S. f. (Grammaire) enchainement, liaison, dépendance, qui détermine un ordre successif entre plusieurs choses. On dit les suites d'une affaire ; la suite de la débauche ; la suite d'un raisonnement ; la suite d'un prince ; c'est à la suite d'une affaire ; une suite d'événements fâcheux ; une suite de sottises ; la suite de l'histoire ecclésiastique ; une suite de médailles de poètes.

SUITE en Algèbre, est la même chose que serie. Voyez SERIE.

SUITE, (Jurisprudence) signifie la continuation ou la poursuite d'une chose.

Suivre le barreau, c'est le fréquenter, y assister.

Etre à la suite de la cour ou du conseil, c'est se tenir auprès et à ses ordres.

Faire suite d'une demande ou procédure, c'est continuer les poursuites commencées.

Suites de bêtes, dans la coutume de Berry et autres coutumes, c'est proprement une revendication que fait celui qui a donné du bétail à cheptel, lorsqu'il est vendu à son insu par le preneur.

Suite se prend quelquefois pour le croit du bétail. On dit croit et suite ; la coutume de Touraine, article 100, dit que ceux qui ont droit de faultrage et préage, avec faculté de mettre dans les prés dont ils jouissent des vaches et bêtes chevalines avec leur suite, n'y peuvent mettre que le croit et suite de l'année seulement, c'est-à-dire, les veaux et poulins de l'année.

Suite de dixme, ou dixme de suite. Voyez DIXME.

Suite par hypothèque, est lorsqu'en vertu de l'hypothèque on poursuit le détenteur d'un bien qui est hypothéqué à une créance. On dit communément que les meubles n'ont pas de suite par hypothèque, c'est-à-dire, que quand ils sont déplacés du lieu où on les avait donnés en nantissement, on ne les peut pas saisir entre les mains d'un tiers, si ce n'est en cas de banqueroute ou par droit de revendication. Voyez l'article 270 de la coutume de Paris.

Suite de personnes serves, c'est la revendication que peut faire le seigneur de ses hommes serfs, lorsque sans son consentement ils vont demeurer hors de sa seigneurie. Voyez les coutumes de Berry, Nivernais, Bourbonnais, Bourgogne, Comté.

Droit de suite du châtelet de Paris, est un droit particulier, en vertu duquel lorsqu'un commissaire du châtelet de Paris a apposé le scellé, il doit être par lui apposé par droit de suite dans tous les lieux où il peut se trouver des effets du défunt, et l'inventaire doit être fait de même par les notaires du châtelet, ou par ceux des lieux auxquels les officiers du châtelet délivrent des commissions à cet effet.

Ce droit de suite n'a été établi par aucune loi précise ; il parait tirer son origine de ce qu'anciennement le scel du châtelet était unique et universel pour tout le royaume ; on s'en servait même, au défaut du grand, pour sceller les actes de chancellerie.

Ce scel étant exécutoire dans toute l'étendue du royaume, il est naturel que les officiers du châtelet ayant commencé à instrumenter en vertu de ce sceau, continuent de le mettre à exécution dans tous les lieux où il y a occasion de le faire.

Ce droit de suite résulte d'ailleurs de l'indivisibilité de la matière, et l'on argumente pour cela du titre du code ubi de haereditate agatur, et des interprétations que les docteurs lui ont donné, tantôt en fixant la compétence du juge par le lieu où se trouvent les choses héréditaires ou la plus grande partie, par le lieu du domicîle du défunt, ce qui doit surtout avoir lieu en France, où les meubles suivent le domicîle du défunt pour la manière d'y succéder.

Quoi qu'il en soit des motifs qui ont pu faire introduire cet usage, il est certain qu'il a été autorisé par plusieurs règlements ; il l'est implicitement par un édit du mois de Décembre 1477, qui donne pour motif d'une nouvelle création de commissaires-examinateurs, que le roi avait recouvré par ses conquêtes plusieurs duchés, comtés, villes, châteaux, seigneuries et possessions, ce qui donnait, est-il dit, beaucoup plus d'étendue à la juridiction du châtelet, tant à cause des privilèges de l'université qu'autrement ; motif qui suppose que les commissaires peuvent apposer le scellé dans tout le royaume par droit de suite.

Ce même droit a été autorisé par divers arrêts.

