tartre sert de porte-feu aux molécules nitreuses qui se trouvent auprès de lui, et ainsi successivement, jusqu'à ce que toute la masse ait subi la détonation. Ce raisonnement est fondé sur l'expérience qui apprend que souvent le feu s'éteint dans la préparation du flux noir, parce qu'on n'a pas bien mêlé les ingrédiens, ou qu'il arrive, malgré cela, que deux molécules de tartre se trouvant près l'une de l'autre, la première enflammée n'a pas assez de force pour réduire sa voisine en charbon, et qu'ainsi la détonation cesse. Quand ce petit accident arrive, on présente de nouveau le charbon ardent à la composition, ou même on l'y laisse tout à fait. L'alkali fixe qu'il y introduit y est en si petite quantité, qu'il ne mérite aucune considération. Plusieurs artistes préfèrent à ce sujet un vaisseau élevé à une poesle, parce que cet inconvénient n'y arrive pas aussi fréquemment, la composition y étant plus entassée. Ils le choisissent d'étroite embouchure, et le ferment d'un couvercle. Mais cette précaution est au-moins inutîle dans la préparation du flux blanc, et surtout dans celle du flux noir, pour ne pas dire qu'elle y est même nuisible. La vapeur qui s'élève pendant ce temps, est un clyssus (voyez cet article) qui contient de l'eau, un peu d'acide nitreux, et d'alkali volatil du tartre. Ainsi on court risque de ne retenir que des substances nuisibles aux desseins qu'on se propose, qui sont d'avoir un alkali bien sec, et sans le concours d'aucun sel neutre.

Si l'on n'a point recours au charbon ardent, et qu'on fasse détonner ce mélange par lui-même sur le feu, l'explication du phénomène reste toujours la même. C'est toujours le tartre mis en charbon par le contact du nitre ou du creuset rougis au feu. Voyez la théorie de l'inflammation des huiles et du nitre alkalisé par le charbon.

Cette opération se termine dans un instant, et celle du flux blanc plus rapidement que celle du flux noir. Celle-ci donne un sel alkali noirci par la grande quantité du charbon du tartre, qui prend aussi le nom d'alkali extemporané. Il faut le conserver ainsi que le flux blanc, dans une bouteille de grès ou de verre bien bouchée, et tenue dans un lieu sec et chaud. Si, faute de ce soin, ils prenaient l'humidité de l'air, il les faudrait rejeter, comme incapables de remplir les vues qu'on se propose. La raison en est sensible : l'alkali fixe retient l'humidité de l'air, avec autant de force qu'il l'attire avec rapidité. Ainsi on ne peut l'enlever au flux, qui ne diffère de l'alkali que par le concours du phlogistique, qu'en le calcinant à un feu vif qui dissipe en même temps ce phlogistique, dont la perte réduit le flux à un simple alkali. Voyez ci-après l'alkali fixe en qualité de fondant. Pour prévenir cet inconvénient, quelques chimistes ne font leur flux noir qu'à mesure qu'ils en ont besoin. Ils mettent avant l'opération dans le creuset qui doit y servir, la quantité de flux crud qui leur est nécessaire. La détonation est l'affaire d'un instant, et l'on sait qu'il faut mettre environ le double de la quantité qu'on veut avoir, parce que la perte Ve à-peu-près à moitié. Les artistes qui sont dans l'usage de mettre le flux crud avec leurs ingrédiens, doivent souvent manquer leurs opérations. Et en effet, la détonation ne peut s'en faire dans un creuset dont le couvercle est lutté, condition requise pour la réduction ; sans compter que le clyssus peut enlever par trusion quelques molécules de la matière d'un essai, et le rendre faux.

La distillation du tartre donne un résidu qui est un flux noir tout fait. Voyez TARTRE. On peut l'employer aux mêmes usages. Il n'en est pas de même de celui de la distillation de la lie ; il contient outre cela un tartre vitriolé qui nuirait à l'opération par le foie de soufre qui résulterait de sa présence. Voyez FOIE DE SOUFRE.

Quand nous avons dit que ces flux voulaient être conservés dans des bouteilles de grès ou de verre, nous avons voulu exclure en même temps les bouteilles de terres vernissées. Cette attention ne serait pas nécessaire pour la conservation d'un flux qu'on n'emploie qu'à des réductions ordinaires ; mais dans les essais où tout doit être de la dernière exactitude, il serait à craindre que les petites écailles détachées de la bouteille, ne portassent du plomb, et même de l'argent dans l'opération ; car ce vernis n'est que du plomb ou de la litharge vitrifiés avec le sable qui se trouve à la surface du vase ; et l'on sait que le verre de plomb est réductible, au moins en partie.

Nous allons passer aux corps simplement réductifs, ensuite à ceux qui ne sont que fondants ; et nous parlerons en dernier lieu de ceux qui sont réductifs et fondants.

On réduit des chaux métalliques avec la graisse ou le suif.

Le noir de fumée sert à la réduction de quelques corps. C'est le charbon de la résine.

Les Potiers-d'étain ont toujours soin de tenir sur leur étain des charbons allumés, ou du suif ou de la graisse, ou de l'huile, ou même ils fondent leur étain sous les charbons.

La même méthode se trouve aussi pratiquée par quelques plombiers et les Fondeurs en cuivre.

Les ouvriers qui font le fer-blanc, ont grand soin de tenir une couche de suif ou de graisse de quelques doigts sur l'étain fondu, dans lequel ils plongent leur feuille de fer préparée, pour empêcher que la chaux qui ne manquerait pas de se former à la surface de leur métal en bain, ne vienne à adhérer à la surface de la feuille de fer, et ne s'oppose par-là à l'adhérence de l'étain. Voyez FER-BLANC, CHAUX et SOUFRE.

Les Chauderonniers jettent de temps en temps de la résine blanche ou du suif sur l'étamage en bain, pour la même raison que ceux qui travaillent au fer-blanc. La résine se convertit en charbon ou noir de fumée.

Les Ferblantiers passent de temps en temps de la résine ou de la colophone sur leur soudure, ou l'y jettent en poudre pour empêcher aussi la calcination.

Les Chauderonniers fondent leur soudure, qui est composée de zinc et de cuivre, dans une poesle de fer à-travers les charbons embrasés, pour empêcher la calcination, ou réduire les molécules métalliques que le feu aurait pu mettre en cet état.

On ajoute après la fonte de l'alliage qui doit faire le tombac, le similor, etc. un morceau de suif, etc. pour préparer la perte du phlogistique.

La mine de plomb ordinaire se fond à-travers les charbons ardents, pour reprendre le phlogistique qu'elle a pu perdre par la calcination, et avoir un réductif continuel qui l'empêche d'en perdre davantage, ou qui lui restitue celui qu'elle peut perdre même dans la fonte. Si on y ajoute de l'écaille de fer, c'est pour absorber le soufre qu'elle a pu retenir. Voyez FONTE EN GRAND.

On empâte avec de la poix la mine d'étain, qu'on réduit entre deux charbons joints par des surfaces plates et bien polies, dans l'inférieur desquels il y a deux fossettes communiquant par une petite rigole, dont la première sert de creuset, et la seconde de cone de fer.

On la stratifie encore avec les charbons, comme nous l'avons dit de la mine de plomb, mais sans addition.

La mine d'antimoine se calcine peu, si on a soin de lui ajouter de la poudre de charbon, et n'a guère de chaux que l'apparence.

Dans la cémentation du zinc avec le cuivre pour en faire du laiton, on emploie le poussier de charbon. Voyez plus bas le zinc comme fondant du cuivre.

Le fourneau allemand fournit, par le contact immédiat des charbons ardents, aux metaux qu'on y fond, un phlogistique continuel qui pénètre les pores ouverts des molécules metalliques, et les réduit. Voyez FONTE EN GRAND.

On convertit le fer en acier, en lui donnant un phlogistique surabondant par la cémentation avec la poudre de charbon, les ongles, les cornes, les poils, la graisse des animaux, et avec de l'huile. Les autres ingrédiens qu'on y ajoute, ne servent que pour donner du corps au cément. Voyez ACIER. Ce n'est pas qu'il en devienne plus fusible, mais il fait exception parmi les autres metaux et demi-metaux, excepté l'arsenic dont la chaux est fusible, etc. On fait encore de l'acier en plongeant l'extrémité d'une barre de fer dans la fonte en bain. La barre enlève le phlogistique à la fonte.

