S. m. (Art mécanique et Histoire naturelle) Il y a deux sortes de charbon, le naturel et l'artificiel ; ces deux substances n'ont presque rien de commun que la couleur de l'emploi. Nous allons parler de l'une et de l'autre. 1°. Du charbon artificiel. Le charbon artificiel, à le définir par ses qualités extérieures, est un corps noir, friable, assez leger, provenu de la combustion des végétaux, des animaux, et même de quelques substances minérales ; combustion ménagée, de manière que ses progrès ne puissent pas s'étendre jusqu'à la destruction de ces substances une fois allumées. On prévient cette destruction, soit en disposant les matières dès le commencement de l'opération, de sorte qu'elles ne soient pas exposées à l'abord libre de l'air, comme dans la distillation et dans la préparation en grand du charbon de bois ordinaire ; soit en supprimant ce concours de l'air quand le charbon commence à paraitre, comme lorsque nous étouffons la braise formée dans nos cheminées ; soit en retirant simplement du foyer un charbon qui n'a pas en soi assez de chaleur pour en être détruit, quoique exposé à l'air libre ; ou enfin en détruisant tout-d'un-coup cette chaleur par l'application d'une masse considérable, d'un corps froid, tel qu'un liquide, et surtout un liquide non inflammable, qui puisse s'appliquer immédiatement au charbon embrasé, et l'entourer exactement : car la destruction du charbon dépend nécessairement de deux causes, l'action du feu et celle de l'air libre et humide, ou de la vapeur aqueuse répandue dans l'atmosphère. Voyez FLAMME. C'est parce que la seconde de ces deux causes manque, que le charbon est indestructible dans les vaisseaux fermés, quelque violent et quelque long que soit le feu qu'on lui fait éprouver dans ces vaisseaux. (b)


* CHARBON DE BOIS : ce charbon se fait de plusieurs manières, qui toutes réussissent également. Voici comment on s'y prend à Aussais, à Pontquarré en Brie, etc. pour construire et conduire les fourneaux à charbon.

Les principaux instruments nécessaires aux Charbonniers, sont 1°. une serpe grosse et forte pour emmancher leurs haches, pelles, etc. et faire des chevilles : 2°. un hoyau ou une pioche pour applanir leurs aires : 3°. une pelle de fer arrondie par le bout, un peu recourbée vers le milieu, pour que la terre y soit mieux retenue et puisse être lancée facilement et loin : 4°. une herque ou un rateau de fer, pour perfectionner l'aire : 5°. une forte hache à couper du gros bois, pour monter les chaumières ou loges des Bûcherons : 6°. une faulx pour couper l'herbe, dont on a besoin pour couvrir les fourneaux : 7°. un rabot de bois pour unir la terre qui couvre le fourneau, et lui donner de l'air, etc. 8°. une tarière : 9°. un crochet pour ouvrir le fourneau quand il est cuit : 10°. une seconde herque, ou un autre rateau : 11°. des paniers.

Les Charbonniers ne sont point obligés de couper leur bois ; ils le trouvent tout prêt, coupé de longueur et de sorte, et rangé par tas, comme on le voit Planc. I. des Forges en a et b. Ces tas sont contenus par deux gros pieux qu'on enfonce en terre, l'un à une de leurs extrémités, et l'autre à l'autre. Il est distribué par cordes, afin que l'ouvrier sache ce qu'il fait entrer de bois dans la construction de son fourneau. Un fourneau ordinaire en contient jusqu'à 7, 8, 9 cordes. On conduit presque toujours deux fourneaux, ou plutôt deux feux à la fois ; car les Charbonniers entendent par un fourneau, le bois arrangé comme il convient pour être réduit en charbon ; et par un feu, le fourneau quand il est allumé. Deux fourneaux donnent la voiture de charbon.

On se sert pour faire le charbon, de jeune bois, depuis un 1/2 pouce jusqu'à un pouce, un pouce 1/2, deux pouces, deux pouces et demi, etc. de diamètre, sur deux pieds, deux pieds quatre à six pouces de longueur. Les bois blancs ne donnent point de bon charbon. Les chênes, les hêtres, qu'on appelle fouteaux, les charmes, sont propres à cet usage. Il faudrait rejeter le bouleau et le peuplier commun : ce qui ne se fait pas souvent. Il y a cependant quelques honnêtes charbonniers qui séparent le bouleau comme un mauvais bois, et ne s'en servent que pour les planchers du fourneau, regardant le bois employé aux planchers, comme un bois perdu qui ne donne que des fumerons.

Quand on débite le bois, il faut avoir l'attention de le couper le plus égal de grosseur et de longueur, et le plus droit qu'il est possible ; il sera très-bien de séparer le gros du menu, et le droit du tortu : ces précautions ne seront pas inutiles, soit dans la construction du fourneau, soit dans la conduite du feu. Si le bois est pêle-mêle, le charbonnier le prenant et l'employant comme il le trouve, chargera trop ou trop peu un côté de son fourneau, ou de gros bois, ou de petit, ou de bois tortu ; d'où il arrivera qu'un endroit commencera à peine à s'allumer, qu'un autre sera presque consumé : inconvénient qui sera toujours accompagné de quelque perte. Le plus petit bois peut être employé ; c'est une oeconomie qui n'est pas à négliger, comme on verra lorsque nous parlerons de la construction du fourneau.

Il faut que les tas de bois ne soient ni trop près des fourneaux, de peur que dans les grands vents le feu n'y soit porté, ni trop loin, ce qui fatiguerait les Charbonniers à l'aller chercher. C'est aussi pour éviter un incendie, qu'il faut bien nettoyer les environs des fourneaux de tout branchage, et autres menus bois.

Lorsque le bois est prêt, il faut travailler à faire la charbonnière. On entend par une charbonnière, l'endroit où l'on doit construire des fourneaux à charbon. Pour cet effet, on choisira un lieu égal de sa nature, on achevera ensuite de l'applanir avec la pioche ou le hoyau et le rateau ; l'espace circulaire qu'on aura ainsi applani, s'appelle l'aire du fourneau. L'aire d'un fourneau peut avoir 13, 14 à 15 pieds de diamètre. On prendra une forte buche, on la fendra en croix par un de ses bouts ; on l'aiguisera par l'autre ; on la plantera par le bout aiguisé au centre de l'aire ; on ajustera dans les fentes de l'autre bout, deux buches qui formeront quatre angles droits : ces angles serviront à recevoir et à contenir quatre buches qui porteront d'un bout contre l'aire, et qui seront prises chacune par l'autre bout dans un des angles dont nous venons de parler ; ces quatre premières buches seront un peu inclinées sur celles du milieu.

Cela fait, on prendra du bois blanc assez gros et assez droit ; on le couchera par terre, en sorte que les buches forment un plancher dont chacune soit comme le rayon d'un cercle qui aurait le même centre que l'air ; on répandra sur ce plancher de petites buches ou plutôt des bâtons de bois de chemise. Les Charbonniers entendent par bois de chemise, du bois très-menu, qui ne ferait tout au plus que du charbon de chauffrette. Lorsqu'on aura couvert la surface des grosses buches qui forment le plancher et rempli les vides qu'elles laissent entr'elles avec ce petit bois, on aura achevé ce qu'on appelle un plancher.

Pour contenir les buches de ce plancher dans l'ordre selon lequel on les aura rangées, on plantera des chevilles à leurs extrémités, sur la circonférence de ce plancher, laissant un pied plus ou moins de distance entre chaque cheville ; car il n'est pas nécessaire que toutes les buches soient ainsi arrêtées : comme elles sont les plus serrées qu'il est possible les unes contre les autres, il suffit d'en contenir quelques-unes, pour que le plancher soit solide et ne se dérange pas.

Alors l'ouvrier prendra sa brouette, qu'on voit Pl. I. des Forges en II, KK, LL, MM, O, I, I, sont les bras ; O, la roue ; KL, KL, LM. LM, des morceaux de bois courbés un peu en S, assemblés sur les bras, formant un grand V dans l'ouverture duquel les buches seront placées et retenues : elles poseront en même-temps sur la civière de la brouette. Il ira au chantier, et chargera sa brouette de buches. Il pourra apporter une corde de bois en quatre voyages. Il fera entrer la brouette dans l'aire, prendra son bois à brassée, et le dressera sur le plancher contre les buches droites ou un peu inclinées qui en occupent déjà le centre, et qu'on a mises dans les angles droits de la première buche fichée en terre verticalement ; ces premières buches étant un peu inclinées, celles qu'on appuiera d'un bout sur le plancher, et qui porteront selon toute la longueur contre les buches qu'on avait déjà dressées au centre de l'aire, seront aussi un peu inclinées. Ce bois ainsi rangé, aura la forme à-peu-près d'un cone tronqué dont la base serait sur l'aire ; l'ouvrier continuera de dresser du bois jusqu'à ce que ce bois dressé couvre à-peu-près la moitié de la surface de son premier plancher.

Cela fait, il prendra une buche du plus gros bois dont il se sert dans son fourneau, il l'aiguisera par un bout, et la fichera droite au centre de son cone de buches ; s'il n'a pas achevé de couvrir tout son premier plancher de buches dressées, c'est qu'il aurait eu de la peine d'atteindre jusqu'au centre de ces buches dressées, et d'en dresser d'autres sur elles autour de la buche pointue qu'il vient de ficher, et qu'il a fixée droite par du petit bois qu'il a mis autour.

