S. m. (Chimie) On se sert ordinairement de ce mot pour designer un remède secret, un remède dont la composition n'est pas connue ; ce qui rend ce remède mystérieux et plus estimable pour le vulgaire, ou pour ceux qui pechent par l'éducation ou par l'esprit. On dirait que ces personnes veulent être trompées, et se plaisent à être les dupes de ces fanfarons en Médecine, qu'on nomme charlatants.

Les hommes agités par leurs passions, détruisent la santé dont ils jouissent ; et aveuglés par de dangereux préjugés, ils s'en imposent encore sur les moyens de recouvrer cette santé précieuse, lorsqu'ils l'ont perdue. Ils blâment injustement la Médecine, comme une science extraordinairement obscure ; cependant en ont-ils besoin, ils n'ont pas recours à ceux qui par leur étude et leur application continuelle pourraient en avoir dissipé les prétendues ténèbres ; et dans leurs maladies ils s'en rapportent à des ignorants.

Tout le monde est médecin, c'est-à-dire tous les hommes jugent sur la Médecine décisivement, comme s'ils étaient certains de ce qu'ils disent ; et en même temps ils prétendent que les Médecins ne peuvent qu'y conjecturer.

On ne doit avancer que la Médecine est conjecturale, que parce qu'on peut dire que toutes les connaissances humaines le sont ; mais si on veut examiner sincèrement la chose, et juger sans préjugé, on trouvera la Médecine plus certaine que la plupart des autres sciences.

En effet, si une science doit passer pour certaine lorsqu'on en voit les règles plus constamment suivies, les Médecins sont plus en droit de réclamer ce témoignage en leur faveur, que les autres Savants. Quel contraste de maximes dans l'Eloquence, la Politique et la Philosophie ! Socrate a fait oublier Pythagore ; la doctrine de Socrate a de même été changée par Platon son élève ; Aristote formé dans l'école de Platon, semble n'avoir écrit que pour le contredire.

Et pour se rapprocher de nos jours, nos pères ont Ve Descartes fonder son empire sur les ruines de l'ancienne Philosophie : les succès ont été si éclatants, qu'il semblait avoir fait disparaitre devant lui tous les Philosophes ; et cependant moins d'un siècle a suffi pour changer presque toute sa doctrine : celle de Newton y a succédé, et plusieurs philosophes censurent aujourd'hui celle-ci.

Au milieu des ruines des écoles de Pythagore, de Socrate, de Platon, d'Aristote, de Descartes et de Newton, Hippocrate qui vivait avant Platon, se soutient, et jouit à-présent de la même estime que ses contemporains lui ont accordée ; sa doctrine subsiste, au lieu que celles des autres savants ses contemporains sont oubliées ou décriées.

Cependant Hippocrate n'était pas un plus grand homme que Socrate ou que Platon. Si la doctrine de ce médecin a été plus durable que celle de ces savants, c'est que la Médecine dont Hippocrate a traité, a quelque chose de plus constant que n'ont les sciences que ces grands philosophes cultivaient.

Cette foule d'opinions littéraires ou philosophiques qui tour-à-tour ont amusé le monde, est ensevelie depuis longtemps ; et l'art qui a pour objet la santé des hommes, est encore aujourd'hui à-peu-près le même qu'il était du temps d'Hippocrate, malgré l'immense intervalle des temps, malgré les changements nécessaires qu'ont introduits en Médecine la variété des climats, la différence des mœurs, les maladies inouies aux siècles passés. Toutes les découvertes faites par Galien, par Avicenne, par Rasis, par Fernel et par Boerhaave, n'ont servi qu'à confirmer les anciennes.

Pour juger la Philosophie, on ouvre les ouvrages des premiers philosophes. S'agit-il de la Médecine, on laisse là Hippocrate et Boerhaave, et l'on Ve chercher des armes contre elle dans les livres et la conduite des gens qui n'ont que le nom de médecin ; on lui objecte toutes les rêveries des Alchimistes, entre lesquelles les arcanes ne sont pas oubliés.

