VEINES METALLIQUES, (Histoire naturelle, Minéralogie) venae metallicae. On nomme ainsi dans les mines, les cavités ou canaux souterrains dans lesquels on trouve des metaux, minéraux et autres substances fossiles qui se distinguent d'une façon sensible de la roche ou pierre dans laquelle ces substances sont renfermées. Ce n'est communément que dans les montagnes qu'on doit chercher des filons ; cependant il y en a qui, après être descendus des montagnes, ne laissent pas que de continuer leur cours dans les vallées. Les Naturalistes comparent ordinairement les filons aux veines ou artères qui se répandent dans le corps des animaux ; ou bien ils nous les représentent comme les branches et rameaux d'un grand arbre, qui partent d'un tronc qui est profondément enfoui dans les entrailles de la terre. On peut encore avec assez de justesse, les comparer aux rivières que nous voyons à la surface de la terre, qui sont continuellement grossies dans leur cours par les ruisseaux qui vont s'y joindre. En effet les grands filons sont presque toujours accompagnés d'autres plus petits, que l'on nomme fibres ou vénules, en allemand klufte, qui venant à s'y joindre, contribuent à les enrichir, et leur portent, pour ainsi dire, de la nourriture ; c'est pour cela que les Anglais les nomment feeders, nourriciers. Ces fibres ou vénules sont des fentes ou crevasses qui se rencontrent dans les roches et bancs de pierre dont est composée la montagne qui est traversée par un filon. Ces fibres ou fentes sont remplies ou de substances métalliques et minérales, ou de terres de différentes espèces, ou de crystallisations : quelquefois elles sont entièrement vides, et ne servent qu'à donner passage aux eaux qui de la surface de la terre descendent dans ses entrailles ; il y en a qui vont aboutir jusqu'à la première couche de la terre en partant du filon, d'autres ne vont pas si loin. Cependant il arrive quelquefois que ces fibres ou vénules sont remplies de substances, qui venant à se joindre à celles du filon, en diminuent la qualité, ou bien en donnant passage aux eaux, elles sont cause de la destruction du filon ; ou donnant passage à l'air, la matière contenue dans le filon, mise en action par la chaleur et la fermentation souterraine, se dissipe et s'échappe. Voyez l'article EXHALAISONS MINERALES.

Les Minéralogistes considèrent quatre choses dans les filons ; 1°. leur direction, 2°. leur chute ou inclinaison, 3°. leur force, c'est-à-dire leurs dimensions en longueur, largeur et profondeur ; 4°. la substance qui les accompagne ou leur sert d'enveloppe.

La direction d'un filon n'est autre chose que sa situation relativement aux quatre points cardinaux du monde ; cette direction est tantôt du septentrion au midi, tantôt du midi au septentrion, tantôt de l'orient à l'occident, ou de l'occident à l'orient, ou à-peu-près. C'est par la direction des différentes couches de roche ou de pierre, dont une montagne est composée, qu'on voit quelle peut être celle des filons qui s'y rencontrent ; cependant comme cette règle n'est point invariable, le moyen le plus sur pour déterminer la direction d'un filon, c'est d'avoir recours à une boussole des mines, que les Allemands nomment berg-compass, garnie d'une aiguille aimantée, et sur laquelle est un cercle partagé en 24 parties égales, qu'on nomme heures. Voyez l'art. GEOMETRIE SOUTERRAINE. On observera cependant que les Minéralogistes regardent comme les plus avantageux, les filons qui ont la même direction que les bancs de pierre qui les environnent. Il ne faut pas s'imaginer qu'un filon dans sa direction, décrive exactement une ligne droite qui réponde précisément à tels ou tels points de l'univers ; mais de même que les rivières, ils font plusieurs détours, et sont remplis de sinuosités, et quelquefois de coudes occasionnés par les fentes des montagnes, par les roches sauvages et autres obstacles qu'ils ont rencontrés dans leur chemin.

