S. f. (Jurisprudence) ce terme qui vient d'enchérir, ne devrait, selon la signification propre, s'entendre que de l'offre qui est faite au-dessus du prix qu'un autre a offert : néanmoins dans l'usage, on comprend sous le terme d'enchère, toute mise à prix, même celle qui est faite la première pour quelque meuble ou immeuble, ou pour un bail ou autre exploitation.

Dans quelques pays, les enchères sont appelées mises à prix ; et en d'autres, surdites.

Les enchères sont reçues dans toutes les ventes de meubles qui se font à l'encan, soit à l'amiable, ou forcées. Dans ces sortes de ventes, c'est l'huissier qui fait la première enchère, ou mise à prix.

On reçoit aussi les enchères pour les ventes des coupes des bois, pour les baux des fermes, baux judiciaires, adjudications d'ouvrages, ou autres entreprises.

A l'égard des immeubles qui se vendent par decret volontaire ou forcé, ou par licitation en justice, c'est le poursuivant qui met au greffe la première enchère, qu'on appelle enchère de quarantaine. Ceux qui se présentent pour acquérir, ont chacun la liberté de mettre leur enchère jusqu'à ce que l'adjudication soit faite.

L'enchère est un contrat que l'enchérisseur passe avec la justice, et par lequel il s'oblige de prendre la chose pour le prix par lui offert, au cas qu'il ne se trouve point d'enchère plus forte. Ce contrat oblige dès le moment même de l'enchère ; et on ne peut la retracter, quand même l'enchérisseur prouverait une lésion d'outre moitié : mais dès que l'enchère est couverte par une autre plus forte, le précédent enchérisseur est déchargé de son engagement, lequel contient toujours tacitement cette condition.

Lorsqu'il y a appel de l'adjudication, le dernier enchérisseur peut demander d'être déchargé de son enchère, n'étant pas obligé d'attendre l'évenement de l'adjudication, et de garder en attendant son argent aisif.

Dans les adjudications de bois ou de fermes du roi, on reçoit encore des enchères après l'adjudication ; mais il faut que ce soit par tiercement et par doublement. Voyez DOUBLEMENT et TIERCEMENT.

Les enchérisseurs en faisant leur enchère, doivent nommer leur procureur et élire chez lui domicile, autrement l'enchère ne serait pas reçue.

Dans les ventes d'immeubles qui se font par autorité de justice, l'usage est que les enchères se font par des procureurs fondés de procuration spéciale de leurs parties.

Les procureurs ne peuvent enchérir au-dessus de la somme portée par la procuration ; s'ils vont au-delà, ils sont responsables de leur enchère.

Mais quoique le constituant ne se trouve pas en état de payer, le procureur n'est pas responsable de l'enchère, à moins que l'insolvabilité du constituant ne fût notoire et apparente. Il y a un arrêt conforme du 24 Janvier 1687, rapporté dans le recueil des procureurs, pag. 218.

Tout enchérisseur doit, à peine de nullité, faire signifier son enchère au dernier enchérisseur, c'est-à-dire à celui qui a enchéri immédiatement avant lui. Mais la dernière enchère qui se fait dans la dernière remise, n'a pas besoin d'être signifiée.

Toutes personnes capables d'acquérir sont reçues à enchérir, à l'exception de ceux qui, par des considérations particulières, ne peuvent acquérir les biens ou droits dont on fait l'adjudication ; tels que les juges devant lesquels se fait l'adjudication, les conseillers du même siège, les avocats et procureurs du roi, les greffiers-commis : ce qui a été sagement établi, pour empêcher que ces personnes n'abusent de leur ministère pour écarter les autres enchérisseurs, et se rendre adjudicataires à vil prix. Voyez tr. de la vente des immeubles par decret, de M. d'Héricourt.

Enchère couverte, est celle au-dessus de laquelle un autre enchérisseur a fait sa mise.

Dernière enchère, signifie quelquefois l'enchère qui est actuellement la dernière dans l'ordre, mais qui peut être couverte d'un moment à l'autre, ou dans une remise suivante, par un autre enchérisseur, au moyen de quoi elle cesserait d'être la dernière. Souvent aussi on entend par dernière enchère, celle sur laquelle l'adjudication définitive a été faite.

Enchère à l'extinction de la chandelle. Voyez CHANDELLE ETEINTE.

