S. f. (Géométrie) quantité qui n'est étendue qu'en longueur, sans largeur ni profondeur.

Dans la nature, il n'y a point réellement de ligne sans largeur ni même sans profondeur ; mais c'est par abstraction qu'on considère en Géométrie les lignes comme n'ayant qu'une seule dimension, c'est-à-dire la longueur : sur quoi voyez l'article GEOMETRIE.

On regarde une ligne comme formée par l'écoulement ou le mouvement d'un point. Voyez POINT.

Il y a deux espèces de lignes, les droites et les courbes. Voyez DROITE et COURBE.

Si le point A se meut vers B (Pl. géom. fig. 1), il décrit par ce mouvement une ligne, et s'il Ve vers B par le plus court chemin, cette ligne sera une droite. On doit donc définir la ligne droite la plus courte distance entre deux points. Si le point qui décrit la ligne, s'écarte de côté ou d'autre, et qu'il décrive par exemple, une des lignes A C B, A c B, il décrira ou une ligne courbe, comme A c B, ou bien deux ou plusieurs droites, comme A C B.

Les lignes droites sont toutes de même espèce ; mais il y a des lignes courbes d'un nombre infini d'espèces. Nous en pouvons concevoir autant qu'il y a de différents mouvements composés, ou autant qu'on peut imaginer de différentes lois de rapports entre les ordonnés et les abscisses. Voyez COURBE.

Les lignes courbes se divisent ordinairement en géométriques et mécaniques.

Les lignes géométriques sont celles dont tous les points peuvent se trouver exactement et surement. Voyez GEOMETRIQUE et COURBE.

Les lignes mécaniques sont celles dont quelques points, ou tous les points se trouvent par tâtonnement, et d'une manière approchée, mais non pas précisément. Voyez MECHANIQUE et COURBE.

C'est pourquoi Descartes et ceux qui suivent sa doctrine, définissent les lignes géométriques, celles qui peuvent être exprimées par une équation algébrique d'un degré déterminé : on donne aussi le nom de lieu à cette espèce de lignes. Voyez LIEU.

Et ils définissent les lignes mécaniques, celles qui ne peuvent être exprimées par une équation finie, algébrique, et d'un degré déterminé.

D'autres pensent que les lignes que Descartes appelle mécaniques, bien qu'elles ne soient pas désignées par une équation finie, n'en sont cependant pas moins déterminées par leur équation différentielle, et qu'ainsi elles ne sont pas moins géométriques que les autres. Ils ont donc préféré d'appeler celles qui peuvent se réduire à une équation algébrique finie, et d'un degré déterminé, lignes algébriques, et celles qui ne le peuvent, lignes transcendantes. Voyez ALGEBRIQUES et TRANSCENDANTES. Au fond toutes ces dénominations sont indifférentes, pourvu qu'on s'explique et qu'on s'entende ; car il faut éviter ce qui serait une pure question de nom.

Les lignes géométriques ou algébriques, se divisent en lignes du premier ordre, du second ordre, du troisième ordre. Voyez COURBE.

Les lignes droites considérées par rapport à leurs positions respectives, sont parallèles, perpendiculaires ou obliques les unes aux autres. Voyez les articles PARALLELE, PERPENDICULAIRE, etc.

Le second livre d'Euclide traite principalement des lignes, de leur division ou multiplication.

LIGNE, en Géographie et Navigation ; lorsque l'on se sert de ce terme, sans aucune autre addition, il signifie l'équateur ou la ligne équinoxiale. Voyez EQUATEUR et EQUINOXIALE.

Cette ligne rapportée au ciel, est un cercle que le soleil décrit à peu près le 21 Mars et le 21 Septembre ; et sur la terre c'est un cercle fictif qui répond au cercle céleste, dont nous venons de parler, il divise la terre du nord au sud en deux parties égales, et il est également éloigné des deux pôles, de façon que ceux qui vivent sous la ligne ont toujours les deux pôles dans leur horizon. Voyez POLE.

Les latitudes commencent à se compter de la ligne. Voyez LATITUDE.

Les marins sont dans l'usage de baptiser les nouveaux matelots, et les passagers, la première fois qu'ils passent la ligne. Voyez BAPTEME de la ligne.

La ligne des absides, en Astronomie, est la ligne qui joint les absides ou le grand axe de l'orbite d'une planète. Voyez ABSIDE.

La ligne de foi est une ligne ou règle qui passe au milieu d'un astrolabe d'un demi-cercle d'arpenteur, ou d'un instrument semblable, et sur laquelle sont placées les pinnules ; on l'appelle autrement alidade. Voyez ALIDADE, etc.

Une ligne horizontale est une ligne parallèle à l'horizon. Voyez HORISON.

La ligne des nœuds, en Astronomie, est la ligne qui joint les deux nœuds d'une planète, ou la commune section du plan de son orbite, avec le plan de l'écliptique.

Ligne géométrale, en Perspective, c'est une ligne droite tirée d'une manière quelconque sur le plan géométral.

Ligne de terre ou fondamentale, en Perspective, c'est une ligne droite dans laquelle le plan géométral et celui du tableau se rencontrent ; telle est la ligne N I (Pl. Persp. fig. 12.) formée par l'interjection du plan géométral L M, et du plan perspectif H L.

Ligne de front, en Perspective, c'est une ligne droite parallèle à la ligne de terre.

Ligne verticale, en Perspective, c'est la commune section du plan vertical et de celui du tableau.

Ligne visuelle, en Perspective, c'est la ligne ou le rayon qu'on imagine passer par l'objet et aboutir à l'oeil.

Ligne de station, en Perspective, selon quelques auteurs, c'est la commune section du plan vertical et du plan géométral ; d'autres entendent par ce terme la hauteur perpendiculaire de l'oeil au-dessus du plan géométral ; d'autres une ligne tirée sur ce plan, et perpendiculaire à la ligne qui marque la hauteur de l'oeil.

Ligne objective, en Perspective, c'est une ligne tirée sur le plan géométral, et dont on cherche la représentation sur le tableau.

Ligne horizontale, en Gnomonique, est la commune section de l'horizon et du plan du cadran. Voyez HORISONTAL et CADRAN.

Lignes horaires, ou lignes des heures, ce sont les intersections des cercles horaires de la sphère, avec le plan du cadran. Voyez HORAIRE, HEURE et CADRAN.

Ligne soustilaire, c'est la ligne sur laquelle le stîle ou l'éguille d'un cadran est élevée, et c'est la représentation d'un cercle horaire perpendiculaire au plan du cadran, ou la commune section du cercle avec le cadran. Voyez SOUSTILAIRE.

Ligne équinoxiale, en Gnomonique, c'est l'intersection du cercle équinoxial et du plan du cadran.

Ligne de direction, en Mécanique, c'est celle dans laquelle un corps se meut actuellement, ou se mouvrait s'il n'en était empêché. Voyez DIRECTION.

