S. m. (Physique) bruit excité dans l'air, à l'occasion des exhalaisons sulphureuses qui s'y allument subitement. Voyez EXHALAISON, FOUDRE, etc.

Séneque, Rohault et d'autres auteurs, tant anciens que modernes, expliquent le tonnerre en supposant deux nuages, dont l'un est suspendu sur l'autre, et dont le supérieur et le moins dense venant à se condenser par une nouvelle addition d'air, que la chaleur fait monter jusqu'à lui, ou que le vent porte de ce côté-là, tombe aussi-tôt avec beaucoup de violence sur le nuage inférieur et plus dense. Au moyen de cette chute, l'air se trouvant comprimé entre les deux nuages, sort en partie par les extrémités, qui venant ensuite à se joindre exactement, enferment une grande quantité d'air ; et l'air se faisant enfin un passage, s'échappe, &, en brisant le nuage, fait ce bruit, que nous appelons tonnerre. Voyez NUAGE, etc.

Mais cette explication ne pourrait tout-au-plus s'étendre qu'aux phénomènes d'un tonnerre qui n'est point accompagné d'éclairs. On a donné depuis une solution plus satisfaisante de la question, savoir que le tonnerre n'est point occasionné par des nuages qui tombent les uns sur les autres, mais par le feu qui prend tout-à-coup aux exhalaisons sulphureuses, et qui fait du bruit en s'enflammant, de la même manière qu'on voit l'or fulminant produire de pareils effets.

Newton dit qu'il y a des exhalaisons sulphureuses qui, pendant que la terre est seche, montent continuellement en l'air où elles fermentent avec les acides nitreux et où quelquefois elles s'allument, engendrent le tonnerre, les éclairs, etc.

Il n'est pas douteux qu'outre les vapeurs qui s'élèvent de l'eau, il n'y ait aussi des exhalaisons qui se détachent du soufre, du bitume, des sels volatils, etc. la grande quantité de matières sulphureuses et bitumineuses répandues sur toute la surface de la terre, et les sels volatils des plantes et des animaux, produisent une telle abondance de ces exhalaisons, qu'il n'est point étonnant que l'air soit rempli de particules sulphureuses, qui s'arrêtent plus bas ou s'élèvent plus haut, suivant leur degré de subtilité et d'activité, et suivant la direction des vents qui les portent en plus grande quantité dans un endroit de l'air que dans un autre.

Au reste, les effets du tonnerre ressemblent si fort à ceux de la poudre à canon, que le docteur Wallis croit que nous ne devons pas faire difficulté de les attribuer à la même cause : or les principaux ingrédiens de la poudre sont le nitre et le soufre ; et le charbon ne sert qu'à tenir les parties de la poudre séparées les unes des autres, afin qu'elles s'allument plus aisément. Voyez POUDRE.

Si donc nous concevons que les causes ci-dessus mentionnées puissent former dans l'air un tel mélange de particules nitreuses et sulphureuses, et qu'elles puissent y être allumées par quelque cause naturelle, nous n'aurons point de peine à comprendre l'éclat qu'elles font en même temps, et qui est accompagné de bruit et d'éclairs, semblables à ceux que fait la poudre, aussi-tôt qu'on y a mis le feu : ces matières étant une fois allumées, le feu doit courir de côté et d'autre, suivant qu'il se communique successivement aux exhalaisons, à-peu-près comme il arrive dans une trainée de poudre.

Quand cet éclat se fait fort haut dans l'air et loin de nous, il ne peut causer aucun malheur ; mais quand il se fait près de nous, il peut détruire et détruit souvent des édifices, des arbres, des animaux, etc. comme fait la poudre dans les mêmes circonstances.

On peut juger de cette proximité ou de cet éloignement par l'intervalle du temps qu'il y a entre l'éclair et le bruit. Le docteur Wallis observe que cet intervalle est ordinairement d'environ sept secondes, qui, à raison de 170 taises que le son fait par secondes, font à-peu-près la distance d'une lieue : mais cet intervalle n'est quelquefois que d'une seconde ou deux, ce qui fait connaître que l'éclat se fait fort près de nous, &, pour ainsi dire, dans le même air que nous respirons.

Quoi qu'il en sait, il est certain que l'éclair est suivi d'une vapeur sulphureuse, comme il parait par ce goût de soufre, que l'on sent après le tonnerre et par cette chaleur étouffante qui le précède ordinairement : le même auteur croit que l'air est accompagné aussi d'une vapeur nitreuse, parce qu'on ne connait point de corps qui soit aussi capable de produire un éclat subit et violent que le nitre. A l'égard de la manière dont s'allument ces exhalaisons, l'on sait qu'un mélange de soufre et de limaille d'acier avec un peu d'eau fait naître la flamme sur le champ. Il ne manque donc à ces matières pour faire l'éclat qu'un peu de vapeur qui tienne de l'acier et du vitriol ; et Wallis ne doute point que parmi les évaporations de la terre, il n'y ait quelque chose de semblable ; et M. Chambers croit pouvoir en apporter une espèce de preuve.

