S. f. (Physique) qualité de certains corps par laquelle ils peuvent se briser aisément ; on appelle fragiles, les corps dont les parties se séparent facilement les unes des autres par le choc : ils diffèrent des corps mous, en ce que dans ceux-ci les parties se déplacent par le choc sans se séparer ni se rétablir ; des corps élastiques, en ce que les parties se déplacent dans ces derniers pour se rétablir ensuite ; et des corps durs, en ce que les parties ne se déplacent pas dans les corps de cette dernière espèce. Mais d'où vient la fragilité de certains corps ? on le sait aussi peu qu'on sait d'où vient la dureté, la fluidité, la mollesse, et l'élasticité de certains autres. Voyez ces mots.

Fragilité se prend aussi au figuré : on dit, une fortune fragîle ; la chair est fragile. Voyez l'art. suiv. (O)

FRAGILITE, (Morale) c'est une disposition à céder aux penchants de la nature malgré les lumières de la raison. Il y a si loin de ce que nous naissons, à ce que nous voulons devenir ; l'homme tel qu'il est, est si différent de l'homme qu'on veut faire ; la raison universelle et l'intérêt de l'espèce gênent si fort les penchants des individus ; les lumières reçues contrarient si souvent l'instinct ; il est si rare qu'on se rappelle toujours à-propos ces devoirs qu'on respecterait ; il est si rare qu'on se rappelle à-propos ce plan de conduite dont on Ve s'écarter, cette suite de la vie qu'on Ve démentir ; le prix de la sagesse que montre la réflexion est Ve de si loin ; le prix de l'égarement que peint le sentiment est Ve de si près ; il est si facîle d'oublier pour le plaisir, et les devoirs et la raison, et le bonheur même, que la fragilité est du plus au moins le caractère de tous les hommes. On appelle fragiles, les malheureux entrainés plus fréquemment que les autres, au-delà de leurs principes par leur tempérament et par leurs gouts.

Une des causes de la fragilité parmi les hommes, est l'opposition de l'état qu'ils ont dans la société où ils vivent avec leur caractère. Le hasard et les convenances de fortune les destinent à une place ; et la nature leur en marquait une autre. Ajoutez à cette cause de la fragilité les vicissitudes de l'âge, de la santé, des passions, de l'humeur, auxquelles la raison ne se prête peut-être pas toujours assez ; on est soumis à certaines lois qui nous convenaient dans un temps, et ne font que nous désespérer dans un autre.

Quoique nous nous connaissions une secrète disposition à nous dérober fréquemment à toute espèce de joug : quoique très-surs que le regret de nous être écartés de ce que nous appelons nos devoirs, nous poursuivra longtemps ; nous nous laissons surcharger de lois inutiles, qu'on ajoute aux lois nécessaires à la société ; nous nous forgeons des chaînes qu'il est presqu'impossible de porter. On seme parmi nous les occasions des petites fautes, et des grands remords.

L'homme fragîle diffère de l'homme faible, en ce que le premier cede à son cœur, à ses penchants ; et l'homme faible à des impulsions étrangères. La fragilité suppose des passions vives, et la faiblesse suppose l'inaction et le vide de l'âme. L'homme fragîle peche contre ses principes, et l'homme faible les abandonne ; il n'a que des opinions. L'homme fragîle est incertain de ce qu'il fera ; et l'homme faible de ce qu'il veut. Il n'y a rien à dire à la faiblesse ; on ne la change pas, mais la philosophie n'abandonne pas l'homme fragîle ; elle lui prépare des secours, et lui ménage l'indulgence des autres ; elle l'éclaire, elle le conduit, elle le soutient, elle lui pardonne.