1. (Arithmétique) c'est dans notre système de numération le premier nombre de la seconde décade, ou celui qui suit immédiatement la racine dix de notre échelle arithmétique ; il s'exprime par deux unités. Il est nombre premier, et le sixième de cet ordre.

2. Puisque neuf (voyez son article) tire certaines propriétés de sa proximité en-deçà de la racine de notre échelle arithmétique ; il était naturel de penser que onze en a d'analogues, qu'il doit tirer de sa proximité en-delà de la même racine : mais, comme elles ne sont pas si exposées en vue, elles avaient jusqu'ici échappé aux observateurs. Ce sont, pour le nombre et pour le fonds, précisément les mêmes que celles de neuf, si ce n'est qu'elles se manifestent en sens contraire, comme cela devait être. Dans le développement qu'on en Ve faire, on aura soin de rapprocher chacune de celle qui lui correspond pour le nombre neuf, afin de faire mieux connaître ce qu'elles ont de commun et en quoi elles différent.

Au reste, tout ce que nous dirons de onze doit s'entendre de tout autre , c'est-à-dire (r représentant la racine d'une échelle arithmétique quelconque), de tout nombre qui occupe respectivement le même rang dans son échelle particulière, que notre 11 occupe dans la sienne. Je dis notre 11, parce que 11 est l'expression numérique de commune à toutes les échelles.

3. Première propriété. La division par 11 de tout multiple de 11 peut se réduire à une simple soustraction : en voici la pratique.

Sait 4708 (multiple de 11) proposé à diviser par 11.

Puis dites : qui de 0, ou (en empruntant) qui de 10 paie 8, reste 2 ; écrivez 2 à la gauche du 8.

Enfin dites : non, qui de 7, mais (à cause de l'emprunt) qui de 6 paie 2, reste 4 ; écrivez 4 à la gauche du 2... et tout est fait : car 4 - 4 = 0 montre que l'opération est consommée. Desorte que négligeant le 0 final, le reste 428 est le quotient cherché.

Pour la preuve ; additionnez ensemble les chiffres du nombre inférieur, les prenant deux à deux, chacun successivement avec celui qui le précéde vers la gauche, jusqu'au dernier qui s'emploie tout seul, n'en ayant point au - delà avec qui s'apparier : la somme doit vous rendre le nombre supérieur, s'il ne s'est point glissé d'erreur dans l'opération.

4. La raison de cette pratique deviendra sensible, si l'on fait attention que tout multiple de 11 peut être conçu, comme le résultat d'une addition. En effet, 428 X 11 = 428 X = 4280 + 428. Ce que l'on peut disposer ainsi

Nommant s le nombre supérieur, m celui du milieu, j l'inférieur ; il suit de la disposition des chiffres que le dernier de m est le même que le pénultième de s, le pénultième de m le même que l'antépénultième de s, etc.

Maintenant le nombre j étant proposé à diviser par 11, il est clair (construction) que le quotient cherché est le nombre m. Mais (encore par construction) j = s + m ; d'où m = j - s : et voilà la soustraction qu'il est question de faire ; mais comment y procéder, puisque s, élément nécessaire, n'est point connu ?

Au moins en connoit-on le dernier chiffre, qui est toujours 0 : on peut donc commencer la soustraction. Cette première opération donnera le dernier chiffre m, = (suprà) au pénultième de s ; celui-ci fera trouver le pénultième de m, = à l'antépénultième de s ; et ainsi de l'un en l'autre, le chiffre dernier trouvé de m étant celui dont on a besoin dans s pour continuer l'opération.

L'addition qui sert ici de preuve à la règle est, si l'on veut y faire attention, précisément la même qui a formé le multiple : il n'est donc pas étonnant qu'elle le rende. C'est au fonds s qu'on ajoute à m : or s + m = j. Il est vrai que s et m sont mêlés ensemble et fondus dans le même nombre ; mais l'opération même les démêle.

5. La division par 11 de tout multiple de 11, aussi-bien que la division par 9 de tout multiple de 9, peut donc se réduire à une simple soustraction : mais elle se fait pour l'un et pour l'autre en sens contraires.

