Wolf définit le nombre, ce qui a le même rapport avec l'unité qu'une ligne droite avec une autre ligne droite : ainsi prenant une ligne droite pour une unité, tout nombre peut être représenté par quelqu'autre ligne droite ; ce qui revient à la définition de M. Newton.

Dans l'école, où l'on a conservé la définition d'Euclide, on ajoute que le nombre est composé de matière et de forme ; la matière est la chose nombrée, par exemple, de l'argent ; et la forme est l'idée par laquelle comparant les différentes pièces d'argent, l'on en fait une somme, comme 10 : ainsi le nombre dépend entièrement de l'intention de la personne qui nombre, et l'idée en peut être changée à volonté, par exemple cent hommes peuvent être supposés ne faire que 1, 2 ou 4, etc. unités.

Les mêmes philosophes appellent le nombre quantité discrette ; quantité, en tant qu'il est susceptible de plus et de moins ; discrette, en ce que les différentes unités qui le composent ne sont pas unies, mais distinctes les unes des autres. Voyez QUANTITE et DISCRET.

A l'égard de la manière de désigner ou de caractériser les nombres, voyez NOTATION.

Pour ce qui concerne la manière d'exprimer ou de lire les nombres, Voyez NUMERATION.

Les mathématiciens considèrent le nombre sous différents rapports, ce qui produit chez eux différentes sortes de nombres.

Le nombre déterminé est celui qui se rapporte à quelque unité donnée, comme le nombre ternaire ou trois, on l'appelle proprement nombre.

Le nombre indéterminé, est celui qui se rapporte à une unité en général : on l'appelle aussi quantité. Voyez QUANTITE.

Les nombres homogènes, sont ceux qui se rapportent à la même unité. Voyez HOMOGENES.

Les nombres hétérogènes, sont ceux qui se rapportent à différentes unités : car chaque nombre suppose une unité déterminée et fixée par la notion à laquelle nous avons égard en nombrant ; par exemple, c'est une propriété de la sphère d'avoir tous les points de la surface à égale distance de son centre ; si donc cette propriété est prise pour la marque de l'unité, tous les corps où elle se trouvera seront des unités, et seront de plus la même unité, en tant qu'ils sont renfermés dans cette notion : mais si les sphères sont outre cela distinguées par quelque chose, etc. par exemple, par la matière dont elles sont composées, alors elles commencent à n'être plus la même unité, mais des unités différentes. Ainsi six sphères d'or sont des nombres homogènes entr'eux ; au contraire trois sphères de cuivre, et quatre d'argent, sont des nombres hétérogènes. Voyez HETEROGENES.

Les nombres rompus ou les fractions, sont ceux qui consistent en différentes parties de l'unité, ou qui ont à l'unité le même rapport que la partie au tout. Voyez FRACTION.

Les nombres entiers, appelés aussi nombres naturels ou simplement nombres, sont ceux que l'on regarde comme des tous, sans supposer qu'ils soient parties d'autres nombres.

Le nombre rationnel est celui qui a une masse commune avec l'unité. Voyez COMMENSURABLE.

Le nombre entier rationnel, est celui dont l'unité est une partie aliquote. Le nombre rationnel rompu, est celui qui représente quelque partie aliquote de l'unité. Le nombre rationnel mixte, est celui qui est composé d'un nombre entier et d'un nombre rompu, ou de l'unité et d'une fraction. Le nombre irrationnel ou sourd, est celui qui est incommensurable avec l'unité. Voyez INCOMMENSURABLE.

Le nombre pair, est celui qui peut être divisé en deux parties égales exactement, et sans qu'il reste de fraction, comme 4, 6, 8, 10, etc. la somme, la différence et le produit d'un nombre quelconque de nombres pairs, est toujours un nombre pair.

Un nombre pair multiplié par un nombre pair, donne un nombre pairement pair.

Un nombre est pairement pair, quand il peut être divisé exactement et sans reste, en deux nombres pairs.

Ainsi 2 fois 4 faisant 8, 8 est un nombre pairement pair.

Un nombre est impairement pair quand il peut être divisé en deux parties égales et impaires : par exemple 14.

Le nombre impair, est celui qui excède le nombre pair, au moins d'une unité, ou qui ne peut être divisé exactement et sans reste en deux parties égales ; tels sont les nombres 3, 5, 9, 11, etc.

La somme ou la différence de deux nombres impairs est toujours un nombre pair ; mais leur produit est nécessairement un nombre impair.

Si on ajoute un nombre impair avec un nombre pair, ou que l'on retranche l'un de l'autre, la somme dans le premier cas, et dans le second la différence, sera un nombre impair ; mais le produit d'un nombre pair par un impair, est toujours un nombre pair.

La somme d'un nombre pair quelconque de nombres impairs, est un nombre pair ; et la somme d'un nombre impair quelconque de nombres impairs, est toujours un nombre impair.

On appelle nombre premier ou primitif, celui qui n'est divisible que par l'unité, comme 5, 7, 11, etc.

Les nombres premiers entr'eux, sont ceux qui n'ont d'autre commune mesure que l'unité, comme 12 et 19.

Le nombre composé, est celui qui est divisible, non seulement par l'unité, mais par d'autres nombres encore, comme 8, qui est divisible par 4 et par 2. Voyez COMPOSE.

Les nombres composés entr'eux, sont ceux qui ont pour commune mesure, non-seulement l'unité, mais encore d'autres nombres, comme 12 et 15.

Le nombre parfait, est celui dont les parties aliquotes étant ajoutées ensemble, rendent précisément le nombre dont elles sont les parties, comme 6, 28, etc.

Les parties aliquotes de 6 sont 3, 2 et 1, qui font 6 : celles de 28 sont 14, 7, 4, 2 et 1, qui font 28. Voyez sur les nombres parfaits les nouv. mém. de Pétersbourg, tom. II. et plusieurs autres volumes des mêmes mémoires.

Les nombres imparfaits, sont ceux dont les parties aliquotes étant ajoutées ensemble, sont plus ou moins que le nombre total dont elles sont les parties. Voyez IMPARFAIT.

On distingue les nombres imparfaits en abondants et défectifs.

Nombres abondants, sont ceux dont les parties aliquotes étant ajoutées ensemble, font plus que le tout dont elles sont les parties, comme 12, dont les parties aliquotes 6, 4, 3, 2, 1 font 16. Voyez ABONDANT.

Nombres défectifs, sont ceux dont les parties aliquotes ajoutées ensemble, font moins que le nombre total dont elles sont les parties, comme 16, dont les parties aliquotes 8, 4, 2, 1 ne font que 15. Voyez DEFICIENT.

Le nombre plan est celui qui résulte de la multiplication de deux nombres, par exemple, 6 qui est le produit de 2 par 3.

Le nombre carré est le produit d'un nombre multiplié par lui-même ; ainsi 4, qui est le produit de 2 par 2, est un nombre carré. Voyez QUARRE.

