Dans chaque couple ou taille de cartes, la première est pour le banquier, la seconde pour le ponte ; c'est-à-dire que si le ponte a mis, par exemple, sur un roi, et que la première carte d'une paire soit un roi, le banquier gagne tout ce que le ponte a mis d'argent sur son roi : mais si le roi vient à la seconde carte, le ponte gagne, et le banquier est obligé de donner au ponte autant d'argent que le ponte en a mis sur sa carte.

La première carte, celle que le banquier voit en retournant le jeu, est pour le banquier, comme on vient de le dire : mais il ne prend pas alors tout l'argent du ponte, il n'en prend que les 2/3, cela s'appelle facer.

La dernière carte, qui devrait être pour le ponte est nulle.

Quand le ponte veut prendre une carte dans le cours du jeu, il faut que le banquier baisse le jeu, en sorte qu'on voie la première carte à découvert : alors si le ponte prend une carte (qui doit être différente de cette premiere), la première carte que tirera le banquier sera nulle pour ce ponte ; si elle vient la seconde, elle sera facée pour le banquier ; si elle vient dans la suite, elle sera en pur gain ou en pure perte pour le banquier, selon qu'elle sera la première ou la seconde d'une taille.

M. Sauveur a donné dans le journal des Savants, 1679, six tables, par lesquelles on peut voir l'avantage du banquier à ce jeu. M. Jacques Bernoulli a donné dans son ars conjectandi l'analyse de ces tables, qu'il prouve n'être pas entièrement exactes. M. de Montmort, dans son essai d'analyse sur les jeux de hasard, a aussi calculé l'avantage du banquier à ce jeu. On peut donc s'instruire à fond sur cette matière dans les ouvrages que nous venons de citer : mais pour donner là-dessus quelque teinture à nos lecteurs, nous allons calculer l'avantage du banquier dans un cas fort simple.

Supposons que le banquier ait six cartes dans les mains, et que le ponte en prenne une qui soit une fois dans ces six cartes, c'est-à-dire dans les cinq cartes couvertes : on demande quel est l'avantage du banquier.

Il est visible (voyez ALTERNATION et COMBINAISON) que les cinq cartes étant désignées par a, b, c, d, e, peuvent être combinées en 120 façons différentes, c'est-à-dire en 5 fois 24 façons. Imaginons donc que ces 120 arrangements soient rangés sur cinq colonnes de 24 chacune, de manière que dans la première de ces colonnes a se trouve à la première place, que dans la seconde ce soit b qui occupe la première place, c dans la troisième, etc.

Supposons que a soit la carte du ponte, la colonne où la lettre a occupe la première place, est nulle pour le banquier et pour les pontes.

Dans chacune des quatre autres colonnes la lettre a se trouve six fois à la seconde place, six fois à la troisième, six fois à la quatrième, et six fois à la cinquième, c'est-à-dire qu'en supposant A la mise du ponte, il y a 24 arrangements qui font gagner 2 A /3 au banquier, 24 qui le font perdre, c'est-à-dire qui lui donnent-A, 24 qui le font gagner, c'est-à-dire qui lui donnent A, et 24 enfin qui sont nuls. Cela s'ensuit des règles du jeu expliquées plus haut.

Or, pour avoir l'avantage d'un joueur dans un jeu quelconque, il faut 1°. prendre toutes les combinaisons qui peuvent le faire gagner ou perdre, ou qui sont nulles, et dont le nombre est ici 120. 2°. Il faut multiplier ce qu'il doit gagner (en regardant les pertes comme des gains négatifs) par le nombre des cas qui le lui feront gagner ; ajouter ensemble ces produits, et diviser le tout par le nombre total des combinaisons. Voyez JEU, PARI. Donc l'avantage du banquier est ici

(24 x 2/3 A + 24 x-A + 24 x A)/120 = 2/15 A ;

1/15 A, c'est-à-dire que si le ponte a mis, par exemple, un écu sur sa carte, l'avantage du banquier est de 2/15 d'écu ou de huit sous.

M. de Montmort calcule un peu différemment l'avantage du banquier : mais son calcul, quoique plus long que le précédent, revient au même dans le fond. Il remarque que la mise du banquier étant égale à celle du ponte, l'argent total qui est sur le jeu, avant que le sort en ait décidé, est 2 A ; dans les cas nuls, le banquier ne fait que retirer son enjeu ; et le ponte le sien, ainsi le banquier gagne A : dans le cas où il perd, son gain est o ; dans les cas facés, il retire A + 2/3 A : dans les cas qui sont pur gain, il retire 2 A ; ainsi le sort total du banquier, ou ce qu'il peut espérer de retirer de la somme 2 A, est

24 x A + 24 x 5/3 A + 24 x o + 24 x 2 A + 24 x A/120 = A + 2/15 A et comme il a mis A au jeu ; il s'ensuit que 2/15 A est ce qu'il peut espérer de gagner, ou son avantage. Voyez AVANTAGE.

M. de Montmort examine ensuite l'avantage du banquier lorsque la carte du ponte se trouve, deux, ou trois, ou quatre fais, etc. dans les cartes qu'il tient. Mais c'est un détail qu'il faut voir dans son livre même. Cette matière est aussi traitée avec beaucoup d'exactitude dans l'ouvrage de M. Bernoulli que nous avons cité.

A ce jeu, dit M. de Montmort, comme à celui du pharaon, le plus grand avantage du banquier, est quand le ponte prend une carte qui n'a point passé, et son moindre avantage quand le ponte en prend une qui a passé deux fais. Voyez PHARAON ; son avantage est aussi plus grand, lorsque la carte du ponte a passé trois fais, que lorsqu'elle a passé seulement une fais.

M. de Montmort trouve encore que l'avantage du banquier à ce jeu est moindre qu'au pharaon ; il ajoute que si les cartes facées ne payaient que la moitié de la mise du ponte, alors l'avantage du banquier serait fort peu considérable ; et il dit avoir trouvé, que le banquier aurait du désavantage, si les cartes facées ne payaient que le tiers. (O)