On peut néanmoins voir ce que dit à ce sujet l'auteur du recueil des règlements sur les scellés et inventaires, liv. II. ch. ix. lequel prétend que ce droit de suite n'est point particulier aux offices du châtelet, qu'il ne résulte que de l'indivisibilité du scellé et de l'inventaire ; il prétend même que divers arrêts qu'il rapporte ont mis des bornes à ce privilège, mais il est certain que les officiers du châtelet ont pour eux la possession. Voyez le traité de la police par de la Mare, tom. I. liv. I. tit. 12. le style du châtelet.

Quelques autres officiers jouissent aussi du droit de suite pour les scellés, comme Messieurs de la chambre des comptes sur les biens des comptables, en quelque endroit du royaume que ces biens soient situés ; mais c'est moins en vertu d'un privilège attaché à leur sceau, qu'en conséquence de leur juridiction, qui s'étend par-tout sur les biens des personnes qui sont leurs justiciables. Voyez ATTRIBUTION, COMPETENCE, PRIVILEGE. (A)

SUITE, (Numismatique) les antiquaires appellent suite, l'arrangement qu'ils donnent à leurs médailles, de grand, moyen et petit bronze, comme nous l'avons expliqué au mot médaille. Voyez MEDAILLE.

Mais la méthode la plus ordinaire est de former les suites par le côté de la médaille qu'on nomme la tête, et c'est de cette distribution dont nous allons entretenir ici les curieux.

Il y a dans les médailles parfaites deux côtés à considerer, qui contribuent à leur beauté et à leur rareté ; le côté qu'on appelle la tête, et celui qu'on appelle le revers. Le côté de la tête détermine les suites, et fixe l'ordre et l'arrangement de chacune, soit qu'effectivement l'on y voie la tête d'un personnage, comme d'un dieu, d'un roi, d'un héros, d'un savant, d'un athlete, soit qu'il s'y rencontre autre chose qui tienne lieu de la tête, et qu'on ne laisse pas cependant de nommer ainsi, comme une figure, un nom, ou quelque monument public, dont l'inscription est mise de l'autre côté.

De ces différentes têtes dont nous parlons, se forment cinq ordres différents de médailles, dont on peut composer des suites fort curieuses. Dans le premier on met la suite des rais. Dans le second celle des villes, soit grecques, soit latines ; soit avant, soit après la fondation de l'empire romain. Dans le troisième se rangent les familles romaines, dont les médailles se nomment aussi consulaires. Dans le quatrième, les impériales, et toutes celles qui y ont rapport. Dans le cinquième, les déités, soit qu'elles se trouvent sur les médailles en simple buste, soit qu'elles y soient tout de leur haut, et revêtues de leurs qualités, et de leurs symboles. On y voit les héros et les hommes illustres dont on a conservé les médailles, comme Homère, Pythagore, et certains capitaines grecs et latins, etc.

Dans le premier ordre, qui est celui des rais, les suites peuvent être fort belles, et même très-nombreuses, si l'on veut mêler les métaux, car il nous reste beaucoup de médailles grecques de ce genre. M. Vaillant nous a donné les rois de Syrie, dont il a formé une histoire pleine de savantes remarques. Le titre de son livre est Seleucidarum imperium, sive historia regum Syriae ad fidem numismatum accommodata, P. 1701, in-4°. Il a ramassé dans cet ouvrage la suite complete des rois de Syrie depuis Séleucus I. dit Nicator, jusqu'à Antiochus XIII. du nom appelé Epiphanes, Philopator, Callinicus, et connu par la qualité d'asiatique, ou Comagène ; c'est-à-dire, que M. Vaillant a renfermé dans son histoire numismatique le règne de 27 rais, qui fait l'espace de plus de 250 ans ; puisque Séleucus commença de régner environ l'an 312 avant J. C. et que le dernier Antiochus finit environ l'an 75. On trouve dans cet ouvrage une suite de 120 médailles, gravées et expliquées avec beaucoup de netteté.

Le même auteur nous a donné les rois d'Egypte, dont il a fait un recueil très-curieux, intitulé historia Ptolemaeorum Aegypti regnum ad fidem numismatum accommodata. Amst. 1701, in-fol. Près de 20 ans après la mort de ce savant antiquaire, on a publié en deux volumes de sa main, et achevé avant sa mort, l'ouvrage qui regarde les médailles et l'histoire des rois Parthes, des rois du Pont, du Bosphore et de Bithynie. Le premier volume est intitulé, Arsacidarum imperium sive regnum Parthorum historia ad finem numismatum accommodata ; et le second : Achaemenidarum imperium, sive regnum Ponti, Bosphori et Bithyniae historia, ad fidem numismatum accommodata. Paris, 1725, in-4°. Il serait à souhaiter que quelqu'un nous donnât de même l'histoire des rois de Macédoine, de Thrace, de Cappadoce, de Paphlagonie, d'Arménie, de Numidie, par les médailles ; nous avons celle des rois de l'Osrhoesne, et de la Bactriane, par M. Bayer.