La seconde chose qu'on considére dans les filons, c'est leur chute ou leur situation relative à l'horizon. En effet ils sont diversement inclinés, et selon que leur inclinaison est plus ou moins sensible, les Mineurs allemands leur donnent différents noms ; on la détermine au moyen du quart de cercle. L'inclinaison d'un filon n'est pas toujours la même dans tout son cours ; on en voit quelquefois qui tombaient presque perpendiculairement, prendre tout-d'un-coup une inclinaison plus horizontale ; alors on dit que le filon remonte ; ou bien un filon qui marchait presque suivant une ligne horizontale, descend tout-d'un-coup plus perpendiculairement, et pour lors on dit que le filon s'enfonce. La partie du filon qui approche le plus près de la surface de la terre, se nomme la tête du filon, et la partie qui s'enfonce dans le sein de la terre, s'appelle la queue. C'est un principe qu'on regarde comme très-constant dans la Minéralogie, que plus les filons sont perpendiculaires à l'horizon et s'enfoncent en terre, plus ils sont riches et abondants, surtout quand ils sont parvenus à une profondeur assez grande pour être toujours environnés d'eau qui défend le minéral qui y est contenu, du contact de l'air et de ses vicissitudes. Cependant il en résulte de très-grands inconvénients ; en effet lorsqu'un filon est parvenu à une grande profondeur et qu'il est noyé dans l'eau, il est très-difficîle et quelquefois même impossible de le suivre, et souvent l'on est forcé d'abandonner le travail d'une mine au moment où le filon devient le plus abondant. A l'égard des filons qui marchent horizontalement et qui sont proches de la surface de la terre, ils sont ordinairement pauvres, et les minéraux qui y sont contenus sont plus exposés à se détruire, s'évaporer, et se décomposer.

Quant à la force d'un filon, c'est sa longueur, largeur et profondeur qui la constituent ; elle varie infiniment, non-seulement dans les différents filons qui se trouvent dans les entrailles de la terre, mais elle n'est pas même constante dans un seul et même filon. Il y a des filons qui sont d'une longueur très-considérable, et qui après avoir été interrompus dans leur cours par une vallée, une rivière ou un ravin, se retrouvent quelquefois plus riches qu'auparavant, à une lieue ou même à deux lieues de-là. D'autres filons au contraire ne s'étendent pas fort loin, et se perdent très-promtement. Pour ce qui est de la largeur du filon, elle n'est pas la même par-tout ; en certains endroits elle n'aura, par exemple, qu'un pouce, tandis que dans d'autres elle aura plusieurs pieds, et même plusieurs taises. Quand un filon se renfle dans quelques-unes de ses parties, les Mineurs disent qu'il prend du ventre.

Il arrive quelquefois que les filons, au lieu de suivre un cours déterminé comme celui des rivières ou des ruisseaux, semblables à des étangs ou lacs, s'étendent considérablement à droite et à gauche, et forment des espèces de bancs ou de lits dans le sein des montagnes, qui varient pour la profondeur et l'inclinaison ; les filons de cette espèce se nomment filons dilatés : d'autres fois ces filons formeront comme un abîme ou masse énorme de substance metallique et minérale, d'une largeur et profondeur considérable ; pour lors on les appelle venae cumulatae, filons en masses. Voyez Agricola, de re metallicâ, lib. III.

Ces deux espèces de filons en reçoivent d'autres, ou qui les traversent, ou qui viennent y porter leur richesse et se confondre avec eux, de même que les petits ruisseaux qui se déchargent dans des lacs ou des étangs. On sent aisément combien il est avantageux que les mines se trouvent ainsi disposées.

Les filons ne sont point de la même richesse dans toutes leurs parties : il y en a qui dans certains endroits seront solides, compacts, et parfaitement remplis de minéral, tandis que dans d'autres on trouvera le minéral répandu dans la terre par morceaux détachés de différentes grandeurs ; c'est ce que quelques naturalistes appellent minera nidulants ; les Allemands les nomment nieren, rognons : ou bien les filons seront remplis de pierres stériles, poreuses et spongieuses ; c'est ce que les mineurs d'Allemagne appellent donner dans des drusen. Voyez l'article DRUSEN. Quelquefois dans quelques endroits du filon, on ne rencontrera au lieu de minéral, que des fluors ou crystallisations de différentes couleurs, ou même des terres blanches, jaunes, bleues, rouges, etc. qui sont les débris du minéral qui a été détruit et décomposé, par les exhalaisons minérales, par les eaux et les autres causes qui agissent dans le sein de la terre : quand ces cas arrivent, les Mineurs disent qu'ils sont venus trop tard.

