S. f. (Histoire naturelle) la science qui traite des poissons, ces animaux aquatiques qui ont des nageoires, et qui n'ont point de pieds.

L'affaire de l'Ichtyologie est premièrement de distinguer toutes les parties des poissons, par leurs noms propres ; secondement, d'appliquer à chaque poisson ses noms génériques et spécifiques, c'est-à-dire ceux qui constituent son genre et ses espèces ; troisiemement d'exposer quelques-unes des qualités particulières de l'animal.

Le naturaliste qui s'applique à cette étude, doit d'abord connaître les parties externes et internes du poisson, pour rapporter à sa propre famille tout poisson étranger ou inconnu qui s'offre à ses yeux ; de sorte qu'au moyen de ses marques caractéristiques, il puisse découvrir son espèce et l'assigner au genre de la famille à laquelle il appartient. Ensuite, par des observations subséquentes, il tâchera de savoir le lieu de l'habitation du poisson dont il s'agit, si c'est l'eau douce, salée, courante ou dormante ; item sa nourriture végétable ou animale, et de quelle sorte ; son temps, sa manière de multiplier et de faire des petits. Ces dernières particularités veulent être jointes très-briévement à la description des parties du poisson ; car les discours étendus à cet égard sont plutôt une charge qu'une instruction judicieuse. La vraie méthode des genres et des espèces, est la principale fin de l'Histoire naturelle.

On divise communément les poissons en trois classes, les cétacés, les cartilagineux et les épineux. Les cétacés sont ceux dont la queue est parallèle à l'horizon, quand le poisson est dans sa posture naturelle : les cartilagineux sont ceux dont les nageoires qui servent à nager sont soutenues par des cartilages à la place des rayons osseux qui soutiennent les nageoires dans les autres poissons, qui ont par tout le corps des cartilages au lieu d'os. Tels sont les caractères des deux premières classes de poissons. Tous les poissons qui ont leurs nageoires soutenues par des rayons osseux, qui ont leur queue placée perpendiculairement et non horizontalement, et qui ont des os et non des cartilages, se nomment poissons épineux.

Les poissons cétacés sont rangés par les derniers écrivains de l'Histoire naturelle, sous le nom latin de plagiuri. Ils s'accordent en plusieurs choses avec les animaux terrestres ; et on les distingue les uns des autres par les caractères qui servent à la distinction des quadrupedes, particulièrement par les dents. La structure générale de ces poissons, c'est la même dans tous ; leur seule différence consiste dans les dents et le nombre des nageoires. C'est donc des dents et des nageoires seules qu'on tire proprement les caractères génériques des plagiuri, ou poissons cétacés.

Les poissons cartilagineux diffèrent seulement les uns des autres, par la forme de leur corps, et le nombre de trous de leur ouie, le nombre de leurs nageoires, la figure et la position de leurs dents, qui dans les cétacés constituent les caractères génériques, varient si fort dans les cartilagineux, que cela s'étend jusques sur les diverses espèces du même genre : ainsi les distinctions des genres des poissons cartilagineux, ne peuvent être tirés que de leurs figures et du nombre des trous de leurs ouies.

Les caractères des deux classes des poissons qu'on nomme cétacés et cartilagineux, sont aisés à trouver ; mais les caractères des épineux demandent plus de soins, et ne s'offrent pas promptement aux yeux. L'étendue de cette classe et la grande ressemblance qui se trouve entre plusieurs genres différents, ne facilitent pas l'entreprise qui consiste à les distinguer les uns des autres. Quoique ce soit une règle générale, que les caractères génériques des poissons doivent être pris de leurs parties extérieures ; cependant dans les cas où ces parties extérieures diffèrent elles-mêmes en nombre, en figure et en proportion, il est nécessaire que les caractères primitifs du genre soient tirés des parties qui sont les moins variables de toutes, les plus particulières au genre de poisson dont il s'agit, en même temps qu'elles sont les moins communes aux autres genres. Il faut beaucoup d'attention et de capacité à l'ichtyologiste pour discerner solidement ces caractères ; et après un mûr examen, il trouve que les parties qui lui semblaient d'abord les plus propres à les établir, sont quelquefois celles qui y conviennent le moins en réalité.

La forme des nageoires et de la queue du poisson peut paraitre un des caractères essentiels pour fonder la distinction générique ; néanmoins une recherche approfondie, démontre que ces deux choses ne sont ici d'aucun service. Presque toutes les espèces de cyprini, genre fondé sur des caractères naturels et invariables, ont les nageoires pointues à l'extrémité, et offrent des queues fourchues. Si on eut fait de ces deux choses les caractères de ce genre de poisson, on en eut exclus la tenche et autres qui lui appartiennent, quoiqu'elles aient des nageoires obtuses et des queues unies. D'ailleurs il y a plusieurs genres différents de poissons, dans lesquels les nageoires et la queue sont entièrement semblables, comme la perche, le maquereau, le congre. On prétendra peut-être que les nageoires et la queue peuvent au-moins passer pour des marques collatérales de distinction ; mais cette idée même n'est pas suffisante, parce que ces marques sont communes à plusieurs genres de poissons.