Tout nombre carré ajouté à la racine, donne un nombre pair. En effet, si la racine est pair, le carré est aussi pair ; et si elle est impair, le carré est aussi impair. Or deux pairs ou deux impairs pris ensemble, font toujours un nombre pair. Voyez RACINE.

Le nombre cube ou cubique est le produit d'un nombre carré par sa racine, par exemple, 8, qui est le produit du nombre carré 4, par sa racine 2. Voyez CUBE et SOLIDE.

Tous les nombres cubiques dont la racine est moindre que six, comme, 8, 27, 64, 125, etc. étant divisés par 6, le reste est leur racine même. Par exemple, 8 étant divisé par 6, il reste 2, qui est la racine cube de 8. A l'égard des nombres cubiques plus grands que 125 ; 216, cube de 6, étant divisé par 6, il ne reste rien. 343, cube de 7, a pour reste 1, qui étant ajouté à 6, donne 7, racine cube de 343 ; 512, cube de 8, étant divisé par 6, il reste 2, qui, avec 6, fait 8, racine cube de 512. Ainsi, divisant par 6 tous les nombres cubes au-dessus de 216, et ajoutant les restes avec 6, on a toujours la racine cube du nombre proposé jusqu'à ce que le reste soit 5, qui, ajouté avec 6, fait 11. Les nombres cubes au-dessus du cube de 11, savoir le cube de 12 étant divisé par 6, il ne reste rien, et la racine cube est 12 ; et si on continue à diviser les cubes supérieurs par 6, en ajoutant les restes non plus à 6, mais à 12, on aura la racine cube, et ainsi de suite, jusqu'au cube de 18, où le reste de la division ne doit plus être ajouté à 6 ni à 12, mais à 18, et de même à l'infini.

M. de la Hire examinant cette propriété du nombre 6 par rapport aux nombres cubiques, trouva que tous les autres nombres élevés à une puissance quelconque, avaient chacun leur diviseur, qui faisait le même effet par rapport à ces puissances, que 6 par rapport aux nombres cubes ; et voici la règle générale qu'il a découverte. Si l'exposant de la puissance est pair, c'est-à-dire si le nombre est élevé à la seconde, quatrième, sixième, etc. puissance, il faut la diviser par 2 ; et le reste, s'il y en a un, étant ajouté à 2 ou à un multiple de 2, sera la racine du degré correspondant de la puissance donnée, c'est-à-dire la racine deuxième, ou la quatrième, ou la sixième, etc. mais si l'exposant de la puissance est impair, c'est-à-dire si le nombre est élevé à la troisième, cinquième, septième, etc. puissance, le double de l'exposant devra être le diviseur, et ce diviseur aura la propriété dont il s'agit.

Les nombres polygones sont des sommes de progressions arithmétiques qui commencent par l'unité ; celles des progressions dont la différence est 1, sont appelées nombres triangulaires, voyez TRIANGULAIRE. Celles dont la différence est 2, font des nombres carrés. Celles dont la différence est 3, font des nombres pentagones. Celles dont la différence est 4, les nombres hexagones. Celles dont la différence est 5, les nombres heptagones, etc. Voyez les articles FIGURE et POLYGONE.

Il y a des nombres pyramidaux : en voici la formation.

Les sommes des nombres polygones prises de la même manière qu'on prend les sommes des progressions arithmétiques pour former les nombres polygones, sont appelées premiers nombres pyramidaux.

Les sommes des premiers nombres pyramidaux sont appelées seconds nombres pyramidaux : les sommes des seconds nombres pyramidaux sont appelées troisiemes nombres pyramidaux, &c.

En particulier on appelle nombres triangulaires pyramidaux, ceux qui sont formés par l'addition des nombres triangulaires, premiers pyramidaux pentagonaux, qui viennent de l'addition des nombres pentagones, etc. Voyez FIGURE.

Le nombre cardinal est celui qui exprime une quantité d'unités, comme 1, 2, etc. Voyez CARDINAL.

Le nombre ordinal est celui qui exprime leur ordre ou leur rang, comme premier, deuxième, troisième, etc. Voyez ORDINAL. Chambers. (E)

NOMBRE. Comme Chambers a obmis l'explication de plusieurs autres dénominations de nombres, nous y suppléerons par le dictionnaire de mathématique de M. Savérien.

Nombre barlong, nombre plan dont les côtés différent d'une unité. Ainsi le nombre 30 est un nombre barlong, puisque ses côtés 5 et 6 diffèrent d'1. Les nombres barlongs sont les mêmes que ceux qu'on appelle antelongiores, ou alterâ parte longiores. Théon donne encore ce nom aux nombres qui sont des sommes des deux nombres pairs, dont la différence est 2. Le nombre 30 est un nombre barlong, parce qu'il est la somme de 14 et de 16, dont la différence est 2.

Nombre circulaire ou sphérique, nombre qui étant multiplié par lui-même, reprend toujours la dernière place du produit. Tels sont les nombres 5 et 6 ; car 5 fois 5 font 25 : le produit de 25 par 5, est 125 ; celui de 125 par 5, est 725, etc. De même 6 multiplié par 6, donne 36 ; 6 fois 36 donnent 216 : le produit de ce nombre 216 par 36, est 8776, etc.

Nombre diamétral, nombre plan ou le produit de deux nombres, dont les carrés des deux côtés font de même un carré dans la somme. Tel est le nombre 12, car les carrés 9 et 16 de ses côtés 3 et 4, font de même dans leur somme un carré 25. Les trois côtés d'un triangle rectangle étant toujours proportionnels entr'eux, et le carré de l'hypotenuse étant égal à la somme des carrés des deux côtés, c'est par le nombre diamétral que se détermine en même-temps le carré de l'hypotenuse et l'hypotenuse même. Michael Stifel a traité fort au long de ces nombres, dans son arithmetica integra, liv. I.

Nombre double en puissance, c'est un nombre dont le carré est deux fois aussi grand qu'un autre nombre, comme l'est 6 à l'égard de 3, et 10 à l'égard de 5.

Nombre géométrique, c'est un nombre qu'on peut diviser sans reste, comme le nombre 16, qui se divise par 8, 4 et 2. On l'appelle aussi nombre composé ou nombre second.

Nombre incomposé linéaire, nombre qui ne peut être mesuré par aucun autre nombre que par lui-même ou par l'unité. Tels sont les nombres 1, 3, 5, 7, 11, 13, etc. comme ces nombres font une progression arithmétique dont les termes peuvent être divisés ou résolus par d'autres précédents, on en a formé des tables qu'on trouve dans le theatrum machinarum generale de Léopold, qui les a tirées de Bramer, et dans lesquelles la progression arithmétique Ve d'1 à 1000.

Nombre oblong, nombre plan qui a deux côtés inégaux, quelle que soit leur différence. 54, par exemple, est un nombre oblong, parce que les côtés 9 et 6 diffèrent de trois. De même 90 est un pareil nombre, la différence des côtés 18 et 5 étant 13.