La trempe en paquet, cette opération qui consiste à réduire en acier les épées, les pièces des platines des fusils, et autres petits ustensiles d'acier, se fait avec un cément où les Ouvriers font entrer la boue des rues, l'ail, les oignons, l'urine, les excréments, le suif, la graisse, l'huile, la farine, les œufs, le lait, le beurre, etc. Voyez TREMPE EN PAQUET.

On fait aussi de l'acier en mettant une barre de fer dans un creuset sans addition, fermant le creuset et l'exposant pendant un certain temps au feu.

Ce qui précède prouve donc que tout corps inflammable, de quel règne et de quel individu des trois règnes qu'il soit tiré, produit toujours les phénomènes de la réduction. Voyez CALCINATION, CHAUX, PHLOGISTIQUE et REDUCTION. Venons-en actuellement aux fondants ou menstrues secs.

Le seu mérite la première place, comme étant le fondant de tous les corps et l'instrument sans lequel ils seraient dans une inaction parfaite, à l'exception peut-être de l'air et du mercure.

Si l'on met du cuivre sur du plomb bouillant, celui-là disparait bien-tôt, pour ne plus former avec le plomb qu'une seule et même masse homogène en apparence.

Le plomb produit encore le même phénomène avec l'or et l'argent, et les fond à un moindre degré de feu que s'ils eussent été seuls. Voyez ESSAI, AFFINAGE et RAFFINAGE de l'argent.

Ce métal dissout encore le cuivre, l'or, et l'argent alliés ensemble. Voyez OEUVRE et LIQUATION.

L'étain est aussi dissous par le plomb, au degré de feu nécessaire à tous les deux, et forme avec lui une masse homogène en apparence, plus fusible que l'un et l'autre ne l'étaient avant. Voyez SOUDURE des Chauderonniers et des Ferblantiers. Mais pour que la combinaison persiste, il ne faut pas leur donner un plus grand degré de feu. Voyez calcination de l'étain par le plomb. Potée.

Le plomb et le fer réduits en scories, se dissolvent aisément, ce qu'ils ne pouvaient faire avec leur metallicité, et forment un verre d'un roux opaque.

Les demi-métaux fondent aisément avec le plomb, mais ils lui enlèvent sa malléabilité, et lui donnent une couleur noire, d'obscure qu'elle était avant. Il est bon d'avertir ici qu'en nous servant de l'expression générale de demi-métaux, nous ferons toujours exception du mercure et du cobolt. Ainsi nous les spécifierons quand il sera nécessaire.

La litharge, ou le verre de plomb par lui-même, étant mêlé par la trituration à des pierres vitrescibles, les réduisent en verre à un feu beaucoup moins violent qu'il n'eut été nécessaire à tous les deux pour subir cet état. Ce verre devient si pénétrant par une quantité considérable de litharge, qu'il perce les creusets, à moins qu'ils ne soient d'une composition particulière. Voyez LITHARGE, VERRE DE SATURNE et CREUSET.

Elle produit le même effet avec toutes les pierres calcaires ; avec cette différence, qu'elles en demandent une plus grande quantité pour devenir aussi fluides.

Elle dissout les apyres même les plus réfractaires, pourvu toutefois qu'on ait la précaution de bien mêler par la trituration, et de donner un leger degré de feu longtemps continué.

Le cuivre entre aisément en fonte à l'aide de la litharge ; mais elle en consume une très-grande partie, et le change avec elle en un verre très-pénétrant.

Elle réduit l'étain et sa chaux en un verre blanc de lait brillant et opaque, avec une légère teinte de jaune. Voyez ÉMAIL.

L'or et l'argent en sont aussi dissous, mais sans perte, parce qu'elle n'a pas les propriétés d'enlever leur phlogistique. Voyez ESSAI, AFFINAGE et RAFFINAGE de l'argent.

L'étain dissout aisément l'or, l'argent et le cuivre ; mais il les rend très-fragiles, s'ils n'en contiennent qu'une petite quantité. Voyez BRONZE. Il dissout aussi le fer, et il sert même à le souder.

Les demi-metaux se fondent aisément avec ce metal ; mais ils leur donnent de la fragilité, s'il est en petite quantité avec eux.

Le cuivre dissout l'or et l'argent. Voyez MONNOIE.

L'or et l'argent se dissolvent l'un l'autre. Voyez INQUART, DEPART, MONNOIE, etc.

Ils se mêlent intimement aussi avec le fer ; et même l'or sert à souder le fer et l'acier, pourvu toutefois qu'il soit bien pur.

L'arsenic mêlé par une trituration exacte aux différentes terres et pierres vitrescibles, calcaires et apyres, les dispose ordinairement à une prompte fusion.

Fondu avec le cuivre, il lui donne une fusion aisée et assez prompte ; et il le réduit en un metal d'autant plus aigre, qu'il est en plus grande quantité.

Avec l'étain, il en fait une masse blanche, claire, par écailles, et qui imite presque le zinc à l'inspection : mais il se forme une grande quantité de chaux d'étain, mêlée d'arsenic, qui lui adhere.

Le plomb mêlé à l'arsenic et exposé à un feu doux auquel il ne bout ni ne fume tout seul, éprouve ces deux états, et est volatilisé, s'élevant sous la forme d'une fumée très-épaisse, et laissant après lui un verre jaune très-fusible. Il reste aussi du plomb qui est fragîle et obscur.

L'arsenic pénètre aussi l'argent, et en fait un composé d'un beau rouge vif, si on y ajoute une petite quantité de soufre.

Il pénètre l'or aussi, et le rend terne et fragîle : et si l'on expose alors ce mélange subitement à un grand feu, l'or s'y dissipe en partie.

Mêlé au verre de plomb, il lui donne plus de pénétration et d'activité. Il fond aussi le spath.

Il fait un verre avec l'alkali fixe et les cailloux.

Ce demi-metal est enfin résous à son tour par différents metaux ; sur lesquels il produit mutuellement la même action.

Le régule d'antimoine donne un verre qui agit beaucoup plus puissamment sur les corps que la litharge ; car il a la propriété d'atténuer les pierres de toutes les espèces, de les dissoudre, et de les changer même en scories.

L'antimoine et son régule causent la même altération à tous les metaux, les réduit même en scories, et les volatilise.

Ce que nous avons dit de l'arsenic au sujet de l'union qu'il fait avec les différents metaux, est également vrai du régule d'antimoine. Car le metal qu'il fond le plus rapidement, est le fer, et après lui le cuivre, etc. Voyez CARACTERES d'IMPRIMERIE.

Le bismuth a la propriété de fondre à un degré de feu bien moins considérable que le régule d'antimoine, les métaux de difficîle fusion. Il s'unit facilement avec eux. Voyez ce qu'on en dira dans la partie des flux.

Le zinc se mêle aisément avec le plomb et l'étain, qu'il aigrit en raison de sa quantité.

Si on le fond avec quatre ou même six parties de cuivre, celui-ci est plus fusible. C'est le laiton. Il prend une belle couleur d'or, si on lui mêle de l'étain d'Angleterre.

L'alkali fixe dissout au grand feu toutes sortes de pierres et de terres, et principalement les vitrescibles ; d'où il résulte différents verres. Voyez la lithogéognosie de Pott ; la verrerie de Kunckel, et les articles VERRERIE, EMAIL et PORCELAINE.

Il fond aisément l'or et l'argent.

Il facilite aussi beaucoup la fusion du fer et du cuivre, qu'il consume ensuite.

L'alkali fixe est surtout employé à la réduction des précipités métalliques, c'est-à-dire des chaux des métaux faites par les acides ; mais on ne l'emploie guère seul que pour l'or, l'argent ou le mercure. Voyez NITRE ALKALISE par les métaux.

Le borax fond et vitrifie toutes les terres, et les terres qu'on mêle avec lui.

Il facilite extrêmement la fusion de l'or, de l'argent et du cuivre. Voyez SOUDURE.