Il se voit des rois goths, dont les médailles ont passé jusqu'à nous, soit en bronze, soit en argent. Quelques-unes ne sont pas méprisables. Telles sont celles d'Athalaric, de Wiligez, de Baduela, et de Thela. On en trouve même d'or, mais d'un or très-pâle et très bas, où M. Patin dit qu'il n'y a que la quatrième partie de fin. On ne peut point former de suites de pareilles médailles.

Dans le deuxième ordre, qui est celui des villes, on trouve de quoi faire des suites considérables ; des seules villes grecques, l'on peut en ramasser plus de 250 ; j'entends à n'en prendre qu'une de chaque ville : car les différents revers conduiraient beaucoup plus loin.

Goltzius parait y avoir travaillé avec beaucoup d'application, parce qu'il regardait ces monuments non-seulement comme un embellissement, mais encore comme des preuves de son histoire. Il en a composé un gros ouvrage où il y a beaucoup à apprendre ; et où l'on trouve de quoi entendre les types différents de ces médailles, qu'il semble n'avoir pas voulu se donner la peine d'expliquer plus distinctement. Nous les avons depuis l'an 1618, gravées autrefois par Goltzius même, réparées et imprimées de nouveau par Jacques de Bie à Anvers, en plus de cent tables, et mises à la tête de deux tomes de l'histoire grecque de ce même Goltzius. Le premier contient la grande Grèce et la Sicile. Le second comprend la Grèce même, les îles de la Grèce, et une partie de l'Asie. Le plus grand chagrin des antiquaires, c'est qu'on a perdu la meilleure partie des médailles que Goltzius avait ramassées, et que de 30 provinces dans lesquelles il avait divisé toute la suite, il n'en est resté que les cinq moindres : la Colchide, la Cappadoce, la Galatie, le Pont, et la Bithynie.

M. de Boze possédait un volume entier manuscrit des médailles de Goltzius, toutes dessinées fort exactement. Il serait à souhaiter qu'on les fit graver, parce qu'il y en a quantité de fort rares ; le nombre Ve jusqu'à près de sept mille toutes impériales, depuis Jules César jusqu'à Justinien, outre celles que nous avons déjà du même auteur, gravées dans l'histoire qu'il nous a donnée des trois premiers Césars, Jules, Auguste et Tibere. Il est vrai qu'on n'est point d'accord sur la confiance qu'on doit donner à Goltzius. Chez plusieurs antiquaires, ce célèbre artiste passe pour avoir rapporté quantité de médailles qui n'ont jamais existé : de sorte que sa destinée est comme celle de Pline entre les naturalistes, que tout le monde admire, et que personne ne veut croire ; cependant l'on découvre tous les jours de ces médailles que l'on prétendait avoir été faites à plaisir par ce fameux antiquaire, comme l'on découvre tous les jours de ces merveilles de la nature, qu'on regardait comme d'agréables imaginations, que Pline avait rapportées, sur la foi de gens à qui il avait trop déféré.

Les médailles des colonies pourraient faire chez les curieux qui aimeraient la géographie ancienne, une suite différente de celle-ci, fort nombreuse, fort agréable, et fort aisée, avec le secours que nous avons maintenant pour la former, et pour la bien entendre. Je parle de ces villes où les Romains envoyaient des citoyens, soit pour décharger Rome d'un trop grand nombre d'habitants, soit pour récompenser les vieux soldats, en leur distribuant des terres et des établissements. On donnait aussi le nom de colonies à des villes que les Romains bâtissaient de nouveau ; et l'on accordait le même titre à d'autres villes, dont les habitants obtenaient le droit de citoyens romains, ou le droit du pays latin, qu'on appelait jus civitatis, ou jus latii. Ces villes conservaient le nom de colonie ou de municipe, soit qu'elles fussent dans la Grèce, soit qu'elles fussent ailleurs ; car les Grecs regardaient ce mot , comme un mot consacré, qu'ils avaient adopté par respect.