Quand il aura fiché cette buche, il ira chercher du bois qu'il dressera autour de cette buche, en sorte que ces nouvelles buches dressées portent d'un bout contre la buche fichée, et de l'autre sur les premières buches dressées sur le premier plancher : ces buches nouvelles seront aussi un peu inclinées ; et l'étage qu'elles formeront étant, pour ainsi dire, une continuation du premier étage, prolongera le cone tronqué.

Quand on aura formé le second étage, on achevera de couvrir le premier plancher ; ce plancher couvert, on reprendra des buches de bois blanc, on arrachera les chevilles qui contiennent les buches du premier plancher ; on formera un second plancher avec ces buches de bois blanc, concentrique au premier ; on répandra du bois de chemise sur ce nouveau plancher, on en contiendra les buches avec des chevilles ; on ira chercher du bois, et on le dressera sur ce second plancher, contre le bois dressé qui couvre entièrement le premier.

On opérera sur ce nouveau plancher comme sur le premier ; je veux dire que quand il sera à moitié couvert, on continuera de former le second étage de buches posées verticalement ou un peu inclinées sur le bout des buches qui couvrent le premier plancher. Quand on aura étendu ce second étage autant qu'il se pourra, on formera autour du second plancher un troisième plancher concentrique de bois blanc, comme on avait formé les deux premiers ; on dressera sur ce troisième des buches jusqu'à ce qu'il soit à moitié couvert, et alors on continuera à former le second étage, comme nous avons dit. Quand ce second étage aura pris toute l'étendue ou tout le pourtour qu'il convenait de lui donner, on achevera de couvrir le troisième plancher et de former le second étage, et l'on s'en tiendra à ces trois planchers ; en sorte qu'on aura 1°. trois planchers, dont le troisième enferme le second, le second le premier, et le premier la buche plantée en terre verticalement, fendue par son autre bout en quatre, et armée par ce bout de deux buches formant quatre angles droits, et ces angles contenant chacun une buche inclinée ; 2°. sur ces planchers un second étage de buches pareillement inclinées, en sorte que ce second étage moins étendu que le premier, continue la figure conique que le premier affectait par l'inclinaison de ses buches.

Lorsque le fourneau aura été conduit jusque-là, on ôtera les chevilles qui contiennent les buches du troisième plancher, pour servir dans la construction d'un autre fourneau, et on jettera tout autour de ce plancher du petit bois de chemise à deux mains, on prendra une échelle un peu convexe, on l'appliquera contre les étages, et on montera au-dessus du second ; on donnera quelques coups à la buche pointue, placée au centre du second étage, afin de l'ébranler ; on la tirera un peu, on couvrira toute la surface supérieure et plane de ce second étage de bois de chemise, en sorte que cet amas de bois de chemise remplisse bien exactement tous les interstices que les buches laissent entr'elles, et achevent de former le cone.

Alors le fourneau sera fini, quant à l'arrangement du bois ; et le bûcheron amassera de l'herbe et en jonchera l'extrémité supérieure de son fourneau d'abord, et ensuite la plus grande partie de sa surface. Il tracera un chemin autour, il en bêchera la terre, il ramassera cette terre par tas, il la brisera et divisera le plus qu'il pourra ; cela lui servira de frasin, car il n'en a pas encore, puisque nous supposons qu'il établit une charbonnière nouvelle. Le frasin n'est autre chose que de la poussière de charbon mêlée avec quelque menue braise et de la terre. Les Charbonniers ramassent cette matière autour de leurs fourneaux, et ils s'en servent pour leur donner la dernière façon ou le dernier enduit. Comme elle est assez menue, elle remplit exactement les interstices que les bois laissent entr'eux avant qu'on mette le feu, et les crevasses qui se font devant, après, et pendant la cuisson. Ils trouvent le frasin sur l'aire, quand ils en ont tiré le charbon ; et c'est la poussière même qui couvrait le fourneau, qui s'est augmentée pendant la cuisson, et qui a servi à étouffer le charbon. Au défaut du frasin, ils font usage de la terre tirée du chemin avec la bêche, comme nous venons de le dire.

Quand la terre sera préparée, on prendra une pelle et on en couvrira le fourneau, à l'exception d'un demi-pié par em-bas, surtout le pourtour : c'est par-là que l'air se portera au centre quand on y mettra le feu, et le poussera. La couche ou l'enduit de frasin ou de terre (quand on manque de frasin) qui habillera le fourneau, n'aura pas plus d'un pouce et demi d'épaisseur.

Quand le fourneau sera couvert, le charbonnier montera en haut, enlevera la buche qu'il avait placée au centre du second étage, et jettera dans le vide que laissera cette buche, et qu'on appelle la cheminée, quelques petits bois secs et très-combustibles, et par-dessus, une pelletée de feu ; alors le fourneau s'allumera, et ne s'appellera plus fourneau, mais feu. La fumée sortira très-épaisse par le demi-pié d'em-bas, qu'on aura laissé découvert tout-autour du fourneau ; il en sortira aussi par la cheminée. On laissera les choses en cet état, jusqu'à ce qu'on voie la flamme s'élever au-dessus de la cheminée ; alors le charbonnier prendra une pièce de gason, et bouchera la cheminée, mais non si exactement qu'il n'en sorte encore beaucoup de fumée ; il descendra ensuite de dessus son fourneau, et s'il fait un peu de vent, il apportera des claies, les dressera, et empêchera le vent de hâter le feu.

Le charbonnier ne pourra quitter son fourneau de deux heures, quand il y aura mis le feu. Il faudra qu'il veille à ce qui se passe, et qu'il soit attentif à jeter du frasin ou de la terre dans les endroits où la fumée lui paraitra sortir trop épaisse. S'il arrive que l'air qui s'échappe du bois, mêlé avec la fumée, ne trouve pas une issue facile, cet air se mettra à circuler intérieurement, en faisant un bruit sourd et assez violent ; ce bruit finira ordinairement par un éclat, et par une ouverture qu'on appelle aussi cheminée, mais mieux vent : le charbonnier bouchera cette ouverture avec de la terre ou du frasin. Au bruit qui se fera intérieurement, et à l'éclat qui le suivra, ceux qui n'auront jamais Ve faire de charbon, croiront volontiers que le fourneau s'est entr'ouvert et est dispersé ; cependant cela n'arrive jamais. Tout l'effet se réduira à un petit passage où l'on remarquera un cours de fumée considérable, que l'ouvrier arrêtera avec une légère pelletée de terre ou de frasin.

L'ouvrier aura encore une autre attention, ce sera de couvrir peu-à-peu le bas de son fourneau, et de retrécir cet espace que nous avons dit qu'il avait laissé découvert. Quand il aura fait cet ouvrage, il pourra quitter son feu, et s'en aller travailler à la construction d'un autre fourneau. Il suffira que d'heure en heure, ou de demi-heure en demi-heure, il vienne modérer les torrents de fumée, et qu'il accoure quand il sera averti et appelé par les bruits des vents, ce qui arrivera de temps en temps. Il faudra, pour que le feu brule également, que la fumée s'exhale également de tout côté, excepté au sommet vers la cheminée, où l'on contiendra le cours de la fumée plus fort qu'ailleurs.

Il arrivera quelquefois dès le premier jour, sur le soir, que le feu ait été plus vite dans un endroit que dans un autre, ce que l'on apercevra par les inégalités qui se feront à la surface du côté où le fourneau aura brulé trop vite ; alors le charbonnier prendra le rabot : le rabot est un morceau de bois plat, taillé comme un segment de cercle, et emmanché dans le milieu de la surface d'un long morceau de bois ; les deux angles du segment servent à ouvrir le fourneau ; et le côté rectiligne, à étendre la terre ou le frasin sur le fourneau, et à l'unir. Le charbonnier, avec la corne de cet instrument, découvrira le côté élevé du fourneau, et lui donnera de l'air, jusqu'à ce qu'il paraisse une espèce de flamme légère ; si la flamme était vive et forte, le bois se consumerait, et l'on aurait des cendres au lieu de charbon.

La première nuit, l'ouvrier ira visiter son feu deux à trois fais, examinera le vent, placera les claies comme il convient, donnera de l'air aux endroits qui en auront besoin, et le supprimera dans ceux où il paraitra en avoir trop. Le feu n'ira bien, et le fourneau ne sera bien conduit, que quand, par l'attention du charbonnier à étouffer et à donner de l'air à temps et aux endroits convenables, l'affaissement du fourneau se fera à-peu-près uniformément partout.

Le second jour, le travail du charbonnier ne sera pas considérable ; mais à l'approche de la nuit du deuxième jour, il ne pourra plus le quitter. La cuisson du charbon s'avancera, et le grand feu ne tardera pas à paraitre. On appelle l'apparition du grand feu, le moment où toute la chemise se montre rouge et en feu ; ce sera alors le moment de polir le fourneau ; on regardera le charbon comme cuit ; on prendra le rabot et la pelle ; on rechargera le fourneau de terre et de frasin avec la pelle, et on l'unira avec le côté rectiligne du rabot, en tirant le frasin ou la terre de haut-en-bas, ce qui achevera de fermer la partie du contour inférieur qui pourrait être restée découverte. Cette opération étouffera le feu, bouchera toutes les petites ouvertures ou crevasses, et empêchera le charbon de se consumer.