Le nitre facilite beaucoup la fusion des métaux ; mais on ne l'emploie seul que pour l'or et l'argent. Voyez NITRE ALKALISE par les métaux.

Le sel marin ne s'emploie pas seul non plus que le nitre, et est plutôt regardé comme un défensif du contact de l'air que comme un fondant. Voyez ESSAI, FUSION, et plus bas ce qui regarde les flux réductifs.

Le fiel de verre est d'un usage fréquent dans la partie de la chimie qui traite des métaux ; mais mal-à-propos, selon M. Rouelle. Cet illustre chimiste ayant remarqué que ce corps est un mélange de verre, d'alkali, de la soude, de tartre vitriolé, et de sel de Glauber, a conclu justement que par ces deux derniers sels il faisait un foie de soufre, qui, dissolvant les métaux au lieu de les réduire, rendait un essai faux. Voyez FOIE DE SOUFRE et SOUFRE ARTIFICIEL. Il est étonnant qu'un chimiste aussi éclairé que M. Cramer, n'ait pas assez observé ce corps, et qu'il ne fasse presque pas un essai sans y faire entrer cet absurde ingrédient. Voyez plus bas l'article des FLUX COMPOSES, qui sont de lui.

Le sel ammoniac n'est employé comme fondant qu'au défaut du nitre et du sel marin.

Le soufre fond aisément l'argent, et lui donne assez l'apparence du plomb.

Il pénètre le cuivre et le réduit en une masse friable et spongieuse. Voyez CEMENTATION du cuivre avec le soufre ou cuivre brulé.

Il fond promptement le fer, et le réduit en une scorie spongieuse : il suffit pour cela de rougir une barre de fer, et de la frotter avec un bâton de soufre.

Il facilite extrêmement la fonte du régule d'antimoine, auquel il rend son premier état de mine d'antimoine.

Il fond aussi le bismuth, mais moins aisément que le régule d'antimoine.

Il rend l'arsenic d'autant plus fusible, qu'il lui est uni en plus grande quantité. Voyez ARSENIC JAUNE, ROUGE, RUBIS. D'ARSENIC, ORPIMENT, REALGAR.

Fondu avec deux parties d'alkali fixe, il fait le foie de soufre. Voyez FOIE DE SOUFRE.

Ce foie a la propriété, par rapport au sel alkali qu'il contient, de faciliter et d'accélerer la fusion de toutes les pierres et les terres, ainsi que tous les métaux, même les réfractaires et les demi-métaux, excepté le mercure. Voyez sa révivification. Cramer.

Le sel fusible de l'urine, mêlé à parties égales avec l'argille, entre en fonte ; mais le mélange devient compacte et tout noir, semblable à une agate de cette couleur. Si on met deux parties de ce sel contre une d'argille, le mélange se fond très-bien ; mais il en résulte une masse compacte et grisâtre, dont la cassure ressemble presque à une agate ou à un caillou grisâtre. Quant au sel dont il est ici question, voyez PHOSPHORE.

Six parties de craie, qui est un corps infusible par lui-même, et quatre parties d'argille, aussi infusible par elle-même, donnent un corps dur et bien lié, mais sans transparence.

Quatre parties d'argille avec une partie de spath alkalin, donne une masse très liée, et qui reste opaque : mais si l'on mêle ces deux substances en une certaine proportion, et qu'on expose ce mélange à un feu suffisant et longtemps continué, il se changera enfin en un corps tirant sur le jaune, et pour l'ordinaire verdâtre, transparent et parfaitement dur, qui peut être compté parmi les chefs-d'œuvres de l'art, Pott. Nous allons passer aux flux réductifs simples et composés.

Le tartre crud, le résidu de sa distillation, le savon, le flux blanc et le flux noir, sont des flux réductifs simples. Voyez ce que nous avons dit des deux derniers, au commencement de cet article, et les exemples que nous en allons donner de chacun en particulier.

De la limaille ou des lamines de fer fondues rapidement avec leur double d'étain, du tartre, du verre, et des cendres gravelées, donnent un régule blanc, fragile, et attirable par l'aimant.

Le cuivre facilite la fusion du fer ; mais on ne réussit bien dans cette opération, qu'en couvrant la surface de la matière avec un mélange de tartre et de verre.

L'arsenic et l'alkali fixe, mêlés avec un corps contenant beaucoup de phlogistique comme le savon, la poudre de charbon et de tartre, fondus dans un bon creuset avec de la limaille et des lamines de fer donnent un régule de fer blanchâtre et fragile. Si on veut unir au fer une grande quantité d'arsenic par cette méthode, il faudra mêler ensemble égales portions de limaille de fer et de tartre, y ajouter le double d'arsenic, et jeter le tout dans un creuset rouge, afin de le fondre le plus rapidement qu'il sera possible. On versera cet alliage dans un cône ou une lingotière, si-tôt qu'on s'apercevra que la fusion est achevée.

Si l'on traite le cuivre avec l'arsenic par la même méthode, il en résulte un composé qui est blanc, et qui conserve encore assez de malléabilité, principalement si on le fait fondre une fois ou deux avec le borax, afin de dissiper l'arsenic superflu. Si cependant on mêle une grande quantité d'arsenic avec le cuivre, il en devient cassant et obscur, et sa surface est sujette à se noircir dans l'espace de peu de jours, par le seul contact de l'air.

Si on allie le bismuth avec des métaux qui se fondent difficilement, il faut faire cette opération dans les vaisseaux fermés, parce qu'il se détruit aisément ; outre cela il faut augmenter le feu très rapidement, et y faire les additions que nous avons prescrites en parlant de la limaille de fer, jointe avec son double d'étain.

Les mêmes additions doivent encore être faites à l'alliage du nitre avec les métaux de difficîle fusion.

Pour réduire une mine fusible de plomb, on emploie deux parties de flux noir, un quart de limaille de fer, et autant de fil de verre, sur une partie de la mine calcinée, mais pesée avant la calcination. Voyez ESSAI.

Si la mine est rendue réfractaire par la présence des pyrites, sur deux parties de mine calcinée, pesée avant la calcination, on met six parties de flux noir et deux de fiel de verre.

Quand elle est réfractaire en conséquence des terres et des pierres, et incapable d'être traitée par le lavage ; sur deux parties de mine, pesée avant la calcination, puis calcinée, on met deux parties de fiel de verre, un peu de limaille de fer, et huit parties de flux noir.

La mine de cuivre fusible, et exempte d'arsenic et de soufre, demande trois parties de flux noir sur une de mine torréfiée, pesée avant la torréfaction. Nous avertissons ici, pour éviter les repétitions, que toutes les mines dont nous indiquons les quantités, sont toujours roties et pesées avant leur grillage. Voyez ESSAI.

Si l'on a à réduire la mine de cuivre de l'article précédent, mêlées de terres et de pierres, inséparables par l'élutriation, qui la rendent réfractaire, à une partie de cette mine, on ajoute quatre parties de flux noir, et une de fiel de verre.

On traite par la même méthode et avec les mêmes proportions de flux réductifs, la mine de cuivre martiale.

Quand elle est jointe à des matières sulphureuses, arsenicales et demi-métalliques, les proportions des fondants et des réductifs sont encore les mêmes, et pour lors elle donne deux régules, l'un grossier, et l'autre moins impur.

Une mine de cuivre pyriteuse et crue peut être traitée par la stratification avec les charbons, avec une addition de scorie pour fondant. Voyez FONTE EN GRAND. Il en résulte un régule grossier.

La même mine se peut encore traiter dans les vaisseaux fermés, et pour lors on ajoute deux ou trois parties de verre commun ou de scories fusibles, un tiers ou un quart de borax à une de la mine ; on a un régule grossier.

Les régules grossiers des deux derniers articles, sont convertis en cuivre noir, si on les grille à différentes reprises, et qu'on leur ajoute du flux noir : on peut encore faire cette réduction à-travers les charbons. Voyez FONTE EN GRAND.

On examine la quantité de cuivre que peuvent contenir les scories de tous les articles précédents sur le cuivre, en leur ajoutant du verre commun très-fusible, ou le flux noir, si elles ne sont que peu ou point sulphureuses, pour les traiter dans les vaisseaux fermés : l'on peut encore suivre la méthode qui concerne la mine pyriteuse et crue, si on en a une grande quantité.