Ce terme s'emploie aussi pour marquer la ligne qui Ve du centre de gravité d'un corps pesant au centre de la terre, laquelle doit de plus passer par le point d'appui ou par le support du corps pesant, sans quoi ce corps tomberait nécessairement.

Ligne de gravitation d'un corps pesant, c'est une ligne tirée de son centre de gravité au centre d'un autre vers lequel il pese ou gravite ; ou bien, c'est une ligne selon laquelle il tend en bas. Voyez GRAVITATION.

Les lignes du compas de proportion, sont les lignes des parties égales, la ligne des cordes, la ligne des sinus, la ligne des tangentes, la ligne des secantes, la ligne des polygones, la ligne des nombres, la ligne des heures, la ligne des latitudes, la ligne des méridiens, la ligne des métaux, la ligne des solides, la ligne des plans. Voyez-en la construction et l'usage au mot COMPAS DE PROPORTION.

Il faut pourtant observer que l'on ne trouve pas absolument toutes ces lignes sur le compas de proportion, qui est une des pièces de ce qu'on appelle en France étui de mathématiques ; mais elles sont toutes tracées sur l'instrument que les Anglais appellent secteur, et qui revient à notre compas de proportion. Chambers. (E)

LIGNE ou ÉCHELLE DE GUNTER, autrement appelée ligne des nombres, (Arithmétique) est une ligne ou règle divisée en plusieurs parties, et sur laquelle sont marqués certains chiffres, au moyen desquels on peut faire mécaniquement différentes opérations arithmétiques, etc.

Cette ligne ainsi nommée de Gunter son inventeur, n'est autre chose, selon Chambers, que les logarithmes transportés des tables sur une règle, pour produire à peu près, par le moyen d'un compas qu'on applique à la règle, les mêmes opérations que produisent les logarithmes eux-mêmes, par le moyen de l'arithmétique additive ou soustractive.

Chambers s'étend beaucoup sur les usages de cette ligne. Mais comme ces usages sont peu commodes et assez fautifs dans la pratique, nous n'en dirons rien de plus ici, et nous nous contenterons de renvoyer au mot COMPAS DE PROPORTION, où l'on trouvera des méthodes pour faire d'une manière simple et abrégée, à peu près les mêmes opérations qui se pratiquent par le moyen de la ligne de Gunter. Voyez aussi LOGARITHME. Cette ligne, ou échelle de Gunter, appelée ainsi par Chambers, est vraisemblablement la même qu'on appelle autrement échelle anglaise, ou échelle des logarithmes ; on en peut voir la description et les usages dans le Traité de navigation de M. Bouguer, p. 410-419. (O)

LIGNE de la plus vite descente. Voyez BRACHYSTOCHRONE et CYCLOÏDE.

LIGNE de la section, dans la Perspective, est la ligne d'intersection du plan à projeter avec le plan du tableau.

LIGNE de la plus grande ou de la plus petite longitude d'une planète, dans l'ancienne Astronomie, est cette portion de la ligne des absides, qui s'étend depuis le centre du monde jusqu'à l'apogée ou périgée de la planète.

LIGNE de la moyenne longitude, est celle qui traverse le centre du monde, faisant des angles droits avec la ligne des absides, et qui y forme un nouveau diamètre de l'excentrique ou déférent. Ses points extrêmes sont appelés longitude moyenne.

LIGNE de l'anomalie d'une planète, (Astronomie) dans le système de Ptolémée, est une ligne droite tirée du centre de l'excentrique au centre de la planète. Cette dénomination n'a plus lieu, ainsi que les deux précédentes, dans la nouvelle Astronomie.

LIGNE du vrai lieu ou du lieu apparent d'une planète, (Astronomie) est une ligne droite tirée du centre de la terre ou de l'oeil de l'observateur par la planète, et continuée jusqu'aux étoiles fixes. En effet, la ligne du vrai lieu et la ligne du lieu apparent sont différentes, et elles forment entr'elles un angle qu'on appelle parallaxe. Voyez LIEU et PARALLAXE. La lune est de toutes les planètes celle dont la ligne du vrai lieu diffère le plus de la ligne de son lieu apparent. La ligne du vrai lieu des étoiles fixes est sensiblement la même que celle de leur lieu apparent, et les lignes du vrai lieu et du lieu apparent d'une planète sont d'autant plus proches de se confondre que la planète est plus éloignée de la terre. Voyez PARALLAXE.

LIGNE de l'apogée d'une planète, dans l'ancienne Astronomie, est une ligne droite tirée du centre du monde par le point de l'apogée jusqu'au zodiaque du premier mobile. Dans la nouvelle Astronomie il n'y a proprement de ligne d'apogée que pour la lune qui tourne autour de la terre, et cette ligne est celle qui passe par le point de l'apogée de la lune et par le centre de la terre.

LIGNE du mouvement moyen du soleil, (dans l'ancienne Astronomie) est une ligne droite tirée du centre du monde jusqu'au zodiaque du premier mobile, et parallèle à une ligne droite tirée du centre de l'excentrique au centre du soleil. Cette dernière ligne s'appelle aussi

LIGNE du mouvement moyen du soleil dans l'excentrique, pour la distinguer de la ligne de son mouvement moyen dans le zodiaque du premier mobile. Ces dénominations ne sont plus en usage dans l'Astronomie moderne.

LIGNE du mouvement vrai du soleil, dans l'ancienne Astronomie, est une ligne tirée du centre du soleil par le centre du monde ou de la terre, et continuée jusqu'au zodiaque du premier mobile.

Dans la nouvelle Astronomie, c'est une ligne tirée par les centres de la terre et du soleil, le soleil étant regardé comme le centre du monde.

LIGNE synodique, (Astronomie) dans certaines théories de la lune, est le nom qu'on donne à une ligne droite qu'on suppose tirée par les centres de la terre et du soleil. On a apparemment appelé ainsi cette ligne, parce que le mois synodique lunaire commence ou est à son milieu, lorsque la lune se trouve dans cette ligne, prolongée ou non ; voyez MOIS SYNODIQUE. Cette ligne étant continuée au-travers des orbites, est appelée ligne des vraies syzygies. Mais la ligne droite qu'on imagine passer par le centre de la terre et le lieu moyen du soleil aux syzygies, est appelée ligne des moyennes syzygies. Voyez SYZYGIES.

LIGNE HELISPHERIQUE, en termes de Marine, signifie la ligne du rhumb de vent. Voyez RHUMB.

On l'appelle ainsi, parce qu'elle tourne autour du pôle en forme d'hélice ou de spirale, et qu'elle s'en approche de plus en plus sans jamais y arriver. On l'appelle aussi plus ordinairement loxodromie. Voyez LOXODROMIE.