Quand le fourneau sera poli, il ne se fera presque plus de fumée, et le travail se suspendra jusqu'au moment de le rafraichir. Cette opération se fera dans la journée ; pour rafraichir, on tournera le rabot du côté circulaire ; on l'appuiera un peu sur la surface du fourneau, et l'on tirera de haut-en-bas le plus de terre ou de frasin qu'on pourra ; après quoi on reprendra cette terre ou ce frasin avec la pelle, et on le répandra par-tout sur le fourneau, y en ajoutant même un peu de nouveau ; par ce renouvellement d'enduit ou de chemise, on achevera d'interrompre toute communication à l'air extérieur avec l'intérieur du fourneau, et à étouffer entièrement le charbon. On rafraichira jusqu'à deux à trois fois ; mais une fois suffira, quand on aura bien fait.

Le quatrième jour, le charbon sera censé fait et prêt à être tiré. Il suit de ce qui précède, 1°. qu'en supposant que le bûcheron mette le feu à son fourneau au point du jour, ce feu durera deux jours et deux nuits toujours en augmentant ; que le troisième jour, lorsque le grand feu aura paru, le feu étouffé par l'opération qu'ils appellent polir et rafraichir, commencera à diminuer, et que le quatrième jour de grand matin on pourra ouvrir le fourneau ; ce qui s'exécutera avec l'instrument appelé crochet. On n'ouvrira le fourneau que d'un côté ; si le charbon n'est que chaud, on le tirera ; s'il parait embrasé, on le recouvrira bien avec la terre ou le frasin, et l'on remettra l'ouverture du fourneau au soir du même jour, ou au matin du lendemain.

2°. Qu'on pourra faire du charbon en tout temps et en toute saison ; mais que le temps calme sera le plus propre ; que les grands vents seront nuisibles ; qu'il en sera de même des pluies d'orage ; mais qu'il n'en sera pas ainsi du brouillard ou d'une petite pluie ; que l'humidité légère achevera la cuisson ; que cette cause réduira quelquefois les planchers en charbon ; ce qui n'arrivera jamais dans les temps orageux.

3°. Que le feu s'étendant du centre à la circonférence, il sera à-propos, quand on construira les planchers et les étages, de placer le plus gros bois vers le centre de l'aire, des planchers et des étages, et le menu bois à la circonférence.

Le charbon se fait en Bourgogne un peu diversement ; après avoir préparé l'aire à la bêche et au rateau, comme on le voit faire au bûcheron de la Planche I. des Forges, figure 1. on plante au centre de l'aire a b une longue perche c e ; on arrange au pied de cette perche quelques buches c d d, de manière qu'il y ait un peu d'intervalle entre la perche et les buches ; on remplit une partie de cet intervalle que forment les buches c d d par leur inclinaison, de bois sec et de menu branchage ; on continue d'incliner des buches sur les buches c d d ; on forme en grande partie l'étage f, fig. 2. on ménage à-travers les buches de cet étage, un passage k qui Ve de la circonférence de cet étage jusqu'au centre, et on le tient ouvert par le moyen de la perche k. On Ve chercher du bois ; on forme l'étage g en grande partie ; on acheve l'étage f, dont l'extrémité des buches est contenue par les rebords de l'aire ; on acheve l'étage g ; on forme l'étage h en entier ; on élève sur cet étage l'étage i ; on termine le fourneau par de menu bois, et on le met en état d'être couvert de sa chemise. C'est ce qu'exécute le bûcheron de la fig. 3. avec sa pelle ; il commence par remplir les premiers interstices extérieurs avec de l'herbe ; puis avec de la terre tirée d'un chemin qu'il pratiquera autour de son fourneau, s'il manque de frasin, ou avec le frasin qu'il aura recueilli sur l'aire d'un fourneau ; quand il en aura tiré le charbon, il formera à son fourneau la chemise m, l. Pour cet effet, il prendra avec la partie concave de sa pelle le frasin, et le jettera sur le bois, et avec la partie convexe il l'unira. Lorsqu'en conduisant son travail sur toute la surface du fourneau, il l'aura entièrement couverte, il y mettra le feu, non par en-haut, comme dans la première manière de faire le fourneau ; mais par em-bas. On voit, fig. 5. le fourneau en feu ; on laisse la couche de frasin légère en P P, pour que la fumée puisse s'échapper. On voit, fig. 5. un fourneau tout percé de vent ; fig. 6. un bûcheron qui découvre un endroit élevé du fourneau, et lui donne de l'air, afin qu'il aille plus vite. Les autres bûcherons polissent et rafraichissent.

Nous n'entrons dans aucun détail sur la manière de conduire le feu de ces fourneaux ; la manière différente dont ils sont construits n'influe en rien sur celle d'en mettre le bois en charbon, ce sont les mêmes principes et les mêmes précautions. On voit, fig. 9. un ouvrier qui prépare du bois ou une perche ; fig. 10. le bois coupé et en tas ; en Q N O, la voiture à charbon ; en R S T V X X Y Y, son développement ; en K K L L M M I I, la brouette ; en G, le crochet ; en F, la pelle ; en C D, le rateau. Le crochet est de fer.

On construit encore ailleurs les fourneaux de la manière suivante : on fait au milieu de l'aire un plancher carré de gros bâtons de bois blanc ; on répand sur ce plancher du bois de chemise ; sur ce plancher on en forme un second, de manière que les buches de ce second traversent et fassent grille sur celles du premier ; on jonche ce second plancher de bois de chemise ; on en forme un troisième, un quatrième, un cinquième, etc. les uns sur les autres, et de la même manière. On pratique au centre de ces planchers une ouverture d'un demi-pié en carré ; on en fortifie la construction par quatre perches qu'on plante à chaque angle. On incline ensuite des buches debout contre cet édifice ; on forme un premier étage de ces buches ; sur cet étage, on en forme un second, un troisième, etc. Ces étages vont toujours en diminuant, en sorte que le fourneau entier a l'air d'une pyramide à quatre faces ; on observe de placer les plus gros bois au centre de chaque étage. On couvre cette pyramide de gason, de terre, ou de frasin ; on y met le feu, soit par en-haut, soit par en-bas, et on conduit le feu comme nous avons dit plus haut. Ce feu se répand fort vite, parce qu'à mesure qu'on élevait la pyramide, on remplissait de matières faciles à enflammer, le trou carré des planchers faits les uns sur les autres au centre de cette pyramide, et selon toute sa hauteur, et les interstices des bois qui formaient les planchers.

Le bois neuf est le meilleur pour le charbon ; celui de vieux bois n'a point de corps et ne donne point de chaleur. On en fait avec toutes sortes de bois ; mais il n'est pas également bon à toutes sortes d'usages. On dit que celui de chêne, de saule, de chataigner, d'érable, de frêne et de charme, est excellent pour les ouvriers en fer ou en acier ; celui de hêtre, pour les Poudriers ; celui de bois blanc, pour les Orfèvres ; celui de bouleau, pour les Fondeurs ; celui de saule et de troene, pour les Salpétriers : en un mot, il est évident que le charbon doit avoir différentes qualités, selon les bois dont on l'a fait ; et que ses qualités ne sont pas indifférentes aux Artistes, selon qu'ils se proposent, ou d'avoir de l'éclat, ou d'avoir de la chaleur, ou d'avoir du moèlleux et de la douceur. On emploiera les premiers dans les artifices ; les seconds dans les cuisines, forges, et autres ateliers semblables ; et on polira avec les derniers.

On appelle tue-vents ou brise-vents, les claies dont on entoure les fourneaux dans les temps venteux.

Nous avons dit que le charbon de bois était trois jours entiers à se faire ; c'est que nous avons supposé le fourneau construit de bois vert : il ne faut que deux jours et demi au bois sec.

Il est de la dernière importance de bien établir les courants de fumée avant et pendant la cuisson (ce qui s'exécute avec la pointe d'un fourgon, ou avec la corne du rabot), et de bien polir et rafraichir après la cuisson.

Le charbon de bois se mesure et se vend au boisseau comble. On appelle charbon en banne, celui qui vient par charroi ; et banne, la charrette dans laquelle on le voiture. Voyez l'article BANNE.

Il est aisé d'être trompé à la qualité du charbon. Il est bon d'y faire attention quand on l'achète, et l'acheter plutôt au boisseau qu'en sacs.

Il est défendu de faire du charbon hors les forêts ; il n'est pas permis d'en faire chez soi, quand même on demeurerait dans les forêts.

On n'établit pas de charbonnières par-tout où l'on veut ; c'est aux officiers des eaux et forêts d'en marquer les places, qu'ils choisissent les plus vides et les plus éloignées des arbres. Ils en fixent communément le nombre à une par chaque arpent de bois à couper ; et ils peuvent obliger à repeupler les places ravagées par les charbonnières.

Lorsque le fourneau est découvert, si le propriétaire ne l'enlève pas, mais le laisse sur l'aire, on dit qu'il reste en meule.