La mine d'étain se traite comme la mine fusible de plomb, excepté qu'on y ajoute encore autant de poix que de limaille de fer. Voyez ESSAI.

La mine de fer se réduit, ainsi que nous l'avons dit à la fin de l'article ESSAI.

Mais si le régule en est fragile, et ne peut supporter un bon coup de marteau, soit quand il est froid ou quand il est chaud, s'il n'a point l'éclat métallique ; aux trois parties de flux blanc, et à une partie de verre pilé et de poudre de charbon, on ajoute une moitié de chaux du poids total de ces ingrédiens. Voyez FER.

La même mine accompagnée de pierres réfractaires, demande égales parties de borax, outre le flux de l'avant dernier article.

Le fer crud ou cassant devient ductile, si étant mis sur un catin de brasque pesante, on le couvre le scorie fusible ou de sable, et qu'après l'y avoir fondu sous les charbons, on le pétrisse et l'étire sous le marteau. Voyez FER et ACIER.

On réduit ce métal en acier par la cémentation avec les corps inflammables : on se sert à ce sujet de différentes compositions qui reviennent toutes au même, quand elles fournissent un phlogistique exempt d'acide sulphureux. Sur une partie de poussier on met une demi-partie de cendres de bois ; ou à deux parties de poudre de charbon, et une demi-partie de cendres de bois, on ajoute une partie d'os, de cornes, de cuir, de poils brulés à noirceur dans un vaisseau fermé, placé sur un feu modéré. Voyez ACIER, EMPE EN PAQUETQUET.

On convertit encore en acier le fer aigre ou sa mine, en les fondant couvert de scories ou de sable sous les charbons dans un catin de brasque, et les martelant ensuite. Voyez ACIER et MINE D'ACIER.

La mine d'antimoine calcinée seule ou avec le nitre, ou bien détonnée avec ce sel, se réduit en régule avec un quart de flux noir : dans la calcination avec le nitre, on a soin de jeter du suif de temps en temps. Voyez REGULE D'ANTIMOINE.

Les fleurs de zinc blanches, ou bleues, et grises calcinées à blancheur à un feu ouvert médiocre, sont irréductibles par les flux réductifs ordinaires ou les fondants salins ; mais elles se vitrifient avec eux. Voyez les articles NIHIL ALBUM, POMPHOLIX, LAINE PHILOSOPHIQUE, VITRIOL DE ZINC, &c....

Mais les fleurs bleues et grises, fondues même avec des sels privés de phlogistique, donnent quelques grains de zinc, comme avec le fiel de verre, la pierre à cautère. Voyez l'article suivant ; et dans le corps de cet Ouvrage, les articles qui y sont indiqués.

Le zinc et la plupart des corps qui en tirent leur origine, sont les fondants du cuivre ; on cémente avec la poudre de charbon, la calamine, le zinc, la cadmie des fourneaux où l'on a traité le zinc, et la tuthie pour en faire du cuivre jaune. Voyez LAITON, CEMENTATION.

On réduit en régule deux parties de chaux d'arsenic avec une partie de flux noir, une demi-partie de fiel de verre, et autant de limaille de fer non rouillé ; ou bien seulement en l'empâtant d'une partie de savon, et y ajoutant une demi-partie d'alkali fixe : le régule se sublime au couvercle du creuset, sous la forme de pointes prismatiques qui ressemblent à la feve du hêtre.

On réduit le cobolt aves le flux noir. Voyez le mémoire de M. Brandt.

On n'entendra bien tout ce qui précède et ce que nous allons dire, qu'en joignant à cet article la connaissance de la calcination, du phlogistique, et de la réduction. Voyez ces articles.

Il résulte de ce que nous avons dit sur les corps réductifs, qu'un métal qui a perdu par la calcination son phlogistique, le retrouve dans tout corps inflammable qui ne contiendra point d'acide vitriolique, et où la matière du feu sera si étroitement unie à un corps fixe, qu'il n'y aura qu'un feu ouvert capable de la dégager, à moins que ce corps ne se trouve joint à un autre avec qui ce phlogistique a rapport. Le charbon, traité avec la violence du feu dans les vaisseaux fermés, ne donne point son phlogistique ; le tartre, la corne de cerf, etc. traités par la même méthode, conservent aussi le leur. Il n'y a donc que la présence d'un autre corps, avec qui cette matière de feu a analogie, qui puisse la leur enlever. Voyez CALCINATION.

Quand nous avons dit que la réduction se faisait par l'intermède de tout corps inflammable qui ne contient point d'acide vitriolique, il faut entendre par ce corps inflammable le phlogistique pur, uni à l'acide vitriolique, tel qu'il se trouve dans le soufre (voyez plus bas le soufre comme fondant) : car il y a des résines formées par l'union de l'acide vitriolique, comme il y en a de formées par celle de l'acide nitreux. Voyez RESINE ARTIFICIELLE. Et l'expérience des Chauderonniers et Ferblantiers, etc. prouve que les résines servent à la réduction. Il faut donc convenir qu'une huîle essentielle, jointe à l'acide vitriolique, lui est tellement combinée, et l'empâte de façon qu'il ne nuit point à la réduction, et qu'elle ne fait plus d'union avec lui, si-tôt qu'elle est réduite en charbon ; qualité absolument nécessaire en pareille circonstance, et dont on peut déduire la preuve du charbon qui se sépare de la résine artificielle : ainsi cet acide vitriolique se dissipe dans le moment que le charbon se fait ; ce que l'on conclura naturellement des circonstances qui accompagnent la réduction. On sait qu'elle se fait à l'air libre ; et la résine n'a point été encore employée, que je sache, en qualité de réductif dans les vaisseaux fermés, où son acide pourrait aigrir le métal réduit, en formant du soufre.

Mais l'on ne doit point croire que les corps gras et huileux, avec lesquels on réduit une chaux métallique, restent dans leur état naturel, et la rétablissent en son premier état par leur nature grasse et huileuse : ce n'est qu'après que la combustion les a réduits en charbon, que ce phénomène arrive. Nous ne nous arrêterons point à prouver que la nature charbonneuse ne se produit que dans les vaisseaux fermés. Ce que nous avons dit sur le tartre crud, le tartre distillé, la corne de cerf, etc. le prouve assez, sans compter qu'on trouvera ce phénomène éclairci aux articles CHARBON et PHLOGISTIQUE.

La portion inflammable d'un réductif qui, en pénétrant une chaux métallique et s'y unissant, la rétablit dans son état de métal, est très-peu de chose eu égard à sa masse ; mais considérée du côté de ses effets, on sentira que sa quantité numérique et la ténuité de ses molécules simples sont presqu'infinies. L'illustre Stahl s'est convaincu par ses expériences, que le phlogistique ne constituait qu'une trentième partie du soufre, conjointement avec l'acide vitriolique ; mais après plusieurs expériences, il la trouva à peine un soixantième. Qui sait d'ailleurs s'il n'enlève pas avec lui un peu de l'acide vitriolique auquel il est uni ? L'imagination se perd dans les ténèbres profondes qui enveloppent ce mystère ; et l'on n'évaluera vraisemblablement jamais au juste la quantité de ce corps, que nous ne connaissons que par les phénomènes qu'il produit avec les autres ; car jusqu'ici on ne l'a jamais eu pur et dépouillé de toute matière étrangère, et peut-être est-il incapable d'être mis en masse tout seul, et de se trouver pur ailleurs que dans l'atmosphère où il est divisé en ses éléments. Au reste il n'est pas le seul être dans la nature qui ne puisse être soumis à cette épreuve. L'air ne se corporifie non plus qu'avec les autres corps. Voyez le traité allemand du soufre de Stahl, et les art. SOUFRE, PHLOGISTIQUE, et PRINCIPE.

