v. act. (Grammaire) c'est ficher un clou. On encloue un canon, un cheval s'encloue. Voyez les articles suivants.

ENCLOUER UNE PIECE D'ARTILLERIE, (Art militaire) c'est en boucher la lumière avec un clou carré d'acier, qu'on y fait entrer à grands coups de marteau, de manière qu'il la remplisse exactement. Lorsque le clou ne peut plus s'enfoncer, on donne un coup de marteau sur son côté, afin de casser sa partie supérieure, et qu'il ne reste aucune prise hors de la lumière, pour l'en tirer ou arracher.

On trempe dans du suif les clous dont on se sert pour cette opération, afin qu'ils se rompent plus aisément après avoir été enfoncés dans les lumières des pièces. Quand on en a le temps, on introduit le refouloir dans la pièce, pour plier ou river la pointe du clou en-dedans, ce qui augmente la difficulté de le tirer. La lumière étant ainsi bouchée, le canon est hors de service jusqu'à ce qu'on ait trouvé le moyen de faire sauter le clou, ou qu'on lui ait repercé une nouvelle lumière.

On peut encore empêcher le service du canon, en faisant entrer à force dans la pièce, lorsqu'elle n'est pas chargée, un boulet d'un plus grand calibre que celui qui lui convient. Pour cela on augmente le calibre de son boulet, en le mettant dans un chapeau, ou dans quelqu'autre chose qui donne le moyen de faire tenir fortement le boulet dans la pièce.

Il y a plusieurs expédiens pour remédier à l'enclouage des pièces, mais on n'en a point encore trouvé pour remédier à cette dernière pratique ; c'est pourquoi elle est plus avantageuse que l'enclouage ordinaire, mais elle a le défaut d'être d'une exécution moins prompte et moins facile.

On encloue les pièces, lorsque dans un siege ou dans une bataille on s'est emparé du canon de l'ennemi, et que l'on manque de temps ou de chevaux pour l'emmener. On en use de même pour le rendre inutîle à l'ennemi, lorsque dans certaines circonstances on se trouve forcé de le lui abandonner. On peut encore l'empêcher de s'en servir, au moins pendant quelque temps, en brisant les affuts.

On rapportera ici une méthode singulière qu'on trouve dans l'Art de la guerre, par M. Vautier officier d'Artillerie, pour rendre dans un siège les pièces hors de service et les faire crever : l'effet en parait infaillible, mais l'execution souffre de grandes difficultés. Quoi qu'il en sait, voici en quoi consiste ce moyen.

" On prend un coin de fer, qu'on fait jeter pendant une nuit obscure dans l'âme d'une pièce. Le bout de ce coin, qui doit être très-mince et en talud, est poussé dans la pièce ; dès qu'on la tire, le boulet serré par le coin, s'éleve, et fait à la pièce un effort si prodigieux, qu'elle crève infailliblement. Les canonniers chargés de cette périlleuse expédition, prennent soin d'envelopper chaque coin dans un sac de toîle bien juste, afin qu'il ne fasse point de bruit en le plaçant avec une perche dans l'âme de la pièce. Pendant ce temps la mousqueterie de la place redouble son feu sans charger à balle, et elle dérobe quelquefois à l'ennemi, par cet artifice, la connaissance de cette entreprise, qui peut réussir quand elle est exécutée par des canonniers habiles, et assez déterminés pour arriver aux embrasures de batterie des assiégeants ".

Il est évident que cette très-périlleuse expédition ne peut se tenter que quand les batteries de l'ennemi sont proches de la place ; et pour que le coin fasse son effet, il faut qu'il soit introduit dans la pièce quand elle est déchargée : c'est pourquoi le canonnier doit profiter du moment que l'assiégeant remet la pièce dans l'embrasure, ce qu'il fait après l'avoir chargée.

La méthode de rendre le canon hors de service en l'enclouant, est fort ancienne. Le chevalier Deville prétend que le premier qui trouva cet expédient, fut un certain Vimercatus de Breme, qui encloua le canon de Sigismond Malatesta ; mais Juvenal des Ursins fait mention d'un canon encloué au siege de Compiègne par Charles VI. en 1415, c'est-à-dire environ un an avant la naissance de Malatesta. Les assiégés ayant fait une sortie sur le camp du roi, " passèrent outre, dit cet auteur, jusqu'au lieu où l'on avait assis les canons, et au plus gros, nommé bourgeoise ; mirent au trou par où on boutait le feu, un clou, tellement que devant ladite ville oncques ne put jeter, etc. "

Il y a deux manières de remédier à l'enclouage du canon. La première consiste à mettre une charge de poudre dans la pièce, et à la bien comprimer avec un tampon de bois. On y met le feu par une meche imbibée d'une composition d'artifice qui passe dans le tampon, dont un des bouts communique avec la charge de poudre, et l'autre sort de la pièce. Il arrive quelquefois, surtout lorsque le clou n'est pas rivé, que la poudre en s'enflammant fait assez d'effort sur le clou pour le faire sauter de la lumière.

Une simple charge de poudre sans tampon peut aussi produire le même effet ; on en trouve un exemple dans les mémoires de M. de Puysegur, qui fait voir que cette pratique n'est pas nouvelle : c'est au siège d'Hesdin en 1639. Les ennemis ayant dans une sortie encloué une batterie de quatre pièces de canon, M. de la Meilleraye, alors grand-maître de l'artillerie, en fit ôter les boulets, et il fit mettre le feu à ces pièces par leur embouchure, et la poudre en s'enflammant fit sauter les clous des lumières.

Lorsque cet expédient ne réussit pas, il faut nécessairement percer une nouvelle lumière aux pièces : c'est le second moyen de remédier à l'enclouage, et celui dont le succès est plus certain. Il y a longtemps qu'on a trouvé l'expédient de remédier à l'enclouage du canon, sans le refondre. Juvenal des Ursins qui nous apprend, comme nous venons de le dire, qu'il y eut un canon encloué au siège de Compiègne sous Charles VI. nous apprend aussi qu'on trouva le moyen de le desenclouer, en marquant " qu'on y avait mis tel remède, qu'on en ouvrait et travaillait très-bien ".

Louis Collado ingénieur du roi d'Espagne dans le Milanais, qui a écrit sur l'Artillerie longtemps avant Diégo Ufana, parle aussi de la manière de remettre un canon encloué en état de servir, en lui perçant une nouvelle lumière. Lorsqu'une pièce se trouve enclouée, on peut, sans lui mettre un grain, lui percer une nouvelle lumière ; opération d'environ deux ou trois heures. Mais comme la poudre pourrait à la fin faire sauter le clou de la première lumière, et qu'alors il lui faudrait nécessairement un grain, il est plus convenable de le mettre d'abord, pour s'assurer du service de la pièce, et pour n'être point obligé de lui percer deux lumières au lieu d'une. Voyez GRAIN, mém. d'Artillerie de S. Remy, troisième édition. (Q)

ENCLOUER UN CHEVAL, (Manège et Maréchalerie) accident qui arrive conséquemment à la négligence et à l'ignorance du maréchal. Voyez ENCLOUEURE, FERRURE, FERRER. (e)