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Catégorie : Theologie
S. m. (Théologie) en général signifie division ou séparation. Mais il se dit plus particulièrement de la séparation qui arrive en conséquence de la diversité d'opinions entre gens d'une même créance et d'une même religion. Le parti qui le premier se sépare de l'autre ouvre et commence le schisme.

Ce mot vient du grec σχίσμα, qui signifie scission, déchirure.

C'est en ce sens qu'on dit le schisme des dix tribus d'Israèl d'avec les deux tribus de Juda et de Benjamin. Le schisme des Grecs avec l'Eglise romaine, le schisme réciproque que se reprochent parmi les mahométants les sectateurs d'Omar et d'Aly.

Les trois schismes les plus fameux dans la religion chrétienne sont 1°. le schisme des Grecs, commencé dans le ix. siècle par Photius, et consommé dans le XIe par Michel Cerularius, tous deux patriarches de Constantinople. Il subsiste encore malgré les différentes tentatives qu'on a faites en plusieurs conciles généraux pour y mettre fin, et les facilités que l'Eglise romaine a toujours apportées à la réunion. Voyez l'article suivant.

2°. Le grand schisme d'Occident, commencé en 1378, entre Urbain VI. et Clément VII. et continué par les antipapes, successeurs de celui-ci ; contre les papes légitimes, successeurs du premier, jusqu'à l'an 1429, que Martin V. fut reconnu seul pape et vrai chef de l'Eglise. On compte divers autres schismes particuliers arrivés dans l'église de Rome à l'occasion de l'élection des papes, mais qui n'intéressent pas si vivement, ou ne partagèrent pas les églises nationales d'Occident, comme dans le xiv. et le XVe siècles.

3°. Le schisme d'Angleterre par lequel, sous Henri VIII. l'Eglise de cette île commença à se séparer de la communion du siege de Rome, auquel elle avait été unie depuis la conversion de l'Angleterre à la foi. Ce schisme prit de nouvelles forces sous Edouard VI. et fut consommé sous Elisabeth.

La séparation des protestants d'avec l'Eglise romaine est aussi un vrai schisme ; on peut voir sur cette matière l'ouvrage de M. Nicole, intitulé les prétendus reformés convaincus de schisme.

Quelques auteurs distinguent un schisme passif et un schisme actif. Ils entendent par schisme actif celui d'une portion de la chrétienté, qui d'elle-même s'est séparée du corps de l'Eglise. Tel est le schisme des Grecs et des Anglais, qui se sont eux-mêmes soustraits volontairement à l'obéissance dû. au saint siège.

Par schisme passif, ils entendent la séparation d'une portion de la chrétienté exclue de la communion avec le reste des fidèles pour cause d'hérésie. Cette idée peut avoir lieu par rapport à quelques sectes que l'Eglise déclare séparées d'elle, à cause de leur opiniâtreté ; mais les protestants ne sauraient abuser de cette notion pour rejeter la faute de leur séparation sur les catholiques romains ; car il est prouvé par tous les monuments historiques du temps, et par tous les écrits des calvinistes et des luthériens, qu'avant le concîle de Trente, qui a anathématisé leurs erreurs, ils criaient que l'Eglise romaine était la Babylone corrompue, que le pape était l'antéchrist, qu'il fallait s'en séparer, et ils s'en sont séparés en effet. Aussi le schisme est actif de leur part.

Les Anglicans regardent parmi eux comme un schisme la séparation des non-conformistes, des presbytériens, des indépendants, des anabaptistes et autres qui ont prétendu réformer la réforme.

SCHISME DES GRECS, (Histoire ecclésiastique) on appelle schisme des Grecs, la séparation de Photius d'avec la communion de Rome, vers l'an 868.

Comme cette séparation des Grecs et des Latins n'était pas seulement la plus grande affaire que l'Eglise chrétienne eut alors sur les bras, mais qu'elle est encore aujourd'hui regardée comme une chose très-importante ; il en faut tracer l'origine, et c'est le peintre moderne de l'histoire universelle qui m'en fournira le tableau.

