adj. (Géométrie) Voyez INFINI.

INDEFINI, (Grammaire) ce mot est encore un de ceux que les Grammairiens emploient comme techniques en diverses occasions ; et il signifie la même chose qu'indéterminé. On dit sens indéfini, article indéfini, pronom indéfini, temps indéfini.

1°. Sens indéfini. " Chaque mot, dit M. du Marsais (Tropes, part. III. art. IIe pag. 233.). a une certaine signification dans le discours, autrement il ne signifierait rien ; mais ce sens, quoique déterminé (c'est-à-dire, quoique fixé à être tel) " ne marque pas toujours précisément un tel individu, un tel particulier ; ainsi on appelle sens indéterminé ou indéfini, celui qui marque une idée vague, une pensée générale, qu'on ne fait point tomber sur un objet particulier ".

Les adjectifs et les verbes, considérés en eux-mêmes, n'ont qu'un sens indéfini, par rapport à l'objet auquel leur signication est appliquable : grand, durable, expriment à la vérité quelque être grand, quelque objet durable ; mais cet être, cet objet, est-ce un esprit ou un corps ? est-ce un corps animé ou inanimé ? est-ce un homme ou une brute ? etc. La nature de l'être est indéfinie, et ce n'est que par des applications particulières que ces mots sortiront de cette indétermination, pour prendre un sens défini, du-moins à quelques égards ; un grand homme, une grande entreprise ; un ouvrage durable, une estime durable. C'est la même chose des verbes considérés hors de toute application.

Je dis que les applications particulières tirent ces mots de leur indétermination, du-moins à quelques égards. C'est que toute application qui n'est pas absolument individuelle ou spécifique, c'est-à-dire qui ne tombe pas précisément sur un individu ou sur toute une espèce, laisse toujours quelque chose d'indéfini dans le sens : ainsi quand on dit un grand homme, le mot grand est défini par son application à l'espèce humaine ; mais ce n'est pas à toute l'espèce, ni à tel individu de l'espèce ; ainsi le sens demeure encore indéfini à quelques égards, quoiqu'à d'autres il soit déterminé.

Les noms appelatifs sont pareillement indéfinis en eux-mêmes. Homme, cheval, argument, désignent à la vérité telle ou telle nature ; mais si l'on veut qu'ils désignent tel individu, ou la totalité des individus auxquels cette nature peut convenir, il faut y ajouter d'autres mots qui en fassent disparaitre le sens indéfini : par exemple, cet homme est savant, l'homme est sujet à l'erreur, etc. Voyez ABSTRACTION, APPELLATIF, ARTICLE.

2°. Article indéfini. Quelques Grammairiens français, à la tête desquels il faut mettre l'auteur de la Grammaire générale, Part. II. ch. vii, ont distingué deux sortes d'articles, l'un défini, comme le, la ; et l'autre indéfini, comme un, une, pour lequel on met de ou des au pluriel.

Non content de cette première distinction, la Touche vint après M. Arnauld et M. Lancelot, et dit qu'il y avait trois articles indéfinis : " Les deux premiers, dit-il, servent pour les noms des choses qui se prennent par parties dans un sens indéfini : le premier est pour les substantifs, et le second pour les adjectifs ; je les appelle articles indéfinis partitifs : le troisième article indéfini sert à marquer le nombre des choses, et c'est pour cela que je le nomme numéral ". L'art de bien parler français, liv. II. ch. j. Le P. Buffier et M. Restaut, à quelques différences près, ont adopté le même système ; et tous ont eu en vue d'établir des cas et des déclinaisons dans nos noms, à l'imitations des noms grecs et latins ; comme si la Grammaire particulière d'une langue ne devait pas être en quelque sorte le code des décisions de l'usage de cette langue, plutôt que la copie inconséquente de la Grammaire d'une langue étrangère.

Je ne dois pas répéter ici les raisons qui prouvent que nous n'avons en effet ni cas ni déclinaisons (voyez ces mots) ; mais j'observerai d'abord avec M. Duclos (Rem. sur le chap. VIIe de la II. Part. de la Grammaire génér.) " que ces divisions d'articles, défini, indéfini, n'ont servi qu'à jeter de la confusion sur la nature de l'article. Je ne prétends pas dire qu'un mot ne puisse être pris dans un sens indéfini, c'est-à-dire dans sa signification vague et générale ; mais loin qu'il y ait un article pour la marquer, il faut alors le supprimer. On dit, par exemple, qu'un homme a été traité avec honneur ; comme il ne s'agit pas de spécifier l'honneur particulier qu'on lui a rendu, on n'y met point d'article ; honneur est pris indéfiniment ", parce qu'il est employé en cette occurrence dans son acception primitive, selon laquelle, comme tout autre nom appelatif, il ne présente à l'esprit que l'idée générale d'une nature commune à plusieurs individus, ou à plusieurs espèces, mais abstraction saite des espèces et des individus. " Il n'y a, continue l'habîle secrétaire de l'Académie française, qu'une seule espèce d'article, qui est le pour le masculin, dont on fait la pour le féminin, et les pour le pluriel des deux genres : le bien, la vertu, l'injustice ; les biens, les vertus, les injustices ".