Nombre parallélipipede, nombre solide dont les deux côtés sont égaux, mais dont le troisième est ou plus grand ou plus petit. Tel est le nombre 36, dont les trois côtés sont 3, 3 et 4. Comme les trois côtés d'un nombre solide sont distingués en longueur, largeur et profondeur, ils forment six sortes de nombres parallélipipedes. Le premier a la largeur et la profondeur égales, mais la longueur est moindre que les autres dimensions, comme 48, où la longueur est 3, la largeur 4, et la profondeur 4. La largeur et la profondeur sont les mêmes au second, et la longueur seule est différente. Tel est le nombre 36, dont la longueur est 4, la largeur 3, et la profondeur 3. Dans le troisième, la longueur et la profondeur sont égales, et la largeur inégale, ainsi des autres, qui ont toujours une dimension ou un côté inégal.

Nombre parallélogramme, nombre plan dont les côtés diffèrent de deux. Tel est 48, car la différence des deux côtés 6 et 8 est 2. Théon de Smyrne entend par ce nombre un nombre oblong comme 36, dont les côtés sont 9 et 4.

Nombre pronique, c'est la somme d'un nombre carré et de sa racine. Sait, par exemple, la racine 4, dont le carré est 16, dans ce cas le nombre pronique est 20. Ainsi en algèbre la racine étant Xe on exprime le nombre pronique par x 2 + x ; ou la racine étant = x - 2, le nombre pronique est x 2 - 3 x + 2.

Nombres proportionnels, nombres qui sont entr'eux dans une proportion.

Nombres proportionnels arithmétiquement ; nombres qui croissent ou décroissent selon une différence continuelle, comme 3, 5, 7, 9, où la différence entre deux nombres se trouve toujours la même, qui est ici 2, ou 3, 5, 8, 10, où la différence des deux premiers est égale à la différence des deux derniers.

Nombres proportionnels continuellement ; nombres qui se suivent dans une même raison, de sorte que chacun d'eux, excepté le premier et le dernier, remplit en même-temps la place du terme de l'antécédent et du conséquent d'une raison. Tels sont les nombres 2, 6, 18, 45, car 2 est à 6, comme 6 est à 18, et 6 est à 18, comme 18 est à 54. Par conséquent 6 est en même-temps le terme conséquent de la première raison, et l'antécédent de la seconde, ainsi que 18 est le conséquent de la seconde et l'antécédent de la troisième.

Nombre pyrgoïdal, c'est un nombre composé d'un nombre colonnaire et d'un pyramidal, et qui sont tous deux d'un même genre, de façon que le côté ou la racine du nombre pyramidal soit moindre de l'unité que le côté du nombre colonnaire. Exemple, 18 est le côté du nombre triangulaire colonnaire, dont le côté est 3, et 4 est un nombre triangulaire pyramidal, dont le côté est 2, la somme 18 + 4 est un nombre triangulaire pyrgoïdal : cela veut dire que les nombres pyrgoïdaux prennent leurs noms des nombres colonnaires et pyramidaux dont ils sont formés.

Nombre solide, produit de la multiplication de trois autres nombres. Ainsi 30 est un nombre solide, parce qu'il est formé par la multiplication des trois nombres 2, 3 et 5 : ces nombres s'appellent côtés ; lorsqu'ils sont égaux, le nombre solide qui en résulte est un cube.

Nombres solides semblables, nombres dont les côtés équinomes ont la même proportion. C'est ainsi que les nombres solides 48 et 162 sont semblables ; car comme la longueur du premier 2 est à sa largeur 4, ainsi est la longueur du second 3 à sa largeur 6. De même comme la longueur du premier 2 est à sa profondeur 6, ainsi la largeur du second est à sa profondeur 9. Enfin, comme la largeur du premier 4 est à sa profondeur 6, ainsi la largeur du second est à sa profondeur 9.

Nombre sursolide, c'est le nombre qui se forme en multipliant le carré par le cube d'une racine, ou le carré par lui-même, et le produit encore par lui-même. Exemple, 9, nombre carré de 3, étant multiplié par trois, produit 27 ; et ce nombre étant encore multiplié par 9, donne 243, qui est un nombre sursolide. Les anciens donnaient à ce nombre un caractère Z C. Dans l'algèbre on l'appelle la cinquième puissance, qu'on marque ainsi, a 5. (D.J.)

NOMBRE D'OR, terme de Chronologie, c'est un nombre qui marque à quelle année du cycle lunaire appartient une année donnée. Voyez CYCLE, LUNAIRE et NOMBRE. Voici de quelle manière on trouve le nombre d'or de quelqu'année que ce soit depuis Jesus-Christ.

Comme le cycle lunaire commence l'année qui a précédé la naissance de Jesus-Christ, il ne faut qu'ajouter 1 au nombre des années qui se sont écoulées depuis Jesus-Christ, et diviser la somme par 19, ce qui restera après la division faite sera le nombre d'or que l'on cherche ; s'il ne reste rien, le nombre d'or sera 19.

Supposé, par exemple, que l'on demande le nombre d'or de l'année 1725 : 1725 + 1 = 1726 ; et 1726 divisé par 19, donne 90 au quotient, et le reste 16 est le nombre d'or que l'on cherche.

Le nombre d'or servait dans l'ancien calendrier à montrer les nouvelles lunes ; mais on ne peut s'en servir que pendant 300 ans, au bout desquels les nouvelles lunes arrivent environ un jour plus tôt que selon le nombre d'or : de sorte qu'en 1582 il s'en fallait environ quatre jours que le nombre d'or ne donnât exactement les nouvelles lunes, quoique ce nombre les eut données assez bien du temps du concîle de Nicée. Desorte que le cycle lunaire est devenu tout à fait inutile, aussi bien que le nombre d'or, pour marquer les nouvelles lunes.

Cette raison et plusieurs autres engagèrent le pape Grégoire XIII. à réformer le calendrier, à abolir le nombre d'or, et à y substituer le cycle des épactes ; de sorte que le nombre d'or, qui dans le calendrier Julien servait à trouver les nouvelles lunes, ne sert dans le calendrier Grégorien qu'à trouver le cycle des épactes. Voyez EPACTE, CYCLE, CALENDRIER.

On dit que ce nombre a été appelé nombre d'or, soit à cause de l'étendue de l'usage qu'on en fit, soit à cause que les Athéniens le reçurent avec tant d'applaudissement, qu'ils le firent écrire en lettres d'or dans la place publique.

