S. m. (Physique) on donne ce nom aux petits intervalles qui se trouvent entre les particules de la matière dont les corps sont composés ; intervalles qui sont vides ou remplis d'un fluide invisible. Voyez CORPS et MATIERE.

Le mot pore vient du grec , ouverture ou conduit, par où une chose peut passer.

M. Musschenbroeck, dans son essai de Physique, c. IIe est entré dans un assez grand détail sur l'existence et la nature des pores : nous allons extraire ici une partie de ce qu'il a dit.

Tous les corps qui sont venus jusqu'à présent à notre connaissance, et qui sont de telle grandeur que nous puissions les manier, se trouvent avoir des pores.

1°. Les microscopes nous feront voir cela d'une manière évidente. Que l'on mette un morceau de feuille d'or bien mince et bien battu sur un verre ou plaque de verre de Moscovie, sur laquelle on a coutume d'exposer les objets : ce morceau étant considéré à l'opposite de la lumière à l'aide d'un microscope, qui grossisse beaucoup les objets, on remarquera qu'il est rempli d'un grand nombre de pores. On peut découvrir la même chose dans l'argent, dans le cuivre, dans le plomb, et dans l'étain réduits en lames fort minces.

On peut encore remarquer plus facilement ces pores dans toute sorte de bois et dans les végétaux, et voir en même temps la grande différence qui se trouve entr'eux. Les peaux des corps des animaux ont aussi un grand nombre de pores, mais qui sont beaucoup plus petits que ceux des végétaux.

2°. Si nous remarquons que de gros corps soient pénétrés par d'autres corps beaucoup plus subtils, il faut nécessairement que ces derniers s'y insinuent à-travers les pores. La lumière est un corps, elle pénètre et s'insinue dans tous les autres corps minces ; car il n'y a aucun éclat de quelque corps que ce sait, d'entre ceux que nous connaissons jusqu'à présent, qui n'ait paru transparent, en le considérant à l'aide d'un microscope. Nous sommes nous-mêmes transparents. Pour vous en convaincre, rendez une chambre entièrement obscure, faites un petit trou, de la grandeur d'un pais, à la fenêtre, de manière que le soleil puisse y entrer, tenez contre ce petit trou votre doigt qui paraitra aussi transparent que de la corne, surtout à l'endroit où l'on voit les ongles : si cette recherche vous parait trop gênante, joignez seulement les doigts de votre main les uns contre les autres, et regardez-les le soir à la lumière de la chandelle, et vous les trouverez alors en quelque manière transparents à chaque côté de leur jonction. La lumière, qui pénètre à-travers ces corps est par conséquent une preuve qu'ils ont des pores. Le feu démontre aussi la même chose. En effet, y a-t-il aucun corps, soit solide ou liquide, qui ne devienne chaud par le moyen du feu ? Cet élément s'insinue donc dans les corps, et il y pénètre à-travers leurs pores.

3°. Le mercure pénètre dans l'or, dans l'argent, dans le cuivre rouge, dans le cuivre jaune, dans l'étain, et dans le plomb, de la même manière que l'eau entre dans une éponge. On a aussi découvert que l'eau renfermée dans une boule d'argent, d'étain, ou de plomb, peut en entrant dans les pores la pénétrer, et traverser jusque sur la surface externe du métal, où elle se rassemble comme une rosée. L'eau pénètre à travers toutes les membranes du corps animal ; car si on les met tremper dans l'eau, lorsqu'elles sont seches et dures, elles y deviendront mollasses et humides. L'eau s'insinue dans les plantes, soit qu'elles soient vertes ou seches, et par conséquent dans toute sorte de bois ; car elle leur sert de nourriture, ou du moins elle la leur porte avec elle. L'eau entre dans le sable, dans plusieurs poudres, dans le sucre, et dans les sels : les huiles pénètrent dans le soufre.

Nous voyons donc par-là que les corps solides sont poreux ; mais en est-il de même à l'égard des liquides, peuvent-ils aussi se pénétrer mutuellement, de la même manière que l'eau s'insinue dans le sable ?