Le but de ceux qui travaillent au fer-blanc, et de ceux qui soudent et qui étament, n'est pas plus de réduire que d'empêcher la calcination. Tant qu'un métal fondu n'est point exposé à l'air (on en excepte l'or et l'argent, dont la calcination exige des manipulations singulières), il demeure dans son état ordinaire ; mais si-tôt qu'il a communication avec lui, la matière ignée qui joue à-travers, emporte avec elle celle qui constitue sa nature métallique, et ne peut être réparée que par celle qui lui fournira un corps qui en sera impregné. Ainsi le corps réductif empêchera la calcination de la partie du bain qu'il couvrira, et réduira la chaux de celle qu'il n'aura pas défendue du contact de l'air.

Les métaux à souder veulent être bien avivés, avant que la soudure y soit appliquée. S'il y avait quelques saletés, elles empêcheraient le contact du métal et de la soudure ; on les lime donc pour obtenir cet avantage : le fer-blanc n'a pas besoin de ce préliminaire ; seulement dans le cas où il est gras, on le saupoudre de borax. Voyez les FONDANS. L'étamage qui n'est que l'application d'une plus grande surface de soudure, exige les mêmes précautions. Les ouvriers commencent par racler le vaisseau qui a été étamé une première fois ; mais quand il est neuf ils se contentent d'y jeter quelques pincées de sel ammoniac ou de sel marin, qui l'écurent, et le rendent par-là propre à s'allier avec l'étamage. Voyez les FONDANS. Par l'usage où ils sont de se servir en pareil cas d'un petit bâton dont l'extrémité est coèffée d'étoupes, ils ont pour but non-seulement d'appliquer leur soudure, mais encore de dépouiller les parois du vaisseau du charbon de la résine qui y adhere quelquefois, et le défend du contact de la soudure, ainsi que de la chaux de la soudure que cette résine n'a pas réduite, parce qu'elle ne couvre pas tout.

Quand une chaux est une fois réduite, on a beau fournir de nouveau phlogistique au métal, il n'en prend pas davantage ; il n'en peut plus admettre que dans le cas où il aurait perdu par le contact de l'air celui qu'on lui a fourni. C'est ainsi que le même métal peut devenir chaux, et se réduire un grand nombre de fais, sans qu'on en connaisse les bornes, que dans l'étain, qui se détériore réellement par toutes ces tortures : le fer aussi fait exception, mais dans un autre genre ; il est susceptible de prendre une surabondance de phlogistique : c'est cet excès qui le fait acier, et qui, bien loin de le rendre plus lié et plus fusible, comme les autres métaux, ne fait que le rendre plus cassant et plus réfractaire : il était assez fusible en scories, il se réduit sans se fondre, devient moins fusible étant fer, et n'est jamais plus rebelle à la fonte que quand il est acier. La raison en est encore inconnue.

Il est donc évident que les métaux et demi-métaux qui sont destructibles à feu nud, supporteront plus longtemps la fonte sans s'altérer, si on a soin de couvrir leur surface de poudre de charbon ou de tout autre corps inflammable, que s'ils y étaient exposés avec le contact de l'air environnant : mais par cette précaution, l'on n'empêche pas seulement que ces métaux se calcinent, c'est-à-dire qu'ils perdent leur phlogistique, mais encore que ce même phlogistique ne volatilise avec lui une partie du métal non calciné. Voyez VOLATILISATION.

Nous avons dit que les métaux imparfaits et les demi-métaux ne se calcinaient guère que par le contact de l'air : cela est vrai de tous, excepté du zinc. Ce demi-métal se calcine même dans les vaisseaux fermés, au degré de feu qui le met en fonte : on est donc obligé, quand on l'allie avec les autres, de lui fournir un réductif continuel. C'est par cette raison que les Chauderonniers font leur soudure forte sous les charbons embrasés ; qu'on fait le cuivre jaune, le tombac, le potin, etc. avec une addition de charbon ou de tout autre corps inflammable ; que dans le fourneau de Goslar on attrape le zinc au milieu des charbons ardents, et qu'on le consume à-travers la poudre de charbon.

Jusqu'ici nous avons examiné le feu comme entrant dans la composition des corps : nous avons cité l'exemple du fer converti en acier sans addition, dans un creuset où le feu fait la double fonction d'instrument et de principe. Deux illustres chimistes, MM. Stahl et Cramer, ont été embarrassés d'expliquer pourquoi une mine de fer était attirable par l'aimant après la calcination : ce phénomène cependant s'explique par celui qui précède ; mais le feu instrument et le feu principe sont-ils le même ? Le fer qui fait exception dans ce cas avec tous les corps connus, semble l'insinuer : sont-ils différents ? c'est ce qui parait par la réduction des autres chaux métalliques. On a beau les tenir dans un creuset fermé toutes seules, elles ne prennent pas, comme le fer, la matière du feu qui passe à-travers le creuset : il leur faut le contact d'un corps charbonneux ; et elles veulent être tenues dans les vaisseaux fermés. La considération de ces phénomènes porterait à croire que le fer ne s'accommode que d'un phlogistique pur, tandis que les autres corps métalliques semblent demander un phlogistique uni à un autre corps, dont la présence ne peut être que soupçonnée. Mais si l'on admettait cette conjecture, comment la concilier avec ce qui se passe dans la calcination du plomb ? La chaux de plomb pese plus qu'il ne pesait auparavant ; et il n'y a pas d'apparence que le phlogistique qu'on soupçonne uni à un autre corps, pese moins que le phlogistique pur qui parait chasser le premier, pour s'introduire à sa place sous une différente combinaison, et peut-être selon celle qui se fait dans le fer : car le fer converti en acier par lui-même augmente de poids ; il est vrai qu'il n'a pas été préalablement calciné. Parlons du feu comme instrument.

Nous avons placé le feu à la tête des fondants ; c'est en effet l'instrument qui divise les corps, les résout, et les rend par-là miscibles avec les autres. Tous les fondants sont des menstrues secs, c'est-à-dire des corps durs composés de parties liées entre elles, et formant un tout qui résiste à la séparation : ils ne peuvent agir sur les autres, tant qu'ils resteront sous cette forme ; il leur faut donc un agent qui change cet état, et leur donne une division et une atténuation capables de leur faire pénétrer les pores de ceux qu'ils peuvent dissoudre ; cet agent c'est le feu : appliqué aux sels et aux métaux avec la force requise pour chacun d'eux en particulier, et selon l'art que nous détaillerons aux articles FOURNEAU et VAISSEAU ; il s'insinue à-travers leurs pores, les dilate, désunit leurs molécules intégrantes, et souvent les principes constituans ces molécules, et les fait rouler les unes sur les autres, comme celles d'un fluide auquel ils ressemblent pour lors. En pareille circonstance, il faut le regarder comme un fluide actif qui se mêle intimément et uniformément avec les corps qu'il pénetre, et qui en est divisé mutuellement : on ne peut mieux comparer sa présence dans un corps qu'il rend fluide, qu'à celle d'un grain d'or qu'on a fondu avec cent mille grains d'argent pur. La Docimastique nous démontre que chaque grain de cet argent contient une quantité d'or proportionnelle, c'est-à-dire un cent-millième de grain d'or : la division de cet or sera encore plus grande, si on le mêle avec une plus grande quantité d'argent ; et l'on n'en connait point les bornes : il faut que le feu réduise cet or à ses molécules intégrantes ; ces molécules doivent être d'une finesse extraordinaire, pour qu'elles puissent se distribuer uniformément dans toute la masse de l'argent. Quelle doit donc être la finesse du corps qui a eu la faculté de les desunir, et de les porter par toute la masse qu'il a parcourue, ébranlée et bouleversée ? Mais il n'est pas nécessaire, pour que cette distribution uniforme du feu dans le corps le plus dur, ait lieu, que ce corps en soit dissous, c'est-à-dire que ses éléments soient séparés les uns des autres, pour lui laisser le passage libre : il est aussi uniformément distribué dans celui qu'il ne commence qu'à échauffer au-dessus du degré de la glace. Quelle prodigieuse finesse ne suppose pas, à plus forte raison, cette liberté du passage qu'il se fraye dans les pores resserrés de ces corps ? Cette dernière considération porte à croire que rien n'échappe à son action.