On en attribue l'invention à Methon, athénien. Voyez METHONIQUE. Chambers. (O)

NOMBRES, (Critique sacrée) ou le livre des Nombres, un des livres du Pentateuque, et le quatrième des cinq. Les Septante l'ont appelé livre des Nombres, parce que les trois premiers chapitres contiennent le dénombrement des Hébreux et des Lévites ; les trente-trois autres renferment l'histoire des campements des Israèlites dans le désert, les guerres de Moïse contre les rois Séhon et Og ; celle qu'il déclara aux Madianites, pour avoir envoyé leurs filles au camp d'Israèl, afin de faire tomber le peuple dans la débauche et l'idolâtrie. On y trouve encore des particularités sur la désobéissance de ce même peuple, son ingratitude, ses murmures et ses châtiments ; enfin on y voit plusieurs lois que Moïse donna pendant les 39 années, dont ce livre est une espèce de journal. (D.J.)

NOMBRES, (Philosoph. Pythagor.) On sait que les Pythagoriciens appliquèrent les propriétés arithmétiques des nombres aux sciences les plus abstraites et les plus sérieuses. On Ve voir en peu de mots si leur folie méritait l'éclat qu'elle a eu dans le monde, et si le titre pompeux de théologie arithmétique que lui donnait Nicomaque, lui convient.

L'unité n'ayant point de parties, doit moins passer pour un nombre que pour le principe génératif des nombres. Par-là, disaient les Pythagoriciens, elle est devenue comme l'attribut essentiel, le caractère sublime, le sceau même de Dieu. On le nomme avec admiration celui qui est un ; c'est le seul titre qui lui convient et qui le distingue de tous les autres êtres qui changent sans-cesse et sans retour. Lorsqu'on veut représenter un royaume florissant et bien policé, on dit qu'un même esprit y règne, qu'une même âme le vivifie, qu'un même ressort le remue.

Le nombre 2 désignait, suivant Pythagore, le mauvais principe, et par conséquent le désordre, la confusion et le changement. La haine qu'on portait au nombre 2 s'étendait à tous ceux qui commençaient par le même chiffre, comme 20, 200, 2000, etc. Suivant cette ancienne prévention, les Romains dédièrent à Pluton le second mois de l'année ; et le second jour du même mois ils expiaient les manes des morts. Des gens superstitieux, pour appuyer cette doctrine, ont remarqué que le second jour des mois avait été fatal à beaucoup de lieux et de grands hommes, comme si ces mêmes fatalités n'étaient pas également arrivées dans d'autres jours.

Mais le nombre 3 plaisait extrêmement aux Pythagoriciens, qui y trouvaient de sublimes mystères, dont ils se vantaient d'avoir la clé ; ils appelaient ce nombre l'harmonie parfaite. Un italien, chanoine de Bergame, s'est avisé de recueillir les singularités qui appartiennent à ce nombre ; il y en a de philosophiques, de poétiques, de fabuleuses, de galantes, et même de dévotes : c'est une compilation aussi bizarre que mal assortie.

Le nombre 4 était en grande vénération chez les disciples de Pythagore ; ils disaient qu'il renfermait toute la religion du serment, et qu'il rappelait l'idée de Dieu et de sa puissance infinie dans l'arrangement de l'univers.

Junon, qui préside au mariage, protégeait, selon Pythagore, le nombre 5, parce qu'il est composé de 2, premier nombre pair et de 3, premier nombre impair. Or ces deux nombres réunis ensemble pair et impair, font 5, ce qui est un emblême ou une image du mariage. D'ailleurs le nombre 5 est remarquable, ajoutaient-ils, par un autre endroit, c'est qu'étant multiplié toujours par lui-même, c'est-à-dire 5 par 5, le produit 125 par 5, ce second produit encore par 5, etc. il vient toujours un nombre 5 à la droite du produit.

Le nombre 6, au rapport de Vitruve, devait tout son mérite à l'usage où étaient les anciens géomètres de diviser toutes les figures, soit qu'elles fussent terminées par des lignes droites, soit qu'elles fussent terminées par des lignes courbes, en six parties égales ; et comme l'exactitude du jugement et la rigidité de la méthode sont essentielles à la Géométrie, les Pythagoriciens, qui eux-mêmes faisaient beaucoup de cas de cette science, employèrent le nombre 6 pour caractériser la Justice, elle qui marchant toujours d'un pas égal, ne se laisse séduire ni par le rang des personnes, ni par l'éclat des dignités, ni par l'attrait ordinairement vainqueur des richesses.

Aucun nombre n'a été si bien accueilli que le nombre 7 : les médecins y croyaient découvrir les vicissitudes continuelles de la vie humaine. C'est delà qu'ils formèrent leur année climactérique. Fra-Paolo, dans son histoire du concîle de Trente, a tourné plaisamment en ridicule tous les avantages prétendus du nombre 7.

Le nombre 8 était en vénération chez les Pythagoriciens, parce qu'il désignait, selon eux, la loi naturelle, cette loi primitive et sacrée qui suppose tous les hommes égaux.

Ils considéraient avec crainte le nombre 9, comme désignant la fragilité des fortunes humaines, presqu'aussi-tôt renversées qu'établies. C'est pour cela qu'ils conseillaient d'éviter tous les nombres où le 9 domine, et principalement 81, qui est le produit de 9 multiplié par lui-même.

Enfin les disciples de Pythagore regardaient le nombre 10 comme le tableau des merveilles de l'univers, contenant éminemment les prérogatives des nombres qui le précédent. Pour marquer qu'une chose surpassait de beaucoup une autre, les Pythagoriciens disaient qu'elle était 10 fois plus grande, 10 fois plus admirable. Pour marquer simplement une belle chose, ils disaient qu'elle avait 10 degrés de beauté. D'ailleurs ce nombre passait pour un signe de paix, d'amitié, de bienveillance ; et la raison qu'en donnaient les disciples de Pythagore, c'est que quand deux personnes veulent se lier étroitement, elles se prennent les mains l'une à l'autre et se les serrent, en témoignage d'une union réciproque. Or, disaient-ils, deux mains jointes ensemble forment par le moyen des doigts le nombre 10.

Ce ne sont pas les seuls Pythagoriciens qui aient donné dans ces frivoles subtilités des nombres, et dans ces sortes de raffinements allégoriques, quelques pères de l'Eglise n'ont pas su s'en préserver : c'est ainsi que saint Augustin, pour prouver que les combinaisons mystérieuses des nombres peuvent servir à l'intelligence de l'Ecriture, s'appuie du passage de l'auteur de la sagesse, qui dit que Dieu a tout fait avec poids, nombre et mesure. Enfin on trouve encore dans le bréviaire romain quelques-unes de ces allégories bizarres données en forme de leçons. Voyez l'hist. critiq. de la Philosoph. tome. II. Diogène Laèrce, et surtout l'article PHILOSOPHIE PYTHAGORICIENNE. (D.J.)

NOMBRE, (Grammaire) les nombres sont des terminaisons qui ajoutent à l'idée principale du mot, l'idée accessoire de la quotité. On ne connait que deux nombres dans la plupart des idiomes ; le singulier qui désigne unité, et le pluriel qui marque pluralité. Ainsi cheval et chevaux, c'est en quelque manière le même mot sous deux terminaisons différentes : c'est comme le même mot, afin de présenter à l'esprit la même idée principale, l'idée de la même espèce d'animal ; les terminaisons sont différentes, afin de désigner, par l'une, un seul individu de cette espèce, ou cette seule espèce, et par l'autre, plusieurs individus de cette espèce. Le cheval est utîle à l'homme, il s'agit de l'espèce ; mon cheval m'a couté cher, il s'agit d'un seul individu de cette espèce, j'ai acheté dix chevaux anglais, on désigne ici plusieurs individus de la même espèce.