La forme du dos, du ventre, et de toute la figure du corps considéré en longueur et largeur, semblent encore des caractères essentiels ; mais ils ne le sont pas davantage pour établir les distinctions des genres. Le dos, dans quelques cyprini, est un peu pointu, comme dans la carpe ordinaire, tandis qu'il est convexe dans presque tous les autres. Ce seul fait écartait l'idée de la forme du dos, comme propre à constituer un caractère générique.

Le ventre de la plupart des poissons du même genre est aplati dans la partie antérieure, et s'élève en manière de sillon entre les nageoires du ventre et l'anus : cependant dans la tenche tout le corps est aplati de la tête à la queue. Ajoutez que la figure générale du corps en grandeur et en largeur, varie singulièrement dans les cyprini de différentes espèces, dont quelques-uns ont le corps plat, et d'autres rond.

La tête, la bouche, les yeux, les narines et les autres parties de la tête, sont plus fixes, et par conséquent d'une grande importance pour constituer les distinctions des genres entre les poissons. Cependant comme les mêmes figures sont communes à plusieurs espèces également, elles servent plutôt à distinguer les ordres, les classes et les familles des poissons, que leurs genres. Ainsi les poissons nommés clupeae, les cotti, les coregoni, les scorpaenae des auteurs, se ressemblent par la figure de la tête, et néanmoins sont de genres très-différents.

Comme la position et la forme des écailles sont assez semblables dans le même genre de poisson, on peut l'admettre en qualité de marque collatérale distinctive ; mais cette forme même d'écailles étant commune à plusieurs genres de poissons, il est impossible d'en tirer avantage pour les caractères des genres. Disons la même chose d'autres parties extérieures du corps, qui ne donnent pas des indices suffisans, pour former les caractères distinctifs des genres.

Quant à la position des nageoires, tout le monde convient que les saumons, les clupeae, les coregoni, les cohitides, ou loches, sont autant de divers genres de poissons ; cependant dans tous, leurs nageoires ont la même situation. Celles de la poitrine sont dans tous, les plus proches de la tête, puis la nageoire du dos, ensuite celles du ventre, et derrière toutes, est la nageoire de l'anus. La même observation se peut étendre à d'autres genres de poissons.

La situation des dents est semblable dans plusieurs espèces d'un même genre, comme dans plusieurs genres différents. Tous les cyprini ont leurs dents placées avec le même ordre et de la même manière, savoir dans le gosier à l'orifice de l'estomac. Les saumons et les brochets ont leurs dents en quatre endroits, aux mâchoires, au palais, à la langue, et au gosier. Les perches et les cotti les ont en trois endroits, à la mâchoire, au palais, et au gosier, et n'en ont point sur la langue ; mais parmi les coregoni, il y a une espèce, savoir l'albula nobilis de Schoenfeld, qui a les dents à la mâchoire supérieure, au palais, et au gosier. Une autre espèce que les Suédais nomment silk-joia, n'en a que sur la langue ; et une autre espèce du même genre, le thymallus des auteurs, que les Anglais nomment gréyling, les a dans les deux mâchoires, au palais, et sur la langue. Il est donc certain, qu'aucun caractère générique ne saurait s'établir par ce moyen.

Le nombre des dents ne peut pas mieux servir à former le caractère des genres, à cause de leur variété dans les individus d'une même espèce, comme dans les brochets, et les saumons.

Le nombre des nageoires n'est pas plus favorable à ce dessein, parce qu'il est égal dans plusieurs genres, et quelquefois variable dans diverses espèces des mêmes genres. La longue merluche, asellus longus, est évidemment du même genre que les autres aselli ; néanmoins elle n'a que deux nageoires sur le dos, tandis que les autres en ont trois ; elle n'en a qu'une sur le ventre, au lieu que les autres en ont deux. Le maquereau a dix-sept nageoires, et le thon vingt-cinq ou environ ; cependant on n'en fera pas deux genres de poissons, puisqu'ils conviennent ensemble à tous les autres égards.

Le nombre des os qui soutiennent les nageoires des poissons, particulièrement celles du dos et de l'anus, varie beaucoup, même dans les diverses espèces d'un même genre ; il est vrai toutefois, que l'on doit regarder cette marque comme utile, pour distinguer les espèces, mais elle ne l'est pas pour former les genres.

Pour ce qui concerne les autres parties extérieures, il n'y en a aucune qui se trouvant dans tous les poissons épineux, ne diffère dans tous les différents genres, excepté les deux petits os qu'on voit de chaque côté de la membrane de la tête qui couvre les ouies. Ces os se rencontrent dans presque tous les poissons épineux, quoique dans quelques genres, l'épaisseur de la membrane les rende moins visibles que dans d'autres. Le nombre de ces os est d'ailleurs beaucoup plus régulier dans les mêmes genres de poissons, que celui des nageoires.