CHARBON, (Chimie). Le charbon en général est formé par la combinaison d'une terre et du principe inflammable, ou du feu ; le mixte qui résulte de cette union est mêlé dans la plupart des charbons avec quelques parties salines, soit alkalines, soit neutres, qu'il enveloppe ou masque d'une façon singulière ; car les menstrues naturels de ces sels ne les attaquent pas dans ce mélange : au moins la prétention de Borrichius, qui assure en avoir retiré une substance saline par une très-longue décoction avec l'eau distillée, la prétention de ce célèbre chimiste, dis-je, n'est pas encore confirmée. L'huîle de charbon est aujourd'hui un être dont l'existence est aussi peu soutenable que celle de l'acide du feu, du soufre, des métaux, du nitre aèrien, etc. C'est parce que l'ivoire brulé des boutiques n'est porté que jusqu'à l'état charbonneux, que l'eau-forte ne l'attaque point, et non pas parce qu'un certain gluten particulier empêche l'action de ce menstrue, raison qu'en donne le célèbre M. Pott, dans le premier ch. de sa Lithogeognosie. (Trad. franç. p. 15.) ni " parce que ses parties calcaires sont pour ainsi dire enduites d'une terre charbonneuse. " Nouvelle explication du même auteur. (cont. de la Lithogeognosie, p. 236.) Il est essentiel d'observer pour l'exactitude logique, dont l'exposition la plus nue des expériences ne peut même se passer, que cette insolubilité de l'ivoire calciné ordinaire ne peut pas être regardée comme distinguant spécifiquement cette substance des autres matières alkalines ; car de la comparaison d'un charbon à des chaux ou à des cendres animales, on ne peut rien inférer pour l'analogie ou la différence des matières comparées. Ce que M. Pott avance du noir ou du charbon d'ivoire, est également vrai de toutes les terres animales combinées avec le phlogistique sous la forme du charbon ; et au contraire, l'ivoire calciné au blanc ou réduit en vraie chaux, est dissous assez promptement par l'acide, selon M. Pott lui-même, dans le dernier endroit cité. Nous observerons sur la dernière explication, qu'un Chimiste ne se représente que fort difficilement des parties calcaires enduites d'une terre charbonneuse ; qu'il ne connait même pas assez ce dernier être, une terre charbonneuse ; et que la bonne doctrine des combinaisons le conduit au contraire très-naturellement à considérer tout charbon comme un vrai mixte formé par l'union (& non pas par l'enduit) du phlogistique (& non pas d'une terre charbonneuse) à la terre même du corps changé en charbon, ou à celle du débris de ses principes salins ou huileux. M. Pott rapporte, à l'endroit déjà cité, de la cont. de sa Lithogeognosie, un fait très-remarquable, et qui a un rapport intime avec la considération qui vient de nous occuper. " Il y a plusieurs substances pierreuses et calcaires, dit ce chimiste, qui après avoir été calcinées, surtout dans un creuset fermé, ne font plus une effervescence aussi marquée, qu'elles faisaient avant la calcination ". Entr'autres causes qui peuvent concourir à ce phénomène, ne peut-on pas très-raisonnablement soupçonner que la principale consiste en ce que la terre calcaire de ces substances, simplement confondue avant la calcination avec quelques matières inflammables, subit en tout ou en partie, avec le phlogistique de ces matières, une combinaison charbonneuse ou presque charbonneuse ?

Il est très-vraisemblable que l'air entre aussi dans la mixtion charbonneuse ; mais comme on n'a trouvé jusqu'à présent d'autres moyens de détruire cette mixtion dans les vaisseaux fermés, que celui que fournit sa détonation avec le nitre, il serait fort difficîle de vérifier ce soupçon par tous les procédés connus : il ne parait pourtant pas impossible de les retourner de façon à pouvoir satisfaire à cet égard la curiosité des Physiciens.

Le charbon parfait brule sans donner de flamme sensible, à moins qu'on ne l'excite par le vent d'un soufflet, ou qu'il ne soit exposé à un courant rapide d'air dans nos fourneaux à grille. Le sel marin jeté sur des charbons à demi-éteints, les ranime. Voyez FLAMME et CALCINATION.

Le charbon détruit par la combustion à l'air libre, ou par la flamme, fournit la cendre dans laquelle on retrouve la plus grande partie de ses principes fixes, sa terre et ses parties salines. Voyez CENDRES.

C'est par ces principes fixes, ou par la nature de leurs cendres respectives, que les charbons des trois règnes sont spécifiés ; l'autre principe de la mixtion charbonneuse, le phlogistique, est exactement le même dans les trois règnes.

Le charbon est le corps le plus durable de la nature, le seul sur lequel un seul agent ait prise, savoir le feu ; et encore ce destructeur unique a-t-il besoin d'être secondé par l'eau de l'atmosphère, comme nous l'avons déjà remarqué. Les menstrues aqueux, salins, huileux, simples, ou composés, ne peuvent rien sur ce mixte ; cette incorruptibilité absolue a été observée il y a longtemps. C'est sans doute d'après cette observation que les architectes qui bâtirent le fameux temple d'Ephese, en posèrent les fondements sur une couche de charbon de bois, fait historique que les Chimistes n'ont pas manqué de noter ; et qu'au rapport de Maillet, les pauvres égyptiens qui n'étaient pas en état de faire embaumer leurs corps, de la durée desquels ils étaient si jaloux, les faisaient enterrer dans une couche de charbon. Voyez EMBAUMEMENT.

Les usages chimiques du charbon sont très-étendus ; d'abord il fournit au Chimiste l'aliment le plus ordinaire et le plus commode du feu qu'il emploie dans la plupart de ses opérations. Ce charbon doit être choisi dur, compact, sonnant et sec ; il doit être aussi tout charbon parfait, ou, ce qui est la même chose, n'être pas mêlé de fumerons : ce choix importe principalement à la commodité de l'artiste.

Secondement, comme mixte inflammable fixe, il fournit au Chimiste le principe du feu, ou le phlogistique : c'est dans ce mixte qu'il prend ce principe le plus ordinairement, lorsqu'il veut le faire passer dans une combinaison nouvelle ; car il est toujours forcé à enlever ce principe à un corps auquel il était déjà uni, lorsqu'il veut le fixer par des liens nouveaux ; le feu libre et en masse ne saurait être forcé à subir ces mixtions, du moins par les opérations connues et vulgaires ; nous n'opérons donc jamais en Chimie que sur le feu lié ou fixé que nous appelons aujourd'hui phlogistique avec Sthal ; mais nous ne sommes pas en droit de prononcer pour cela, comme quelques chimistes, que ce feu fixe, ce phlogistique, diffère essentiellement du feu fluide, de celui qui se meut librement dans tous les corps ; les règles de la bonne induction ne permettent pas même de soupçonner cette différence essentielle. Voyez FEU.

C'est comme fournissant le principe inflammable que le charbon est employé dans les réductions, soit en grand, soit en petit (Voyez REDUCTION et FONTE A TRAVERS LES CHARBONS), dans la composition des phosphores, de plusieurs pyrophores, du soufre artificiel, dans la fixation du nitre, etc.

Les funestes effets de la vapeur du charbon, stagnante dans un lieu fermé ou peu aèré, ne sont connus que par trop d'accidents. La nature de cette vapeur n'est point du tout déterminée ; elle ne s'élève que du charbon brulant à l'air libre, ou se détruisant actuellement ; le charbon embrasé dans les vaisseaux fermés ne la laisse point échapper. La considération de cette circonstance ne doit pas être négligée. Les vertus médicinales du charbon (car on lui en a donné, comme à l'éponge brulée dans les écrouelles commençantes, au charbon de tilleul dans les convulsions, au spode des modernes ou ivoire calciné des boutiques, au spode des Arabes ou charbon de roseaux, &c.) ces vertus médicinales, dis-je, ne sont pas confirmées par l'observation ; et la Médecine rationnelle, qu'on peut écouter lorsque l'observation ne lui est pas contraire, n'est pas plus favorable à ces prétendues vertus. (b)

CHARBON MINERAL, (Histoire naturelle, Minéralogie) c'est une substance inflammable composée d'un mélange de terre, de pierre, de bitume et de soufre : elle est d'un noir foncé, formée par un assemblage de feuillets ou de lames minces étroitement unies les unes aux autres, dont la consistance, les propriétés, les effets, et les accidents, varient suivant les différents endroits d'où elle est tirée. Quand cette matière est allumée, elle conserve le feu plus longtemps, et produit une chaleur plus vive qu'aucune autre substance inflammable : l'action du feu la réduit ou en cendres, ou en une masse poreuse et spongieuse qui ressemble à des scories ou à de la pierre ponce.

On distingue ordinairement deux espèces de charbon minéral : la première est grasse, dure et compacte ; sa couleur est d'un noir luisant, comme celle du jayet : il est vrai qu'elle ne s'enflamme pas trop aisément ; mais quand elle est une fois allumée, elle donne une flamme claire et brillante, accompagnée d'une fumée fort épaisse : c'est la meilleure espèce.