Il y a quelques langues, comme l'hébreu, le grec, le polonais, qui ont admis trois nombres ; le singulier qui désigne l'unité, le duel qui marque dualité, et le pluriel qui annonce pluralité. Il semble qu'il y ait plus de précision dans le système des autres langues. Car si l'on accorde à la dualité une inflexion propre, pourquoi n'en accorderait-on pas aussi de particulière à chacune des autres qualités individuelles ? si l'on pense que ce serait accumuler sans besoin et sans aucune compensation, les difficultés des langues, on doit appliquer au duel le même principe : et la clarté qui se trouve effectivement, sans le secours de ce nombre, dans les langues qui ne l'ont point admis, prouve assez qu'il suffit de distinguer le singulier et le pluriel, parce qu'en effet la pluralité se trouve dans deux comme dans mille.

Aussi, s'il faut en croire l'auteur de la méthode grecque de P. R. liv. II. ch. j. le duel, , n'est venu que tard dans la langue, et y est fort peu usité ; de sorte qu'au lieu de ce nombre on se sert souvent du pluriel. M. l'abbé l'Advocat nous apprend, dans sa grammaire hébraïque, pag. 32. que le duel ne s'emploie ordinairement que pour les choses qui sont naturellement doubles, comme les pieds, les mains, les oreilles et les yeux ; et il est évident que la dualité de ces choses en est la pluralité naturelle : il ne faut même, pour s'en convaincre, que prendre garde à la terminaison ; le pluriel des noms masculins hébreux se termine en im ; les duels des noms, de quelques genres qu'ils soient, se terminent en aïm ; c'est assurément la même terminaison, quoiqu'elle soit précédée d'une inflexion caractéristique.

Quoi qu'il en soit des systèmes particuliers des langues, par rapport aux nombres, c'est une chose attestée par la déposition unanime des usages de tous les idiomes, qu'il y a quatre espèces de mots qui sont susceptibles de cette espèces d'accident, savoir les noms, les pronoms, les adjectifs et les verbes ; d'où j'ai inféré (voyez MOT, art. I.), que ces quatre espèces doivent présenter à l'esprit les idées des êtres soit réels soit abstraits, parce qu'on ne peut nombrer que des êtres. La différence des principes qui règlent le choix des nombres à l'égard de ces quatre espèces de mots, m'a conduit aussi à les diviser en deux classes générales ; les mots déterminatifs, savoir les noms et les pronoms ; et les indéterminatifs, savoir les adjectifs et les verbes : j'ai appelé les premiers déterminatifs, parce qu'ils présentent à l'esprit des êtres déterminés, puisque c'est à la Logique et non à la Grammaire à en fixer les nombres ; j'ai appelé les autres indéterminatifs, parce qu'ils présentent à l'esprit des êtres indéterminés, puisqu'ils ne présentent telle ou telle terminaison numérique que par imitation avec les noms ou les pronoms avec lesquels ils sont en rapport d'identité. Voyez IDENTITE.

Il fuit de-là que les adjectifs et les verbes doivent avoir des terminaisons numériques de toutes les espèces reçues dans la langue : en français, par exemple, ils doivent avoir des terminaisons pour le singulier et pour le pluriel ; bon ou bonne, singulier ; bons ou bonnes, pluriel ; aimé ou aimée, singulier ; aimés ou aimées, pluriel : en grec, ils doivent avoir des terminaisons pour le singulier, pour le duel et pour le pluriel ; , singulier ; , duel ; , pluriel, , singulier ; , duel ; , pluriel. Sans cette diversité de terminaisons, ces mots indéterminatifs ne pourraient s'accorder en nombre avec les noms ou les pronoms leurs corrélatifs.

Les noms appelatifs doivent également avoir tous les nombres, parce que leur signification générale a une étendue susceptible de différents degrés de restriction, qui la rend applicable ou à tous les individus de l'espèce, ou à plusieurs soit déterminément, ou à deux, ou à un seul. Quant à la remarque de la gramm. gén. part. II. ch. IVe qu'il y a plusieurs noms appelatifs qui n'ont point de pluriel, je suis tenté de croire que cette idée vient de ce que l'on prend pour appelatif des noms qui sont véritablement propres. Le nom de chaque métal, or, argent, fer, sont, si vous voulez, spécifiques ; mais quels individus distincts se trouvent sous cette espèce ? C'est la même chose des noms des vertus ou des vices, justice, prudence, charité, haine, lâcheté, etc. et de plusieurs autres mots qui n'ont point de pluriel dans aucune langue, à moins qu'ils ne soient pris dans un sens figuré.

Les noms reconnus pour propres sont précisément dans le même cas : essentiellement individuels, ils ne peuvent être susceptibles de l'idée accessoire de pluralité. Si l'on trouve des exemples qui paraissent contraires, c'est qu'il s'agit de noms véritablement appelatifs et devenus propres à quelque collection d'individus ; comme, Julii, Antonii, Scipiones, etc. qui sont comme les mots nationaux, Romani, Afri, Aquinates, nostrates, etc. ou bien il s'agit de noms propres employés par antonomase dans un sens appelatif, comme les Cicerons pour les grands orateurs, les Césars pour les grands capitaines, les Platons pour les grands philosophes, les Saumaises pour les fameux critiques, etc.

Lorsque les noms propres prennent la signification plurielle en français, ils prennent ou ne prennent pas la terminaison caractéristique de ce nombre, selon l'occasion. S'ils désignent seulement plusieurs individus d'une même famille, parce qu'ils sont le nom propre de famille, ils ne prennent pas la terminaison plurielle ; les deux Corneille se sont distingués dans les lettres ; les Cicerons ne se sont pas également illustrés. Si les noms propres deviennent appelatifs par antonomase, ils prennent la terminaison plurielle ; les Corneilles sont rares sur notre parnasse, et les Cicerons dans notre barreau. Je sai bon gré à l'usage d'une distinction si délicate et si utîle tout-à-la-fais.

Au reste, c'est aux grammaires particulières de chaque langue à faire connaître les terminaisons numériques de toutes les parties d'oraison déclinables, et non à l'Encyclopédie qui doit se borner aux principes généraux et raisonnés. Je n'ai donc plus rien à ajouter sur cette matière que deux observations de syntaxe qui peuvent appartenir à toutes les langues.

