PRÊT A, (Synonyme) on dit l'un et l'autre ; je suis prêt de faire ou à faire ce que vous voudrez. Lorsque prêt signifie sur le point, prêt de est ordinairement le meilleur ; les dieux étaient prêts de le vanger ; vous êtes prêts de jouir du bonheur, etc. Mais il convient de remarquer que prêt de mourir, signifie la défaillance extrême du corps, qui fait connaître qu'on est sur le point de mourir, au lieu que prêt à mourir, marque la disposition de l'âme. Il faut toujours mettre prêt à, quand le verbe actif qui suit a une signification passive, comme prêt à marier, prêts à manger, etc. c'est-à-dire prêt à être marié, prêt à être mangé. (D.J.)

PRET A INTERET, (Droit naturel, civil, et canon.) le prêt à intérêt, ou si vous l'aimez mieux, le prêt à usure, est tout contrat, par lequel un prêteur reçoit d'un emprunteur un intérêt pour l'usage d'un capital d'argent qu'il lui fournit, en permettant à l'emprunteur d'employer ce capital, comme il voudra, à condition de le lui rendre au bout d'un temps limité, ou de le garder, en continuant le payement de l'intérêt stipulé. Prouvons que cet intérêt est légitime, et qu'il n'est contraire ni à la religion, ni au droit naturel.

Le prêt d'argent à intérêt se fait, ou entre deux personnes riches, ou entre un riche et un pauvre, ou entre deux pauvres. Voilà toutes les combinaisons possibles sur ce sujet.

Un riche, quoique tel, se trouve avoir besoin d'argent en certaines circonstances, dans lesquelles il lui importe beaucoup d'en trouver : il en emprunte d'un autre riche ; or en vertu de quoi le dernier ne pourrait-il pas exiger quelqu'intérêt du premier, qui Ve profiter de l'usage de son argent ? Est-ce parce qu'il est riche ? Mais l'emprunteur, comme nous le supposons, l'est aussi ; donc en cette qualité, il ne peut refuser un surplus qu'on lui demande au-delà de la somme qu'on lui prête, et dont il a besoin.

A plus forte raison, la question du payement de l'intérêt serait-elle souverainement absurde et injuste, si le riche empruntait d'un pauvre quelque petite somme, car ; ici même, un motif de la charité devrait porter le riche à donner au pauvre un plus gros intérêt qu'il ne donnerait à un autre riche.

Quand un pauvre emprunte d'un riche, si ce pauvre n'emprunte que par grande nécessité, et qu'avec toute son industrie il ne soit pas en état de payer aucun intérêt, la charité veut sans doute alors que le riche se contente de la restitution du capital, et quelquefois même qu'il le remette en tout ou en partie : mais si le pauvre emprunte pour faire des profits avantageux, je ne sache aucune raison pourquoi le riche ne pourrait pas exiger légitimement une petite partie du profit que fera celui à qui il fournit le moyen de gagner beaucoup ? Il n'est pas rare de voir dans le commerce, des marchands peu aisés, devenir par le temps, et par leurs travaux, aussi riches, ou plus riches que ceux qui leur avaient prêté à intérêt le premier fond de leur trafic.

Enfin, si nous supposons qu'un pauvre prête de ses petites épargnes à un autre pauvre, leur indigence étant égale, le dernier peut-il exiger avec la moindre apparence de raison, que le premier, pour lui faire plaisir, s'incommode, ou perde le profit qu'il pourrait tirer de l'usage de son argent ?

C'en est assez pour justifier que le prêt à intérêt lorsqu'il n'est accompagné ni d'extorsion, ni de violation des lois de la charité, ni d'aucun autre abus, n'est pas moins innocent que tout autre contrat, et principalement celui de louage, dont on peut dire qu'il est une espèce, à considerer ce qu'il y a de principal dans l'un et dans l'autre. Cette idée n'empêche pourtant pas, qu'à cause des abus qu'en peuvent faire les gens avides de gain, ou par d'autres raisons politiques, un souverain n'ait droit de défendre de prêter absolument à intérêt, ou de ne le permettre que d'une certaine manière ; c'est ainsi que les lois en usent à l'égard de plusieurs autres choses légitimes en elles-mêmes.