L'histoire rapporte, dit-il, comme des faits constants qu'il a plu du fer en Italie, et des pierres de fer en Allemagne. Jules Scaliger dit qu'il avait chez lui un morceau de fer tombé avec la pluie en Savoie. Cardan rapporte qu'un jour il tomba du ciel 1200 pierres, dont quelques-unes pesaient 30, d'autres 40, et une 120 livres, toutes fort dures et de couleur de fer.

Ce fait, ajoute-t-il, est si bien constaté, que le docteur Lister, dans les Transactions philosophiques, a fondé là-dessus un système entier sur la cause des éclairs et des tonnerres, soutenant que l'un et l'autre doivent leur matière à l'exhalaison des pyrites. Quoi qu'il en soit de ces faits que bien des gens auront grande peine à croire et avec raison, il est possible qu'il y ait dans l'air des particules hétérogènes de la nature de celles du fer. Voyez PYRITES. Chambers.

Ce roulement que fait le bruit du tonnerre ne peut venir que du son qui se forme entre les différents nuages qui sont suspendus les uns sur les autres, et de l'agitation de l'air qui passe entr'eux. Les nuages et les objets qui se trouvent sur la surface de la terre renvoyent le son, et le multiplient à-peu-près comme autant d'échos. De-là vient que le tonnerre retentit d'une manière affreuse dans les vallées, parce que les montagnes réfléchissent le son de toutes parts. Car le tonnerre par lui-même ne doit presque jamais produire qu'un seul coup, à-peu-près comme un boulet de canon qu'on tire, cependant lorsque la flamme allume en même temps trois ou quatre trainées, elle peut former de cette manière des pelotons qui s'enflamment l'un après l'autre, et produire par ce moyen des coups redoublés.

On a observé que lorsqu'il fait du tonnerre et des éclairs, certains fluides cessent alors de fermenter, comme le vin et la bière, tandis que d'autres qui ne fermentaient pas auparavant, commencent alors à fermenter par le grand mouvement qui est excité dans l'air, et qui se répand de toutes parts. Apparemment le mouvement que produit la foudre se trouve contraire au mouvement qui était déjà dans les parties des liqueurs qui fermentaient, et au contraire produit de l'agitation dans les parties des fluides qui auparavant étaient en repos. Il y a bien des choses qui se corrompent aussi-tôt qu'il a tonné, c'est ce qu'on remarque principalement dans le lait, à-moins qu'il ne soit dans une cave bien fermée et très-profonde. On peut rompre et détourner le tonnerre par le son de plusieurs grosses cloches, ou en tirant le canon ; par-là on excite dans l'air une grande agitation qui disperse les parties de la foudre ; mais il faut bien se garder de sonner lorsque le nuage est précisément au-dessus de la tête, car alors le nuage en se fendant peut laisser tomber la foudre. En 1718, le tonnerre tomba dans la basse Bretagne sur vingt-quatre églises, dans l'espace de côte qui s'étend depuis Landerneau jusqu'à S. Paul-de-LÉon, et précisément sur des églises où l'on sonnait pour l'écarter. Des églises voisines où l'on ne sonnait point furent épargnées. Mussch. Essai de Physique.

TONNERRE ARTIFICIEL, (Théatre des Romains) on appelait les tonnerres artificiels qu'on faisait entendre sur le théâtre de Rome, Claudiana tonitrua, dit Festus, parce que Claudius Pulcher imagina d'imiter le fracas du tonnerre, en faisant rouler beaucoup de pierres arrondies sur un assemblage de planches mises en talus ; au-lieu qu'auparavant on n'imitait qu'imparfaitement et faiblement ce bruit avec des clous et des pierrettes, qu'on agitait fortement dans un bassin d'airain. (D.J.)

TONNERRE, s. m. terme d'Armurerie, c'est l'endroit du fusil, mousquet ou pistolet, où l'on met la charge. Les armes qui ne sont point assez renforcées par le tonnerre, sont sujettes à crever. (D.J.)

TONNERRE, (Géographie moderne) en latin moderne Tornodurum ; petite ville de France, dans la Champagne, chef-lieu d'un comté sur la rivière d'Armanson, à 9 lieues d'Auxerre, et à 40 de Paris. Il y a élection et grenier à sel, une collégiale, et quelques couvens. Les vins de son territoire sont en réputation. Long. 21. 37. latit. 47. 50. (D.J.)