M. de Reaumur (Histoire de l'acad. royale ann. 1733.) ayant versé dans un tuyau de verre deux parties d'eau, et par-dessus une partie d'eau-de-vie, remarqua d'abord jusqu'à quelle hauteur la surface supérieure de l'eau-de-vie montait ; ensuite secouant le tout ensemble, jusqu'à ce que l'eau-de-vie fût bien mêlée avec l'eau, il trouva que ces deux liquides occupaient dans le tuyau moins de place qu'auparavant, et même que pour remplir le tuyau à la même hauteur il fallait y ajouter de nouveau une 120e partie d'eau-de-vie. On connait encore d'autres liquides qui se pénètrent mutuellement. Versez dans un tuyau de verre de l'huîle de vitriol jusqu'à la hauteur de trois pouces, versez ensuite par-dessus trois pouces d'eau, et il se fera alors une ébullition : bouchez le tuyau sur ces entrefaites, et dès que ces deux liquides ne seront plus en mouvement, on trouvera que ce tuyau n'est pas rempli jusqu'à la hauteur de six pouces : si l'on joint à dix parties d'huîle de vitriol quarante parties d'eau, la diminution sera de deux parties.

La grandeur, la multitude, et les figures des pores des corps sont d'une grande diversité, et il est impossible d'en donner la description, comme il parait clairement lorsqu'on considère et qu'on examine ces corps à l'aide du microscope. Celui qui n'a ni l'occasion, ni le loisir de faire lui-même cette recherche, peut consulter à ce sujet les excellents ouvrages de Malpighi et de Leuwenhoeck.

Il est fâcheux qu'il ne se trouve aucun grand corps qui n'ait des pores, car s'il y en avait de tels, nous pourrions savoir au juste combien il y a d'étendue poreuse dans chaque corps. Car supposons qu'un corps de la grandeur d'un pouce cubique soit de la pesanteur d'une livre, et que ce même corps n'ait absolument aucun pore : supposons ensuite qu'un autre corps de la même grandeur ne pese qu'une demi-livre, la moitié de ce dernier ne consistera donc qu'en pores, et l'autre moitié sera composée de matière solide. De cette manière nous pourrions toujours savoir au juste quelle est la quantité de matière ou de pores qui se rencontre dans un corps ; mais on ne connait encore jusqu'à présent aucun corps de cette nature, et nous ne pouvons par conséquent rien déterminer à cet égard.

L'or est fort pesant et en même temps poreux : supposons pour un moment que les pores fassent la moitié de son étendue, et que l'autre moitié soit composée de matière solide : la pesanteur d'une certaine quantité d'eau qui a le même volume que l'or, est d'environ 19 1/2 moindre que celle de l'or ; il y aura donc dans l'étendue de l'or 19 1/2 fois plus de matière que dans celle de l'eau, et ainsi ce qu'il y a de poreux dans l'eau, sera à l'égard de ce qu'il y a aussi de poreux dans l'or, comme 19 1/2 à 1 ; mais nous supposons que la moitié de l'or est poreux, par conséquent l'étendue poreuse, qui se trouve dans l'eau, sera par rapport à la matière de ce liquide, comme 39 à 1. Le liège est 81 1/2 fois plus léger que l'or ; ainsi on peut conclure, que dans un morceau de liège de la grandeur d'un pouce cubique, l'étendue des pores est par rapport à la solidité, comme 163 à 1. Qui aurait jamais cru qu'il y eut si peu de matière dans les corps ? et peut-être en ont-ils encore moins que ce que nous venons de marquer. En effet, combien l'eau, le verre, et les diamants doivent-ils être poreux, puisque de quelque manière qu'on les tienne et qu'on les expose, la lumière y entre et y pénètre de tous côtés si aisément.