Le législateur des Hébreux leur défendit de se prêter entre citoyen à intérêt, mais il ne défendit point ce contrat vis-à-vis des étrangers, et c'est une preuve qu'il ne le regardait pas comme mauvais de sa nature. Ainsi, tant que les lois politiques de Moïse ont subsisté, aucun homme de bien chez les Juifs ne pouvait prendre aucun intérêt de quelqu'un de sa nation, parce que dans chaque état, il est d'un homme de bien d'observer les lois civiles, qui défendent même des choses indifférentes, surtout quand ces lois sont établies par une autorité publique. Voilà tout ce qu'on peut inférer des passages d'Ezéchiel, c. XVIIIe 13. et c. xxij. 12. et des Psaumes XVe 15. 5. qu'on cite quelquefois contre le prêt à intérêt.

Pour les paroles de J. C. qu'on objecte encore ; prêtez sans en rien espérer, Luc VIe Ve 34. 35. elles ne regardent point du tout le prêt à intérêt, comme on le prouve par la raison que notre sauveur rend de son précepte ; savoir, que les pécheurs même prêtent aux pécheurs, dans la vue de recevoir la pareille. Or le prêt à intérêt ne consiste pas certainement à recevoir seulement la pareille, mais quelque chose de plus ; il est donc clair comme le jour, qu'il s'agit là d'un prêt simple, fait à ceux qui en ont besoin, sans aucun rapport à la manière et aux conditions du prêt. Notre Seigneur parle de ceux qui ne prêtent qu'à des gens qui savent être en état de leur prêter à leur tour, quand ils en auront besoin, ou de leur rendre quelqu'autre service ; car le mot de l'original, sans en rien espérer, ne se borne point au prêt, il comprend tout service auquel on peut s'attendre, en revanche de celui qu'on vient de rendre.

Jesus-Christ, qui recommande ici une bénéficence générale envers tous les hommes, amis ou ennemis, blâme dans cet exemple particulier toute vue d'intérêt qui porte à rendre service au prochain ; il veut qu'on fasse du bien à autrui, uniquement pour s'acquitter des devoirs de l'humanité, et sans aucun espoir de retour, parce qu'autrement, c'est une espèce de commerce, et non de bienfait ; si vous prêtez à ceux de qui vous esperez de recevoir, c'est-à-dire, la pareille, comme il parait par les paroles suivantes, qui répondent à celles-ci ; quel gré vous en saura-t-on, puisque les gens de mauvaise vie prêtent aux gens de mauvaise vie, pour en recevoir du retour ? En tout cela, Notre Seigneur applique la maxime qu'il vient de donner : ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux : le fameux casuiste Bannès, IIe 2. quaest. 78. art. 1. dubit. 1. avoue que l'explication différente qu'on a donnée aux paroles de J. C. ne tire sa force que de l'autorité des papes et des conciles, qui se sont abusés dans leur interprétation.

Il n'y a donc rien dans ce passage qui tende à condamner le prêt à intérêt, dont la nature ni n'empêche qu'il puisse être un service, et un service considérable, ni ne demande pas toujours, lorsqu'il est tel, qu'on exige rien au-delà de ce qu'on prête. Ce sont les circonstances et la situation respective des deux parties qui déterminent sur quel pied on peut prêter, sans manquer aux devoirs de la justice, ni à ceux de la charité : on peut donner gratuitement bien des choses à certaines personnes, ou les leur vendre sans injustice.

Les lois civiles et les lois ecclésiastiques ne font rien pour décider la question de la légitimité du prêt à usure. La soumission que doivent à ces lois ceux qui sont dans des lieux où ils en dépendent, ne rend pas le prêt à usure criminel partout ailleurs. Les papes eux-mêmes approuvent tous les jours des contrats visiblement usuraires, et auxquels il ne manque que le nom ; ils auraient grand tort de les permettre, si le prêt à intérêt était contraire aux lois divines, aux ecclésiastiques et à la loi naturelle.

Je ne vois pas même que dès les premiers siècles de l'église les lois civiles, aussi-bien que les lois ecclésiastiques aient défendu l'usure à toutes sortes de personnes, clercs ou laïques. Tous les empereurs chrétiens, avant et après Justinien, l'ont hautement permise, et n'ont fait qu'en régler la manière selon les temps. Basîle le macédonien fut le seul depuis Justinien, qui défendit absolument de prêter à intérêt, mais sa défense eut si peu de succès, que son fils et successeur Léon, surnommé le philosophe, fut obligé de remettre les choses sur l'ancien pied.

