(Minéralogie) On appelle ainsi dans le Pérou et le Chily des masses d'argent poreuses et légères, faites d'une pâte desséchée qu'on forme par le mélange ou l'amalgame du mercure et de la poudre d'or, d'argent, tirée des minières.

Lorsque le minerai ou la pierre qui contient l'un de ces métaux a été détachée du filon, on commence par la concasser, pour la mettre en état d'être écrasée, moulue dans des moulins destinés à cet usage, auxquels l'eau donne ordinairement le mouvement, et qui ont des pilons de fer du poids de 200 livres.

Après avoir réduit le minerai en poudre, on le passe par des tamis ou cribles de fer ou de cuivre, et on le paitrit ensuite dans l'eau, jusqu'à ce qu'il ait acquis la consistance d'une boue assez épaisse.

Cette boue étant à demi-séchée, on la coupe par tables d'un pied d'épaisseur, et d'environ 25 quintaux. Chaque table, qu'on nomme cuerpo, est de nouveau paitrie avec du sel marin, qui s'y fond et s'y incorpore ; il en faut ordinairement 200 livres par table, mais on l'augmente ou on la diminue suivant la qualité du minerai.

Après cette préparation, à laquelle on emploie trois jours, on y joint depuis 10 jusqu'à 20 livres de mercure, suivant la richesse de la mine ; c'est-à-dire on y en met une plus grande quantité si elle est riche, et une moindre si elle ne l'est pas. On recommence ensuite à repaitrir chaque table, jusqu'à ce que le mercure ait bien ramassé et se soit bien incorporé avec l'argent.

Ce travail est très-dangereux, à cause des mauvaises qualités du mercure ; il se fait par des malheureux indiens, qui le recommencent huit fois par jour. Neuf ou dix jours suffisent pour cette amalgamation dans les lieux tempérés ; mais dans les pays froids, on y emploie quelquefois un mois ou six semaines.

La chaux et les mines de plomb ou d'étain qu'on est souvent obligé d'y mêler, facilitent beaucoup l'amalgame du mercure ; il faut même pour de certaines mines se servir du feu pour en avancer l'effet.

Lorsqu'on croit le mercure et l'argent bien amalgamés, on en fait l'essai en prenant un peu de terre de chaque cuerpo, et en la lavant dans de l'eau sur une assiette, si le mercure est blanc, on juge qu'il a produit son effet ; s'il est noirâtre, il faut le paitrir de nouveau, en y ajoutant du sel.

Lors enfin que l'essayeur est content, on l'envoie aux lavoirs : ce sont trois bassins construits en pente, qui se vident successivement l'un dans l'autre, et d'où la terre qui est mise dans le plus élevé, s'écoule à force d'être délayée par l'eau d'un ruisseau qui y tombe, et qu'un indien agite avec les pieds, ce que font aussi deux autres indiens dans les deux bassins suivants.

Lorsque l'eau sort toute claire des bassins, on trouve dans le fond, qui est garni de cuir, le mercure amalgamé avec l'argent, ce qu'on appelle la pella ; et c'est de cette pella qu'on forme les pignes, après qu'on en a fait sortir le plus que l'on peut de mercure, en la mettant d'abord dans des chausses de laine de vigogne, qu'on presse et qu'on bat fortement, et en la foulant ensuite dans un moule de bois de figure pyramidale octogone, au bas duquel est une plaque de cuivre remplie de plusieurs petits trous.

On donne à volonté différents poids aux pignes ; et pour connaître la quantité que chacune peut contenir d'argent, on les pese ; et en déduisant les deux tiers de leur pesanteur pour le mercure, on juge à-peu-près de ce qu'elles doivent contenir d'argent.

La pigne tirée hors du moule, et soutenue de la plaque de cuivre trouée, on la pose sur un trépié au-dessous duquel est un grand vaisseau plein d'eau : on couvre le tout d'un grand chapiteau de terre qu'on environne de charbon qu'on entretient toujours bien allumé. Le mercure que la pigne contient encore, se réduit en vapeur par la violence du feu ; il se condense ensuite dans l'eau, où il est reçu, et il reste une masse ou un amas de grains d'argent de différentes figures, qui se joignent par leurs extrémités, ce qui forme une masse poreuse et fort légère, et ce sont ces sortes de pignes que les mineurs tâchent de vendre furtivement aux vaisseaux étrangers qui vont dans la mer du Sud, et qui ont fait faire de si grands profits aux négociants qui se sont hasardés dans les dernières guerres à faire ce commerce de contrebande.

Ceux qui achetent de l'argenterie pigne, doivent bien se garder de la mauvaise foi des mineurs espagnols, qui pour les rendre plus pesantes en remplissent le milieu avec du sable ou du fer. Le plus sur est de les ouvrir ou de les faire rougir au feu ; car si elles sont falsifiées, elles noircissent ou jaunissent. On fraude aussi l'acheteur, en mêlant dans la même pigne de l'argent de différent aloi. Voyez le Dictionnaire de Chambers.

L'or en pigne est ce qui reste de l'amalgame qui a été fait du mercure avec l'or ; cette opération est décrite à l'article OR.