Il est vrai que les molécules des métaux les plus durs résistent à leur desunion ; et la preuve en est tirée de la figure globuleuse qu'ils s'efforcent de garder, comme le mercure, dans le temps même que le feu produit l'action contraire : mais l'exercice de cette force est au moins diminué, pour ne pas dire absolument interrompu, tant que dure la même violence du feu. Il n'est pas possible de méler intimement deux ou plusieurs masses quelconques, qu'elles ne soient dissoutes en leurs molécules intégrantes. Que devient donc cette prétendue cohérence qu'on avait soupçonnée résister à la séparation des éléments, quand un corps divisé et poussé par l'activité du feu, se glisse avec un autre entre des parties dans lesquelles on avait soupçonné une résistance à leur séparation ?

C'est donc au feu, comme seul instrument de la division des corps, qu'on doit attribuer l'exercice de cette disposition qu'ils ont à se dissoudre les uns les autres : c'est à lui qu'on doit la production de ces phénomènes merveilleux qui naissent de la combinaison de plusieurs substances. Qui pourrait refuser le titre d'agent universel de la nature, à cet être qui en est le principe vivifiant ?

L'expérience a appris que tous ou presque tous les sels étaient des fondants : ainsi le borax, le nitre, le sel ammoniac, le sel gemme, ou le sel marin, les vitriols, le mercure sublimé corrosif, les deux alkalis fixes, le soufre et son foie, le sel de Glauber, le tartre vitriolé, le sel fusible de l'urine, et enfin la plupart des sels composés d'acides devenus concrets par une base quelconque, sont des fondants. Voyez SEL. Les uns ne mettent en fonte que quelques substances connues jusqu'ici ; les autres y en mettent plusieurs : ceux-ci agissent par un de leurs principes seulement, ceux-là par tous les deux. Ils exercent leurs actions sur les terres, les pierres, les verres, les demi-métaux, les métaux, leurs chaux, leurs précipités, leurs verres, et toutes ces matières sur elles-mêmes. De ce nombre prodigieux de substances il nait une foule de combinaisons dont on peut s'assurer qu'on ne connait encore que le plus petit nombre, quelque grand que soit celui qui a été tenté jusqu'ici. Mais si l'on ne connait que la moindre partie des combinaisons qui peuvent être faites sur les substances connues, quelle espérance de parvenir à la connaissance de celles qui existent peut-être inconnues dans le sein de la nature, et de celles que l'art peut produire ? On trouve un grand nombre de ces combinaisons dans différents ouvrages, et particulièrement dans la Lithogéognosie, si on les considère en elles-mêmes, et par le travail qu'elles ont dû couter. Mais si on vient à les comparer avec ce qui reste à faire, la carrière est immense ; et ces ouvrages, et principalement celui de M. Pott, semblent n'exister que pour accuser la briéveté de la vie. Quelle foule de réflexions accablantes ne doit pas offrir l'exercice de plusieurs genres, si un seul suffit pour cela ?

Il y a des corps qui se fondent par eux-mêmes, et dont l'addition d'un autre corps ne fait qu'accélérer et faciliter la fusion : tels sont tous les métaux et demi-métaux, les métaux parfaits dont l'agrégation serait rompue en molécules, à-travers lesquelles il n'y aurait aucune impureté, la plupart des sels, toutes les terres et les pierres vitrescibles ; bien entendu que cette addition change leur nature, si elle s'unit avec eux : on peut conséquemment s'en passer.

D'autres n'entrent en fonte que par un intermède absolument nécessaire : dans ce rang on place les métaux parfaits, dont l'agrégation est rompue, et dont les molécules ne peuvent avoir de contact mutuel, en conséquence de ce que leur surface est couverte de quelques ordures, comme de poussière, de cendres, ou de ce qu'elles sont unies aux acides. Dans le premier cas, on emploie le borax, le nitre, le sel ammoniac, et le sel marin : le flux blanc et l'alkali fixe servent dans le second. Il est à remarquer que comme le borax donne à l'or une pâleur qu'on ne lui enlève que par le nitre ou le sel ammoniac, on mêle ordinairement le borax et le nitre, pour lui servir de fondant, ou le borax et le sel ammoniac, mais jamais le nitre et le sel ammoniac, parce qu'ils détonnent ensemble. On emploie aussi quelquefois ces sels avec les métaux imparfaits et leurs chaux : mais ils en calcinent une partie, et même la vitrifient, comme il arrive de la part du borax, bien loin de réduire la chaux qui peut s'y trouver. Voyez les FLUX. Ainsi donc on n'en peut faire aucun usage dans les essais, sans tomber dans l'erreur. Ces sels, le borax, le nitre, le sel ammoniac, le sel marin, l'alkali fixe, et le flux blanc, nettoient la surface des molécules des impuretés qui s'y trouvent, et favorisent ainsi la réunion en un régule, de celles qui sont en fonte. L'alkali fixe et le flux blanc, que nous regardons presque comme les mêmes, outre ces propriétés, ayant presque plus de rapport que ces métaux avec les acides qui leur restent unis après la précipitation ou concentration, les leur enlèvent, et favorisent par la même raison la réunion de leurs molécules : ainsi en pareil cas, ils ont un autre effet que celui de fondant ; c'est celui d'absorbant. Ce premier effet, qui n'est que de surérogation dans la conjoncture présente, n'empêche pourtant pas qu'ils n'aient aussi celui qui y est propre. L'expérience a appris que le feu ne se communique ni avec la même rapidité, ni avec le même degré d'intensité, aux corps divisés qu'aux corps continus. Les sels, par l'interposition de leurs molécules fondues, remplissent les vides, et communiquent le feu de proche en proche aux molécules métalliques, qu'ils aident à la fusion. Mais il faut encore leur reconnaître une qualité particulière par laquelle ils agissent sur certaines substances ; d'où il suit qu'ils ont une triple action : c'est par les deux dernières que le borax est en usage pour souder l'or, l'argent, et le cuivre. Les artistes qui sont occupés du travail de ces métaux, appliquent le plus exactement qu'ils peuvent, les plans de contact avivés des pièces qu'ils veulent unir. Ils mettent tout-autour des paillons de soudure pour l'or et pour l'argent, et de la soudure en grenaille pour le cuivre ; ils saupoudrent cette soudure de borax, et portent leurs pièces au feu, ou se servent de la lampe de l'émailleur. Les métaux qu'ils veulent souder étant de plus difficîle fusion que la soudure, celle-ci entre en fonte la première à la faveur du borax, et fond la partie du métal à laquelle elle est appliquée. C'est-là le point que les bons artistes savent bien saisir pour retirer leurs pièces du feu : car sans cette attention, la partie soudée ne tarde pas à tomber dans le feu en gouttes métalliques, et l'on a perdu son temps et ses peines. On connait que la fusion en est à son point, quand on voit que la surface de l'endroit soudé a l'éclat du miroir, et réfléchit de même les objets. Les scories legeres qui se forment en même temps à la surface du métal, et qui s'opposent à l'action de la soudure et du fondant, sont fondues et vitrifiées par le borax : il s'ensuit que dans les circonstances où on a à essayer un ustensîle d'or ou d'argent, on ne doit jamais en couper un essai dans les endroits soudés ; parce que la soudure pour l'or étant un alliage d'or, d'argent, et quelquefois de cuivre, celle de l'argent, un alliage de ce métal avec le cuivre, l'ustensîle essayé se trouvera toujours fort au-dessous de son titre réel.

On emploie aussi quelquefois les sels avec les métaux imparfaits et leurs chaux ; mais ils en calcinent une partie, et même la vitrifient ; sans compter que leurs particules divisées se calcinent bien toutes seules, et résistent par-là à leur réunion : ainsi ils ne doivent jamais être traités par ces fondants, surtout dans ces essais, où ils causeraient des erreurs considérables. Voyez les FLUX. Le borax ne fait pas même exception à cette règle, quoique ce soit le corps qui de tous accélere le plus la fusion, et que par-là il ait été regardé comme un flux réductif. Si l'on veut dépouiller, par exemple, un alliage d'or et d'argent du cuivre qu'ils contiennent, on y ajoute du borax : ce sel met la masse en fonte non-seulement, mais attaque encore les molécules des scories cuivreuses qui surnagent, où l'or est niché comme dans les pores d'une éponge ; il a la propriété de les résoudre, de s'unir avec elles, et de les convertir en un verre qui surnage le régule composé du culot principal et de l'accessoire des molécules qui étaient éparses dans les scories.