On objecte encore contre le prêt à intérêt, que la loi naturelle ordonne de ne pas faire aux autres ce qu'on ne voudrait pas qu'on nous fit ; donc elle défend l'usure. La maxime en elle-même est très-véritable, mais son application n'est pas juste. Les abus du prêt à usure, quels qu'ils soient, ne prouvent point que la chose qu'on ne voudrait pas que les autres fissent à notre égard soit mauvaise, à moins qu'on ne montre évidemment que l'abus est inséparable de la nature de cette chose. Si l'on infère que le prêt à intérêt est mauvais en lui-même, de ce que chacun serait bien aise d'emprunter de l'argent sans intérêt, il faudra poser pour règle générale, que chacun est obligé de procurer aux autres tout ce qui les accommodera, au préjudice de son propre avantage, et du droit qu'il a sur son propre bien, par cette seule raison, qu'il souhaiterait qu'on en usât ainsi envers lui. Or ce principe se détruirait lui-même ; car comme il devrait être pour les uns, aussi-bien que pour les autres, celui dont on souhaiterait d'emprunter de l'argent sans intérêt, dirait, avec raison, que si l'emprunteur était à sa place, il ne voudrait pas qu'on le privât de l'usage de son argent, et des risques qu'il court en le prêtant, sans être dédommagé par quelque petit profit, et qu'ainsi, selon sa propre maxime, il ne doit point exiger qu'on lui prête gratuitement. On ne veut pas que le contrat de louage soit contraire à la loi naturelle, mais par le raisonnement qu'on fait contre les autres contrats, il serait impossible que le contrat à louage fût légitime.

Un homme, par exemple, qui n'a point de maison, souhaiterait sans doute, de trouver quelqu'un qui lui en fournit une pour rien, autant que celui qui a besoin d'argent voudrait trouver à en emprunter sans intérêt. Et au fond, quelle différence y a-t-il entre le prêt à intérêt et le contrat de louage, si ce n'est que dans le dernier, on stipule une certaine somme pour l'usage d'une chose en espèce, qui doit être rendu de même, au lieu que dans l'autre, on stipule quelque chose pour l'usage d'une somme d'argent, que l'on permet au débiteur d'employer comme il voudra, à la charge de nous en rendre une pareille : s'il y avait quelqu'injustice dans la dernière convention, je trouve qu'il y en aurait encore plus dans la première, parce que celui qui exige un salaire pour l'usage de sa maison, par exemple, court beaucoup moins de risque de perdre son bien, pour faire plaisir au locataire, que celui qui prête de l'argent à intérêt ne court risque de perdre le sien, pour faire plaisir au débiteur.

Mais voici le vrai sens de la maxime de l'évangîle : J. C. veut que nous tâchions de faire envers les autres ce que la raison nous dit que nous pourrions nous-mêmes exiger des autres sans injustice. Cet excellent précepte est fondé sur ce que la plupart du temps nous voyons mieux ce qui est juste, lorsqu'il n'y a rien à perdre pour nous ; l'amour propre nous faisant juger différemment de ce qui nous regarde, que de ce qui regarde les autres, car personne ne trouve légères les injures qu'il a reçues.... Ainsi, pour bien juger, il faut se mettre à la place des autres, et tenir pour équitable par rapport à eux ce que nous croirions l'être par rapport à nous-mêmes.

Tel est le véritable usage de cette règle, que les Juifs, avant Notre Seigneur, et surtout les payens, ont donné. Ce précepte suppose toujours les lumières de la raison, qui, en faisant abstraction de notre intérêt particulier, nous découvrent ce que les hommes naturellement égaux peuvent exiger les uns des autres, selon l'équité naturelle, lorsqu'ils se trouvent dans les mêmes circonstances. Ainsi, il s'en faut bien que l'application dépende ici de tout ce que chacun peut souhaiter, comme y trouvant son avantage ; mais il resterait encore à prouver, que le bien de la société humaine demande qu'on prête toujours de l'argent sans intérêt.

Rien de plus aisé que de répondre à toutes les autres objections de ceux qui condamnent absolument le prêt à usure. Le prêt à usage, disent-ils, est gratuit, donc le prêt à usure doit l'être aussi. Mais je dis au contraire, que comme on peut accorder à autrui l'usage d'une chose ou gratuitement, ou moyennant une certaine rente, d'où il résulte ou un contrat de prêt à usage, ou un contrat de louage, rien n'empêche aussi qu'on ne prête de l'argent ou sans intérêt, ou à intérêt. Que si l'on s'opiniâtre à vouloir que tout prêt, proprement ainsi nommé, soit gratuit, il ne s'agira plus que de donner un autre nom au contrat dans lequel un créancier stipule quelqu'intérêt pour l'argent qu'il prête, mais il ne s'ensuivra point de-là que cette sorte de contrat ait par lui-même rien d'illicite.