Le nombre des médailles de colonies deviendrait encore bien plus grand pour en former des suites, si l'on y joignait toutes les villes qui ont battu des médailles en leur nom, sans considérer si elles sont impériales ou non ; si elles sont grecques ou latines : mais pour perfectionner un cabinet en ce genre, il faudrait y placer comme tête, ce qui est revers dans les impériales, en sorte que la figure de l'empereur n'y serait considérée que par accident. Nous avons indiqué au mot médaille, les beaux ouvrages qui ont été publiés sur cette matière ; nous ajouterons seulement ici, que les têtes des médailles des villes, ne sont ordinairement que le génie de la ville même, ou de quelqu'autre déité qui y était honorée, comme il est aisé de le voir dans le recueil de Goltzius.

Les médailles consulaires font, dans le troisième ordre, une suite très-nombreuse, comme nous le dirons ci-après. Cette suite néanmoins, a peu de choses curieuses, pour les légendes et pour les types ; si ce n'est dans les médailles qui ont été frappées depuis la décadence de la république, et qui devraient commencer naturellement la suite des impériales. Avant ces temps-là, ces sortes de médailles, représentent simplement la tête de Rome casquée, ou celle de quelque déité, et le revers est ordinairement une victoire trainée dans un char, à deux ou à quatre chevaux.

Il est vrai que vers le septième siècle de Rome, les triumvirs monétaires se donnèrent la liberté de mettre sur les médailles, les têtes des hommes illustres qu'ils comptaient parmi leurs ancêtres, et de les y représenter, soit sous leur figure propre, soit sous celle de la divinité tutélaire de leur famille. Cet usage eut lieu jusqu'à la décadence de la république, que l'on commença à graver sur les médailles les têtes de Jules-César, des conjurés qui le tuèrent, des triumvirs qui envahirent la souveraine puissance, et de tous ceux qui eurent depuis part au gouvernement ; jusqu'à ces malheureux temps, il n'était permis à personne de graver sa tête sur la monnaie : ce privilège étant regardé comme une suite de la royauté, dont le nom même fut toujours odieux aux Romains.

Il faut remarquer ici que Jules-César fut le premier dont on ait mis, de son vivant, la tête sur la monnaie. On trouve ensuite des médailles d'or et d'argent avec la tête de M. Brutus, dont quelques-unes ont au revers une espèce de bonnet entre deux poignards ; mais il n'y a point apparence que ces médailles aient été frappées à Rome, où son parti n'était pas le plus fort ; elles le furent, selon Dion, lorsque Brutus passa en Asie pour y joindre Cassius, après s'être rendu maître de la Macédoine, et d'une partie de la Grèce. Au reste, jusqu'à présent on ne connait point de médaille de Brutus aussi singulière que celle qu'a fait graver le savant marquis Scipion Maffei, où l'on voit d'un côté la tête de Jules-César couronné de laurier, avec le bâton augural devant, et pour légende Julius-Caesar ; au revers, la tête de Brutus sans couronne, un poignard derrière, et ces mots : M. Brutus. Mais il faut avouer que cette médaille est suspecte par trop de raisons, pour ne pas croire que c'est une médaille de coin moderne.

Dans le Thesaurus Morellianus, on trouve deux cent six familles romaines, dont on a fait graver deux mille quatre cent quinze médailles, sans comprendre dans ce nombre ni les médailles qu'on n'a pu attribuer à aucune famille particulière, et qui vont à cent trente-cinq, ni les médailles consulaires qui ne se trouvent que dans les fastes de Goltzius.

Il s'agit maintenant d'indiquer l'arrangement qu'on donne aux familles consulaires. Leur suite peut se faire en deux façons ; l'une, selon la méthode d'Ursini ; l'autre, selon celle de Goltzius.

Ursini a suivi l'ordre alphabétique des noms différents des familles qui se lisent sur les médailles, mettant ensemble toutes celles qui paraissent appartenir à la même maison. Cette manière manque d'agrément, mais elle a la vérité, la réalité et la solidité.