Pour ce qui est du minéral contenu dans un filon, il n'est pas par-tout de la même espèce, et ne donne pas les mêmes produits dans les travaux de la Docimasie et de la Metallurgie. Souvent un filon dont le minéral est pauvre, s'enrichit tout-d'un-coup, parce que les fibres ou vénules viennent lui apporter ce qui lui manquait, ou bien parce qu'un autre filon viendra se joindre à lui ; mais d'un autre côté, souvent ces venules ou filons qui viennent s'y joindre, loin d'enrichir le filon auquel ils s'unissent, contribuent à sa destruction par les eaux auxquelles ils donnent passage ; et par les substances arsénicales, sulphureuses et nuisibles qu'ils lui viennent apporter, diminuent la qualité du minéral qu'il contenait auparavant, en le rendant plus difficîle à traiter, plus aisé à se dissiper dans le feu, plus réfractaire, etc.

On voit encore des filons qui fournissaient beaucoup, aller en diminuant se partager en un grand nombre de fibres ou vénules, et enfin se perdre et se réduire à rien.

Il arrive quelquefois à un filon de manquer tout-d'un-coup, pour lors il semble tranché par une roche dure et sauvage qui en interrompt entièrement le cours ; il parait que ce phénomène doit être attribué à l'affaissement qui a pu arriver à une portion de la roche dont est composée la montagne où se trouve le filon ; révolution qui a dû déranger le cours du filon, et empêcher sa continuité ; dans ce cas les Mineurs sont obligés de percer cette roche dure, pour retrouver leur filon qui est de l'autre côté ; ou bien si ce travail est trop pénible et trop couteux, on tâche d'aller rechercher de l'autre côté, sans percer la roche, l'autre portion du filon ; mais pour la retrouver sans donner à faux, il faut beaucoup d'usage et d'expérience, et faire attention aux différentes couches de la montagne et aux changements qui ont dû y arriver pour causer la perte d'une portion du filon.

La rencontre d'une roche dure ne coupe pas toujours un filon ; quelquefois elle se contente de lui faire former des coudes, ou bien elle le partage en deux ou plusieurs branches, qui dans de certains cas se réunissent de nouveau, et pour lors la roche forme comme une île environnée par les deux bras du filon.

Il n'est pas rare de trouver dans une même montagne plusieurs filons contenant quelquefois des minéraux de différentes espèces ; ordinairement ils ne sont pas tous de la même force, et communément il y en a un qui est plus considérable, que l'on nomme filon principal, les autres s'appellent filons concomitants ou accompagnans. Les filons principaux ont plusieurs avantages sur les moindres ; en effet ils ne sont pas si facilement interrompus dans leurs cours par les roches dures ou autres obstacles qui se rencontrent, leurs dimensions sont plus considérables, leur direction n'est pas si sujette à varier, et la matière qu'ils contiennent est plus constante. Lorsqu'il se trouve plusieurs filons dans une même montagne, ils sont quelquefois parallèles les uns aux autres, et ils suivent chacun leurs directions sans se troubler dans leurs cours. Mais il arrive aussi fréquemment qu'ils se croisent et se coupent les uns les autres à différents angles. Plusieurs viennent quelquefois se réunir dans un même point, se séparent ensuite de nouveau, et chacun continue à suivre sa première direction. Dans de certains cas on voit deux ou plusieurs filons se joindre pour n'en former qu'un seul, et les substances que contiennent ces différents filons, se mêlent et se confondent : dans d'autres cas, les filons ne font que se joindre sans que leurs substances se confondent ; par exemple, un filon qui contient de la mine de plomb, s'associera avec un filon qui contient de la mine de cuivre, et tous les deux courront à côté l'un de l'autre pendant un espace assez considérable.

Enfin les Mineurs font attention à la substance qui sert immédiatement d'enveloppe aux filons ; les minéralogistes allemands la nomment salband ; cette écorce ou enveloppe sert à contenir le minéral, et le sépare de la roche stérîle et non-métallique, dont la montagne est composée. Quelquefois cette enveloppe est une substance pierreuse, d'autres fois c'est un limon ou gris, ou bleuâtre, ou jaunâtre, qu'on nomme besteck en allemand ; les Mineurs regardent ce limon comme un bon signe, qui leur annonce un filon riche et abondant. La partie de la roche qui couvre le filon, se nomme le tait, tectum. Celle sur laquelle le filon est soutenu, se nomme le sol, fundamentum. Quand à l'origine et à la formation des filons metalliques, voyez les articles EXHALAISONS MINERALES, MINERALISATION, MINES, METAL, etc. (-)