Les quatre genres de maquereaux ou scombri, de perches, de gadi, de syngnathi, c'est-à-dire, de ceux dont les mâchoires sont fermées par les côtés, et dont la bouche ne s'ouvre qu'à l'extrémité du museau, ont le nombre des nageoires très-varié dans les diverses espèces de chaque genre ; mais dans tous ces genres, le nombre des os de la membrane qui tapisse les ouies, est régulièrement le même dans chaque espèce ; tous les gadi ont régulièrement sept os de chaque côté ; tous les cyprini en ont trois, les cotti six, les clariae sept, les clupeae huit, les ésoces quatorze, et ainsi des autres.

Il n'y a que deux genres connus de poissons, qui ne s'accordent pas dans toutes leurs espèces pour le nombre de ces os ; ce sont les saumons et les coregoni. Parmi les saumons, quelques espèces en ont sept, d'autres huit, neuf, dix, onze, et douze. C'est une chose cependant bien digne d'observation, que la nature a mis cette variété du nombre de ces os dans les différentes espèces, seulement pour les genres de poissons, chez lesquels toutes les espèces se ressemblent si fort par leurs parties extérieures, qu'il ne fallait pas moins que cette ressemblance, pour faire juger qu'ils appartenaient les uns aux autres ; car outre que tous les saumons et les coregoni ont une appendice membraneuse, semblable à une nageoire sur le derrière du dos, les diverses espèces de chaque genre se ressemblent tellement, qu'il est difficîle de les distinguer en plusieurs occasions.

Par rapport aux nageoires, plusieurs genres de poissons, comme on l'a déjà dit, en ont tous le même nombre en général, comme les saumons, les cyprini, les clupeae, les coregoni, les osmeri, les cobitides, les spari, ou ceux qui tremblent de tout leur corps quand ils sont hors de l'eau ; les labri, ou ceux dont les lèvres sont épaisses et proéminentes ; les gastérostei, ou ceux dont le ventre est soutenu par des bandes osseuses, les ésoces, les pleuronecti, ou ceux qui nagent d'un seul côté ; tous, disje, ont sept nageoires radiées de côtes osseuses. Ce même nombre de sept nageoires est commun à divers autres genres.

Mais tandis que toutes les espèces d'un même genre ont constamment même nombre d'os dans la membrane qui couvre les ouies, il est très-rare que les divers genres aient ce même nombre. Les perches, les maquereaux, les gadi en ont tous sept de chaque côté. Les cyprini et les gasterostei en ont chacun trois, les cotti, les pleuronecti en ont six. Cependant tous ces genres diffèrent tellement dans leurs autres caractères et dans leur face externe, qu'on n'est point en crainte de les confondre ensemble. Concluons que le nombre des os qui soutiennent la membrane des ouies, fournit le premier et le plus essentiel de tous les caractères pour la distinction des genres des ostéoptérygions ou poissons osseux ; cependant, quoique ce caractère soit essentiel à la détermination des genres, il n'est pas toujours suffisant.

En effet, pour rapporter solidement les poissons à leurs propres genres, il est non-seulement nécessaire, que tous ceux d'un même genre aient le même nombre d'os dans les ouies, il faut encore qu'ils aient dans les genres la même forme externe. Il faut 3°. qu'ils aient une même position, et le même nombre de nageoires. 4°. La position des dents doit semblablement être la même ; car généralement toutes les espèces de poissons ont dans chaque genre le même ordre de dents. 5°. Enfin, on y joindra les écailles qui doivent être semblables en figure et en position. Voilà les considérations nécessaires pour fonder les genres naturels et véritables de poissons. Si toutes ces choses se rencontrent dans toutes les espèces ; s'il se trouve de plus une analogie dans la situation, la forme des autres parties externes et internes, particulièrement de l'estomac, des appendices, des intestins, de la vessie urinaire, il ne restera plus de doute pour établir les genres en Ichtyologie, sur des fondements inébranlables.

Cependant, il ne faut pas s'attendre que chacun de ces caractères se trouve régulièrement parfait dans chaque espèce du même genre ; quelques-uns le seront plus, d'autres moins ; mais les trois choses essentielles au genre pour la similitude, sont le même nombre d'os dans la membrane branchiostege, la même figure et forme extérieure générale, et la même position de nageoires ; les autres circonstances ne sont qu'additionnelles et confirmatives.

Il résulte de ce détail, qui est un précis du système et des découvertes d'Artedi, quelles sont les vraies marques qui peuvent fonder les caractères génériques des poissons, et quelles sont les marques équivoques. Nous ne prétendons point qu'Artédiait indubitablement trouvé la vérité à tous égards, nous disons seulement que ses recherches sur cette matière, sont plus approfondies et plus solides que celles de tous les naturalistes qui l'ont précédé jusqu'à ce jour en cette partie. (D.J.)