Mais il y a une troisième espèce de corps qui étant absolument réfractaires par eux-mêmes, se fondent avec d'autres de même nature : tels sont le spath alkalin avec l'argille, la craie avec la même argille.

C'est sur la propriété qu'a la litharge, et conséquemment le plomb, de fondre les terres et les pierres, et tous les métaux et demi-métaux, qu'est fondé le travail des mines dont on retire l'or, l'argent, et le cuivre par son moyen : quand elle est mélée bien intimement par la vitrification avec la masse de ces corps composés, une addition de phlogistique la réduit en un régule qui se précipite au fond par son plus grand poids spécifique, emportant avec lui les métaux précieux dont elle a dépouillé la masse de scories qui la surnagent : il y en reste un peu à la vérité, mais on peut le retrouver en partie. Voyez les FLUX, et les articles OEUVRE, LIQUATION, et ESSAI.

On n'a soin de bien fermer les vaisseaux où l'on fond les verres tirés des métaux, que pour empêcher la chute des charbons : on conçoit à-présent qu'ils y porteraient un principe inflammable qui ne manquerait pas de réduire en régule une portion du métal qu'on a eu en vue de vitrifier : cet inconvénient n'est guère à craindre, quand la surface de la matière vitrifiable est couverte de nitre. Ce sel, qu'on emploie ordinairement comme fondant, détonne avec le charbon qu'il détruit en s'alkalisant. Voyez NITRE fixé par les charbons. Les pailles, les cheveux, les menus brins de bois, et enfin tous les corps réductifs ou qui peuvent le devenir, dont nous avons parlé, produisent le même phénomène.

Parmi les fondants, on en trouve qui se séparent des corps après qu'ils ont exercé leur action sur eux. On conçoit aisément encore que tel fondant qui reste uni à un corps après la fusion, se séparera d'un autre après cette opération, ou sous quelqu'autre condition. Les corps qui ne restent point unis ensemble, quand l'un a servi de fondant à l'autre, sont le plomb uni à l'or et à l'argent, quand le grand feu a vitrifié le premier, ou scorifié sa litharge sur une coupelle qui la bait avec les autres métaux imparfaits, s'il s'en trouve dans l'alliage (Voyez ESSAI et AFFINAGE) ; parce que pour lors ils ne peuvent plus faire d'union avec des métaux qui n'ont pu subir le même état. L'étain est obligé d'abandonner le plomb, quand on donne à leur alliage un feu assez fort pour calciner le premier qui surnage. Le régule d'antimoine et sa mine se séparent de l'or et de l'argent, quand on les calcine et qu'on les fait fumer. Voyez faire fumer l'antimoine. Le zinc ne s'unit jamais au bismuth. L'alkali fixe, le sel marin, le nitre, le sel ammoniac, et le borax, se séparent de l'or et de l'argent dont ils ont accéléré la fusion. Le borax et ces sels se séparent aussi du cuivre. L'alkali fixe se sépare des précipités des métaux parfaits, et du mercure, dont il a favorisé la réunion en les dégageant des acides qui étaient interposés entre leurs molécules, et empêchaient leur réunion. Le fiel de verre ne s'unit avec aucun des métaux. L'alkali fixe et le soufre ne s'unissent point à l'or séparément.

D'autres fondants restent unis aux corps qu'ils ont dissous. On a Ve que le plomb s'unissait au cuivre, à l'or, à l'argent, à l'étain, et aux demi-métaux ; que son verre ou la litharge dissolvait le fer scorifié, le cuivre, la chaux d'étain, l'or, l'argent, et les pierres calcaires, vitrescibles, et apyres. L'étain s'allie avec l'or, l'argent, le cuivre, le fer, et les demi-métaux. Le cuivre, l'or, et l'argent, se dissolvent mutuellement. L'or et l'argent s'unissent au fer. L'arsenic s'unit à toutes les terres et pierres, avec le cuivre, l'étain, le plomb et son verre, l'or et l'argent. Le verre d'antimoine s'unit aux pierres et terres de toute espèce ; son régule et sa mine s'allient avec tous les métaux. Le bismuth se fond avec tous les métaux. Le zinc se mêle avec l'étain et le plomb, le cuivre seul et allié d'étain. L'alkali fixe dissout toutes les terres et les pierres. Le soufre s'unit avec le fer, le cuivre, le plomb, l'argent, le régule d'antimoine, l'étain, le mercure (Voyez CINNABRE et ETHIOPS MINERAL), l'arsenic et le bismuth. Voyez les rapports. L'alkali fixe et le soufre ne s'unissent à l'or, que quand ils sont préalablement unis ensemble par la voie seche ou la voie humide. Le foie de soufre a encore la propriété de faciliter et d'accélérer la fusion de tous les métaux et de toutes les terres et les pierres ; il reste uni aux métaux et demi-métaux, et à quelques matières terreuses et pierreuses ; il ne se combine avec d'autres que par son alkali. Le sel fusible de l'urine se change avec l'argille en une masse à demi-vitrifiée. Certaines portions de spath alkalin et d'argille donnent une masse liée ou un verre.

La masse qui résulte de ces différentes combinaisons est uniforme, simple, et naturelle en apparence. On n'y peut découvrir aucun point différent des acides, même à l'aide du microscope. La fragilité, qui est pour l'ordinaire la suite de ces sortes d'alliages, existe dans les moindres molécules. Il en résulte un composé qui n'a plus les propriétés qu'avaient ceux qui les ont formés, et qui conséquemment en a acquis de particulières. L'on conçoit aisément que les particules du fondant ne se touchent plus les unes les autres, et sont séparées par celles du corps fondu, qui sont conséquemment dans le même cas que celles du fondant.

Il suit que les parties du fondant s'appliquent à celles du corps fondu, et que cette union se fait dans le temps de la fusion. Mais l'on demande pourquoi des molécules similaires se desunissent pour former une nouvelle union avec un corps, avec lequel il semble qu'elles doivent avoir moins d'analogie ? La même question est également fondée sur la cause, qui continue de tenir liées entr'elles les particules et du fondant et du fondu, et les empêchent de se réunir de nouveau avec leurs semblables : quelle qu'elle sait, elle existe mutuellement dans tous les deux. Il y a cependant des obstacles à surmonter ; ils sont plus ou moins considérables, suivant la différence des corps. Nous avons fait sentir que l'analogie devait être plus grande entre les parties d'un même corps, qu'entre celles de deux corps différents : mais la différence du poids mérite aussi d'être considérée. Et en effet il faut que l'union soit bien forte entre l'or et l'étain, dont le premier le plus pesant des métaux, est au second le plus leger de tous en raison directe, comme 19636 sont à 7321, pour que les parties de l'or ne retombent pas au fond, et ne fassent pas surnager l'étain à leur surface. Il est vrai que si on n'a soin d'agiter le lingot jusqu'à ce qu'il soit froid, la partie inférieure est plus riche que la supérieure : mais la différence n'est pas excessive, et il n'en est pas moins constant que l'or est répandu dans toute la masse, sinon bien uniformément, du moins par une union réelle.

Il parait donc que cette opération se fait spécialement par l'attraction réciproque des particules qui dissolvent et sont dissoutes. Si l'on presse un nouet de chamois plein de mercure, qui est un menstrue fluide, mais sec, dans un vaisseau tenant du soufre fondu, et qu'on remue quelque temps ; alors les parties du soufre s'unissent si fortement à celles du mercure, qu'elles séparent les molécules intégrantes de ce demi-métal, et les enveloppent pour ne plus former qu'une masse uniforme. Cependant quelle différence dans le poids ? Elle est encore plus considérable qu'entre l'or et l'étain. Les causes de cette union sont le feu, qui a divisé le soufre en ses éléments ; la division donnée au mercure par le filtre de chamois ; l'agitation, et surtout cette faculté qu'ont le mercure et le soufre de s'attirer mutuellement par leurs surfaces multipliées, et d'adhérer fortement l'un à l'autre, pour ne plus être séparés que par un corps, dont l'attraction avec le soufre sera plus forte que celle du mercure. Ce corps est ou la limaille de fer, ou l'alkali fixe, ou la chaux, qui étant mêlés par la trituration avec l'éthiops, ou le cinnabre qui est l'éthiops sublimé, attirent le soufre, et laissent le mercure coulant comme il était d'abord : mais ces corps prennent la place du mercure, par rapport au soufre qui s'unit avec eux. La même action se fait également par la trituration, qui équivaut en ce cas à l'action du feu. Voyez ETHIOPS MINERAL.