Folle enchère, est celle qui est faite par un enchérisseur insolvable, ou par un procureur qui ne connait pas sa partie, ou qui n'a pas d'elle de pouvoir en bonne forme, ou qui excède ce pouvoir, ou enfin qui se charge d'enchérir pour un homme notoirement insolvable.

Faute par l'adjudicataire de consigner le prix de son adjudication dans le temps prescrit, on fait ordonner qu'il sera procédé à une nouvelle adjudication à sa folle enchère, &, comme on dit quelquefois pour abreger, on poursuit la folle enchère, en quoi l'on confond la cause avec l'effet.

S'il ne se présente personne qui porte la chose à si haut prix que celui pour lequel elle avait été adjugée ; en ce cas celui sur lequel se poursuit la folle enchère, est tenu de fournir ce qui manque pour faire le prix de son adjudication, avec tous les frais faits pour parvenir à une nouvelle adjudication ; c'est ce que l'on appelle payer la folle enchère : et celui qui la doit peut être contraint à payer par saisie et vente de ses biens, meubles et immeubles, et même quelquefois par corps, selon les circonstances.

On peut aussi conclure contre lui aux intérêts du prix, du jour de l'adjudication.

Si le prix de la nouvelle adjudication monte plus haut que celui de la précèdente, cet excédent doit être employé, comme le reste du prix, à payer les créanciers.

La folle enchère n'a point lieu contre ceux qui ne peuvent aliéner, lesquels par conséquent sont non-recevables à enchérir.

Dans le cas de folle enchère, on ne peut pas forcer le précédent enchérisseur de tenir son enchère. Il ne peut pas non plus obliger le poursuivant, ni la partie saisie, de lui céder le bien sur le pied de la dernière ; mais s'il veut bien tenir cette dernière enchère, et que le poursuivant et la partie saisie y consentent, on ne poursuit point la folle enchère.

Il n'est point dû de droits seigneuriaux pour la première adjudication d'un héritage qui est résolue à cause de la folle enchère, à moins que le premier adjudicataire ne les eut payés, auquel cas il ne pourrait les répéter ; mais il est dû des droits pour la dernière adjudication, ainsi que l'établit Henrys, tome II. liv. III. quaest. 3. (A)

Enchère par licitation, est un acte que le procureur de celui qui poursuit une licitation, fait afficher, publier, et mettre au greffe, pour annoncer qu'un tel héritage sera vendu par licitation ; qu'il l'a mis à tel prix, et autres charges, clauses, et conditions : on y détaille aussi la consistance des biens ; faute d'enchérisseurs, on remet à quinzaine, jour auquel on reçoit les enchères ; et on adjuge par licitation après trois remises différentes. (A)

Enchère au profit commun, est une enchère ordinaire à laquelle on donne ce nom dans la province de Normandie ; parce que la totalité de ces sortes d'enchères tourne au profit de tous les créanciers, à la différence de l'enchère au profit particulier, qui Ve être expliquée dans l'article suivant.

Enchère au profit particulier, est une enchère d'une espèce singulière, qui n'est usitée qu'en Normandie. C'est une grâce que l'on accorde dans les adjudications par decret, aux derniers créanciers et tiers acquéreurs, qui prévoyent qu'ils ne seront point mis en ordre utile, si on se tient à la dernière enchère faite à l'ordinaire, et qu'on appelle dans ce pays enchère au profit commun, à cause qu'elle tourne au profit de tous les créanciers : dans ce cas, tout créancier privilégié ou hypothécaire dont la créance est antérieure à la saisie réelle, peut enchérir à son profit particulier à telle somme que bon lui semble ; ce qui s'entend toujours à condition que le quart de ce dont il a augmenté sa dernière enchère, tournera au profit commun des autres créanciers, et que les trois autres quarts seront par lui imputés sur ce qui lui est dû.

Pour pouvoir enchérir à son profit particulier, il faut 1°. être créancier privilégié ou hypothécaire sur les biens saisis avant la saisie réelle ; 2°. que la dette soit légitime et fondée en un titre paré et exécutoire ; 3°. que l'enchère au profit particulier soit faite avant l'adjudication finale ; 4°. qu'elle soit mise au greffe du siège où se fait le decret, quinze jours avant l'adjudication ; 5°. qu'elle soit lue publiquement aux plaids, c'est-à-dire l'audience tenant.