LIGNE D'EAU, (Hydraulique) c'est la cent quarante-quatrième partie d'un pouce circulaire, parce qu'il ne s'agit pas dans la mesure des eaux de pouce carré, elle se fait au pouce circulaire qui a plus de relation avec les tuyaux circulaires par où passent les eaux des fontaines.

Pour savoir ce que fournit une ligne d'eau en un certain temps. Voyez ECOULEMENT. (K)

LIGNE, (Hydraulique) la ligne courante est ordinairement divisée en 12 points, quoique quelques-uns ne la divisent qu'en 10 points ou parties.

On distingue la ligne en ligne droite, en circulaire, en curviligne ou courbe.

La droite est la plus courte de toutes ; la circulaire est celle qui borde un bassin ou toute figure ronde.

La courbe est une portion de cercle.

On dit une ligne carrée, une ligne cube, en énonçant la valeur du pouce carré qui contient 144 lignes carrées, et du pouce cube qui contient 1728 lignes cubes.

On dit encore, en parlant de nivellement, une ligne de niveau, de pente, de mire.

Une ligne véritablement de niveau, parcourant le globe de la terre, est réputée courbe, à cause que tous les points de son étendue sont également éloignés du centre de la terre.

Une ligne de pente suit le penchant naturel du terrain.

Une ligne de mire est celle qui dirige le rayon visuel pour faire poser des jalons à la hauteur requise de la liqueur colorée des fioles de l'instrument. (K)

LIGNES PARALLELES, ou PLACES D'ARMES, (Art militaire) sont dans la guerre des sieges, des parties de tranchées qui entourent tout le front de l'attaque, et qui servent à contenir des soldats, pour soutenir et protéger l'avancement des approches.

La première fois que ces sortes de lignes ou places d'armes ont été pratiquées, fut au siege de Mastrick, fait en 1673, par le roi en personne. Elles sont de l'invention du maréchal de Vauban, qui s'en servit dans ce siege avec tant d'avantage, que cette importante place fut prise en treize jours de tranchée ouverte.

Depuis ce temps, elles ont toujours été employées dans les différents sieges que les François ont faits, mais avec plus ou moins d'exactitude. Le siege d'Ath fait en 1697, est celui où elles ont été exécutées avec le plus de précision ; et le peu de temps et de monde que ce siege couta, en a démontré la bonté.

On construit ordinairement trois lignes parallèles ou places d'armes dans les sieges.

La figure de la première doit être circulaire, un peu aplatie sur le milieu : elle doit aussi embrasser toutes les attaques, par son étendue qui sera fort grande, et déborder la seconde ligne de 25 à 30 taises de chaque bout. Quant à ses autres mesures, on peut lui donner depuis 12 jusqu'à 15 pieds de large, sur 3 de profondeur ; remarquant que dans les endroits où l'on ne pourrait pas creuser 3 pieds, à cause du roc ou du marais qui se peuvent rencontrer dans le terrain qu'elle doit occuper, il faudra l'élargir davantage, afin d'avoir les terres nécessaires à son parapet. Jusqu'à ce qu'elle soit achevée on n'y doit pas faire entrer les bataillons, mais seulement des détachements, à mesure qu'elle se perfectionnera.

Les usages de cette ligne ou place d'armes, sont,

1°. De protéger les tranchées qui se poussent en avant jusqu'à la deuxième.

2°. De flanquer et de dégager la tranchée.

3°. De garder les premières batteries.

4°. De contenir tous les bataillons de la garde, sans en embarrasser la tranchée.

5°. De leur faire toujours front à la place, sur deux ou trois rangs de hauteur.

6°. De communiquer les attaques de l'un à l'autre, jusqu'à ce que la seconde ligne soit établie.

7°. Elle fait encore l'effet d'une excellente contrevallation contre la place, de qui elle resserre et contient la garnison.

La seconde ligne doit être parallèle à la première, et figurée de même, mais avoir moins d'étendue de 25 à 30 taises de chaque bout, et plus avancée vers la place, de 120, 140 ou 145 taises. Ses largeur et profondeur doivent être égales à celles de la première ligne. Il faut faire des banquettes à l'une et à l'autre, et border leur sommet de rouleaux de fascines piquetées pour leur tenir lieu de sacs à terre, ou de paniers ; jusqu'à ce qu'elle soit achevée, on n'y fait entrer que des détachements : pendant qu'on y travaille, la tranchée continue toujours son chemin, jusqu'à ce qu'elle soit parvenue à la distance marquée pour la troisième ligne ; de sorte que la seconde n'est pas plutôt achevée, qu'on commence la troisième, et avant même qu'elle le soit totalement ; pour lors on y fait entrer les bataillons de la première ligne, et on ne laisse dans celle-ci que la réserve qui est environ le tiers de la garde ; pendant tout cela le travail de la tranchée fait son chemin de l'une à l'autre, jusqu'à la troisième.

Les propriétés de la seconde ligne sont les mêmes que celles de la première ; il n'y a point d'autre différence, si ce n'est qu'elle approche plus près de la place à 120, 140, ou 145 taises, un peu plus ou un peu moins, au-delà de la seconde ligne ; on établit la troisième, plus courte et moins circulaire que les deux premières, ce que l'on fait pour approcher du chemin couvert, autant que l'on peut, et éviter les enfilades qui sont là fort dangereuses.

Desorte que si la première ligne est à 300 taises des angles les plus près du chemin couvert, la seconde n'en est plus qu'à 160, et la troisième à 15 ou 20 taises seulement ; ce qui suffit à l'aide des demi-places d'armes, pour soutenir toutes les tranchées que l'on pousse en avant, quand les batteries ont tellement pris l'ascendant sur les ouvrages de la place, que le feu est éteint ou si fort affoibli, qu'on peut impunément le mépriser.

Mais si la garnison est forte et entreprenante, et que les batteries à ricochets ne puissent être employées, il faut s'approcher jusqu'à la portée de la grenade, c'est-à-dire à 13 ou 14 taises près des angles saillans : comme les sorties sont bien plus dangereuses de près que de loin, il faut aussi plus perfectionner cette ligne que les deux autres, lui donner plus de largeur, et la mettre en état de faire un grand feu, et qu'on puisse passer par-dessus en poussant les sacs à terre, ou les rouleaux de fascines devant soi ; ce qui se fait en lui donnant un grand talud intérieur avec plusieurs banquettes depuis le pied jusqu'au haut du talud.

C'est sur le revers de cette dernière ligne, qu'il faut faire amas d'outils, de sacs à terre, picquets, gabions et fascines, fort-abondamment, pour fournir au logement du chemin couvert, et les ranger en tas séparés, près des débouchements, avant que de rien entreprendre sur le chemin couvert ; sur quoi il y a une chose bien sérieuse à remarquer, c'est que comme les places de guerre sont presque toutes irrégulières, et différemment situées, il s'en trouve sur les hauteurs où le ricochet ayant peu de prise, ne pourrait pas dominer avec assez d'avantage, soit parce que les angles des chemins couverts en sont trop élevés, et qu'on ne trouve pas de situation propre à placer ces batteries : telle est par exemple la tête de terra nova au château de Namur ; telle était celle du fort Saint-Pierre à Fribourg en Brisgaw : tel est encore le fort Saint-André de Salins, la citadelle de Perpignan, celle de Bayonne, celle de Montmidi, quelques têtes de Philipsbourg, et plusieurs autres de pareille nature.