Les charbons de la seconde espèce sont tendres, friables, et sujets à se décomposer à l'air ; ils s'allument assez aisément, mais ils ne donnent qu'une flamme passagère et de peu de durée ; ils sont inférieurs à ceux de la première espèce : c'est la différence qui se trouve entre ces deux espèces de charbons fossiles, qui semble avoir donné lieu à la distinction que quelques auteurs font du charbon de terre et du charbon de pierre. Les charbons fossiles de la première espèce se trouvent profondément en terre, et ils contiennent une portion de bitume plus considérable que ceux de la seconde : en effet ces derniers se trouvent plus près de la surface de la terre ; ils sont mêlés et confondus avec elle et avec beaucoup de matières étrangères, et leur situation est vraisemblablement cause qu'ils ont perdu la partie la plus subtîle du bitume qui entre dans leur composition.

Les sentiments des Naturalistes sont partagés sur la formation et sur la nature du charbon minéral, aussi-bien que sur celle du succin et du jayet : il y en a qui croient que Dieu les a créés dès le commencement, comme toutes les autres substances minérales ; d'autres veulent qu'ils n'aient pris la forme que nous y remarquons que par la suite des temps, et surtout en conséquence du déluge universel : ils croient que le charbon minéral n'est autre chose que du bois décomposé et changé en limon, qui a été imprégné de parties vitrioliques et sulphureuses.

Scheuchzer, sans avoir recours au déluge universel pour expliquer la formation du charbon de terre, ne le regarde que comme un assemblage de limon, de bitume, de pétrole, de soufre, de vitriol, et de bois, qui après s'être mêlés, se sont durcis avec le temps, et n'ont plus formé qu'une seule et même masse.

Il y a d'autres naturalistes qui regardent cette substance comme du bitume mêlé avec de la terre, qui a été cuit et durci par l'action du feu souterrain.

Le sentiment de M. Wallerius, savant minéralogiste suédois, est que les charbons fossiles sont produits par une huîle de pétrole ou par du naphte, qui après s'être joints avec de la marne ou du limon, se sont durcis par la suite des temps, et ont formé des couches de charbon, après qu'une vapeur sulphureuse passagère est venue à s'y joindre.

Quoi qu'il en soit de tous ces sentiments, il parait très-probable qu'on doit attribuer au charbon minéral, ainsi qu'aux différents bitumes, au jayet et au succin, une origine végétale ; et il semble qu'en rapprochant toutes les circonstances, on ne trouvera rien de plus plausible que ce sentiment. Les veines et couches de charbon minéral sont ordinairement couvertes d'une espèce de pierres feuilletées et écailleuses, semblables à l'ardoise, sur lesquelles on trouve très-souvent des empreintes de plantes des forêts, et surtout de fougère et de capillaire, dont les analogues ne sont point de notre continent : c'est ce qu'on peut voir dans l'excellent mémoire que M. de Jussieu a donné sur les empreintes qui se trouvent dans certaines pierres des environs de S. Chaumont en Lyonnais. Voyez les mém. de l'académ. royale des Sciences de Paris, année 1718. Il arrive très-souvent qu'on remarque une texture parfaitement semblable à celle des couches ligneuses, dans les feuilles ou lames dont le charbon minéral est composé ; et Stedler rapporte qu'on a trouvé en Franconie, près de Grunsbourg, une espèce de charbon de terre qui était composé de fibres ou de filaments parallèles les uns aux autres, comme ceux du bois : le même auteur ajoute que quand on cassait ce charbon, l'endroit de la fracture était luisant comme de la poix. Un autre auteur dit qu'au duché de Wirtemberg, près du couvent de Lorch, dans des lits d'argille vitriolique et grise, on a trouvé du charbon fossile, qui par l'arrangement de ses fibres prouve qu'il doit son origine à du bois de hêtre. Voyez selecta physico-oeconomica, vol. I. p. 442.

Mais ce qui prouve encore d'une manière plus convaincante que c'est à du bois que le charbon de terre doit son origine, c'est le bois fossîle qui a été trouvé depuis quelques années en Allemagne, dans le comté de Nassau : il est arrangé dans la terre, et y forme une couche qui a la même direction que celle du charbon minéral, c'est-à-dire qui est inclinée à l'horizon. A la surface de la terre on rencontre un vrai bois résineux, assez semblable à celui du gayac, et qui n'est certainement point de notre continent : plus on enfonce en terre, plus on trouve ce bois décomposé, c'est-à-dire friable, feuilleté, et d'une consistance terreuse ; enfin en fouillant plus bas encore, on trouve un vrai charbon minéral.

Il y a donc tout lieu de croire que par des révolutions arrivées à notre globe dans les temps les plus reculés, des forêts entières de bois résineux ont été englouties et ensevelies dans le sein de la terre, où peu-à-peu et au bout de plusieurs siècles, le bois, après avoir souffert une décomposition, s'est ou changé en un limon, ou en une pierre, qui ont été pénétrés par la matière résineuse que le bois lui-même contenait avant sa décomposition.

On trouve du charbon minéral dans presque toutes les parties de l'Europe, et surtout en Angleterre : ceux qui se tirent aux environs de Newcastle sont les plus estimés ; aussi font-ils une branche très-considérable du commerce de la grande Bretagne. Il y en a des mines très-abondantes en Ecosse, où l'on en trouve entr'autres une espèce qui a assez de consistance pour prendre le poli à un certain point. Les Anglais le nomment cannel coal : on en fait des boites, des tabatières, des boutons, etc. La Suède et l'Allemagne n'en manquent point, non plus que la France, où il s'en trouve une très-grande quantité de la meilleure espèce. Il y en a des mines en Auvergne, en Normandie, en Hainaut, en Lorraine, dans le Forès, et dans le Lyonnais.

Les mines de charbon se rencontrent ordinairement dans des pays montueux et inégaux : on a pour les reconnaître des signes qui leur sont communs avec les autres espèces de mines métalliques. Voyez l'art. MINES. Mais ce qui les caractérise plus particulièrement, c'est qu'on trouve dans le voisinage des mines de charbon, des pierres chargées d'empreintes de plantes, telles que sont les fougeres, les capillaires, etc. L'air est souvent rempli de vapeurs et d'exhalaisons sulphureuses et bitumineuses, surtout pendant les fortes chaleurs de l'été. Les racines des végétaux qui croissent dans la terre qui couvre une pareille mine, sont imprégnées de bitume, comme on peut remarquer à l'odeur forte qu'elles répandent lorsqu'on les brule ; odeur qui est précisément la même que celle du charbon de terre. Les endroits d'où l'on tire de la terre alumineuse, et de l'alun qu'on nomme alun feuilleté, alumen fissile, indiquent aussi le voisinage d'une mine de charbon. M. Triewald, qui a fourni à l'académie des Sciences de Stockolm des mémoires très-détaillés sur les mines de charbon de terre, donne deux manières de s'assurer de leur présence : la première consiste à faire l'examen des eaux qui sortent des montagnes, et des endroits où l'on soupçonne qu'il peut y avoir du charbon ; si cette eau est fort chargée d'ochre jaune, qui après avoir été séchée et calcinée, ne soit presque point attirable par l'aimant, on aura raison de fouiller dans ces endroits : la seconde manière, que les mineurs anglais regardent comme la plus certaine, et dont ils font un très-grand mystère, est fondée sur ce qu'en Angleterre il se trouve très-souvent de la mine de fer mêlée avec le charbon de terre : on prend donc une ou plusieurs pintes de l'eau qui est chargée d'ochre jaune, on la met dans un vaisseau de terre neuf vernissé, et on la fait évaporer peu-à-peu à un feu très-modéré ; si le sédiment qui reste au fond du vaisseau après l'évaporation est d'une couleur noire, il y aura toute apparence, suivant M. Triewald, que l'eau vient d'un endroit où il y a une mine de charbon. Outre les différentes manières que nous venons de dire, on se sert encore de la sonde ou tarière ; c'est vraisemblablement la méthode la plus sure : on la trouvera représentée dans la Pl. I. du charbon minéral, et l'on en donnera la description ou l'explication à l'article SONDE DES MINES.

Le charbon minéral se trouve ou par couches ou par veines dans le sein de la terre : ces couches varient dans leur épaisseur, qui n'est quelquefois que de deux ou trois pouces ; pour lors elles ne valent point la peine d'être exploitées : d'autres au contraire ont une épaisseur très-considérable. On dit qu'en Scanie, près de Helsingbourg, il y a des couches de charbon de terre qui ont jusqu'à 45 pieds d'épaisseur. Ces couches ou ces filons suivent toujours une direction parallèle aux différents lits des pierres ou des différentes espèces de terre qui les accompagnent : cette direction est toujours inclinée à l'horizon ; mais cette inclinaison varie au point de ne pouvoir être déterminée : cependant pour s'en former une idée, le lecteur pourra consulter parmi les Planches de Minéralogie, celles du charbon minéral.

On verra aux figures 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, les différentes inclinaisons et directions que l'on a remarquées dans les mines de charbons de terre. La partie qui est plus proche de la surface, se nomme en anglais the cropping of the coal ; le charbon qui s'y trouve est d'une consistance tendre, friable, et se confond avec la terre : au lieu que plus la mine s'enfonce profondément en terre, plus elle est riche et épaisse ; et le charbon qu'on en tire est gras, inflammable, et propre à faire de bon chauffage : aussi arrive-t-il ordinairement qu'on est forcé d'abandonner les mines de charbon lorsqu'elles sont les plus abondantes ; parce que quand on est parvenu à une certaine profondeur, les eaux viennent avec tant de force et en si grande quantité, qu'il est impossible de continuer le travail.