Là le premier 0 (qui est comme la clé de l'opération) se place au-dessus du multiple : ici il se place au-dessous.

6. Avant que d'énoncer la seconde propriété, j'avertis que la dénomination de chiffres pairs et de chiffres impairs y est relative au rang que chacun occupe dans une suite d'autres chiffres, sans nul égard à sa valeur propre. Ainsi (supposant qu'on compte de gauche à droite) dans 2176, 2 et 7 sont les chiffres impairs, 1 et 6 les chiffres pairs.

7. Seconde propriété. En tout multiple de 11, si l'on fait séparément la somme des chiffres pairs et celle des impairs, ou ces deux sommes sont égales, ou leur différence est un multiple de 11... comme réciproquement tout nombre, tel que la somme des chiffres pairs y soit égale à celle des impairs, ou que leur différence soit un multiple de 11, exprime lui-même un multiple de 11 ; c'est ce qu'on voit d'abord en 572 = 11 x 52.... où = 7 etc.

en 4708 = 11 x 428.... où - = 15 - 4 = 11

De même si l'on écrit au hasard une suite de chiffres en nombre quelconque, pourvu seulement que la somme des chiffres pairs y soit égale à celle des impairs, ou que leur différence soit un multiple de 11, comme 77, 90904, etc. on est assuré que le nombre résultant se divise exactement par 11.

8. Pour démontrer la proposition directe, il suffit de substituer dans la figure du n°. 4, au lieu des chiffres qui s'y trouvent, les indéterminées a, b, c, qui les représentent d'une manière générale : on aura (L'astérisque tient ici la place du 0, qu'on n'a point voulu mêler avec des lettres, crainte d'équivoque.)

On voit que la somme des termes pairs est exactement la même que celle des impairs ; et que ce sera la même chose, en quelque nombre qu'on veuille supposer les lettres de la quantité à multiplier : c'est une suite nécessaire de la formation du multiple.

Un seul point pourrait causer quelque scrupule ; les deux termes extrêmes, sont simples, ou ne contiennent qu'une seule lettre. Cette circonstance, il est vrai, ne peut tirer à conséquence, quand l'un des deux appartient à la somme des pairs, et l'autre à celle des impairs, comme dans l'exemple présent ; on voit bien qu'il en doit résulter le même nombre de lettres de part et d'autre. Mais quand tous les deux se trouvent du même côté (comme il arrive toutes les fois que les termes du multiple sont en nombre impair), il semble que ce côté doit pécher par défaut.... au contraire, c'est précisément ce qui conserve l'égalité. Car, les termes du multiple étant en nombre impair, il y a nécessairement un côté qui a un terme de plus que l'autre ; et comme c'est toujours le côté des impairs (auquel d'ailleurs appartiennent les deux extrêmes), il se trouve que deux termes simples figurent vis-à-vis d'un double ; c'est ce qu'on voit en cet autre exemple :

9. Il parait résulter de cette démonstration, que les deux sommes devraient toujours être égales : ce qui n'est pas pourtant. Mais on doit faire attention que, quand la somme de deux chiffres (représentés ici par deux lettres) excéde 9, on renvoie une unité au chiffre de la gauche, ne retenant pour celui sur lequel on opère que l'excès de cette somme au-dessus de 10. Celui-ci y perd donc 10, tandis que son voisin y gagne 1 : la différence doit donc être ou 11.

Comme en faisant la somme des différentes colonnes, il peut arriver que le renvoi d'une unité au chiffre de la gauche ait lieu plusieurs fois ; s'il se fait constamment au profit des chiffres de même nom, soit pairs, soit impairs, il est visible que la différence des deux sommes ne sera plus simplement 11, mais un multiple de 11, déterminé par le nombre même des renvois.

Si les renvois se font partie au profit des chiffres pairs, partie au profit des impairs, ou ils sont en nombre égal de part et d'autre, et alors, tout se trouvant composé, l'égalité rigoureuse se maintient entre les deux sommes : ou ils ne le sont pas, et alors le multiple de 11 qui constitue la différence est déterminé par la différence des deux nombres qui expriment celui des renvois faits au profit des chiffres de différent nom.