Afin de donner une idée des corps et de leurs pores, supposons que plusieurs tamis, percés de grands trous, soient mis les uns sur les autres, il s'en formera de cette manière une masse qui se trouvera de tous côtés percée d'outre en outre par de grands trous. De même que la poussière passe par un crible, lorsqu'elle est plus petite que les trous qui s'y trouvent, de même aussi les parties les plus fines pourront passer à-travers la masse précédente, formée de plusieurs tamis posés les uns sur les autres. Tous les corps sont de pareilles masses faites en manière de tamis ; ainsi nous pouvons par-là concevoir plusieurs effets et phénomènes, qui nous surprenaient autrefois. Si l'on enveloppe une pièce d'argent bien nette dans beaucoup de papier et de linge, et qu'on la tienne suspendue au-dessus de l'esprit volatil fumant de soufre, elle deviendra dans peu toute noire ; l'esprit volatil de ce soufre traversant aisément les pores du papier et du linge, et pénétrant jusqu'à l'argent, sur lequel il produit cet effet. L'esprit de salpêtre, fait avec l'huîle de vitriol, de la manière que nous l'enseigne M. Geoffroi, de même que le sel volatil de l'urine, se font un passage à-travers les pores du verre et s'évaporent. Les parties odoriférantes qui s'exhalent du musc et de la civette s'échappent par les pores des boites de bois. Les esprits du vin et l'eau-de-vie s'évaporent à-travers les pores des tonneaux, et c'est par cette raison qu'on doit remplir toutes les semaines les tonneaux dans lesquels on a mis du vin du Rhin. Il arrive cependant que des matières subtiles ne s'échappent pas à-travers de certains corps percés de larges trous, à cause d'une disposition particulière qui se trouve dans ces mêmes corps : en voici un exemple. Les pores du liège sont infiniment plus larges que les petites parties de l'eau ou du vin, cependant aucun de ces deux liquides ne sort à-travers les pores du liège ; car renversez une bouteille pleine d'eau ou de vin, et bien bouchée avec du liège, il n'en sortira pas une seule goutte.

Prenez un morceau de bon bouracan, espèce d'étoffe qui se fait avec du poil de chameau, quelque poreuse qu'elle sait, l'eau ne la pénétrera pas, et c'est pour cela que cette étoffe est fort propre pour en faire des manteaux contre la pluie. La lumière pénètre à peine à-travers un papier blanc bien fin, quoiqu'il soit fort poreux, et que le diamètre de ses pores soit infiniment plus grand que celui des corpuscules de la lumière.

Mais en général, et à l'exception de quelque cas singulier, toutes les petites parties qui ont moins de grandeur que les pores, doivent nécessairement y passer, de la même manière que la poussière passe à travers un tamis. Voyez OPACITE, DIAPHANEITE, etc. Mussch. Ess. de Phys. §. 38. et suiv.

PORE, en Anatomie, ce sont des intervalles entre les parties de la peau, qu'il est facîle de pénétrer. C'est par-là que sort la sueur et que la transpiration s'échappe, etc. Voyez nos Planches anatomiques et leur explication. Voyez aussi PEAU et TRANSPIRATION.

Les pores se font plus remarquer aux mains et aux pieds qu'ailleurs ; en regardant avec un verre ordinaire la paume de la main, après qu'on l'a bien lavée, on y voit une multitude innombrable de petits sillons, d'une grandeur et d'une distance égale, qui vont parallélement les uns aux autres, particulièrement aux bouts et aux articulations des doigts, etc. où ils sont régulièrement disposés en ellipses et en triangles sphériques.

Sur ces sillons il y a des pores semblablement rangés, assez grands pour être vus par un bon oeil sans microscope ; mais si l'on regarde avec cet instrument, on voit chaque pore semblable à une petite fontaine, on peut y remarquer la sueur qui y parait aussi claire que de l'eau de roche, et à mesure qu'on l'essuie, elle y revient. Voyez SUEUR.

Les pores sont placés sur les sillons et non pas dans les cannelures qui les séparent, afin qu'en les comprimant il soit moins facîle de les boucher. Pour cette même raison les pores des pieds et des mains sont plus grands que les autres, ces parties étant exposées à la pression et au frottement ; de-là vient encore qu'il n'y a point de sillons sur les autres parties.

Ces pores sont des issues fort commodes pour les parties les plus nuisibles du sang, qui y est apporté en abondance par l'usage continuel que l'on fait des pieds et des mains ; c'est pourquoi les hypocondriaques et les hystériques ressentent une chaleur continue et immodérée aux paumes des mains et aux plantes des pieds.