La première c'est qu'un verbe se met souvent au pluriel, quoiqu'il ait pour sujet un nom collectif singulier ; une infinité de gens pensent ainsi, la plupart se laissent emporter à la coutume ; et en latin, pars mersi tenuere, Virg. C'est une syllepse qui met le verbe ou même l'adjectif en concordance avec la pluralité essentiellement comprise dans le nom collectif. De-là vient que si le nom collectif est déterminé par un nom singulier, il n'est plus censé renfermer pluralité mais simplement étendue, et alors la syllepse n'a plus lieu, et nous disons, la plupart du monde se laisse tromper : telle est la raison de cette différence qui paraissait bien extraordinaire à Vaugelas, rem. 47. le déterminatif indique si le nom renferme une quantité discrette ou une quantité continue, et la syntaxe varie comme les sens du nom collectif.

La seconde observation, c'est qu'au contraire après plusieurs sujets singuliers dont la collection vaut un pluriel, ou même après plusieurs sujets dont quelques-uns sont pluriels, et le dernier singulier, on met quelquefois ou l'adjectif ou le verbe au singulier, ce qui semble encore contredire la loi fondamentale de la concordance : ainsi nous disons, non-seulement tous ses honneurs et toutes ses richesses, mais toute sa vertu s'évanouit, et non pas s'évanouirent (Vaugelas, rem. 340) ; et en latin, sociis et rege recepto, Virg. C'est au moyen de l'ellipse que l'on peut expliquer ces locutions, et ce sont les conjonctions qui en avertissent, parce qu'elles doivent lier des propositions. Ainsi la phrase française a de sous-entendu jusqu'à deux fois s'évanouirent, comme s'il y avait, non-seulement tous ses honneurs s'évanouirent et toutes ses richesses s'évanouirent, mais toute sa vertu s'évanouit ; et la phrase latine vaut autant que s'il y avait, sociis receptis et rege recepto. En voici la preuve dans un texte d'Horace :

O noctes coenaeque deum, quibus ipse, meique,

Ante larem proprium vescor ;

il est certain que vescor n'a ni ne peut avoir aucun rapport à mei, et qu'il n'est relatif qu'à ipse ; il faut donc expliquer comme s'il y avait, quibus ipse vescor, meique vescuntur, sans quoi l'on s'expose à ne pouvoir rendre aucune bonne raison du texte.

S'il se trouve quelques locutions de l'un ou de l'autre genre qui ne soient point autorisées de l'usage, qu'on put les expliquer par les mêmes principes dans le cas où elles auraient lieu, on ne doit rien en inférer contre les explications que l'on vient de donner. Il peut y avoir différentes raisons délicates de ces exceptions : mais la plus universelle et la plus générale, c'est que les constructions figurées sont toujours des écarts qu'on ne doit se permettre que sous l'autorité de l'usage qui est libre et très-libre. L'usage de notre langue ne nous permet pas de dire, le peuple romain et moi déclare et fais la guerre aux peuples de l'ancien Latium ; et l'usage de la langue latine a permis à Tite-Live, et à toute la nation dont il rapporte une formule authentique, de dire, ego populusque romanus populis priscorum Latinorum bellum indico facioque : liberté de l'usage que l'on ne doit point taxer de caprice, parce que tout a sa cause lors même qu'on ne la connait point.

Le mot de nombre est encore usité en grammaire dans un autre sens ; c'est pour distinguer entre les différentes espèces de mots, ceux dont la signification renferme l'idée d'une précision numérique. Je pense qu'il n'était pas plus raisonnable de donner le nom de nombres à des mots qui expriment une idée individuelle de nombre, qu'il ne l'autorise d'appeler êtres, les noms propres qui expriment une idée individuelle d'être : il fallait laisser à ces mots le nom de leurs espèces en y ajoutant la dénomination vague de numéral, ou une dénomination moins générale, qui aurait indiqué le sens particulier déterminé par la précision numérique dans les différents mots de la même espèce.

Il y a des noms, des adjectifs, des verbes et des adverbes numéraux ; et dans la plupart des langues, on donne le nom de nombres cardinaux aux adjectifs numéraux, qui servent à déterminer la quotité précise des individus de la signification des noms appelatifs ; un, deux, trois, quatre, etc. c'est que le matériel de ces mots est communément radical des mots numéraux correspondants dans les autres classes, et que l'idée individuelle du nombre qui est envisagée seule et d'une manière abstraite dans ces adjectifs, est combinée avec quelqu'autre idée accessoire dans les autres mots. Je commencerai donc par les adjectifs numéraux.

1. Il y en a de quatre sortes en français, que je nommerais volontiers adjectifs collectifs, adjectifs ordinaux, adjectifs multiplicatifs et adjectifs partitifs.

Les adjectifs collectifs, communément appelés cardinaux, sont ceux qui déterminent la quotité des individus par la précision numérique : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, vingt, trente, etc. Les adjectifs pluriels quelques, plusieurs, tous, sont aussi collectifs ; mais ils ne sont pas numéraux, parce qu'ils ne déterminent pas numériquement la quotité des individus.

Les adjectifs ordinaux sont ceux qui déterminent l'ordre des individus avec la précision numérique : deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième, vingtième, trentième, etc. L'adjectif quantième est aussi ordinal, puisqu'il détermine l'ordre des individus ; mais il n'est pas numéral, parce que la détermination est vague et n'a pas la précision numérique : dernier est aussi ordinal sans être numéral, parce que la place numérique du dernier varie d'un ordre à l'autre, dans l'un, le dernier est troisième ; dans l'autre, centième ; dans un autre, millième, etc. Les adjectifs premier et second sont ordinaux essentiellement, et numéraux par la décision de l'usage seulement : ils ne sont point tirés des adjectifs collectifs numéraux, comme les autres ; on dirait unième au lieu de premier, comme on dit quelquefois deuxième au lieu de second. Dans la rigueur étymologique, premier veut dire qui est avant, et la préposition latine prae en est la racine ; second veut dire qui suit, du verbe latin sequor : ainsi dans un ordre de choses, chacune est première, dans le sens étymologique, à l'égard de celle qui est immédiatement après, la cinquième à l'égard de la sixième, la quinzième à l'égard de la seizième, etc. chacune est pareillement seconde à l'égard de celle qui précéde immédiatement, la cinquième à l'égard de la quatrième, la quinzième à l'égard de la quatorzième, etc. Mais l'usage ayant attaché à ces deux adjectifs la précision numérique de l'unité et de la dualité, l'étymologie perd ses droits sur le sens.

Les adjectifs multiplicatifs sont ceux qui déterminent la quantité par une idée de multiplication avec la précision numérique : double, triple, quadruple, quintuple, sextuple, octuple, noncuple, décuple, centuple. Ce sont les seuls adjectifs multiplicatifs numéraux usités dans notre langue, et il y en a même quelques-uns qui ne le sont encore que par les mathématiciens, mais qui passeront sans doute dans l'usage général. Multiple est aussi un adjectif multiplicatif, mais il n'est pas numéral, parce qu'il n'indique pas avec la précision numérique. L'adjectif simple, considéré comme exprimant une relation à l'unité, et conséquemment comme l'opposé de multiple, est un adjectif multiplicatif par essence, et numéral par usage : son correspondant en allemand est numéral par l'étymologie ; einfach ou einfaeltig, de ein (un), comme si nous disions uniple.