10. Au reste, sur l'inspection seule du nombre proposé à multiplier par 11, il est aisé de déterminer combien il y aura de renvois dans l'addition qui sert à cet effet ; et par une suite de juger quel rapport auront entr'elles dans le multiple même la somme des chiffres pairs et celle des impairs ; si elles seront égales, ou (dans le cas d'inégalité) de quel multiple de 11 elles différeront. Pour cela, appariant successivement chacun des chiffres du nombre proposé avec celui qui le précéde vers la gauche, autant de fois que la somme de deux chiffres pris de cette manière excédera 9, autant il y aura de renvois (s'entend que, quand il y a renvoi d'une somme précédente, il faut augmenter d'une unité la somme subséquente). On verra donc au premier coup d'oeil que pour 435, il n'y aura point de renvoi, et conséquemment que dans le multiple les deux sommes seront égales ; que pour 8264, il y en aura deux, qui étant l'un et l'autre au profit des chiffres de même nom (ce qu'on reconnait encore par la disposition des chiffres) donneront pour la différence des deux sommes dans le multiple 11 x 2 ou 22, etc.

11. Pour démontrer la proposition inverse (voyez le n°. 7.) qu'un nombre quelconque, conditionné comme il y est dit, soit représenté généralement par , et qu'on y applique la méthode de soustraction exposée, n°. 3 : il se résoudra en deux quantités, et , dont l'une est décuple de l'autre. Il en était donc la somme : mais la somme de deux semblables quantités est un multiple de 11.

Ce raisonnement parait encore ne conclure que pour le cas d'égalité entre les deux sommes... mais si la différence est 11 ou l'un de ses multiples, en appliquant la soustraction, il y aura des emprunts à faire sur les termes excédents au profit des défaillans, plus ou moins, selon le multiple. Chaque emprunt fera perdre une unité à l'excédent, et augmentera de 10 le défaillant ; ce qui fera évanouir la différence et ramenera les choses au cas d'égalité.... Ce défaut apparent dans la démonstration ne provient donc que de sa généralité même, et de ce qu'elle est antérieure au choix de toute méthode particulière de calculer.

12. En tout multiple soit de 9, soit de 11, si l'on fait séparément la somme des chiffres pairs et celle des impairs ; c'est (pour 9) la somme totale de ces deux sommes qui est un multiple de 9 : et (pour 11) c'est leur différence, quand elles différent, qui est un multiple de 11.

13. Traisième propriété. Si l'on renverse l'ordre des chiffres qui expriment un nombre quelconque, la différence et la somme du nombre direct et du nombre renversé, sont des multiples de 11 ; la différence, quand les chiffres du nombre proposé sont en nombre impair ; la somme, quand ils sont en nombre pair. Par exemple,

826 - 628 = 198 : or 198/11 = 18

82 + 28 = 110 : or 110/11 = 10

sans reste, parce que le nombre des chiffres de 826 est impair ; 82 est pair.

La démonstration dépend des deux propositions suivantes.

14. Lemme I. La différence et la somme de deux puissances quelconques de la même racine sont des multiples de cette racine augmentée de l'unité ; la différence, quand celle des exposans des deux puissances est un nombre pair : la somme, quand la différence des exposans des deux puissances est un nombre impair. Pour la preuve, voyez l'article EXPOSANT.

Lemme II. (Par chiffres correspondants il faut entendre deux chiffres pris en un nombre quelconque à égale distance du milieu chacun de son côté ; comme sont d'abord les extrêmes, puis les deux les plus voisins de ceux-ci, &c.)

15. En tout nombre, la différence des exposans des deux puissances de 10 (ou plus généralement de r), qui y déterminent la valeur relative de deux chiffres correspondants quelconques, est d'un nom différent de celui du nombre total des chiffres ; c'est-à-dire paire quand celui-ci est impair, et réciproquement.

En effet, que a. rm et b. rn représentent la valeur relative des deux chiffres extrêmes a et b d'un nombre quelconque, dont le nombre total des chiffres (voyez ÉCHELLE ARITHMETIQUE), sera par conséquent ; il est évident que m - n = m - o = m est d'un nom différent de . Il n'est pas moins clair que, pour tous autres deux chiffres correspondants tirés par ordre du même nombre, sera dans le même ordre m - 2, m - 4, m - 6, etc. suivant une progression arithmétique dont 2 est la différence : chaque terme y sera donc de même nom que le premier m, et par une suite d'un nom différent de .

