(Métaphysique) La question qui concerne l'âme des bêtes, était un sujet assez digne d'inquiéter les anciens philosophes ; il ne parait pourtant pas qu'ils se soient fort tourmentés sur cette matière, ni que partagés entr'eux sur tant de points différents, ils se soient fait de la nature de cette âme un prétexte de querelle. Ils ont tous donné dans l'opinion commune, que les brutes sentent et connaissent, attribuant seulement à ce principe de connaissance plus ou moins de dignité, plus ou moins de conformité avec l'âme humaine ; et peut-être se contentant d'envelopper diversement, sous les savantes ténèbres de leur style énigmatique, ce préjugé grossier, mais trop naturel aux hommes, que la matière est capable de penser. Mais quand les philosophes anciens ont laissé en paix certains préjugés populaires, les modernes y signalent leur hardiesse. Descartes suivi d'un parti nombreux, est le premier philosophe qui ait osé traiter les bêtes de pures machines : car à peine Gomesius Pereira, qui le dit quelque temps avant lui, mérite-t-il qu'on parle ici de lui, puisqu'il tomba dans cette hypothèse par un pur hasard, et que selon la judicieuse réflexion de M. Bayle, il n'avait point tiré cette opinion de ses véritables principes. Aussi ne lui fit-on l'honneur, ni de la redouter, ni de la suivre, pas même de s'en souvenir ; et ce qui peut arriver de plus triste à un novateur, il ne fit point de secte.
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