Il est du devoir d'un citoyen de faire tous ses efforts pour arracher les hommes à une prévention qui expose souvent leur vie, tant en les écartant des vrais secours que la science et le travail pourraient leur donner, qu'en les jetant entre les mains des prétendus possesseurs de secrets, qui achevent de leur ôter ce qui leur reste de santé. Combien d'hommes ont été dans tous les temps et sont encore tous les jours les victimes de cette conduite ! C'est pourquoi les magistrats attentifs à la conservation de la vie des citoyens, se sont toujours fait le plus essentiel devoir de leurs charges de protéger la Médecine, et ont donné une attention particulière à cette partie du gouvernement, surtout en réprimant l'impudence de ces imposteurs, qui pour tenter et exciter la confiance du peuple qu'ils trompent, ont des secrets pour tout, et promettent toujours de guérir.

ARCANE-CORALLIN, (Chim. med.) c'est le précipité rouge adouci par l'esprit-de-vin. Arcane veut dire secret ; et corallin veut dire ici, de couleur de corail. En disant arcane-corallin, on dit une composition ou un remède secret qui est rouge comme du corail. Paracelse a quelquefois nommé l'arcane-corallin, diacelta teston.

Pour faire l'arcane-corallin, il faut commencer par faire le précipité rouge ; et pour faire le précipité rouge, on met dans un matras ou dans une phiole de verre, parties égales de mercure et d'esprit-de-nitre. Lorsque la dissolution est faite, on la met dans une petite cornue que l'on place dans du sable sur le feu ; on ajoute un récipient à cette cornue, et on en lute les jointures.

Ensuite on distille jusqu'à sec, et on reverse dans la cornue ce qui a distillé dans le récipient. On fait redistiller, et on remet dans la cornue ce qui est passé dans le récipient. On réitère ainsi cette opération jusqu'à cinq fois ; on a par ce moyen un beau précipité rouge qui est en feuillets, comme du talc. Il faut à la dernière distillation augmenter le feu jusqu'à faire rougir la cornue.

Il y en a qui au lieu de faire le précipité rouge par la distillation, comme on vient de le dire, le font par l'évaporation : ils mettent dans une phiole ou dans un matras à cou court, parties égales de mercure et d'esprit-de-nitre ; ensuite ils mettent le vaisseau sur le sable à une chaleur douce. Lorsque la dissolution du mercure est achevée, ils augmentent doucement le feu, pour dissiper ce qui reste d'esprit-de-nitre et toute l'humidité ; ce qui donne un précipité blanc, qui devient jaune en augmentant le feu dessous. Ensuite on met ce précipité dans un creuset qu'on place au milieu des charbons ardents : le précipité devient rouge par la force du feu, cependant il n'est jamais aussi rouge que celui dont on a donné auparavant la préparation ; et lorsque pour tâcher de le rendre aussi rouge on emploie plus de feu, il devient moins fort, parce que le feu dissipe de l'acide ; et même on rétablit par-là en mercure coulant, une partie du précipité. On trouve des globules de mercure au couvercle du creuset.

Le précipité rouge fait par la distillation, est d'autant plus fort qu'il devient plus rouge, parce qu'il ne devient plus rouge que par la cohobation qui y concentre plus d'acide.

Il y a des fripons qui vendent du minium pour du précipité rouge. Un des moyens de distinguer l'un de l'autre, c'est de verser dessus de l'esprit-de-nitre ; mais le plus sur moyen d'éprouver le précipité, c'est d'en mêler trois parties avec deux de tartre crud, et une de salpetre, qu'on fond ensemble dans un creuset. Si c'est du minium, ou s'il y en a avec le précipité, on trouve après cette opération du plomb dans le fond du creuset. Voyez PRECIPITE.

On ne doit point employer intérieurement le précipité rouge, qu'on n'en ait fait l'arcane-corallin.