Le siege patriarchal de Constantinople étant, dit-il, ainsi que le trône, l'objet de l'ambition, était sujet aux mêmes révolutions. L'empereur Michel III. mécontent du patriarche Ignace, l'obligea à signer lui-même sa déposition, et mit à sa place Photius, eunuque du palais, homme d'une grande qualité, d'un vaste génie, et d'une science universelle. Il était grand-écuyer et ministre d'état. Les évêques pour l'ordonner patriarche, le firent passer en six jours par tous les degrés. Le premier jour on le fit moine, parce que les moines étaient alors regardés comme faisant partie de la hiérarchie. Le second jour il fut lecteur, le troisième soudiacre, puis diacre, prêtre, et enfin patriarche, le jour de Noë en 858.

Le pape Nicolas prit le parti d'Ignace, et excommunia Photius. Il lui reprochait surtout d'avoir passé de l'état de laïc à celui d'évêque avec tant de rapidité ; mais Photius répondait avec raison, que S. Ambraise, gouverneur de Milan, et à peine chrétien, avait joint la dignité d'évêque à celle de gouverneur plus rapidement encore. Photius excommunia donc le pape à son tour, et le déclara déposé. Il prit le titre de patriarche oecuménique, et accusa hautement d'hérésie les évêques d'Occident de la communion du pape. Le plus grand reproche qu'il leur faisait, roulait sur la procession du père et du fils. Des hommes, dit-il dans une de ses lettres, sortis des ténèbres de l'Occident, ont tout corrompu par leur ignorance. Le comble de leur impiété est d'ajouter des nouvelles paroles au sacré symbole autorisé par tous les conciles, en disant que le S. Esprit ne procede pas du père seulement, mais encore du fils, ce qui est renoncer au christianisme.

On voit par ce passage et par beaucoup d'autres, quelle supériorité les Grecs affectaient en tout sur les Latins. Ils prétendaient que l'Eglise romaine devait tout à la grecque, jusqu'aux noms des usages, des cérémonies, des mystères, des dignités. Baptême, eucharistie, liturgie, diocèse, paraisse, évêque, prêtre, diacre, moine, église, tout est grec. Ils regardaient les Latins comme des disciples ignorants, révoltés contre leurs maîtres.

Les autres sujets d'anathème étaient, que les Latins se servaient de pain non levé pour l'Eucharistie, mangeaient des œufs et du fromage en carême, et que leurs prêtres ne se faisaient point raser la barbe. Etranges raisons pour brouiller l'Occident avec l'Orient.

Mais quiconque est juste, avouera que Photius était non-seulement le plus savant homme de l'Eglise, mais un grand évêque. Il se conduisait comme S. Ambraise ; quand Basile, assassin de l'empereur Michel, se présenta dans l'église de Ste Sophie : vous êtes indigne d'approcher des saints mystères, lui dit-il à haute voix, vous qui avez encore les mains souillées du sang de votre bienfaiteur. Photius ne trouva pas un Théodose dans Basile. Ce tyran fit une chose juste par vengeance. Il rétablit Ignace dans le siège patriarchal, et chassa Photius. Rome profita de cette conjoncture pour faire assembler à Constantinople le huitième concîle oecuménique, composé de trois cent évêques. Les légats du pape présidèrent, mais ils ne savaient pas le grec ; et parmi les autres évêques, très-peu savaient le latin. Photius y fut universellement condamné comme intrus, et soumis à la pénitence publique. On signa pour les cinq patriarches avant que de signer pour le pape ; ce qui est fort extraordinaire : car puisque les légats eurent la première place, ils devaient signer les premiers. Mais en tout cela les questions qui partageaient l'Orient et l'Occident ne furent point agitées : on ne voulait que déposer Photius.

Quelque temps après, le vrai patriarche, Ignace, étant mort, Photius eut l'adresse de se faire rétablir par l'empereur Basile. Le pape Jean VIII. le reçut à sa communion, le reconnut, lui écrivit ; et malgré ce huitième concîle oecuménique, qui avait anathématisé ce patriarche, le pape envoya ses légats à un autre concîle à Constantinople, dans lequel Photius fut reconnu innocent par quatre cent évêques, dont trois cent l'avaient auparavant condamné. Les légats de ce même siège de Rome, qui l'avaient anathématisé, servirent eux-mêmes à casser le huitième concîle oecuménique.