Goltzius a fait la suite des familles par les fastes consulaires, rangeant sous chaque année les médailles des consuls. Cette deuxième manière est sans-doute belle et savante, mais par malheur elle n'a que de l'apparence ; et dans la vérité, l'exécution en est impossible. 1°. Parce que nous n'avons aucune médaille des premiers consuls, depuis l'an 244 jusqu'en l'an 485 : ce qui a obligé Goltzius de mettre à leur place seulement les noms de ces magistrats, selon qu'ils se trouvent dans les fastes. 2°. Depuis l'an 485 jusqu'à l'empire d'Auguste, les médailles que Goltzius rapporte n'ont point été frappées ni par les consuls, ni pour les consuls dont elles portent le nom, mais seulement par les Monétaires qui étant de la même famille, ont voulu conserver leur nom ou celui de leurs ancêtres. C'est ce qu'il est nécessaire d'observer, pour corriger l'erreur des jeunes curieux, qui s'imaginent que les médailles consulaires sont ainsi nommées, parce qu'elles ont été frappées pour les consuls qui entraient toutes les années en charge ; quoique dans le vrai, on ne leur ait donné ce nom que parce qu'elles ont été battues du temps que la république était gouvernée par les consuls.

Parlons à-présent des médailles impériales qui constituent notre quatrième ordre, et où l'on trouve toutes les têtes nécessaires, pour faire la suite complete des empereurs jusqu'à nos jours. On estime particulièrement les antiques, et parmi les antiques celles qui composent le haut-empire, que l'on renferme entre Jules-César et les trente tyrants. Il ne laisse pas d'y en avoir d'assez bien frappées et d'assez curieuses jusqu'à la famille de Constantin, où finit toute la belle curiosité. Occo, médecin allemand à Augsbourg, nous en a donné la première description dès l'année 1579. Son livre fut imprimé à Anvers, et le nombre des médailles qu'il ramassait s'étant toujours grossi, il en fit une seconde édition à Augsbourg en 1601, qui est la bonne. Le comte Mezza-Barba en a donné une troisième édition, augmentée de plusieurs milliers.

On fait un cinquième ordre de suites de médailles ; c'est celle des déïtés, parce que l'on commence à rechercher ces sortes de médailles avec soin, à cause du plaisir qu'il y a d'y voir les noms des divinités, les symboles, les temples, les autels et les pays où elles étaient honorées. On en peut former une belle suite de bronze par le moyen des villes grecques, où l'on en trouve une très-grande quantité ; mais la plus agréable est celle d'argent que fournissent les médailles des familles. Il y en a quantité dans le cabinet du roi, et l'on peut porter cette suite beaucoup plus loin que dans l'un et dans l'autre métal, si l'on veut emprunter les revers des impériales, où les déïtés sont représentées plus agréablement encore que sur les médailles des familles, tant parce qu'elles y ont tous leurs titres différents, que parce qu'elles y sont ordinairement représentées de toute leur grandeur ; de sorte que l'on y distingue l'habillement, les armes, les symboles, et les villes où elles ont été plus particulièrement honorées.

Le P. Jobert a imaginé une sixième suite qui serait composée de toutes les personnes illustres dont nous avons les médailles, comme des fondateurs des villes et des républiques. Bizas, Tomus, Nemausus, Taras, et c. Smyrna, Amastris, etc. des reines, Cléopatre, Zénobie, etc. des plus fameux législateurs, Lycurgue, Zaleucus, Pittacus ; des grands hommes, comme Pythagore, Archimède, Euclide, Hippocrate, Chrysippe, Homère, et semblables personnages, recommandables par leur science ou par leur sagesse ; très-assurément on verrait avec plaisir une suite pareille, si, comme le remarque M. de la Bastie, on avait lieu d'espérer de la porter à une certaine perfection.

Plusieurs antiquaires ont depuis longtemps essayé de nous donner des suites de têtes des hommes illustres de l'antiquité ; mais la plupart de ceux qui ont eu cette pensée, ont jugé qu'il était impossible d'en ramasser beaucoup, s'ils se contentaient de s'attacher aux têtes qui se trouvent sur les médailles ; c'est pourquoi ils y ont ajouté celles qui se sont conservées par le moyen des statues et des bustes, en marbre ou en bronze, et même des pierres gravées. Je ne connais pas de recueil en ce genre plus ancien que celui qui fut publié à Rome par Achille Stace, savant portugais, sous ce titre : Illustrium virorum, ut extant in urbe expressi vultus, 1569, fol.