Les adjectifs partitifs sont ceux qui déterminent la quantité par une idée de partition avec la précision numérique. Nous n'avons en français aucun adjectif de cette espèce, qui soit distingué des ordinaux par le matériel, mais ils en diffèrent par le sens qu'il est toujours aisé de reconnaître : c'était la même chose en grec et en latin, les ordinaux y devenaient partitifs selon l'occurrence : la douzième partie (pars duodecima) .

2. Nous n'avons que trois sortes de noms numéraux : savoir des collectifs, comme couple, dixaine, douzaine, quinzaine, vingtaine, trentaine, quarantaine, cinquantaine, soixantaine, centaine, millier, million ; des multiplicatifs, qui pour le matériel ne diffèrent pas de l'adjectif masculin correspondant, si ce n'est qu'ils prennent l'article, comme le double, le triple, le quadruple, etc. et des partitifs, comme la moitié, le tiers, le quart, le cinquième, le sixième, le septième, et ainsi des autres qui ne diffèrent de l'adjectif ordinal que par l'immutabilité du genre masculin et par l'accompagnement de l'article. Tous ces noms numéraux sont abstraits.

3. Nous n'avons en français qu'une sorte de verbes numéraux, et ils sont multiplicatifs, comme doubler, tripler, quadrupler, et les autres formés immédiatement des adjectifs multiplicatifs usités. Biner peut encore être compris dans les verbes multiplicatifs, puisqu'il marque une seconde action, ou le double d'un acte ; biner une vigne, c'est lui donner un second labour ou doubler l'acte de labourer ; biner, parlant d'un curé, c'est dire un jour deux messes paroissiales en deux églises desservies par le même curé.

4. Notre langue reconnait le système entier des adverbes ordinaux, qui sont premièrement, secondement ou deuxiemement, troisiemement, quatriemement, etc. Mais je n'y connais que deux adverbes multiplicatifs, savoir doublement et triplement ; on remplace les autres par la préposition à avec le nom abstrait multiplicatif ; au quadruple, au centuple, et l'on dit même au double et au triple. Nuls adverbes partitifs en français, quoiqu'il y en eut plusieurs en latin ; bifariam (en deux parties), trifariam (en trois parties), quadrifariam (en quatre parties), multifariam ou plurifariam (en plusieurs parties).

Les Latins avaient aussi un système d'adverbes numéraux que l'on peut appeler itératifs, parce qu'ils marquent répétition d'événement ; semel, bis, ter, quater, quinquies, sexies, septies, octies, novies, decies, vicies ou vigesies, trecies ou trigesies ; etc. L'adverbe général itératif qui n'est pas numéral, c'est pluries ou multoties, ou saepe.

On aurait pu étendre ou restreindre davantage le système numéral des langues ; chacune a été déterminée par son génie propre, qui n'est que le résultat d'une infinité de circonstances dont les combinaisons peuvent varier sans fin.

M. l'abbé Girard a jugé à propos d'imaginer une partie d'oraison distincte qu'il appelle des nombres : il en admet de deux espèces, les uns qu'il appelle calculatifs, et les autres qu'il nomme collectifs ; ce sont les mots que je viens de désigner comme adjectifs et comme noms collectifs. Il se fait, à la fin de son disc. X. une objection sur la nature de ses nombres collectifs, qui sont des véritables noms, ou pour parler son langage, de véritables substantifs : il avoue que la réflexion ne lui en a pas échappé, et qu'il a même été tenté de les placer dans la cathégorie des noms. Mais " j'ai vu, dit-il, que leur essence consistait également dans l'expression de la quotité : que d'ailleurs leur emploi, quoiqu'un peu analogique à la dénomination, portait néanmoins un caractère différent de celui des substantifs ; ne demandant point d'articles par eux-mêmes, et ne se laissant point qualifier par les adjectifs nominaux, non plus que par les verbaux, et rarement par les autres ".

Il est vrai que l'essence des noms numéraux collectifs consiste dans l'expression de la quotité ; mais la quotité est une nature abstraite dont le nom même quotité est le nom appelatif ; couple, douzaine, vingtaine sont des noms propres ou individuels : et c'est ainsi que la nature abstraite de vertu est exprimée par le nom appelatif vertu, et par les noms propres prudence, courage, chasteté, &c.

Pour ce qui est des prétendus caractères propres des mots que je regarde comme des noms numéraux collectifs, l'abbé Girard me parait encore dans l'erreur. Ces noms prennent l'article comme les autres, et se laissent qualifier par toutes les espèces d'adjectifs que le grammairien a distinguées : par ceux qu'il appelle nominaux ; une belle douzaine, une bonne douzaine, une douzaine semblable : par ceux qu'il nomme verbaux ; une douzaine choisie, une douzaine préférée, une douzaine rebutée : par les numéraux ; la première douzaine, la cinquième douzaine, les trois douzaines : par les pronominaux ; cette douzaine, ma douzaine, quelques douzaines, chaque douzaine, etc. Si l'on allegue que ce n'est pas par eux-mêmes que ces mots requièrent l'article ; c'est la même chose des noms appelatifs, puisqu'en effet on les emploie sans l'article quand on ne veut ajouter aucune idée accessoire à leur signification primitive ; parler en père, un habit d'homme, un palais de roi, &c.

J'ajoute que si l'on a cru devoir réunir dans la même cathégorie, des mots aussi peu semblables que deux et couple, dix et dixaine, cent et centaine, par la seule raison qu'ils expriment également la quotité ; il fallait aussi y joindre, double, doubler, secondement ; bis, et bifariam, triple, triples, troisiemement, ter, et trifariam, etc. si au contraire on a trouvé quelque inconséquence dans cet assortiment en effet trop bizarre, on a dû trouver le même défaut dans le système que je viens d'exposer et de combattre. (B. E. R. M.)

NOMBRE, en Eloquence, en Poésie, en Musique, se dit d'une certaine mesure, proportion ou cadence, qui rend un vers, une période, un chant agréable à l'oreille. Voyez VERS, MESURE, CADENCE.

Il y a quelque différence entre le nombre de la Poésie et celui de la Prose.

Le nombre de la Poésie consiste dans une harmonie plus marquée, qui dépend de l'arrangement et de la quantité des syllabes dans certaines langues, comme la grecque et la latine, qui font qu'un poème affecte l'oreille par une certaine musique, et parait propre à être chanté ; en effet, la plupart des poèmes des anciens étaient accompagnés du chant, de la danse, et du son des instruments. C'est de ce nombre qu'il s'agit, lorsque Virgile dans la quatrième églogue, fait dire à un de ses bergers,

Numeros memini, si verba tenerem.

Et dans la sixième,

Tum vero in numerum, faunosque ferasque videres

Ludere.