Il y a encore celles où les situations qui pourraient convenir aux ricochets, sont ou des marais, ou des lieux coupés de rivières qui empêchent l'emplacement des batteries, et celles enfin où les glacis élevés par leur situation, sont si roides qu'on ne peut plonger le chemin couvert, par les logements élevés en cavaliers, qu'on peut faire vers le milieu du glacis. Lorsque cela se rencontrera, on pourra être obligé d'attaquer le chemin couvert de vive force ; en ce cas il faudra approcher la troisième ligne à la portée de la grenade, comme il a été dit, ou bien en faire une quatrième, afin, de n'avoir pas une longue marche à faire pour joindre l'ennemi, et toujours la faire large et spacieuse, afin qu'on y puisse manœuvrer aisément, et qu'elle puisse contenir beaucoup de monde, et une grande quantité de matériaux sur ses revers.

Cette ligne achevée, on y fera entrer le gros de la garde, ou les gens commandés, et l'on placera la réserve dans la deuxième ligne. La première ligne demeurera vide, et ne servira plus que de couvert au petit parc, à l'hôpital de la tranchée, qu'on fait avancer jusqu'aux fascines de provision que la cavalerie décharge dans les commencements le long de ses bords ; et quand il s'agit de troupes extraordinaires, de la garde ou des travailleurs, ce qui n'arrive que quand on veut attaquer le chemin couvert, ou quelques autres pièces considérables des dehors, on les y peut mettre en attendant qu'on les emploie.

Au surplus, si le travail de la première et seconde nuit de tranchée peut se poser à découvert, celui des deux premières places d'armes pourra se poser de même, parce qu'on est assez loin de la place, pour que le feu n'en soit pas encore fort dangereux ; et ce n'est guère que depuis la deuxième ligne qu'on commence à marcher à la sappe ; mais pour ne point perdre de temps, et pouvoir avancer de jour et de nuit, on peut employer la sappe à l'exécution de la deuxième.

Outre les propriétés que la troisième ligne a communes avec les deux premières, elle a encore celle de contenir les soldats commandés qui doivent attaquer, et tous les matériaux necessaires sur ces revers.

C'est enfin là où on délibère et résoud l'attaque du chemin couvert, où l'on fait les dispositions, où l'on règle les troupes qui doivent attaquer, et d'où l'on part pour l'insulte du chemin couvert.

Il faut observer que c'est de la seconde ligne qu'on doit ouvrir une tranchée contre la demi-lune C, Pl. XV. de Fortification, fig. 2. qui se conduit comme les autres, c'est-à-dire à la sappe et le long de sa capitale prolongée ; et quand les trois têtes de tranchées seront parvenues à la distance demandée pour l'établissement de la troisième ligne, on y pourra employer six sappes en même temps, savoir deux à chacune, qui prenant les unes à la droite et les autres à la gauche, se seront bientôt jointes ; et comme les parties plus voisines de la tranchée se perfectionnent les premières, on y pourra faire entrer le détachement à mesure qu'elles s'avançent, et on les fortifiera plus ou moins, selon que les sorties seront plus ou moins à appréhender.

Les propriétés des trois lignes parallèles sont,

1°. De lier et de communiquer les attaques les unes aux autres, par tous les endroits où il est besoin.

2°. C'est sur leurs revers que se font tous les amas de matériaux.

3°. Elles dégagent les tranchées et les débarrassent des troupes, laissant le chemin libre aux allans et venans.

4°. C'est dans ces lignes que se rangent les détachements commandés pour les attaques, et que se règlent toutes les dispositions quand on veut entreprendre quelque chose de considérable, soit de vive force ou autrement.

5°. Elles ont enfin pour propriété singulière et très-estimable d'empêcher les sorties, ou du-moins de les rendre inutiles, et de mettre en état de ne point manquer le chemin couvert. Attaque des places par M. le maréchal de Vauban. Voyez ces différentes lignes, Pl. XV. de Fortification, fig. 2.

LIGNE MAGISTRALE, (Art militaire) c'est, dans la fortification, la principale ligne du plan : c'est elle qui se trace d'abord, et de laquelle on compte la largeur du parapet, du terre-plein, du rempart, du talud, etc.

LIGNES DE COMMUNICATION, (Art militaire) en terme de guerre, ou simplement LIGNES, sont des fossés de six ou sept pieds de profondeur, et de douze de largeur, qu'on fait d'un ouvrage ou d'un fort à un autre, afin de pouvoir aller de l'un à l'autre surement, particulièrement dans un siège. Voyez COMMUNICATION.

Les LIGNES DE COMMUNICATION sont encore les parties de l'enceinte d'une place de guerre qui a une citadelle, qui joignent la ville à la citadelle. Voyez CITADELLE.

LIGNE DE TROUPE, c'est une suite de bataillons et d'escadrons placés à côté les uns des autres sur la même ligne droite, et faisant face du même côté. Voyez ORDRE DE BATAILLE et ARMEE.

Parmi les lignes de troupes il y en a de pleines, et d'autres qui sont tant pleines que vides. Les premières sont celles qui n'ont point d'intervalle entre les bataillons et les escadrons, et les autres sont celles qui en ont. Voyez ARMEE.

Lorsque les troupes sont en ligne, on dit qu'elles sont en ordre de bataille ou simplement en bataille. Ainsi mettre des troupes en ligne, c'est les mettre en bataille.

LIGNE DE MOINDRE RESISTANCE, (Art militaire) c'est dans l'artillerie celle qui, partant du centre du fourneau ou de la chambre de la mine, Ve rencontrer perpendiculairement la superficie extérieure la plus prochaine. On l'appelle ligne de moindre résistance, parce que comme elle exprime la plus courte distance du fourneau à la partie extérieure des terres dans lesquelles il est placé, elle offre la moindre opposition à l'effort de la poudre, ce qui la détermine à agir selon cette ligne. Voyez MINE.

LIGNE DE DEFENSE, en terme de fortification, c'est une ligne que l'on imagine tirée de l'angle du flanc à l'angle flanqué du bastion opposé.

Il y a deux sortes de lignes de défense, savoir la rasante et la fichante.

La ligne de défense est rasante lorsqu'elle suit le prolongement de la face du bastion, comme la ligne C F, Planche première de fortification, fig. première ; elle est fichante lorsque ce même prolongement donne sur la courtine : alors la partie de la courtine comprise entre cette ligne et l'angle du flanc, se nomme second flanc. Voyez FEU DE COURTINE.

