S. m. (Histoire naturelle, Minéralogie) c'est un amas considérable formé, ou de coquilles entières, qui ont seulement perdu leur luisant et leur vernis, ou de coquilles brisées par fragments et réduites en poussière, ou de débris de substances marines, de madrépores, de champignons de mer, &c.... et l'on donne le nom de falun à la portion des coquilles qui est la plus divisée, et à celle qui n'est plus qu'une poussière. Les falunières de Touraine ont trois grandes lieues et demie de longueur sur une largeur moins considérable, mais dont les limites ne sont pas si précisément connues : cette étendue comprend depuis la petite ville de Sainte-Maure, jusqu'au Mantelan, et renferme les paroisses circonvoisines de Sainte-Catherine de Fierbais, de Louan, de Bossée.

Le falun n'est point une matière épaisse ; c'est un massif, dont l'épaisseur n'est pas déterminée : on sait seulement qu'il a plus de vingt pieds de profondeur.

Voilà donc un banc de coquilles d'environ neuf lieues carrées de surface, sur une épaisseur au moins de vingt pieds. D'où vient ce prodigieux amas dans un pays éloigné de la mer de plus de trente-six lieues ? comment s'est-il formé ?

Les paysans, dont les terres sont en ce pays naturellement stériles, exploitent les falunières, ou creusent leurs propres terres, enlèvent le falun, et le répandent sur leurs champs : cet engrais les rend fertiles, comme ailleurs la marne et le fumier.

Mais on n'exploite d'entre les falunières, que celles qu'on peut travailler avec profit. On commence donc à chercher à quelle profondeur est le falun : il se montre quelquefois à la surface ; mais ordinairement, il est recouvert d'une couche de terre de quatre pieds d'épaisseur. Si la couche de terre a plus de huit à neuf pieds, il est rare qu'on fasse la fouille : les endroits bas, aquatiques, peu couverts d'herbes, promettent du falun proche de la terre.

Quand on a percé un trou, on en tire dans le jour tout ce qu'on en peut tirer. Le travail demande de la célérité, l'eau se présentant de tous côtés pour remplir le trou à mesure qu'on le rend profond ; on l'épuise, à mesure qu'on travaille.

Il est rare qu'on emploie moins de quatre-vingt ouvriers à la fois ; on en assemble souvent plus de cent cinquante.

Les trous sont à-peu-près carrés ; les côtés en ont jusqu'à trois ou quatre taises de longueur : la première couche de terre enlevée, et le falun qui peut être tiré, jeté sur les bords du trou, le travail se partage ; une partie des travailleurs creuse, l'autre épuise l'eau.

A mesure qu'on creuse, on laisse des retraites en gradins, pour placer les ouvriers : on répand des ouvriers sur ces gradins, depuis le bord du trou jusqu'au fond de la minière, où les uns puisent l'eau à seau, et d'autres le falun. L'eau et le falun montent de main en main : l'eau est jetée d'un côté du trou, et le falun d'un autre.

On commence le travail de grand matin : on est forcé communément de l'abandonner sur les trois ou quatre heures après-midi.

On ne revient plus à un trou abandonné : on trouve moins pénible ou plus avantageux d'en percer un second, que d'épuiser le premier de l'eau qui le remplit. Cette eau filtrée à-travers les lits de coquille est claire, et n'a point de mauvais gout.

Jamais on n'a abandonné un trou faute de falun, quoiqu'on ait pénétré jusqu'à vingt pieds.

Le lit de falun n'est mêlé d'aucune matière étrangère : on n'y trouve ni sable, ni pierre, ni terre. Il serait sans-doute très-intéressant de creuser en plus d'endroits, et le plus bas qu'il serait possible, afin de connaître la profondeur de la falunière.

On ouvre communément les falunières vers le commencement d'Octobre : on craint moins l'affluence des eaux ; et c'est le temps des labours. On fouille quelquefois au printemps, mais cela est rare.

Quand le falun a été tiré, et qu'il est égoutté, on l'étend dans les champs. Il y a des terres qui en demandent jusqu'à trente à trente-cinq charretées par arpent : il y en a d'autres pour lesquelles quinze à vingt suffisent. On ne donne aux terres aucune préparation particulière : on laboure comme à l'ordinaire, et l'on étend le falun comme le fumier.

Il y a de la marne dans les environs des falunières ; mais elle ne vaut rien pour les terres auxquelles le falun est bon.

Ces dernières ne produisent naturellement que des brières ; les herbes y naissent à peine : on les appelle dans le pays des bornais ; la moindre pluie les bat et les affaisse ; le falun répandu les soutient. Voilà le principe de la fertilisation qu'elles en reçoivent.

Sur l'observation que le falun et la marne ne fertilisaient pas également les terres, M. de Reaumur a conclu que la nature de ces engrais était entièrement différente. Mais il en devait seulement conclure qu'il y avait des terres qui s'affaissant plus ou moins facilement, demandaient un engrais qui écartât plus ou moins leurs molécules ; et c'est l'effet que doivent produire des débris de coquilles plus ou moins divisées et détruites, comme elles le sont dans le falun, dans la marne et dans la craie, qui n'ont, selon toute apparence, que cette seule différence relative à leur action sur les terres qu'elles fertilisent ou ne fertilisent point.

Une terre une fois falunée, l'est pour trente ans : son effet est moins sensible la première année, que dans les suivantes ; alors le falun est répandu plus uniformément. Les terres falunées deviennent très fertiles.

Le falun tiré après les premières couches, est extrêmement blanc : les coquilles entières qu'on y remarque, sont toutes placées horizontalement et sur le plat. D'où il est évident qu'on ne peut en expliquer l'amas par un mouvement violent et troublé, qui offrirait un spectacle d'irrégularités qu'on ne remarque point dans les falunières.

Les bancs des falunières ont des couches distinctes ; autre preuve que la falunière est le résultat de plusieurs dépôts successifs, et qu'elle est l'ouvrage du séjour constant et durable d'une mer assise et tranquille, ou du moins se mouvant d'un mouvement très-lent.

On y trouve les coquilles les plus communes du Poitou, comme les palourdes, lavignans, huitres, mais elles abondent aussi en espèces inconnues sur les côtes ; telles que les meres-perles, la concha imbricata, des huitres différentes des nôtres, la plupart des coquilles contournées en spirales, soit rares, soit communes, des madrépores, des rétipores, des champignons de mer, etc.

Ces corps s'étant amassés successivement, et ayant séjournés un temps infini sous les eaux, ils ont eu celui de se diviser, et de former un massif uniforme, sans inégalité, sans vide, sans rupture, etc. Voyez les mémoires et l'hist. de l'académie, année 1720.