C'est encore vainement qu'on objecte que la monnaie étant de sa nature une chose stérile, et qui ne sert de rien aux besoins de la vie, comme sont, par exemple, les habits, les bâtiments, les bêtes de somme ; on ne doit rien exiger pour l'usage d'un argent prêté : je réponds à cette objection, que quoiqu'une pièce de monnaie n'en produise pas par elle-même physiquement une autre semblable, néanmoins depuis que l'on a attaché à la monnaie un prix éminent, l'industrie humaine rend l'argent très-fécond, puisqu'il sert à acquérir bien des choses qui produisent ou des fruits naturels, ou des fruits civils ; et c'est au rang de ce dernier qu'il faut mettre les intérêts qu'un débiteur paye à son créancier.

On replique, qu'à la vérité le débiteur trouve moyen de faire valoir l'argent qu'il a reçu, mais que c'est son industrie qui le rend fertîle entre ses mains, d'où l'on conclut qu'il doit seul en profiter ; mais l'industrie n'est pas la seule cause du profit qui revient de l'argent. Comme l'argent sans industrie n'apporterait point de profit, l'industrie sans argent n'en produirait pas davantage. Il est donc juste d'imputer une partie de ce profit à l'argent, et une autre à l'industrie de celui qui le fait valoir : c'est ce que l'on voit dans quelques contrats de louage. Un champ ne rapporte rien s'il n'est cultivé. Des outils qu'on loue à un artisan ne feront rien, non-seulement s'il ne s'en sert, mais encore s'il ne sait l'art de s'en servir. Tout cela pourtant n'empêche pas qu'on ne puisse se faire payer et les fruits de ce champ, et l'usage de ces outils. Pourquoi donc ne serait-il pas permis d'en user de même à l'égard de l'argent, et d'autres choses semblables ?

Après avoir résolu toutes les objections, il s'agit de conclure ; mais pour ne rien obmettre, je dois encore observer qu'en fait d'usure, c'est-à-dire, d'intérêt légitime d'argent prêté, il ne faut jamais perdre de vue ce que demande la justice proprement dite, et ce que demande l'humanité ou la charité. Selon les régles de la justice, d'où dépend le droit que chacun a sur son propre bien, il est libre à chacun d'en accorder, ou d'en refuser l'usage à autrui, et de ne l'accorder qu'à telles conditions que bon lui semble. Enfin, lors même qu'il est obligé de l'accorder d'une certaine manière, par quelque motif d'humanité, il n'en demeure pas moins libre d'en gratifier l'un, et de refuser le même service à un autre. Les régles de la charité éclairée le dirigent dans ses préférences.

En un mot, de quelque côté qu'on considère le prêt à intérêt, l'on trouvera qu'il ne renferme rien qui repugne au christianisme, et au droit naturel. Je n'en veux pour preuve que ce raisonnement bien simple, par lequel je finis : celui qui prête de l'argent à un autre, ou y perd en ce que s'il ne l'avait pas prêté, il aurait pu en tirer du profit, ou il n'y perd rien. Dans le premier cas, pourquoi serait-il toujours obligé indispensablement à préferer l'avantage du débiteur au sien propre ? Dans l'autre cas, il n'est pas plus obligé par cette seule considération, de prêter gratuitement son bien, qu'un homme qui a deux maisons, dont l'une lui est inutile, n'est tenu d'y loger un ami, sans exiger de lui aucun loyer. (D.J.)

PRET A CONSOMPTION, (Droit naturel) en latin mutui datio ; contrat par lequel nous donnons à quelqu'un une chose susceptible de remplacement, à la charge de nous rendre dans un certain temps autant qu'il a reçu de la même espèce, et de pareille qualité. Mutui datio, dit le droit romain, in iis rebus consistit, quae pondere, numero, mensurâ constant : veluti vino, oleo, frumento, pecuniâ numeratâ, aere, argento, auro, quas res, aut numerando, aut metiendo, aut adpendendo, in hoc damus, ut accipientium fiant. Et quoniam nobis non eadem res, sed aliae ejusdem naturae, et qualitatis redduntur : inde etiam mutuum appelatum est, quia ita à me tibi datur, ut ex meo tuum fiat. Instit. lib. III. tit. 15.