Le nom de ligne de défense rasante lui vient de ce que le soldat placé à l'angle du flanc, peut raser, avec la balle de son fusil, toute la longueur de la face du bastion opposé ; et le nom de fichante, de ce que la face du bastion donnant sur la courtine, le soldat de l'angle du flanc alignant son fusil sur la face du bastion opposé, sa balle entre dans le bastion, se trouvant ainsi tirée dans une direction qui concourt avec cette face.

La ligne de défense exprime la distance qu'il doit y avoir entre le flanc et la partie la plus éloignée du bastion qu'il doit défendre. C'est pourquoi il s'agit de déterminer, 1°. quelle est cette partie ; 2°. avec quelles armes on doit la défendre ; et 3°. quelle est la portée de ces armes, et par conséquent la longueur de la ligne de défense.

On règle la longueur de la ligne de défense par la distance du flanc aux parties du bastion opposé qui en sont les plus éloignées, et qui ne peuvent pas être défendues par ce bastion : ces parties sont de deux sortes ;

1°. Celles qui sont absolument les plus éloignées, comme la contrescarpe vis-à-vis la pointe du bastion : cette partie étant vue de deux flancs, et vis-à-vis de l'angle flanqué où le passage du fossé ne se fait point pour l'ordinaire, il en résulte qu'elle n'est pas celle qui a le plus besoin de défense.

2°. Celles qui sont les plus nécessaires à défendre sont, par exemple, la moitié ou les deux tiers de la face du bastion, parce que c'est-là que l'ennemi attache le mineur et qu'il cherche à faire breche. Ainsi en prenant pour la longueur de la ligne de défense la distance de l'angle du flanc à la moitié ou aux deux tiers de la face du bastion opposé, et réglant cette distance sur la moyenne portée des armes avec lesquelles on veut défendre ou flanquer toutes les parties de l'enceinte de la place, il s'ensuit que le flanc défendra la partie la plus essentielle, c'est-à-dire l'endroit de la face du bastion où l'ennemi doit s'attacher pour faire breche, et qu'il défendra aussi la contrescarpe vis-à-vis l'angle flanqué, parce que la grande portée des armes en usage pourra parvenir jusqu'à cette contrescarpe, qui n'est pas fort éloignée de l'angle flanqué.

Pour la défense de toutes les parties de la fortification, on se sert du fusil et du canon. Ainsi la ligne de défense doit être de la longueur de la moyenne portée de celle de ces deux armes qu'on juge la plus avantageuse.

Il y a eu autrefois une grande diversité de sentiment à ce sujet entre les Ingénieurs ; les uns voulaient que la ligne de défense fût réglée sur la portée du canon, parce que par-là on éloignait davantage les bastions les uns des autres, ce qui diminuait la dépense de la fortification ; les autres prétendaient que cette ligne fût déterminée par la portée du mousquet (qui est à-peu-près la même que celle du fusil dont on se sert généralement aujourd'hui à la place de mousquet). Ils alléguaient pour cela que les coups du canon sont fort incertains ; que lorsqu'il vient à être démonté, on ne peut le rétablir sans perdre bien du temps, ce qui rend le flanc inutîle pendant cet intervalle. Cette question a été décidée en faveur de ces derniers, avec d'autant plus de raison, que la défense du fusil n'exclud point celle du canon, ce qui n'est point réciproque à l'égard du canon. D'ailleurs, comme le dit le chevalier de Ville, il faut, lorsque l'on fortifie une place, fermer les yeux et ouvrir la bourse. La ligne de défense étant ainsi fixée à la portée du fusil, il a fallu apprendre de l'expérience quelle est cette portée : on l'a trouvée de 120, 140, et même de 150 taises pour les fusils en usage dans les places. Il s'ensuit donc que sa longueur est déterminée depuis 120 jusqu'à 150 taises, mais non au-delà.

Il se trouve cependant quelques fronts de places où la ligne de défense est plus longue, mais ces fronts ne sont pas alors fort exposés ; ils se trouvent le long des rivières ou vis-à-vis des endroits dont l'accès n'est pas facile. Dans ce cas la ligne de défense peut excéder sa longueur ordinaire sans inconvénient. D'ailleurs cette longueur se trouve encore raccourcie ou diminuée par la tenaille qui est vis-à-vis la courtine, et qui corrige une partie de ce qu'elle peut avoir de défectueux : je dis une partie, parce que la défense de la tenaille étant fort oblique, n'équivaut jamais à celle du flanc, qui est bien plus direct. Voyez DEFENSE.

Lorsqu'il se trouve des fronts de places où la ligne de défense excède la portée du fusil, on doit corriger cet inconvénient en construisant des flancs bas en espèce de fausse braie vis-à-vis les flancs. (Q)

LIGNES, (Art militaire) c'est ainsi qu'on appele, dans la fortification passagère et dans la guerre des siéges, des retranchements fort étendus, dont l'objet est de fermer l'entrée d'un pays à l'ennemi, et de couvrir les troupes qui font un siege contre les attaques extérieures, et contre les entreprises des assiégés. Ces dernières lignes sont appelées lignes de circonvallation et de contrevallation. Voyez CIRCONVALLATION et CONTREVALLATION.

Toutes les lignes sont formées d'un fossé et d'un parapet avec sa banquette : elles sont flanquées par des redants ou par des bastions ; elles ont aussi quelquefois des dehors et un avant-fossé : ces dehors sont ordinairement des demi-lunes et des redoutes.

Ces lignes de circonvallation et de contrevallation sont de la plus haute antiquité ; il n'en est pas de même de celles qui ont pour objet de couvrir un pays ou une province pour empêcher l'ennemi d'y pénétrer : l'usage selon M. de Feuquière, ne s'en est introduit que sous le règne de Louis XIV. Ceux qui l'ont proposé ont cru pouvoir garantir par-là un pays des contributions, donner la facilité aux partis de faire des courses chez l'ennemi, et assurer la communication d'une place à une autre, sans qu'il soit besoin d'y employer des escortes. Le célèbre auteur que nous venons de citer, trouve avec raison qu'il n'est point aisé de faire des lignes qui remplissent ces trois objets. " L'expérience, dit-il, ne nous a que trop convaincus que les lignes n'empêcheront point le pays de contribuer, puisqu'il ne faut, pour établir la contribution, qu'avoir trouvé une seule fois l'occasion de forcer cette ligne pendant le cours d'une guerre, pour que la contribution soit établie ; après quoi, quand même les troupes qui ont forcé les lignes auraient été obligées de se retirer promptement, la contribution se trouve avoir été demandée ; et dans un traité de paix, pour peu que le traité se fasse avec égalité, il faut tenir compte des sommes imposées, quoique non levées : en sorte qu'elles entrent en compensation avec celles qui au temps du traité se trouvent dû.s par le pays ennemi. Ainsi les lignes ne sont d'aucune utilité pour garantir de la contribution.