Dans les langues vivantes, le nombre poètique dépend du nombre déterminé des syllabes, selon la longueur ou la briéveté des rimes, de la richesse du choix, et du mélange des rimes, et enfin de l'assortiment des mots, au son desquels le poète ne saurait être trop attentif.

Il est un heureux choix de mots harmonieux,

dit Boileau.

Le nombre est donc ce qui fait proprement le caractère, et pour ainsi dire, l'air d'un vers. C'est par le nombre qui y règne qu'il est doux, coulant, sonore ; et par la privation de ce même nombre, qu'il devient faible, rude, ou dur. Les vers suivants, par exemple, sont très-coulants :

Au pied du mont Adulle, entre mille roseaux,

Le Rhin tranquille et fier du progrès de ses eaux,

Appuyé d'une main sur son urne penchante,

Dormait au bruit flatteur de son onde naissante.

Au contraire celui-ci est dur ; mais l'harmonie n'en est pas moins bonne rélativement au but de l'auteur.

N'attendait pas qu'un bœuf pressé de l'aiguillon

Traçât à pas tardifs un pénible sillon.

Le nombre de la prose est une sorte d'harmonie simple et sans affectation, moins marquée que celle des vers, mais que l'oreille pourtant aperçoit et goute avec plaisir. C'est ce nombre qui rend le style aisé, libre, coulant, et qui donne au discours une certaine rondeur. Voyez STYLE.

Par exemple, cette période de l'oraison de Cïcéron par Marcellus est très-nombreuse : nulla est tanta vis, tantaque copia quae non ferro ac viribus debilitari frangique possit. Veut-on en faire disparaitre toute la beauté, et choquer l'oreille autant qu'elle était satisfaite, il n'y a qu'à changer cette phrase, nulla est vis tanta et copia tanta quae non possit debilitari frangique viribus ac ferro.

Le nombre est un agrément absolument nécessaire dans toutes sortes d'ouvrages d'esprit, mais principalement dans les discours destinés à être prononcés. De-là vient qu'Aristote, Quintilien, Cicéron, et tous les autres rhéteurs, nous ont donné un si grand nombre de règles pour entremêler convenablement les dactyles, les spondées, et les autres pieds de la prosodie grecque et latine, afin de produire une harmonie parfaite.

On peut réduire en substance à ce qui suit tous les principes qu'ils nous ont tracés à cet égard. 1°. Le style devient nombreux par la disposition alternative, et le mélange des syllabes longues et breves, afin que d'un côté la multitude des syllabes breves ne rende point le discours trop précipité, et que de l'autre les syllabes longues trop multipliées ne le rendent point languissant. Telle est cette phrase de Cicéron : domiti gentes immanitate barbaras, multitudine innumerabiles, locis infinitas, omni copiarum genere abundantes, où les syllabes breves et longues se compensent mutuellement.

Quelquefois cependant on met à dessein plusieurs syllabes breves ou longues de suite, afin de peindre la promptitude ou la lenteur des choses qu'on veut exprimer ; mais c'est plutôt dans les Poètes que dans les Orateurs, qu'il faut chercher de ces cadences marquées qui font tableau. Tout le monde connait ces vers de Virgile :

Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum,

Luctantes ventos tempestatesque sonoras.

Voyez CADENCE.

2°. On rend le style nombreux en entremêlant des mots d'une, de deux, ou de plusieurs syllabes, comme dans cette période de Cicéron contre Catilina : vivis et vivis non ad deponendam, sed ad confirmandam audaciam. Au contraire, les monosyllabes trop fréquemment répétés, rendent le style desagréable et dur, comme hac in re nos hic non ferret.

3°. Ce qui contribue beaucoup à donner du nombre à une période, c'est de la terminer par des mots sonores, et qui remplissent l'oreille, comme celle-ci de Cicéron : qui locus quietis ac tranquillitatis plenissimus fore videbatur, in eo maximae molestiarum, et turbulentissimae tempestates extiterunt.

4°. Le nombre d'une période dépend non-seulement de la noblesse des mots qui la terminent, mais de tout l'ensemble de la période, comme dans cette belle période de l'oraison de Cicéron pour Fonteius, frère d'une des vestales : nolite pati, judices, aras deorum immortalium Vestaeque matris, quotidianis virginum lamentationibus de vestro judicio commoveri.

5°. Pour qu'une période coule avec facilité et avec égalité, il faut éviter avec soin tout concours de mots et de lettres qui pourraient être desagréables, principalement la rencontre fréquente des consonnes dures, comme : ars studiorum, rex Xerxes ; la ressemblance de la première syllabe d'un mot avec la dernière du mot qui le précède, comme res mihi invisae sunt : la fréquente répétition de la même lettre ou de la même syllabe, comme dans ce vers d'Ennius :

Africa, terribili tremit horrida terrae tumultu.

Et l'assemblage des mots qui finissent de même, comme : amatrices, adjutrices, praestigiatrices fuerunt.

Enfin, la dernière attention qu'il faut avoir, est de ne pas tomber dans le nombre poétique, en cherchant le nombre oratoire, et de faire des vers en pensant écrire en prose ; défaut dans lequel Cicéron lui-même est tombé quelquefois ; par exemple, quand il dit : cum loquitur, tanti fletus gemitusque fiebant.

Quoique ces principes semblent particuliers à la langue latine, la plupart sont cependant applicables à la nôtre ; car pour n'être point assujettie à l'observation des breves et des longues, comme le grec et le latin, elle n'en a pas moins son harmonie propre et particulière, qui résulte des cadences tantôt graves et lentes, tantôt légères et rapides, tantôt fortes et impétueuses, tantôt douces et coulantes, que nos bons orateurs savent distribuer dans leurs discours, et varier selon la différence des sujets qu'ils traitent. C'est dans leurs ouvrages qu'il faut la chercher et l'étudier.

NOMBRE RENTRANT, (Horlogerie) on appelle en Horlogerie nombres rentrants, quand le pignon qui engrene dans une roue, en divise les dents sans reste. Le commun des ouvriers estime que la perfection d'un rouage, consiste dans les nombres rentrants. M. de la Hire est d'un sentiment contraire ; pour moi, je croirais que cela est indifférent, et qu'il n'importe guère que les nombres soient rentrants, ou ne le soient pas, pourvu que les dents d'une roue soient bien égales. (D.J.)

NOMBRES, et petits filets se lèvent ensemble, termes de Vénerie ; ce sont les morceaux qui se prennent au-dedans des cuisses et des reins du cerf.

NOMBRE DE DIOS, (Géographie) ville ruinée en Amérique, dans la nouvelle Espagne, sur la côte septentrionale de l'isthme de Panama, au nord de la ville de même nom, et à l'orient de Porto-belo. Ce lieu est tombé en ruines, parce que le havre y est mauvais, et que les Espagnols se sont établis à Porto-belo, où le havre est merveilleux, et facîle à défendre. (D.J.)