16. Cela posé, quand on renverse l'ordre des chiffres qui expriment un nombre quelconque, on ne fait qu'échanger la valeur relative des chiffres correspondants ; en sorte que a. rm et b. rn deviennent a. rn et b. rm. Maintenant si l'on ôte cette seconde quantité de la première, ou si on les ajoute ensemble, on aura (toute déduction faite, et supposant a > b et m > n), la différence = a - b x et la somme = a + b x ; mais s'il s'agit de la différence, le 2d facteur rm - rn (& par une suite le produit même) est (lemme I.) une multiple de r + 1 ou de 11, quand est pair ; et est pair (lemme II.) quand les chiffres du nombre proposé sont en nombre impair.

Pareillement, s'il s'agit de la somme, le 2d facteur rm + r est (lemme I.) multiple de r + 1 ou de 11, quand est impair ; et est impair (lemme II.), quand les chiffres du nombre pris pour exemple sont en nombre pair.

La troisième propriété se trouve donc prouvée dans ses deux parties. Car ce qui vient d'être dit de deux chiffres correspondants, s'applique de soi-même à la somme de tant de chiffres pareils, pris ainsi deux-à-deux qu'on voudra. Elle aura la même propriété qu'affectent tous et chacun des éléments dont elle est formée.

17. Reste une difficulté. Tout le raisonnement qu'on vient de voir, porte sur la correspondance des chiffres : mais quand le nombre en est impair, celui du milieu se trouve isolé et sans correspondant.... D'abord cette difficulté ne peut regarder la somme, dont la propriété n'a lieu que quand les chiffres du nombre proposé sont en nombre pair. Elle s'évanouira même pour la différence, si l'on fait attention que le chiffre du milieu, occupant dans le nombre renversé le même rang qu'il occupait dans le nombre direct, la soustraction le fait disparaitre, et qu'ainsi il n'y a aucun compte à en tenir.

18. Dans le renversement des chiffres, la différence et la somme du nombre direct et du nombre renversé sont des multiples de 9 et de 11 ; la différence seule pour 9, mais dans tous les cas : la différence aussi bien que la somme pour 11, mais chacune respectivement dans un seul cas ; celle-là quand les chiffres du nombre pris pour exemple sont en nombre impair ; celle-ci quand ils sont en nombre pair.

19. Il est clair que tout sous-multiple de ou de 11, participera aux mêmes propriétés qu'on vient de démontrer pour > même. C'est ce qu'on ne peut faire voir dans notre échelle, parce que notre 11, comme nombre premier, n'a point de sousmultiple : mais on le pourrait faire pour 2 et pour 4, sous-multiples de 8 (l'11 de l'échelle septenaire) ; pour, etc.

Conclusion. 20. Le nombre 9 n'est donc plus seul en possession des propriétés qui l'ont rendu si célèbre ; et s'il se trouve que 11 en jouit aussi pleinement que lui, quoique d'une manière différente, on peut donc,

1°. Juger au premier coup d'oeil si un nombre proposé est multiple de 11.

2°. S'il l'est, et qu'il s'agisse d'en venir à la division actuelle, on la peut faire au moyen d'une très-simple soustraction.

3°. S'il ne l'est pas, au moins peut-on, sans en venir à l'opération, voir de combien il en diffère, et connaître le reste qu'on obtiendrait par la division ; ce qui souvent est tout ce qu'on a intérêt de savoir.... En effet, après avoir fait la somme des chiffres pairs et celle des impairs, et en avoir ôté 11 autant de fois qu'il se peut ; nommant R la différence des deux restes, celui que laissera la division sera R même, si l'excès appartient à l'ordre de chiffres dont le dernier fait partie, et 11 - R dans l'autre cas : ainsi 2819 laissera 3, et 28190 laissera 11 - 3 ou 8. Cet article est de M. RALLIER DES OURMES. Voyez NEUF.