Les choses que l'on prête à consomption, sont dites susceptibles de remplacement, parce que chacune tient lieu de toute autre semblable, en sorte que quiconque reçoit autant qu'il avait donné, de la même espèce, et de pareille qualité est censé recouvrer la même chose précisément ; tel est l'argent monnoyé prêté, l'or massif, et les autres métaux non-travaillés, le blé, le vin, le sel, l'huile, la laine, le pain.

Les choses qui entrent dans le prêt à consomption, se donnent au poids, au nombre et à la mesure qui servent à déterminer et spécifier ce qu'il faut rendre ; et c'est pour cela qu'on les désigne par le nom de quelque quantité, au lieu que les autres sont appelés des choses en espèce : on dit, par exemple, je vous prête mille écus, trois mille livres de fer, vingt boisseaux de blé, dix muids de vin, cent mesures d'huile.

Le caractère propre des choses susceptibles de remplacement, est qu'elles se consument par l'usage. Or, il y a deux sortes de consomption, l'une naturelle, et l'autre civile. La consomption naturelle a lieu ou en matière de choses qui périssent d'abord par l'usage, comme celles qui se mangent ou qui se boivent, ou en matière de choses, qui sont d'ailleurs sujettes à se gâter aisément, quand même on n'y toucherait pas, tels que sont les fruits des arbres, etc. car pour celles qui s'usent insensiblement à mesure qu'on s'en sert, mais qui ne périssent pas tout à fait comme les habits, la vaisselle de terre, etc. elles n'appartiennent point ici.

La consomption civîle a lieu dans les choses dont l'usage consiste en ce qu'on les aliene, quoiqu'en elles-mêmes, elles subsistent toujours. Tel est non seulement l'argent monnoyé, mais encore tout ce que l'on troque, comme aussi ce que l'on donne pour être employé à bâtir, ou pour entrer dans toute autre composition, ou dans tout autre ouvrage. Sur ce pié-là, il y a deux sortes de choses susceptibles de remplacement, les unes qui sont telles de leur nature, et invariablement ; les autres qui dépendent de la volonté arbitraire des hommes, et d'une destination variable. Les premières sont celles dont l'usage ordinaire consiste dans leur consomption ou naturelle, ou civile. Je dis l'usage ordinaire, car quoique l'on puisse quelquefois prêter, par exemple, une somme d'argent, simplement pour la forme, ou pour la parade, et une poutre pour appuyer un échafaudage, cependant, comme cela est rare, on n'y a aucun égard en matière de lais, qui roulent sur ce qui arrive ordinairement.

L'autre classe de choses susceptibles de remplacement, renferme celles qui, quoiqu'on puisse s'en servir et les prêter sans qu'elles se consument, sont souvent destinées à être vendues, ou à entrer dans le commerce, en sorte que, selon la destination de celui de qui on les emprunte, c'est tantôt un prêt à consomption, et tantôt un prêt à usage. Lors, par exemple, qu'un homme qui a une bibliothèque pour son usage me prête un livre qui lui est précieux, par des notes manuscrites, ou autres raisons particulières, il entend, que je lui rende le même exemplaire ; de sorte que, quand je voudrais lui en donner un autre aussi bien conditionné, il n'est pas obligé ordinairement de s'en contenter. Mais, si celui de qui j'ai emprunté un livre est marchand libraire, ou fait trafic de livres, il suffit que je lui rende un autre exemplaire aussi bien conditionné, parce que, comme il ne gardait ce livre que pour le vendre, il lui doit être indifférent, que je lui rende l'exemplaire même qu'il m'a donné, ou un autre semblable.

Il en est de même des marchandises, hormis de celles qui sont extrêmement rares, ou travaillées avec beaucoup d'art, comme certaines drogues peu communes, une montre, des instruments de musique, de mathématiques, une pompe pneumatique, ou autres machines à faire des expériences, etc. car il est bien difficîle d'en trouver qui soient précisément de même qualité et de même bonté, en sorte qu'elles puissent tenir lieu de telle ou telle que l'on a empruntée.

On prête toutes ces choses gratuitement, ou en stipulant du débiteur un certain profit, qui n'a lieu communément que pour l'argent monnoyé, à l'égard duquel le prêt non gratuit se nomme prêt à usage ou prêt à intérêt. Voyez PRET A INTERET, Droit naturel, civil et canon. (D.J.)