On croit communément que la maladie appelée vulgairement le rhume est causée par l'obstruction de ces pores ; quoique M. Keill soit du sentiment tout à fait opposé dans une dissertation qui est à la fin de sa medicina statica britannica. Voyez RHUME.

Dans les Transactions philosophiques on a l'exemple d'un étudiant près de Leyde, très-attaché à l'Astronomie, et qui ayant passé bien des nuits à observer très-attentivement les étoiles, avait tellement obstrué les pores de sa peau, par l'humidité et le froid de ces nuits, qu'il ne sortait presque aucune transpiration de son corps ; comme il parut, en ce que la chemise qu'il avait portée cinq à six semaines était alors aussi blanche que si elle n'avait été portée qu'un seul jour ; cependant il se fit un amas d'eau sous la peau, dont le malade fut guéri par la suite.

PORE BILIAIRE, voyez BILIAIRE.

PORE BILIAIRE, (Anatomie) conduit qui forme avec le cholidoque le canal commun de l'aorte. Riolan a remarqué que le pore biliaire était quelquefois fourchu, mais qu'il se réunissait bientôt. Fallope s'est trompé, quand il a cru qu'il portait la bîle dans la vésicule du foie. Il la verse dans l'intestin par le canal commun ; car si l'on souffle dans le pore biliaire, l'intestin s'enfle, comme l'ont remarqué Bartholin et Dionis.

PORES, (Jardinage) les végétaux ainsi que toutes les parties de la matière, tels que les pierres et les minéraux, ont des orifices ou de petites ouvertures qui les criblent appelées pores ; ces pores sont autant de petits points imperceptibles à nos yeux, par lesquels l'air a son entrée et sa sortie ; par ce même moyen les rosées et humidités s'insinuent et pénètrent jusqu'aux plus petites parties des plantes.

PORES du bois, (Science microsc.) comme le liège et le sapin sont les bois les plus légers, ce sont aussi ceux qui sont les plus propres à découvrir au microscope le nombre prodigieux, la figure et la disposition de leurs pores, en coupant ces bois en morceaux aussi minces qu'il est possible. M. Hoock, (Micograph. 114.) a observé que dans un morceau de liège, les vaisseaux de l'air, ceux de la seve, et les pores du bois, sont merveilleux dans leur figure, leur nombre, et leur disposition, comme on le voit clairement lorsqu'on en coupe des morceaux aussi minces qu'il est possible, et qu'on les présente à la vue. Le sapin et le liège sont les plus propres à cette observation, mais les autres espèces de bois peuvent être disposées à cet examen, quoiqu'avec un peu plus de peine. Dans un morceau de liège de la longueur de la dix-huitième partie d'un pouce, on a compté soixante cellules en ligne droite, d'où il suit qu'il en a 1080 dans la longueur d'un pouce, un million 166 mille 400 dans un pouce carré, et 1259 millions 712 mille dans un pouce cubique. (D.J.)

PORES, (Histoire naturelle, Minéralogie) pori, indurata, nom générique donné par Wallerius et quelques autres naturalistes à des substances du règne minéral qui ont pris de la consistance et de la dureté, soit dans le feu, soit dans l'eau ; les pores de la première espèce sont les pierres-ponces, les laves, etc. qui sont produites par les volcans ; et de la seconde espèce sont les incrustations, les stalactites, le tuf, etc. il parait que le nom de pores leur a été donné à cause du tissu poreux et spongieux de ces pierres. Voyez TUF.

Quelques auteurs ont donné le nom de pore à la pierre à filtrer, à cause de la propriété qu'elle a d'être poreuse au point de donner passage à l'eau. Voyez FILTRER, pierre à.

Les anciens donnaient encore le nom de porus à un marbre blanc qui le disputait au marbre de Paros, pour la blancheur et la dureté, mais il était remarquable par sa légèreté qui lui avait fait donner son nom.

Luidius donne le nom de porus à une pierre remplie de coraux ou de madrépores. (-)