Combien tout change chez les hommes ! combien ce qui était faux, devient vrai selon les temps ! les légats de Jean VIII. s'écrient en plein concîle : si quelqu'un ne reconnait pas Photius, que son partage soit avec Judas. Le concîle s'écrie ; longues années au patriarche Photius, et au patriarche Jean.

Enfin à la suite des actes du concile, on voit une lettre du pape à ce savant patriarche, dans laquelle il lui dit ; nous pensons comme vous ; nous tenons pour transgresseurs de la parole de Dieu, nous rangeons avec Judas ceux qui ont ajouté au symbole, que le S. Esprit procede du père et du fils ; mais nous croyons qu'il faut user de douceur avec eux, et les exhorter à renoncer à ce blasphème.

Il est donc clair que l'Eglise romaine et la grecque pensaient alors différemment de ce qu'on pense aujourd'hui. Il arriva depuis que Rome adopta la procession du père et du fils ; et il arriva même qu'en 1274 l'empereur des grecs Michel Paléologue, implorant contre les turcs une nouvelle croisade, envoya au second concîle de Lyon son patriarche et son chancelier, qui chantèrent avec le concîle en latin, qui ex patre filioque procedit. Mais l'Eglise grecque retourna encore à son opinion, et sembla la quitter encore dans la réunion passagère qui se fit avec Eugène IV. Que les hommes apprennent de-là à se tolerer les uns les autres. Voilà des variations et des disputes sur un point fondamental, qui n'ont ni excité de troubles, ni rempli les prisons, ni allumé les buchers.

On a blâmé les déférences du pape Jean VIII. pour le patriarche Photius ; on n'a pas assez songé que ce pontife avait alors besoin de l'empereur Basile. Un roi de Bulgarie, nommé Bogoris, gagné par l'habileté de sa femme, qui était chrétienne, s'était converti, à l'exemple de Clovis et du roi Egbert. Il s'agissait de savoir de quel patriarchat cette nouvelle province chrétienne dependrait. Constantinople et Rome se la disputaient. La décision dépendait de l'empereur Basile. Voilà en partie le sujet des complaisances qu'eut l'évêque de Rome pour celui de Constantinople.

Il ne faut pas oublier que dans ce concile, ainsi que dans le précédent, il y eut des cardinaux. On nommait ainsi des prêtres et des diacres qui servaient de conseils aux métropolitains. Il y en avait à Rome comme dans d'autres églises. Ils étaient déjà distingués ; mais ils signaient après les évêques et les abbés.

Le pape donna par ses lettres et par ses légats le titre de votre sainteté au patriarche Photius. Les autres patriarches sont aussi appelés papes dans ce concile. C'est un nom grec commun à tous les prêtres, et qui peu-à-peu est devenu le titre distinctif du métropolitain de Rome.

Il parait que Jean VIII. se conduisait avec prudence ; car ses successeurs s'étant brouillés avec l'empire grec, et ayant adopté le huitième concîle oecuménique de 869, et rejeté l'autre qui absolvait Photius, la paix établie par Jean VIII. fut alors rompue. Photius éclata contre l'Eglise romaine, la traita d'hérétique au sujet de cet article du filioque procedit, des œufs en carême, de l'Eucharistie faite avec du pain sans levain, et de plusieurs autres usages. Mais le grand point de la division était la primatie. Photius et ses successeurs voulaient être les premiers évêques du christianisme, et ne pouvaient souffrir que l'évêque de Rome, d'une ville qu'ils regardaient alors comme barbare, separée de l'empire par sa rébellion, et en proie à qui voudrait s'en emparer, jouït de la préséance sur l'évêque de la ville impériale.

Le patriarche de Constantinople avait alors dans son district toutes les églises de la Sicîle et de la Pouille ; et le saint siège en passant sous une domination étrangère, avait perdu à-la-fais dans ces provinces son patrimoine et ses droits de métropolitain. L'Eglise grecque méprisait l'Eglise romaine. Les sciences fleurissaient à Constantinople, mais à Rome tout tombait jusqu'à la langue latine ; et quoiqu'on fût plus instruit que dans tout le reste de l'Occident, ce peu de science se ressentait de ces temps malheureux.