Cette collection fut considérablement augmentée par les soins de Fulvio Ursini, et réimprimée à Rome sous ce titre : Imagines et elogia virorum illustrium, ex lapidibus et numismatibus, expressa cum annotationibus, ex bibliothecâ Fulvii Ursini, Rom. 1570, fol. Le cabinet d'Ursini ayant encore reçu de nouvelles augmentations, Théodore Gallaeus, dans un voyage qu'il fit à Rome, dessina de nouveau les têtes des hommes illustres qu'il y remarqua ; il y joignit les desseins de ce qu'il trouva dans les autres cabinets romains ; et de retour en France, il les grava, et les publia avec ce titre : Illustrium imagines ex antiquis marmoribus, numismatibus, et gemmis expressae, quae extant Romae, major pars apud Fulvium Ursinum. Theodorus Gallaeus delineabat Romae ex archetypis incidebat, Antverp. 1598, ex officinâ Plantin. in-4°. Il n'y avait dans ce livre que 151 images ; mais l'on y en ajouta 17 nouvelles, lorsqu'on imprima le commentaire de Jean Faber sur ces portraits : Joannis Fabri Bambergensis medici romani, in imagines illustrium ex Fulvii Ursini bibliothecâ Antverpiae à Theodoro Gallaeo expressas commentarius, Antverp. ex off. Plant. 1606, in-4°.

Enfin dans le siècle passé, il parut deux recueils encore plus amples de têtes d'hommes illustres ; l'un en italien, l'autre en latin. Le premier est intitulé : Iconografia, cioè disegni d'imagini di famosissimi monarchi, filosofi, poeti, ed oratori del antichità, cavati del Angelo Canini, dè frammenti de marmi antichi, è de gioé, medaglie d'argento, d'oro, è simili metalli, Romae 1669, fol. Le second a pour titre : Veterum illustrium philosophorum, poètarum, rhetorum imagines, ex vetustis nummis, gemmis, hermis, marmoribus, aliisque antiquis monumentis desumptae, à Joan. Petro Bellorio expositionibus illustratae, Rom. 1685, fol.

Quoique dans tous ces recueils il n'y ait pas plus de 200 têtes différentes, on a cependant été obligé d'y faire entrer également les médailles, les médaillons, les contorniates, les statues, les bustes et les pierres gravées. De plus, dans ces mêmes recueils, et principalement dans les trois premiers : il y a près de la moitié des têtes copiées d'après les médailles qui entrent plus naturellement dans d'autres suites, comme celles des rois d'Egypte, de Syrie, de Bithynie, du Pont, des familles romaines, et même des empereurs : il faut outre cela prendre garde que quelques-unes de ces têtes ayant été trouvées sans inscription, ont été nommées au hasard, et que les inscriptions de plusieurs autres sont très-certainement fausses et modernes.

Si l'on veut donc se renfermer dans les bornes que le P. Jobert prescrit ici à une suite de têtes de personnes illustres représentées sur les médailles, on ne peut se flatter de la rendre bien nombreuse. Il ne serait cependant pas bien inutîle d'essayer jusqu'où l'on pourrait la pousser ; mais il faudrait éviter de suivre l'exemple de M. Seguin, qui ayant destiné le second chapitre de son livre de médailles choisies à celles des hommes illustres, ne l'a presque rempli que des têtes de divinités et de rais. Haym en a fait aussi des articles dans son Tesoro Britanico, tome I. p. 124-149. et tome II. p. 57-76.

Au reste, la manière de ranger les cabinets dépend de l'inclination de chaque particulier, et du nombre de médailles qu'il possede. Mais comme il n'y a que les grands princes qui puissent avoir des cabinets complets, c'est-à-dire enrichis de toutes les différentes suites dont nous avons parlé, il faut que les autres hommes se bornent à quelques-unes, en évitant de mêler les métaux et les grandeurs. Quelque grande que soit la tentation, quand on ne veut point gâter son cabinet, il est bon d'avoir le courage d'y résister.

Après tout, les savants ont aujourd'hui la facilité d'étudier les plus nombreuses suites dans les catalogues détaillés de médailles qui sont entre les mains de tout le monde. Ces ouvrages, en rendant publiques d'immenses collections, multiplient en quelque sorte les cabinets, les exposent à plus de regards, et mettent les Antiquaires en état de comparer ensemble un plus grand nombre de ces monuments, et de les éclaircir l'un par l'autre. La lecture de tous les catalogues est non-seulement utîle par les objets qu'elle offre à la curiosité, mais elle a encore l'avantage d'indiquer ce qui manque aux plus riches cabinets. Enfin elle nous procure quelquefois la connaissance des médailles rares, que leurs possesseurs se déterminent à publier, soit par vanité, soit par un sentiment plus noble. C'est par ce dernier motif que se conduisit M. de Valais en publiant en 1746 les médailles curieuses de la suite qu'il avait formée, et qu'il accompagna de remarques historiques. Toutes ces choses concourent à éteindre la connaissance de l'art numismatique. (D.J.)