La seconde raison, qui est celle d'établir des contributions dans le pays ennemi, n'est pas bonne, parce que ce ne sont pas les partis qui sortent des lignes qui l'établissent, mais ceux qui sortent des places ".

A l'égard des communications, si l'on considère ce que coute la construction, l'entretien des lignes et la quantité de troupes qu'il faut pour les garder, on trouvera qu'il y a plus d'avantage à faire escorter les convais et à employer les troupes à la garde des places.

Les lignes faites pour la défense d'une longue étendue de pays, ont aussi beaucoup d'inconveniens : il faut une grande quantité de troupes pour les garder ; et comme l'ennemi peut les attaquer par telle partie qu'il juge à propos, il est difficîle de réunir assez de force dans le même lieu pour lui resister. Si l'on se trouve d'ailleurs en état de sortir sur l'ennemi, on ne peut le faire qu'en défilant et avec une grande perte de temps.

Le seul cas où les lignes peuvent être d'une bonne défense, c'est lorsqu'elles ont peu d'étendue, et qu'elles ferment néanmoins l'entrée d'un grand pays à l'ennemi, qu'elles sont soutenues par des places ou par des espèces de camps retranchés de distance en distance, de manière qu'ils peuvent se secourir les uns et les autres, et qu'on puisse réunir ensemble assez de troupes pour battre l'ennemi qui aurait percé dans quelqu'étendue de la ligne. Ce n'est que par des postes particuliers fortifiés dans l'intérieur de la ligne, que l'on peut parvenir à la soutenir contre les attaques de l'ennemi : c'est aussi ce que l'on doit faire dans les lignes de circonvallation, si l'on veut se mettre en état d'en chasser l'ennemi lorsqu'il a pu y pénétrer. Les princes d'Orange ne manquaient pas, à l'imitation des anciens, de suivre cette méthode ; non-seulement leurs lignes étaient exactement fortifiées, mais les différents quartiers des troupes dans les lignes l'étaient également. Il en était alors à-peu-près de l'ennemi qui avait pénétré dans la ligne, comme il en serait d'un assiégeant qui, ayant forcé les troupes qui défendent la breche d'un ouvrage, y trouverait des retranchements qui contiendraient de nouvelles troupes contre lesquelles il faudrait soutenir une nouvelle attaque, et qui pourraient, en tombant vigoureusement sur lui, profiter du désordre des siennes pour les chasser entièrement de l'ouvrage.

Si des lignes sont fort étendues, ce que l'on peut faire de mieux lorsque l'ennemi vient pour les attaquer, c'est de réunir les troupes ensemble, de leur faire occuper un poste avantageux vers le centre, où l'on puisse combattre avec quelque espérance de succès. Si l'on se trouve trop faible pour oser risquer le combat, l'on doit abandonner les lignes et se retirer en arrière dans les lieux les plus favorables à la défense d'un petit nombre contre un grand.

M. de Feuquière, après avoir exposé le peu d'avantage qu'on avait tiré des lignes construites de son temps, conclud de-là " que ces lignes ne peuvent trouver de considération que dans l'esprit d'un général borné qui ne sait pas se tenir près de son ennemi en sûreté par la situation et la bonté d'un poste qu'il se sera choisi pour contenir son ennemi sans être forcé de combattre malgré lui, et qui se croit toujours commis dès qu'il ne voit point de terre remuée entre son ennemi et lui ". Cet illustre auteur observe que M. le Prince et M. de Turenne n'ont jamais en besoin de lignes pour se soutenir pendant des campagnes entières à portée des armées ennemies quelque supériorité que ces armées eussent sur les leurs ; qu'ils les ont empêché de pénétrer dans le pays, en se présentant toujours de près à leur ennemi, et cela par le choix seul des postes qu'ils ont su prendre. M. le maréchal de Créquy en a usé de même dans des campagnes difficiles contre M. le duc de Lorraine. M. le maréchal de Luxembourg, contre le sentiment duquel l'usage des lignes s'est établi en France, a toujours été persuadé que cet usage était pernicieux à un général qui sait la guerre ; et il n'a jamais voulu, quelque commodité qui put en résulter, que son armée campât dans le dedans des lignes. (Q)

LIGNE BLANCHE, linea alba, (Anatomie) est une espèce de bande qui est formée du concours des tendons des muscles obliques et du transverse, et qui partage l'abdomen en deux par le milieu. Voyez ABDOMEN.

Elle est appelée ligne, parce qu'elle est droite, et blanche, à cause de sa couleur.

La ligne blanche reçoit un rameau de nerf de l'intercostal dans chacune de ses digitations ou dentelures, qui sont visibles à l'oeil, surtout dans les personnes maigres.

On donne aussi ce nom à une espèce de ligne qui se remarque le long de la partie moyenne et postérieure du pharynx. Voyez PHARYNX.

LIGNE de Marcation, (Histoire moderne) ou ligne de division, de partition, établie par les papes pour le partage des Indes entre les Portugais et les Espagnols ; l'invention de cette ligne fictice est trop plaisante pour ne la pas transcrire ici d'après l'auteur de l'Essai sur l'hist. générale.

Les Portugais dans le XVe siècle demandèrent aux papes la possession de tout ce qu'ils découvriraient dans leurs navigations ; la coutume subsistait de demander des royaumes au saint siege, depuis que Grégoire VII. s'était mis en possession de les donner. On croyait par-là s'assurer contre une usurpation étrangère, et intéresser la religion à ces nouveaux établissements. Plusieurs pontifes confirmèrent donc au Portugal les droits qu'il avait acquis, et qu'un pontife ne pouvait lui ôter.

Lorsque les Espagnols commencèrent à s'établir dans l'Amérique, le pape Alexandre VI, en 1493, divisa les deux nouveaux mondes, l'américain et l'asiatique, en deux parties. Tout ce qui était à l'orient des îles Açores, devait appartenir au Portugal ; tout ce qui était à l'occident, fut donné par le saint siege à l'éspagne. On traça une ligne sur le globe qui marqua les limites de ces droits réciproques, et qu'on appela la ligne de marcation, ou la ligne alexandrine ; mais le voyage de Magellan dérangea cette ligne. Les îles Marianes, les Philippines, les Molucques, se trouvaient à l'orient des découvertes portugaises. Il falut donc tracer une autre ligne, qu'on nomme la ligne de démarcation ; il n'en coutait rien à la cour de Rome de marquer et de démarquer.

Toutes ces lignes furent encore dérangées, lorsque les Portugais abordèrent au Brésil. Elles ne furent pas plus respectées par les Hollandais qui débarquèrent aux Indes orientales, par les François et par les Anglais qui s'établirent ensuite dans l'Amérique septentrionale. Il est vrai qu'ils n'ont fait que glaner après les riches moissons des Espagnols ; mais enfin ils y ont eu des établissements considérables, et ils en ont encore aujourd'hui.