Les Grecs se vengeaient bien de la supériorité que les Romains avaient eu sur eux depuis le temps de Lucrèce et de Cicéron jusqu'à Corneille Tacite. Ils ne parlaient des Romains qu'avec ironie. L'évêque Luitprand, envoyé depuis en ambassade à Constantinople par les Othons, rapporte que les Grecs n'appelaient S. Grégoire le grand, que Grégoire dialogue, parce qu'en effet ses dialogues sont d'un homme trop simple. Le temps a tout changé. Les papes sont devenus de grands souverains ; Rome, le centre de la politesse et des arts, l'Eglise latine savante, et le patriarche de Constantinople n'est plus qu'un esclave, évêque d'un peuple esclave.

Photius, qui eut dans sa vie plus de revers que de gloire, fut déposé par des intrigues de cour, et mourut malheureusement ; mais ses successeurs, attachés à ses prétentions, les soutinrent avec vigueur.

Le pape Jean VIII. mourut encore plus malheureusement. Les annales de Fulde disent qu'il fut assassiné à coups de marteau. Les temps suivants nous font voir aussi le siège pontifical souvent ensanglanté, et Rome un grand objet pour les nations, mais toujours à plaindre.

Le dogme ne troubla point encore l'Eglise d'Occident ; à peine a-t-on conservé la mémoire d'une petite dispute excitée en 814, par un nommé Jean Godescalc sur la prédestination et sur la grâce ; et je ne ferais nulle mention d'une folie épidémique, qui saisit le peuple de Dijon en 844 à l'occasion de S. Benigne, qui donnait, disait-on, des convulsions à ceux qui priaient sur son tombeau : je ne parlerais pas, disje, de cette superstition populaire, si elle ne s'était renouvellée de nos jours avec fureur dans des circonstances pareilles. Les mêmes folies semblent destinées à reparaitre de temps en temps sur la scène du monde, mais aussi le bon sens en est le même dans tous les temps ; et on n'a rien dit de si sage sur les miracles modernes opérés sur le tombeau de je ne sais quel diacre de Paris, que ce que dit, en 844, un évêque de Lyon sur ceux de Dijon. " Voilà un étrange saint qui estropie ceux qui ont recours à lui : il me semble que les miracles devraient être faits pour guérir les maladies, et non pour en donner. "

Ces minuties ne troublaient point la paix en Occident, et les querelles théologiques y étaient alors comptées pour rien, parce qu'on ne pensait qu'à s'agrandir. Elles avaient plus de poids en Orient, parce que les prélats n'y ayant jamais eu de puissance temporelle, cherchaient à se faire valoir par les guerres de plume. Il y a encore une autre source de la paix théologique en Occident ; c'est l'ignorance qui au-moins produisit ce bien parmi les maux infinis dont elle était cause.

Je reviens à Photius ; sa mort ne fit que suspendre le schisme, et ne l'éteignit pas : il fut renouvellé plusieurs fais, jusqu'à-ce que la couronne de Constantinople eut passé aux Latins : alors l'empereur Baudouin ayant fait élire un patriarche latin, réunit l'Eglise d'Orient avec celle d'Occident ; mais cette réunion n'eut que la durée de l'empire latin, et finit au bout de 55 ans, que l'empereur Paléologue ayant repris Constantinople en 1261, se sépara de nouveau de la communion de Rome. Ce renouvellement de schisme fut long, et ne fut terminé qu'en 1439 au concîle de Florence ; encore cette réunion, qui n'était fondée que sur le besoin que l'empereur grec avait du pape, fut-elle désavouée par tout l'empire, et n'eut gueres de lieu ; mais enfin, ce fut le dernier état de la religion chrétienne en Orient, qui en fut totalement bannie, lorsque Mahomet II. s'empara de Constantinople en 1453. Depuis ce temps-là la religion de Mahomet devint la religion de l'Asie : celle des chrétiens n'a plus été que tolerée, et ses patriarches ont tous été schismatiques. (D.J.)




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