Cette opération se fait en versant sur le précipité rouge fait par cohobation de l'esprit-de-vin, jusqu'à ce qu'il en soit couvert. Il faut employer un esprit-de-vin bien rectifié, et y mettre le feu ; ensuite on fait sécher, et on réitère quatre fois ; et même, selon quelques chimistes, on y brule aussi de l'esprit-de-vin jusqu'à sept fais.

L'arcane-corallin est par ce moyen fort différent du précipité rouge ; l'esprit-de-vin y apporte un grand changement. Il y a autant de différence entre l'arcane-corallin et le précipité rouge, qu'il y en a entre l'esprit-de-nitre, qui est une eau-forte, et l'esprit-de-nitre dulcifié, qui est une liqueur agréable.

On fait peu d'usage de l'arcane-corallin, cependant il est fort efficace en Médecine, et il serait bon de s'en servir dans des cas de maladies opiniâtres qui résistent aux remèdes ordinaires.

Il est très-bon de simplifier la pratique de la Médecine, c'est-à-dire, il est à-propos de ne pas donner plus de remèdes qu'il n'en est nécessaire, et il faut les donner les plus faciles et les plus simples qu'il est possible. Mais il est des maladies qui exigent plus de remèdes, et des remèdes plus forts, sans lesquels ces maladies restent incurables ; et ce que fait un médecin qui a traité par les remèdes simples et ordinaires, ne sert souvent que de préparation pour un remède plus efficace ; le malade ennuyé de ne pas guérir, reçoit quelquefois ce remède d'un charlatan qui le donne sans connaissance, au lieu que le médecin pourrait le donner méthodiquement. Si le médecin se conduisait ainsi, il ne ferait que suivre le conseil d'Hippocrate, qui dit : melius est anceps adhibere remedium, quàm nullum.

On peut regarder l'arcane-corallin comme un des plus grands fondants des humeurs froides ou véroliques, qui sont des tumeurs ou des ulcères cancereux. Il produit aussi de bons effets dans certaines hydropisies et dans de vieilles maladies de la peau, comme sont certaines dartres.

L'arcane-corallin est un bon remède pour les vieilles véroles dont le dépôt est dans les parties solides du corps, comme dans les os. Il ne réussit pas si bien pour les véroles qui ne sont sensibles que dans les humeurs, surtout si elles sont nouvelles ; pour celles-là le mercure crud pris en friction ou autrement, vaut mieux.

On fait prendre l'arcane-corallin ou comme évacuant, ou comme purifiant. Lorsqu'on le donne comme évacuant, on le fait prendre à la dose de trois grains ; aux personnes délicates on n'en donne qu'un grain, et aux personnes robustes on en fait prendre jusqu'à cinq ; et même dans des cas extraordinaires, jusqu'à six grains tout-d'un-coup : il purge par bas, et quelquefois par le vomissement.

Lorsqu'on veut fondre les humeurs et les purifier, on en fait prendre matin et soir une prise d'un demi-grain ou d'un grain.

Pour purifier et vider en même temps les humeurs, M. Malouin en fait prendre trois prises le matin à une heure de distance l'une de l'autre, d'un demi-grain ou d'un grain chaque prise.

On prend une tasse d'eau tiede ou de tisane une demi-heure après chaque prise, et un bouillon une heure après la dernière prise.

On peut aussi se servir extérieurement de l'arcane-corallin ; on l'allie avec de la pommade ou avec du cérat de Galien, pour en frotter de vieilles dartres après avoir purgé suffisamment.

ARCANE DE TARTRE, (Chim. med.) c'est une matière saline composée de l'acide du vinaigre et de l'alkali du tartre. Elle se fait lorsqu'on précipite le soufre doré d'antimoine avec le vinaigre ; on fait évaporer la liqueur où s'est faite cette précipitation, et on en tire l'arcane de tartre, qui est une espèce de terre ou de tartre folié. (M)

* ARCANE, (Géographie ancienne et moderne) petite ville de la Turquie Asiatique dans la Natolie propre, sur la côte de la mer Noire, entre la ville de Seriape ou Sinape, et le cap Pisello. Quelques géographes prétendent que c'est l'Abonitrichos des anciens. Voyez CRAIE.