Le funeste effet de toutes ces découvertes et de ces transplantations, a été que nos nations commerçantes se sont fait la guerre en Amérique et en Asie, toutes les fois qu'elles se la sont faites en Europe ; et elles ont réciproquement détruit leurs colonies naissantes. Les premiers voyages ont eu pour objet d'unir toutes les nations. Les derniers ont été entrepris pour nous détruire au bout du monde ; et si l'esprit qui règne dans les conseils des puissances maritimes continue, il n'est pas douteux qu'on doit parvenir au succès de ce projet, dont les peuples de l'Europe payeront la triste dépense. (D.J.)

LIGNE, (Jurisprudence) se prend pour un certain ordre, dans lequel des personnes se trouvent disposées de suite, relativement à la parenté ou affinité qui est entr'elles. On distingue plusieurs sortes de lignes.

LIGNE ASCENDANTE, est celle qui comprend les ascendants, soit en directe, comme le fils, le père, l'ayeul, bisayeul, et toujours en remontant ; ou en collatérale, comme le neveu, l'oncle, le grand-oncle, etc.

LIGNE COLLATERALE, est celle qui comprend les parents, lesquels ne descendent pas les uns des autres, mais qui sont joints à latère, comme les frères et sœurs, les cousins et cousines, les oncles, neveux et nièces ; et la ligne collatérale est ascendante ou descendante. Voyez LIGNE ASCENDANTE, GNE DESCENDANTEANTE.

LIGNE DEFAILLANTE ou ETEINTE, est lorsqu'il ne se trouve plus de parents de la ligne dont procede un héritage.

Dans ce cas les coutumes de Bourbonnais, Anjou, Maine et Normandie, font succéder le seigneur à l'exclusion des parents d'une autre ligne. Mais la coutume de Paris, art. 30, et la plupart des autres coutumes font succéder une ligne au défaut de l'autre par préférence au seigneur.

LIGNE DESCENDANTE, est celle où l'on considère les parents en descendant, comme en directe le père, le fils, le petit-fils, etc. et en collatérale, l'oncle, le neveu, le petit-neveu, etc.

LIGNE DIRECTE, est celle qui comprend les parents ou alliés qui sont joints ensemble en droite ligne, et qui descendent les uns des autres, comme le trisayeul, le bisayeul, l'ayeul, le père, le fils, le petit-fils, etc.

La ligne directe, est ascendante ou descendante ; c'est-à-dire, qu'on considère la ligne directe en remontant ou descendant ; en remontant, c'est le fils, le père, l'ayeul ; en descendant, c'est tout le contraire, l'ayeul, le père, le fils, etc.

LIGNE EGALE, c'est lorsque deux parents collatéraux sont éloignés chacun d'un même nombre de degrés de la souche commune. Voyez LIGNE INEGALE.

LIGNE ETEINTE, Voyez LIGNE DEFAILLANTE.

LIGNE FRANCHE, dans la coutume de Sens, art. 30, s'entend de la ligne de celui des conjoints qui était légitime.

LIGNE INEGALE, c'est lorsque des deux parents collatéraux l'un est plus éloigné que l'autre de la souche commune, comme l'oncle et le neveu, le cousin-germain et le cousin issu de germain.

LIGNE MATERNELLE, est le côté des parents maternels.

LIGNE PATERNELLE, est le côté des parents paternels.

LIGNE TRANSVERSALE, est la même chose que ligne collatérale.

LIGNE, (Marine), mettre en ligne. C'est la disposition d'une armée navale sur la même ligne le jour du combat. L'avant-garde, le corps de bataille et l'arriere-garde se mettent sur une seule ligne pour faire face à l'ennemi, et ne point s'embarrasser les uns les autres pour envoyer leurs bordées.

Lorsqu'il s'agit d'évolutions navales, on dit garder sa ligne, venir à sa ligne, marcher en ligne, &c.

Ligne, (Marine), vaisseau de ligne, se dit d'un vaisseau de guerre, assez fort pour se mettre en ligne un jour de combat.

Ligne du fort, (Marine) en parlant d'un vaisseau, se dit de l'endroit où il est le plus gros.

Ligne de l'eau, (Marine) c'est l'endroit du bordage jusqu'où l'eau monte, quand le bâtiment a sa charge et qu'il flotte.

Ligne, (Marine) c'est un petit cordage. Les lignes, soit pour sonder ou pour plusieurs autres usages, sont ordinairement de trois cordons, et trois à quatre fils à chaque cordon.

Lignes d'amarrage, (Marine) ce sont les cordes qui servent à lier et attacher le câble dans l'arganeau, et qui renforcent et assurent les hausières et les manœuvres.

Lignes ou équillettes, (Marine) elles servent à lasser les bonnettes aux grandes voiles.

Lignes de sonde, (Marine) Voyez SONDE.

LIGNE DE COMPTE, terme de commerce et de teneur de livres : il signifie quelquefois chaque article qui compose un registre ou un compte. On dit en ce sens, j'ai mis cette somme en ligne de compte, pour dire, j'en ai chargé mon registre, mon compte. Quelquefois on ne l'entend que de la dernière ligne de chaque article ; dans ce sens on dit tirer en ligne des sommes, c'est-à-dire, les mettre vis-à-vis de la dernière ligne de chaque article, dans les différents espaces marqués pour les livres, sols et deniers.

Tirer hors de ligne ou hors ligne : c'est mettre les sommes en marge des articles, devant et proche la dernière ligne. Voyez LIVRES et REGISTRES. Dict. de commerce.

LIGNES, (Musique) sont ces traits horizontaux et parallèles qui composent la portée, et sur lesquels, ou dans les espaces qui les séparent, on place les différentes notes selon leurs degrés. La portée du plein-chant n'est composée que de quatre lignes ; mais en musique, elle en a cinq stables et continuelles, outre les lignes accidentelles qu'on ajoute de temps-en-temps, au-dessus ou au-dessous de la portée, pour les notes qui passent son étendue. Voyez PORTEE. (S)

LIGNE à plomb, (Architecture) se dit en terme d'ouvrier, d'une ligne perpendiculaire, il l'appelle ainsi, parce qu'il la trace ordinairement par le moyen d'un plomb. Voyez PLOMB.

Les mâçons et limosins appellent lignes, une petite cordelette ou ficelle, dont ils se servent pour élever les murs droits, à plomb, et de même épaisseur dans leur longueur.

LIGNE, (être en) en fait d'escrime ; on est en ligne, lorsqu'on est diamétralement opposé à l'ennemi, et lorsque la pointe de votre épée est vis-à-vis son estomac.

Ainsi l'on dit vous êtes hors la ligne, votre épée est hors la ligne, pour faire sentir qu'on est déplacé.