En effet, dès qu'il est arrêté que nos noms ne subissent à leur terminaison aucun changement qui puisse être regardé comme cas, que les sens accessoires représentés par les cas en grec, en latin, en allemand, et en toute autre langue qu'on voudra, sont suppléés en français, et dans tous les idiomes qui ont à cet égard le même génie, par la place même des noms dans la phrase, ou par les prépositions qui les précèdent ; enfin que la destination de l'article est de faire prendre le nom dans un sens précis et déterminé : il est certain, ou qu'il ne peut y avoir qu'un article, ou que s'il y en a plusieurs, ce seront différentes espèces du même genre, distinguées entr'elles par les différentes idées accessoires ajoutées à l'idée commune du genre.

Dans la première hypothèse, où l'on ne reconnaitrait pour article que le, la, les, la conséquence est toute simple. Si l'on veut déterminer un nom, soit en l'appliquant à toute l'espèce dont il exprime la nature, soit l'appliquant à un seul individu déterminé de l'espèce, il faut employer l'article ; c'est pour cela seul qu'il est institué : l'homme est mortel, détermination spécifique ; l'homme dont je vous parle, etc. détermination individuelle. Si on veut employer le nom dans son acception originelle, qui est essentiellement indéfinie, il faut l'employer seul ; l'intention est remplie : parler en homme, c'est-à-dire conformément à la nature humaine ; sens indéfini, où il n'est question ni d'aucun individu en particulier, ni de la totalité des individus. Ainsi l'introduction de l'article indéfini serait an moins une inutilité, si ce n'était même une absurdité et une contradiction.

Dans la seconde hypothèse, où l'on admettrait diverses espèces d'articles, l'idée commune du genre devrait encore se retrouver dans chaque espèce, mais avec quelque autre idée accessoire qui serait le caractère distinctif de l'espèce. Tels sont peut-être les mots tout, chaque, nul, quelque, certain, ce, mon, ton, son, un, deux, trois, et tous les autres nombres cardinaux ; car tous ces mots servent à faire prendre dans un sens précis et déterminé, les noms avant lesquels l'usage de notre langue les place ; mais ils le font de diverses manières, qui pourraient leur faire donner diverses terminaisons. Tout, chaque, nul, articles collectifs, distingués encore entr'eux par des nuances délicates ; quelque, certain, articles partitifs ; ce, article démonstratif ; mon, ton, son, articles possessifs ; un, deux, trois, etc. articles numériques, etc. Ici il faut toujours raisonner de même : vous déterminerez le sens d'un nom, par tel article qu'il vous plaira ou qu'exigera le besoin ; ils sont tous destinés à cette fin ; mais dès que vous voudrez que le nom soit pris dans un sens indéfini, abstenez-vous de tout article ; le nom a ce sens par lui-même.

3°. Pronoms indéfinis. Plusieurs Grammairiens admettent une classe de pronoms qu'ils nomment indéfinis ou impropres, comme je l'ai déjà dit ailleurs. Voyez IMPROPRE. On verra au mot PRONOM, que cette partie d'oraison détermine les objets dont on parle, par l'idée de leur relation de personnalité, comme les noms les déterminent par l'idée de leur nature. D'où il suit qu'un pronom, qui en cette qualité serait indéfini, devrait déterminer un objet par l'idée d'une relation vague de personnalité, et qu'il ne serait en soi d'aucune personne, mais qu'il serait applicable à toutes les personnes. Y a-t-il des pronoms de cette sorte ? Non : tout pronom est ou de la première personne, comme je, me, moi, nous ; ou de la seconde, comme tu, te, toi, vous ; ou de la troisième, comme se, il, elle, le, la, lui, les, leurs, eux, elles. Voyez PRONOM.

4°. Temps indéfinis. Nos Grammairiens distinguent encore dans notre indicatif deux prétérits, qu'ils appellent l'un défini, et l'autre indéfini. Quelques-uns, entre lesquels il faut compter M. de Vaugelas, donnent le nom de défini à celui de ces deux prétendus prétérits, qui est simple, comme j'aimai, je pris, je reçus, je tins ; et ils appellent indéfini celui qui est composé, comme j'ai aimé, j'ai pris, j'ai reçu, j'ai tenu. D'autres au contraire, qui ont pour eux l'auteur de la Grammaire générale et M. du Marsais, appellent indéfini celui qui est simple, et défini celui qui est composé. Cette opposition de nos plus habiles maîtres me semble prouver que l'idée qu'il faut avoir d'un temps indéfini, était elle-même assez peu déterminée par rapport à eux. On verra, article TEMS, ce qu'il faut penser des deux dont il s'agit ici, et quels sont ceux qu'il faut nommer définis et indéfinis, soit présents, soit prétérits, soit futurs. (B. E. R. M.)