Cette action est conséquemment mécanique, en même temps qu'elle tient de la nature de l'attraction. On a Ve qu'une trituration mécanique divise les corps comme le feu. Si elle n'en tient pas lieu dans tous les cas, au moins approche-t-elle d'autant plus de ses effets, qu'elle est plus longtemps continuée : ainsi le feu ne fait qu'enchérir sur elle, bien-loin d'en différer ; en même temps il augmente la vertu attractive, qui ne se fait qu'en conséquence de la petitesse et de la multiplicité des surfaces. Cette atténuation est occasionnée par les coups répétés des éléments d'un feu continu. Les sels et les autres corps qui se séparent du corps dissous après la fonte, paraissent devoir être référés à plus juste titre parmi des fondants mécaniques.

Mais quand nous distinguons la division physique d'avec la mécanique, il ne faut pas croire que nous excluions strictement celle-ci. Une division physique est certainement mécanique ; mais nous n'avons pas assez de lumières sur sa nature, pour en pouvoir donner une explication relative aux actions connues jusqu'ici sous le nom de mécaniques. Nous ne pouvons la référer, par exemple, à l'action du coin, du levier, du couteau, de la scie, et de la poulie. On ne peut nier cependant que chaque molécule intégrante d'un menstrue ne puisse, à certains égards, avoir quelque rapport avec quelques-uns des instruments mentionnés ; car la molécule en question a un poids, une figure, une grandeur, et une dureté particulières, qui lui donnent ces qualités mécaniques, voyez PRINCIPE ; quoiqu'on ne puisse s'empêcher d'y reconnaître une action et une nature propres, comme l'attraction, qui constituent peut-être plus que toute autre qualité, celle qu'elle a de faire subir tel ou tel changement à un corps. Mais pourquoi n'admettrait-on pas le feu instrument comme fondant, puisque les corps de la nature de celui-ci n'agissent presque que mécaniquement ?

Il y a cette différence entre le réductif et le fondant, que celui-là donne toujours un principe qui s'unit au corps ; au lieu que celui-ci leur enlève souvent ce qui nuisait à leur fusion, sans compter que tantôt il se sépare du corps fondu, comme quand il le dépouille de ses impuretés, et que d'autres fois il lui reste uni.

Le fondant n'est qu'un menstrue sec, dont il diffère en ce que celui-ci reste toujours uni au corps qu'il a dissous ; au lieu que le premier s'en sépare quelquefois après son action.

Après tout ce que nous avons mentionné sur les réductifs et sur les fondants, il ne nous reste plus que quelques particularités sur les flux réductifs. Le tartre crud n'est point un flux réductif par sa nature ; c'est un acide concret qui contient beaucoup d'huîle et de terre, et qui est uni à la partie extractive du vin. Il faut donc pour devenir tel, qu'il se change dans les vaisseaux fermés en un alkali charbonneux. C'est aussi ce qui arrive. Voyez TARTRE. Ce corps est le seul dans la nature qui donne un alkali fixe tout fait dans ses vaisseaux fermés. Le savon change aussi de nature quant à la partie huileuse, qui se convertit en charbon. La limaille de fer n'est un fondant que par accident ; elle n'entre dans les essais que pour se saisir du soufre qui peut rester encore dans les mines après la calcination. Le sel marin n'y est pas tant employé comme un fondant, que comme un défensif du contact de l'air. Voyez ESSAI. Il en est de la poix comme de la résine, et elle n'est autre chose quant au fond. Ce qui la rend noire et empyreumatique, c'est une partie charbonneuse qui vient de la combustion qui a fourni la poix. Les cendres de bois dans la cémentation pour réduire le fer en acier, ne servent que comme une terre pure, et qui ne produit aucun autre effet dans l'opération que celui de séparer les autres ingrédiens, et les faire faisonner. La chaux ne sert que comme la limaille de fer, à absorber et donner des entraves au soufre ; elle fait aussi un fondant mêlée avec les verres et les fondants salins.

Le flux blanc n'est guère employé que comme fondant ; il contient trop peu de phlogistique pour servir à la réduction. On lui ajoute, ou de la poudre de charbon, ou tout autre corps gras, quand on veut le rendre réductif : mais il ne faut pas croire que cette combinaison revienne précisément au même quant à la nature de l'alkali et aux phénomènes de la réduction. Le phlogistique est si intimement uni dans le résidu du tartre et le flux noir, que ces deux substances crystallisent comme l'alkali préparé selon la méthode de Tachenius. Voyez cet article. Il doit donc y avoir plus d'efficacité dans un corps dont chaque molécule intégrante porte à la fois et le réductif et le fondant, que dans le mélange du charbon, et du flux blanc, ou de l'alkali fixe, qui ne donnent pas le même composé. Ce mélange peut cependant être placé.

Il n'y a point de différence réelle, quant au fond, entre les diverses espèces de flux réductifs ; c'est toujours le principe inflammable, uni à un fondant ; soit dans le même corps comme dans le flux noir, le résidu de la distillation du tartre, le tartre crud qui lui devient semblable dans l'opération, et le savon ; soit dans deux corps différents, comme dans le mélange de la poudre de charbon, avec l'alkali fixe, ou le flux blanc. Voyez PHLOGISTIQUE. Mais il y a des corps qui en contiennent plus, d'autres moins. Ceux-ci le lâchent plus difficilement que ceux-là, etc. et c'est-là ce qui décide du choix qu'on en doit faire. On sent aisément qu'il en faut mêler à un métal qui est difficîle à fondre, et dont la chaux ou le verre le sont encore plus, qu'un flux réductif qui lâche difficilement son phlogistique ; parce que si le principe inflammable n'y tenait que peu, il pourrait se faire qu'il se dissiperait avant que le temps de le donner fût venu. Il fau convenir cependant que cet inconvénient n'a pas lieu dans les vaisseaux fermés, dans lesquels l'instant où un corps métallique doit attirer son phlogistique, est celui qui le détermine à se dégager de sa base.

Quelques artistes font des flux ou des réductifs, composés de plusieurs espèces de corps qui fournissent la matière du feu ; mais il est aisé de sentir la futilité de ces sortes de fatras. Voyez TREMPE EN PAQUET.

Dans les circonstances où un flux est accompagné d'autres corps, comme dans les réductions que nous avons données pour les essais des mines, c'est pour des raisons particulières qui ont été détaillées. Voyez ce que nous avons dit sur la limaille de fer et la chaux. Le verre simple, le verre de Saturne, et celui d'antimoine, sont des fondants particulièrement destinés à atténuer les pierres et terres vitrifiées par l'alkali. Le fiel de verre a été employé aussi pour remplir ces vues ; mais nous avons fait observer que ce corps devait entraîner des inconvénients à sa suite.

Le flux donc, comme composé d'un réductif et d'un fondant, diffère de l'un et de l'autre de ces corps, parce qu'il est tous les deux ensemble. Il ne donne jamais aux corps avec lesquels on l'emploie, que le principe inflammable, et il leur enlève les saletés qui nuisaient à la réunion du tout ; avantage que ne produit pas le réductif. Le fondant opère cet effet à la vérité, mais il reste souvent uni aux corps qu'il a dissous.

Nous finirons par cette conclusion générale, que tout flux est un corps qui a la propriété de réduire par le principe inflammable, et de fondre par le principe fondant qu'il contient, et conséquemment d'accélérer et de procurer la fusion des corps avec lesquels on le mêle : d'où est venue notre division, 1°. en réductifs, 2°. en fondants, 3°. en réductifs et fondants, ou flux. Voyez Stahl, Cramer, Boerhaave, et la Lithogéognosie de Pott.




Affichages : 2944