LIGNE, en terme d'Imprimerie, est une rangée ou suite de caractères, renfermée dans l'étendue que donne la justification prise avec le composteur : la page d'impression est composée d'un nombre de lignes qui doivent être bien justifiées, et les mots espacés également.

LIGNE de la done, en terme de Manège, est la ligne circulaire ou ovale que le cheval suit en travaillant autour d'un pilier ou d'un centre imaginaire.

LIGNE du banquet, (Maréchalerie) c'est celle que les éperonniers s'imaginent en forgeant un mors, pour déterminer la force ou la faiblesse qu'ils veulent donner à la branche, pour la rendre hardie ou flasque.

LIGNE, (Pêche), instrument de pêche, composé d'une forte baguette, d'un cordon et d'un hameçon qu'on amorce, pour prendre du poisson médiocre : cet hameçon est attaché au cordon, qui pend au bout de la baguette ; mais la matière du cordon, son tissu et sa couleur, ne sont pas indifférentes.

Les cordons de fil valent moins que ceux de soie, et ceux-ci moins que ceux de crin de cheval ; les uns et les autres veulent être d'une seule matière, c'est-à-dire, qu'il ne faut point mêler ensemble le fil et la soie, ou la soie et le crin.

Les crins de cheval doivent être ronds et tortillés, de même grosseur et grandeur, autant qu'il est possible ; on les trempe une heure dans l'eau après les avoir cordonnés, pour les empêcher de se froncer ; ensuite on les retord également, ce qui les renforce beaucoup, pourvu qu'on ne les serre point en les tordant.

Les meilleures couleurs dont on puisse teindre les cordons d'une ligne, sont le blanc ou le gris, pour pêcher dans les eaux claires, et le verd-d'oseille, pour pêcher dans les eaux bourbeuses ; mais le verd d'eau pâle serait encore préférable.

Pour avoir cette dernière couleur, on fera bouillir dans une pinte d'eau d'alun, une poignée de fleurs de souci, dont on ôtera l'écume qui s'élève dessus dans le bouillonnement ; ensuite on mettra dans la liqueur écumée, demi-livre de verd-de-gris en poudre, qu'on fera bouillir quelque temps. Enfin, on jettera un ou plusieurs cordons de ligne dans cette liqueur, et on les y laissera tremper dix ou douze heures, ils prendront un verd d'eau bleuâtre qui ne se déteindra point. (D.J.)

LIGNE, (Pêche de mer) ce sont des cordes, à l'extrémité desquelles sont ajustés des ains ou hameçons garnis d'appât qui attirent le poisson. Voyez HAMEÇON.

Les lignes consistent en une corde menue et forte, sur laquelle de distance en distance sont frappés des piles ou ficelles de huit pieds de long qui portent l'ain à leur extrémité ; à un pied de distance de l'ain est fixé un petit morceau de liege, que le pêcheur nomme corsiron ou cochon. C'est le corsiron qui fait flotter l'ain. Toutes les cordes, tant grosses que petites, sont aussi garnies de liege, soit qu'il faille pêcher à la côte ou à la mer. Voyez LIBOURNE.

De la pêche à la ligne à pied sur les roches. Ceux qui font cette pêche, prennent une perche légère de dix à douze pieds de long, au bout de laquelle est frappée une ligne un peu forte, longue d'environ une brasse et demie. A deux pieds environ de l'ain est frappé un plomb, pour faire caler bas l'hameçon garni d'appâts différents, selon les saisons. Le pêcheur se plante debout sur la pointe de la roche. Il y place sa perche, de manière que cette pointe fasse fonction de point d'appui, et sa perche de levier, et qu'il puisse la lever promptement, lorsqu'il arrive que le poisson mord à l'appât. Il ne faut pas que le vent pousse trop à la cale. Le temps favorable ce sont les mois d'Octobre et de Novembre. On prend ainsi des congres, des merlus, des colins et des urats ou carpes de mer, tous poissons de roche.

Des lignes au doigt, ou qu'on tient à la main, pour mieux sentir que le poisson a pris l'appât : elles ne diffèrent des autres qu'en ce qu'elles n'ont que deux ains ; et elles ont, comme le libourne, un plomb qui les fait caler.

Les pêcheurs et riverains de Plough ou Molin, dans le ressort de l'amirauté de Vannes, se servent de lignes différemment montées, et ont leur manœuvre. Ils sont deux à trois hommes au plus d'équipage dans leurs petits bateaux, qu'ils nomment fortants Chaque pêcheur a une ligne de dix à douze brasses de long au plus. Le bout qui joint la pîle ou l'avancart, est garni de plommées à environ deux brasses de long, pour faire jouer la ligne sur le fond avec plus de facilité. L'hameçon est garni de chair de poisson, ou d'un morceau de leur peau, pris sur le dos, et coupé en long en forme de sardine. Le pêcheur qui est debout dans le fortan, traine et agite continuellement sa ligne qu'il tient à la main. Le bateau est à la voile. L'appât est entrainé avec rapidité ; et le poisson qui le suit, le gobe d'autant plus avidement.

Plus il fait de vent, plus les pêcheurs chargent le bas de leur ligne de plommée, afin que la traine en soit moins précipitée. On ne pêche de cette manière que les poissons blancs, comme bart, loubines, mulets, rougets, morues, maquereaux, etc.

De la pêche du maquereau à la ligne, à la perche, à la mer et au large des côtes. Il y a a saint Jacut onze petits bateaux pêcheurs du port au plus de cinq ou six tonneaux, montés ordinairement de huit, neuf, à dix hommes d'équipage, qui font en mer la pêche avec les folles, les demi-folles, ou roussetières, les cordes grosses et moyennes, et la pêche de la ligne au doigt pour le maquereau, et de la ligne à la perche. Leurs bateaux ont deux mâts ; chaque mât une voile. Ils s'éloignent quelquefois en mer de dix, douze à quinze lieues. Quand ils sont au lieu de la pêche, chacun prend sa ligne qui a sept à huit pieds de long, et pêche les uns à bas bord, les autres à stribord. Le bateau a amené ses deux voiles, et dérive à la marée.

Cette pêche du maquereau dure environ cinq à six semaines. Elle commence à la saint Jean, et finit au commencement d'Aout. Chaque équipage prend par jour favorable jusqu'à cinq à six mille maquereaux. Les uns se servent de la perche, d'autres de la ligne au doigt ; mais le plomb de celle-ci n'est environ que d'une demi-once.

Comme la manœuvre de cette seconde manière est moins embarrassante que celle à la perche, les pêcheurs quittent de jour en jour leur perche pour se servir de la ligne au doigt.

Ces pêcheurs affarent ou bortent le maquereau avec des sauterelles ou puces de mer, que leurs femmes, filles, veuves et enfants pêchent de marée à autre, pour en fournir les équipages des bateaux. Ils substituent à cet appât de petits morceaux de maquereaux qu'ils lèvent vers la queue.