Le charbon fossîle se rencontre entre plusieurs lits de terre et de pierres de différentes espèces ; telles que l'ardoise, le grais, des pierres plus dures, que les Anglais nomment whin ; des pierres à aiguiser, des pierres à chaux, entre-mêlées d'argile, de marne, de sable, etc. Ces différents lits ont différentes épaisseurs que l'on ne peut point déterminer, parce que cela varie dans tous les pays : ces lits ont la même direction ou la même inclinaison que les couches ou filons de charbon ; à moins que quelque obstacle, que les Anglais nomment trouble, embarras, ou dikes, digues, ne vienne à interrompre leur direction ou leur parallélisme ; ces obstacles ou digues sont des roches formées après-coup, qui viennent couper à angles droits, ou obliquement ou en tout sens, non-seulement les couches de charbon de terre, mais encore tous les lits de terre et de pierre qui sont au-dessus ou en-dessous. On peut voir dans la Planche citée, fig. 8. et 10. les différentes directions que ces digues ou roches font prendre aux couches ou filons ; c'est donc un des plus grands obstacles qui s'oppose à l'exploitation des mines de charbon ; ces roches ne suivent aucun cours déterminé, et sont souvent si dures qu'elles résistent aux outils des ouvriers, qui sont obligés de renoncer à vouloir les percer : le plus court est de chercher de l'autre côté de la digue ce que le filon et la couche de charbon peuvent être devenus, souvent on ne les retrouve qu'à cinq cent pas au-delà : cette recherche demande beaucoup d'habitude et d'expérience. Quelquefois la digue, sans couper la couche de charbon, lui fait prendre la forme d'un chevron. Voyez la figure 10.

M. Triewald nous apprend qu'on connait la proximité d'une pareille digue ou roche sauvage, lorsque le charbon est d'une couleur de gorge de pigeon, ou orné des différentes couleurs de l'ar-en-ciel.

Par ce qui précède on voit que rien n'est plus avantageux pour les propriétaires d'une mine de charbon de terre, que lorsqu'elle suit une pente douce, et n'est que peu inclinée par rapport à l'horizon ; c'est ce que les Anglais nomment flat broad coal : pour lors on n'est point obligé de faire des puits si profonds, ces mines ne sont point si exposées aux eaux, et on peut les travailler pendant beaucoup plus longtemps : celle qui est marquée Pl. II. fig. 1. est de cette espèce. Lorsque la couche de charbon de terre descend presque perpendiculairement à l'horizon, les Anglais la nomment hanging coal. Les mines de cette espèce fournissent un charbon plus gras, plus dur et plus compact que les autres ; mais on ne peut pas les travailler pendant fort longtemps, parce qu'il est très-difficîle de se garantir des eaux lorsqu'on est parvenu à une certaine profondeur. La fig. 3. Planc. I. représente une mine de cette espèce. Souvent il arrive qu'il y a plusieurs couches de charbon les unes sur les autres ; cependant elles sont séparées par des lits de terre et de pierre intermédiaires : c'est ordinairement la principale couche qui est la plus enfoncée en terre ; on néglige celles qui sont au-dessus, parce qu'elles n'ont quelquefois que cinq ou six pouces d'épaisseur, attendu qu'elles ne dédommageraient point des frais, et l'on continue à descendre jusqu'à ce que l'on soit parvenu à la couche principale, comme on peut voir dans la fig. 2 de la Planche I. et Planche II. fig. 1.

Quand on s'est assuré de la présence d'une mine de charbon ; pour la travailler, on commence par faire à la surface de la terre une ouverture que l'on nomme puits ou bure ; on fait passer ce puits perpendiculairement au-travers de tous les lits de terre ou de pierre qui couvrent le charbon de terre : il est ordinairement entre deux couches de roc ou de pierre, dont celle qui est en-dessus s'appelle le toict de la mine, et celle qui est en-dessous le sol ; la roche supérieure est feuilletée comme de l'ardoise et d'une couleur claire, l'inférieure est d'une couleur plus foncée. La profondeur des bures varie à proportion du plus ou du moins d'inclinaison de la mine : ordinairement on en perce deux, l'une sert à enlever les eaux, et l'autre le charbon ; elles servent aussi à donner de l'air aux ouvriers, et à fournir une issue aux vapeurs et exhalaisons dangereuses qui ont coutume d'infecter ces sortes de mines. La bure qui sert à tirer le charbon se nomme bure à charbon, l'autre se nomme bure à pompe : cette dernière est ordinairement étayée depuis le haut jusqu'en bas de poutres ou de madriers qui empêchent les terres de s'ébouler : on peut quelquefois suppléer à cette dernière espèce de bure d'une façon moins couteuse et beaucoup plus avantageuse ; c'est en conduisant une galerie souterraine qui aille en pente depuis l'endroit le plus bas de la couche de charbon, c'est ce qu'on appelle un percement ; on lui donne pour lors une issue au pied de la montagne où l'on a creusé. Cette galerie est garnie en maçonnerie, c'est par-là que les eaux ont la facilité de s'écouler ; cela épargne les pompes, le travail des hommes, beaucoup de machines ; l'on peut en voir un exemple dans la figure ; mais souvent les circonstances rendent la chose impraticable, et alors on est obligé d'avoir recours aux pompes dont les tuyaux doivent être de plomb, ou ce qui vaut encore mieux de bois d'aune, que l'on a soin de bien goudronner ou d'enduire avec de l'huîle cuite, sans quoi les eaux qui sont très-corrosives et très-vitrioliques, les détruiraient en très-peu de temps.

Le principal inconvénient auquel les mines de charbon sont sujettes, est celui qui est causé par des vapeurs et exhalaisons pernicieuses et suffocantes qui y règnent très-fréquemment, surtout pendant les grandes chaleurs de l'été ; elles sont pour lors si abondantes, qu'elles obligent quelquefois les ouvriers de cesser entièrement leurs travaux. Ces vapeurs sont de deux espèces ; la première, que les Anglais nomment bad air, mauvais air, et qui en français s'appelle pousse ou moufette, ressemble à un brouillard épais ; elle a la propriété d'éteindre peu-à-peu les lampes et les charbons ardents que l'on y expose, de la même manière qu'il arrive dans le récipient de la machine pneumatique lorsqu'on a pompé l'air : c'est par ces effets que les mineurs reconnaissent la présence de cette vapeur ; aussi c'est une maxime parmi eux qu'il faut avoir l'oeil autant à sa lumière qu'à son ouvrage. Lorsqu'ils s'aperçoivent que la lumière de leurs lampes s'affoiblit, le parti le plus sur pour eux est de se faire tirer promptement hors des souterrains, quand ils peuvent en avoir le temps. La façon d'agir de cette vapeur est d'appesantir et d'endormir ; mais cet effet est quelquefois si prompt, que des ouvriers qui en ont été atteints sont tombés de l'échelle en descendant dans la mine, sans avoir le temps de crier à l'aide : quand on les secourt à temps, ils peuvent en rechapper, si on les porte au grand air ; au commencement on ne leur voit donner aucun signe de vie. Mais le remède le plus efficace, c'est d'enlever avec une bêche un morceau de gason : on couche le malade sur le ventre, de façon que sa bouche porte sur le trou qu'on a fait en terre, et l'on pose sur sa tête le morceau de gason qu'on en a enlevé ; par-là il revient peu-à-peu, et se réveille comme d'un sommeil doux et tranquille, pourvu cependant qu'il n'ait pas été trop longtemps exposé à la vapeur dangereuse. C'est, suivant M. Triewald, le remède le plus certain ; il dit en avoir fait l'expérience avec succès : cependant il reste souvent pendant plusieurs jours des pesanteurs de tête au malade. Voyez les mémoires de l'acad. roy. de Stockolm, année 1740. Il y a encore une manière de secourir ceux qui ont eu le malheur d'être frappés de cette exhalaison dangereuse ; c'est de leur faire avaler promptement de l'eau tiede mêlée avec de l'esprit-de-vin : ce mélange leur procure un vomissement très-abondant de matières noires. Mais ce remède ne guérit point toujours radicalement ; il reste souvent aux malades une toux convulsive pour le reste de leurs jours.

M. Triewald conjecture que les funestes effets de cette vapeur, viennent des particules acides sulphureuses dont elle est composée, qui détruisent l'élasticité de l'air, qui d'ailleurs est dans un état de stagnation au fond des mines, faute d'une circulation suffisante : aussi remarque-t-on que ces vapeurs s'y amassent en plus grande abondance, lorsqu'on a été quelques jours sans y travailler ; pour lors les ouvriers ne se hasardent point d'y entrer sans avoir fait descendre par une des bures une chandelle allumée jusqu'au fond du puits ; si elle demeure allumée, ils vont se mettre au travail sans crainte ; si elle s'éteint, il y aurait de la témérité à s'y exposer : ils sont donc obligés d'attendre que cette vapeur soit dissipée.