PRET A USAGE, (Droit naturel) en latin commodatum, contrat bienfaisant, par lequel on accorde à autrui gratuitement l'usage d'une chose qui nous appartient. Le droit romain définit ce contrat en ces mots : Commodatum propriè intelligitur, si nullâ mercede acceptâ, vel inconstitutâ, res tibi utenda data est.

Voici en général les règles de ce contrat.

1°. On doit garder et entretenir soigneusement la chose empruntée. De quelque manière qu'on ait entre les mains le bien d'autrui, on est obligé par le droit naturel et indépendamment des lois civiles à en prendre tout le soin dont on est capable, c'est-à-dire comme des choses qui nous appartiennent et que nous affectionnons. Lorsqu'on a porté jusques-là l'attention et la diligence, c'est tout ce que peuvent demander les intérêts, à-moins qu'on ne se soit clairement engagé à quelque chose de plus. Que si la conservation de notre propre bien se trouve en concurrence avec celle du bien d'autrui, en sorte qu'on ne puisse point vaquer en même-temps à l'un et à l'autre, il est naturel que le premier emporte la balance, chacun pouvant, toutes choses égales, penser à soi plutôt qu'aux autres, de sorte que cet ordre ne doit être renversé que pour satisfaire à un engagement exprès ou tacite.

Le but et la nature du prêt à usage considéré en lui-même ne demande rien de plus que de maintenir la chose prêtée avec tout le soin possible, quand même d'autres personnes plus propres ou plus avisées auraient pu la manier plus délicatement, et la mieux conserver ; mais, dans ce prêt, il se trouve ordinairement une convention tacite, par laquelle on s'engage non-seulement à dédommager le propriétaire au cas que la chose empruntée se trouve gâtée, mais encore à la payer, si elle vient à périr entre nos mains, même sans qu'il y ait de notre faute, pourvu qu'elle eut pu se conserver entre les mains de celui qui l'a prêtée. En effet, peu de gens voudraient prêter sans cette condition, surtout lorsqu'ils seraient incommodés d'une telle perte.

2°. Il ne faut pas se servir de la chose empruntée à d'autres usages, ni plus longtemps que le propriétaire ne l'a permis.

3°. Il faut la rendre en son entier, et telle qu'on l'a reçue, ou du-moins sans autre détérioration que celle qui est un effet inévitable de l'usage ordinaire.

4°. Si, après avoir emprunté une chose pour un certain temps, le propriétaire vient à en avoir besoin lui-même avant le terme convenu, par un accident auquel on n'avait point pensé dans le temps de l'accord, on doit la rendre sans différer à la première réquisition.

5°. Lorsque la chose prêtée vient à périr par quelque cas fortuit et imprévu sans qu'il y ait de la faute de l'emprunteur, celui-ci n'est pas obligé de la payer, dès qu'il y a lieu de croire qu'elle serait également périe entre les mains du propriétaire ; mais si elle eut pu se conserver, il est juste d'en restituer la valeur, autrement il en couterait trop cher à celui qui s'est privé soi-même de son bien pour faire plaisir à une personne.

Tout ce à quoi est tenu celui qui a prêté une chose, c'est de rembourser les dépenses utiles ou nécessaires que l'emprunteur peut avoir faites pour l'entretenir, au-delà de celles que demande absolument l'usage ordinaire.

Il faut lire ici les notes de M. Barbeyrac sur le droit de la nature et des gens de Puffendorf. (D.J.)

PRET GRATUIT, (Morale) c'est celui dont on ne retire ni intérêt, ni autre chose qui en puisse tenir lieu, et qui ne se fait que par pure générosité et pour faire plaisir à celui à qui on prête ; en un mot, c'est le prêt évangélique qui doit se faire gratuitement et sans en rien espérer.

PRET, (Histoire de la maison du roi) on appelle prêt chez le roi, l'essai que le gentilhomme servant qui est de jour pour le prêt, fait faire au chef de gobelet du pain, du sel, des serviettes, de la cuillere, de la fourchette, du couteau et des cure-dents qui doivent servir à Sa Majesté, ce qu'il fait avec un petit morceau de pain dont il touche toutes ces choses, et le donne ensuite à manger au chef du gobelet ; cela s'appelle le prêt. La table sur laquelle on fait cet essai se nomme la table du prêt, et est gardée par le gentilhomme servant. (D.J.)

PRET ou PAIE, (Art militaire) est le payement de solde que le roi fait faire d'avance de cinq jours en cinq jours à ses troupes. On dit toucher le prêt, recevoir le prêt, &c.