Aux plaids suivants où on la relit encore, s'il ne se présente personne qui veuille porter au profit commun le prix du bien decreté jusqu'à la somme à laquelle le créancier ou tiers acquéreur l'a porté à son profit particulier, et qu'il n'y ait point d'autre créancier antérieur à la saisie réelle qui veuille surenchérir à son profit particulier ; en ce cas on adjuge le bien purement et simplement, sans que personne soit admis par la suite à enchérir, soit au profit commun, ou à son profit particulier.

Lorsque le decret se poursuit sur un tiers détenteur qui n'est pas débiteur personnel, il n'y a que les créanciers antérieurs à son acquisition qui soient admis à enchérir au profit particulier.

Si le bien vendu par decret consiste en plusieurs pièces, le créancier qui enchérit à son profit particulier, peut déclarer sur quelle pièce il veut appliquer son enchère au profit particulier ; mais si la répartition n'en a point été faite à l'audience, en ce cas elle se fait de plein droit au sou la livre du prix de l'adjudication, et cela suffit afin de prévenir les fraudes, notamment celle qui pourrait se faire contre le retrait féodal ou lignager, parce que si on différait plus longtemps à faire l'application de l'enchère au profit particulier, on ne manquerait pas de l'appliquer toute entière sur l'héritage pour lequel on craindrait quelque retrait.

Le receveur des consignations est tenu de prendre pour argent comptant, les titres valables de créance de celui qui a enchéri à son profit particulier, et ce jusqu'à concurrence de la somme dont il a augmenté la dernière enchère.

Si celui qui a ainsi enchéri se croyant créancier ne l'est point effectivement, il doit payer le prix entier de son adjudication au profit commun. Voyez les articles 549, 577, et 582 de la coutume de Normandie, ce que les commentateurs ont dit sur ces articles, et le tr. de la vente des immeubles par decret, de M. d'Héricourt, ch. Xe n. 17. et suiv. (A)

Enchère de quarantaine, est un acte que le procureur du poursuivant met au greffe après le congé d'adjuger : pour annoncer que l'on procédera à la vente et adjudication des biens saisis réellement sur un tel, on énonce la consistance des biens auxquels le poursuivant met un prix, et il détaille les autres charges, clauses, et conditions de l'adjudication. Cette enchère est surnommée de quarantaine, parce que l'on y déclare qu'il sera procédé à l'adjudication quarante jours après que l'enchère est mise au greffe.

Elle ne se fait qu'après le congé d'adjuger, et après que les oppositions à fin d'annuller, de charge et de distraire ont été jugées ; attendu que si l'opposition à fin d'annuller avait lieu, il n'y aurait plus de decret à faire, et que l'enchère doit faire mention des héritages qui seront distraits de l'adjudication et des charges dont l'adjudicataire sera tenu.

Cette enchère étant reçue au greffe, doit être lue et publiée à l'audience, tant de la juridiction où se poursuit le decret, que de celles où les biens sont situés. La quarantaine ne commence que du jour de la dernière publication.

On affiche cette enchère aux portes des juridictions où elle se publie, aux églises paroissiales de ces juridictions, des parties saisies, aux portes des villes par où l'on sort pour aller aux biens saisis, et dans les autres endroits où l'on a coutume de les afficher, suivant l'usage de chaque lieu.

L'enchère doit être signifiée au procureur de la partie saisie, et aux procureurs des opposans.

Apres la quarantaine on procede sur cette enchère à l'adjudication, qui ne se fait que sauf quinzaine ; et ensuite après plusieurs remises, on adjuge définitivement. Voyez ADJUDICATION, CRIEES, DECRET, REMISES. (A)

Enchère au rabais, est celle qui se fait dans les adjudications au rabais ; c'est-à-dire que l'un ayant offert de faire une chose pour un certain prix, un autre enchérisseur offre de la faire pour un moindre prix. Voyez RABAIS.

Renchère se dit en Normandie et dans quelques autres lieux, pour seconde ou autre enchère. (A)

Sur-enchère est aussi la même chose que renchère ; c'est la mise qu'un second, troisième, ou autre enchérisseur fait par-dessus les autres. Voyez ADJUDICATION, DECRET, SAISIE REELLE, LICITATION. (A)