Outre la vapeur que nous venons de décrire, il y en a encore une autre qui présente des effets aussi terribles, et des phénomènes encore plus singuliers que la précédente. Les Anglais la nomment wild fire, feu sauvage ; peut-être à cause qu'elle ressemble à ce qu'on appelle feux follets. Dans les mines qui sont entre Mons, Namur, et Charleroi, on la nomme terou, et feu brisou dans quelques autres provinces. Cette vapeur sort avec bruit et avec une espèce de sifflement par les fentes des souterrains où l'on travaille, elle se rend même sensible, et se montre sous la forme de toiles d'araignées ou de ces fils blancs qu'on voit voltiger vers la fin de l'été, et que vulgairement on appelle cheveux de la Vierge. Lorsque l'air circule librement dans les souterrains et qu'il a assez de jeu, on n'y fait point beaucoup d'attention ; mais lorsque cette vapeur ou matière n'est point assez divisée par l'air, elle s'allume aux lampes des ouvriers, et produits des effets semblables à ceux du tonnerre ou de la poudre à canon. Quand les mines de charbon sont sujettes à des vapeurs de cette espèce, il est très-dangereux pour les ouvriers d'y entrer, surtout le lendemain d'un dimanche ou d'une fête, parce que la matière a eu le temps de s'amasser pendant qu'il n'y avait aucune commotion dans l'air : c'est pour cela qu'avant que d'entrer dans la mine, ils y font descendre un homme vêtu de toîle cirée ou de linge mouillé ; il tient une longue perche fendue à l'extrémité, à laquelle est attachée une chandelle allumée ; cet homme se met ventre à terre, et dans cette posture il s'avance et approche sa lumière de l'endroit d'où part la vapeur ; elle s'enflamme sur le champ avec un bruit effroyable qui ressemble à celui d'une forte décharge d'artillerie ou d'un violent coup de tonnerre, et Ve sortir par un des puits. Cette opération purifie l'air, et l'on peut ensuite descendre sans crainte dans la mine : il est très-rare qu'il arrive malheur à l'ouvrier qui a allumé la vapeur, pourvu qu'il se tienne étroitement collé contre terre ; parce que toute la violence de l'action de ce tonnerre souterrain se déploie contre le tait de la mine, ou la partie supérieure des galeries. Voilà, suivant M. Triewald, comment en Angleterre et en Ecosse on se garantit de cette vapeur surprenante. Dans d'autres endroits, les ouvriers en préviennent les effets dangereux d'une autre manière : ils ont l'oeil à ces fils blancs qu'ils entendent et qu'ils voient sortir des fentes, ils les saisissent avant qu'ils puissent s'allumer à leurs lampes, et les écrasent entre leurs mains ; lorsqu'ils sont en trop grande quantité, ils éteignent la lumière qui les éclaire, se jettent ventre à terre, et par leurs cris avertissent leurs camarades d'en faire autant : alors la matière enflammée passe par-dessus leur dos, et ne fait de mal qu'à ceux qui n'ont pas eu la même précaution ; ceux-là sont exposés à être ou tués ou brulés. On entend cette matière sortir avec bruit, et mugir dans les morceaux de charbon même à l'air libre, et après qu'ils ont été tirés hors de la mine : mais alors on n'en doit plus rien craindre.

Les transactions philosophiques, n°. 318. nous fournissent un exemple des effets terribles, causés en 1708 par une vapeur inflammable de la nature de celle dont nous parlons. Un homme appartenant aux mines de charbon, s'étant imprudemment approché avec sa lumière de l'ouverture d'un des puits pendant que cette vapeur en sortait, elle s'enflamma sur le champ ; il se fit par trois ouvertures différentes une irruption de feu, accompagnée d'un bruit effroyable : il périt soixante-neuf personnes dans cette occasion. Deux hommes et une femme qui étaient au fond d'un puits de cinquante-sept brasses de profondeur, furent poussés dehors et jetés à une distance considérable ; et la secousse de la terre fut si violente, que l'on trouva un grand nombre de poissons morts qui flottaient à la surface des eaux d'un petit ruisseau qui était à quelque distance de l'ouverture de la mine.

Nous trouvons encore dans les mêmes transactions, n°. 429. la relation de plusieurs phénomènes singuliers, opérés par une vapeur inflammable sortie d'une mine de charbon. Le chevalier J. Lowther fit ouvrir un puits pour parvenir à une veine de charbon minéral : quand on eut creusé jusqu'à quarante-deux brasses de profondeur, on arriva sur un lit de pierre noire qui avait un demi-pié d'épaisseur, et qui était rempli de petites crevasses dont les bords étaient garnis de soufre. Quand les ouvriers commencèrent à percer ce lit de pierre, il en sortit beaucoup moins d'eau qu'on n'avait lieu de s'y attendre ; mais il s'échappa une grande quantité d'air infect et corrompu, qui passa en bouillonnant au-travers de l'eau qui s'était amassée au fond du puits qu'on creusait : cet air fit un bruit et un sifflement qui surprit les ouvriers ; ils y présentèrent une lumière qui alluma sur le champ la vapeur, et produisit une flamme très-considérable qui brula pendant longtemps à la surface de l'eau. On éteignit la flamme, et le chevalier Lowther fit remplir une vessie de bœuf de la vapeur, qu'il envoya à la société royale : on adapta un petit tuyau de pipe à l'ouverture de la vessie ; et en la pressant doucement pour faire passer la vapeur au-travers de la flamme d'une bougie, elle s'enflamma sur le champ comme aurait fait l'esprit-de-vin, et continua à bruler tant qu'il resta de l'air dans la vessie. Cette expérience réussit, quoique la vapeur eut déjà séjourné pendant un mois dans la vessie. M. Maud, de la société royale de Londres, produisit par art une vapeur parfaitement semblable à la précédente, et qui présenta les mêmes phénomènes. Il mêla deux dragmes d'huîle de vitriol avec huit dragmes d'eau commune ; il mit ce mélange dans un matras à long cou, et y jeta deux dragmes de limaille de fer : il se fit sur le champ une effervescence très-considérable ; et le mélange répandit des vapeurs très-abondantes qui furent reçues dans une vessie, dont elles remplirent très-promtement la capacité. Cette vapeur s'enflamma, comme la précédente, à la flamme d'une bougie. Cette expérience est, suivant le mémoire dont nous l'avons tirée, très-propre à nous faire connaître les causes des tremblements de terre, des volcans, et autres embrasements souterrains. Voyez les transactions philosophiques, n°. 442. pag. 282.

Par tout ce qui vient d'être dit, ou voit de quelle importance il est de faire en sorte que l'air soit renouvellé, et puisse avoir un libre cours dans les souterrains des mines de charbon de terre. De tous les moyens qu'on a imaginés pour produire cet effet, il n'y en a point dont on se soit mieux trouvé que du ventilateur ou de la machine de M. Sutton : on en verra la description à l'article MACHINE A FEU. On vient tout nouvellement, en 1752, d'en faire usage avec le plus grand succès dans les mines de charbon de Balleroi en Normandie.

Ce que nous avons dit de la vapeur inflammable qui sort des mines de charbon, est très-propre à faire connaître pourquoi il arrive quelquefois qu'elles s'embrasent au point qu'il est très-difficîle et même impossible de les éteindre : c'est ce qu'on peut voir en plusieurs endroits d'Angleterre, où il y a des mines de charbon qui brulent depuis un très-grand nombre d'années. L'Allemagne en fournit encore un exemple très-remarquable, dans une mine qui est aux environs de Zwickau en Misnie ; elle prit feu au commencement du siècle passé, et depuis ce temps elle n'a point cessé de bruler : on remarquera cependant que ces embrasements ne sont point toujours causés par l'approche d'une flamme, ou par les lampes des ouvriers qui travaillent dans les mines. En effet, il y a des charbons de terre qui s'enflamment au bout d'un certain temps, lorsqu'on les a humectés. Urbanus Hioerne, savant chimiste suédois, parle d'un incendie arrivé à Stokholm ; il fut occasionné par des charbons de terre, qui, après avoir été mouillés dans le vaisseau qui les avait apportés, furent entassés dans un grenier, et pensèrent bruler la maison où on les avait placés.

Si on se rappelle que nous avons dit dans le cours de cet article, qu'il se trouve toujours de l'alun dans le voisinage du charbon minéral, on devinera aisément la raison de cette inflammation spontanée, à quoi nous joindrons ce que Henckel dit dans sa Pyrithologie. Ce savant naturaliste dit que " la mine d'alun, surtout celle qui doit son origine à du bois, et qui est mêlée à des matières bitumineuses, telle que celle de Commodau en Bohème, s'allume à l'air lorsqu'elle y a été entassée et exposée pendant quelque temps ; et pour lors non-seulement il en part de la fumée, mais elle produit une véritable flamme ". Il n'est pas surprenant que cette flamme venant à rencontrer une matière aussi inflammable que le charbon de terre, ne l'allume très-aisément. Peut-être, en rapprochant ces circonstances, trouvera-t-on une explication très-naturelle de la formation des volcans, et de la cause de certains tremblements de terre.

L'analyse chimique du charbon minéral donne, suivant Hoffman 1°. un flegme ; 2°. un esprit acide sulphureux ; 3°. une huîle tenue, parfaitement semblable au naphte ; 4°. une huîle plus grossière et plus pesante que la précédente ; 5°. en poussant le feu, il s'attache au cou de la cornue un sel acide, de la nature de celui qu'on tire du succin ; 6°. enfin, il reste après la distillation une terre noire qui n'est plus inflammable, et qui ne donne plus de fumée.

Le charbon de terre est d'une grande utilité dans les usages de la vie. Dans les pays où le bois n'est pas commun, comme en Angleterre et en Ecosse, on s'en sert pour le chauffage et pour cuire les aliments ; et même bien des gens prétendent que les viandes rôties à un pareil feu, sont meilleures ; il est certain qu'elles sont plus succulentes, parce que le jus y est plus concentré. Les habitants du pays de Liège et du comté de Namur donnent le nom de houille au charbon minéral. Pour le ménager, les pauvres gens le réduisent en une poudre grossière qu'ils mêlent avec de la terre glaise ; ils travaillent ce mélange comme on ferait du mortier ; ils en forment ensuite des boules ou des espèces de gâteaux, qu'on fait sécher au soleil pendant l'été. On brule ces boules avec du charbon de terre ordinaire ; et quand elles sont rougies, elles donnent pendant fort longtemps une chaleur douce et moins âpre que celle du charbon de terre tout seul.

Plusieurs arts et métiers font, outre cela, un très-grand usage du charbon de terre. Les Maréchaux et Serruriers, et tous ceux qui travaillent en fer, lui donnent la préférence sur le charbon de bois ; parce qu'il échauffe plus vivement que ce dernier, et conserve la chaleur plus longtemps. En Angleterre, on s'en sert dans les Verreries de verre ordinaire, et même de crystal ; on en vante surtout l'usage pour cuire les briques et les tuiles ; et dans beaucoup d'endroits on s'en sert avec succès pour chauffer les fours à chaux. Les sentiments des Métallurgistes sont partagés sur la question, si l'on peut se servir avec succès du charbon de terre pour la fusion des minerais. M. Henckel en rejette l'usage, et prétend qu'il est plus propre à retarder qu'à faciliter la fusion des métaux ; parce que, suivant le principe de Becher, l'acide du soufre est un obstacle à la fusibilité. Cette autorité doit être sans-doute d'un très-grand poids : cependant, qu'il nous soit permis de distinguer et de faire remarquer que cette raison ne saurait toujours avoir lieu, attendu que quelquefois on a à traiter des minérais dont, pour tirer le métal, il est nécessaire de détruire la partie ferrugineuse qui y est souvent jointe ; et dans ce cas l'acide du soufre est très-propre à produire cet effet.

Bien des gens ont regardé la fumée du charbon minéral comme très-pernicieuse à la santé, et se sont imaginé que la consomption n'était si commune en Angleterre, qu'à cause que l'air y est continuellement chargé de cette fumée. M. Hoffman n'est point de ce sentiment : au contraire il pense que la fumée des charbons fossiles est très propre à purifier l'air et à lui donner plus de ressort, surtout lorsque cet air est humide et épais. Il prouve son sentiment par l'exemple de la ville de Hall en Saxe, où le scorbut, les fièvres pourprées et malignes, la phtisie, étaient des maladies très-communes avant qu'on fit usage du charbon de terre dans les salines de cette ville, qui en consomment une très-grande quantité. Cet auteur a remarqué que depuis ce temps, ces maladies ont presque entièrement disparu, ou du-moins y sont très-peu fréquentes. Voyez F. Hoffman, observationes physico-chimicae, pag. 207. et ss.

M. Wallerius est aussi du même avis ; il s'appuie sur ce que les habitants de Falun en Suède sont continuellement exposés à la fumée du charbon de terre, sans être plus sujets à la phtisie que ceux des autres pays. Quoi qu'il en sait, il est certain que la fumée du charbon est très-contraire à certaines gens ; et M. Hoffman avoue lui-même que la trop grande abondance en peut nuire : et c'est-là précisément le cas de la ville de Londres, où la grande quantité de charbon qu'on brule donne une fumée si épaisse, que la ville parait toujours comme couverte de nuages ou d'un brouillard épais : ajoutons encore, qu'il peut se trouver dans les charbons de terre de quelques pays des matières étrangères pernicieuses à la santé, qui ne se trouvent point dans d'autres.

Quelques auteurs prétendent que l'huîle tenue, tirée par la distillation du charbon minéral, appliquée extérieurement, est un fort bon remède contre les tumeurs, les ulcères invétérés, et les douleurs de la goutte. Il y a toute apparence que cette huîle tenue doit avoir les mêmes vertus que l'huîle de succin, puisque l'une et l'autre sont composées de mêmes principes, ont la même origine, et ne sont qu'une résine végétale différemment modifiée dans le sein de la terre. Voyez l'article SUCCIN. (-)

CHARBON VEGETAL et FOSSILE. (Histoire naturelle) Un auteur allemand, nommé M. Schultz, rapporte dans sa vingt-neuvième expérience un fait qui mérite d'être connu des Naturalistes ; il dit que près de la ville d'Altorf en Franconie, au pied d'une montagne qui est couverte de pins et de sapins, on voit une fente ou ouverture qui a environ mille pas de profondeur ; ce qui forme une espèce d'abime qui présente un spectacle très-propre à inspirer de l'horreur ; aussi nomme-t-on cet endroit teuffels-kirch, le temple du diable. Dans ce lieu on trouva répandus dans une espèce de grais fort dur de grands charbons semblables à du bois d'ébene ; à cette occasion on s'aperçut qu'anciennement on avait travaillé dans ce même endroit ; car on y remarqua des galeries souterraines qu'on avait percées dans le roc, vraisemblablement parce qu'on avait espéré de trouver, en fouillant plus avant, des couches continues du charbon que l'on n'avait rencontré qu'épars çà et là ; dans l'espace d'une demi-lieue on vit toujours des traces de ces charbons, qui étaient tantôt renfermés dans une roche très-dure, tantôt répandus dans de la terre argilleuse. On fit des expériences sur ce charbon, pour voir quelle pourrait être l'utilité qu'on en retirerait, et voici les principaux phénomènes qu'on y remarqua. 1°. Ces charbons étaient disposés horizontalement. 2°. Les morceaux les plus gros qu'on put détacher étaient des cylindres comprimés, c'est-à-dire présentaient une figure ovale dans leur diamètre. 3°. Il y avait une grande quantité de pyrites sulphureuses auprès de ces charbons. 4°. Il y en avait plusieurs qui étaient entièrement pénétrés de la substance pyriteuse ; ceux-ci se décomposaient et tombaient en efflorescence à l'air, après y avoir été quelque temps exposés, et quand on en faisait la lixiviation avec de l'eau qu'on faisait ensuite évaporer, on obtenait du vitriol de Mars. 5°. Il s'est trouvé dans cet endroit des morceaux de charbon qui avaient un pied et plus de large, 7 à 8 pouces de diamètre, et plusieurs aunes de longueur. 6°. Ces charbons étaient très-pesans, très-compactes et très-solides. 7°. On essaya avec succès de s'en servir pour forger du fer, et ils chauffaient très-fortement. 8°. Le feu les réduisait entièrement en une cendre blanche et légère, dont il était aisé de tirer du sel alkali fixe, comme des cendres ordinaires. 9°. Ces charbons, après avoir été quelque temps exposés à l'air, se fendaient aisément suivant leur longueur, et pour lors ils ressemblaient à du bois fendu. 10°. Il s'est trouvé quelques morceaux qui n'étaient pas entièrement réduits en charbon, l'autre moitié n'était que du bois pourri.

Voilà les différents phénomènes que l'on a remarqués dans ces charbons ; ils ont paru assez singuliers, tant par eux-mêmes que par leur situation dans une pierre très dure, pour qu'on ait cru devoir proposer aux Naturalistes le problème de leur formation. (-)

CHARBON, terme de Chirurgie, tumeur brulante qui survient dans différentes parties du corps, accompagnée tout-autour de pustules brulantes, corrosives, et extrêmement douloureuses. Un des signes pathognomoniques du charbon, est qu'il ne suppure jamais, mais s'étend toujours et ronge la peau, où il produit une espèce d'escare, comme celle qui serait faite par un caustique, dont la chute laisse un ulcère profond.

Le charbon est ordinairement un symptôme de la peste et des fièvres pestilentielles.

Les remèdes intérieurs qui doivent combattre le vice des humeurs que produit le charbon, sont les mêmes que ceux qui conviennent aux fièvres pestilentielles. Voyez PESTE.

Les secours chirurgicaux consistent dans l'application des remèdes les plus capables de résister à la pourriture, et de procurer la chute de l'escare. Si le charbon résiste à ces remèdes, on emploie le cautère actuel pour en borner le progrès ; après avoir brulé jusqu'au vif, il faut scarifier profondément l'escare, et même l'emporter avec l'instrument tranchant, pour peu qu'il soit considérable. On tâche ensuite de déterminer la suppuration par des digestifs animés. L'onguent égyptiac est fort recommandé pour déterger les ulcères avec pourriture qui succedent à la chute de l'escare du charbon. Charbon est la même chose qu'anthrax. (Y)

CHARBON, s. m. (Maréchalerie) On appelle ainsi une petite marque noire qui reste d'une plus grande dans les creux des coins du cheval, pendant environ sept ou huit ans. Lorsque ce creux se remplit, et que la dent devient unie et égale, le cheval s'appelle rasé. (V)