Lugdunum Batavorum, (Géographie) ville des Provinces-unies, capitale du Rhinland ; elle est grande, riche, agréable, et la plus peuplée des Provinces-unies, après Amsterdam. C'est aussi une des six premières villes de la Hollande, ayant 45 bourgs ou villages qui dépendent de son territoire ; mais son académie ou son université, fondée en 1565 par le prince d'Orange et les états de la province, est ce qui contribue le plus à son illustration.

On convient assez généralement du nom latin de Leyde : les Géographes la reconnaissent pour le Lugdunum Batavorum, dont Ptolémée fait une mention honorable, et que l'Itinéraire d'Antonin appelle Lugdunum ad Rhenum caput Germanorum. A l'égard de ses anciens noms du pays, Alting vous en instruira.

Il n'est pas aussi facîle de décider du temps de sa fondation, quoiqu'il soit prouvé qu'elle est plus ancienne qu'Harlem, fondée en 406 par Lémus fils de Dibbald, roi des Frisons ; elle est même plus ancienne que Dort, puisque nous avons Ve qu'elle était déjà fameuse du temps de Ptolémée qui vivait sous Antonin Pie, fondateur de Dort. Enfin, dans l'année 1090, on la regardait pour une seigneurie considérable, et les comtes de Hollande lui donnèrent des seigneurs héréditaires avec le titre de Burggraves.

Mais pour passer à des siècles moins reculés, ses citoyens se comblèrent de gloire dans le siege que les Espagnols firent de leur ville en 1572, et qu'ils renouvellèrent l'année suivante. Cette défense est un des plus grands témoignages historiques de ce que peut sur les hommes l'amour de la liberté. Les habitants de Leyde, souffrirent alors tout ce qu'il est possible d'imaginer de plus cruel. La famine et la peste les réduisirent à l'extrémité, sans leur faire perdre courage. Ils mandèrent leur triste état au prince d'Orange par le moyen des pigeons, pratique ordinaire en Asie, et peu connue des Européens ; ensuite, ils firent la même chose que les Hollandais mirent en usage en 1672, lorsque Louis XIV. était aux portes d'Amsterdam, ils percèrent les digues ; les eaux de l'Issel, de la Meuse et de l'Océan, inondèrent les campagnes, et une flotte de deux cent bateaux apporta du secours dans leur ville par-dessus les ouvrages des Espagnols. Vainement ceux-ci entreprirent de saigner cette vaste inondation, ils n'y purent réussir, et Leyde célèbre encore aujourd'hui tous les ans, le jour de sa délivrance. La monnaie de papier qu'elle fabriqua avec la légende admirable qui peignait les sentiments qui l'animaient, libertatis ergò, fut toute échangée pour de l'argent quand la ville se trouva libre.

Elle est très-avantageusement située sur le Rhin, dans une plaine, au milieu des autres villes de la Hollande, à une lieue de la mer, 3 de Delft, 6 S. E. de Harlem, 7 O. d'Utrecht, 8 S. O. d'Amsterdam, 6 N. O. de Rotterdam, et 9 de Dort. Long. suivant Zumbac, 22 d. 8'. 48''. lat. 52 d. 12'.

L'académie de Leyde est la première de l'Europe. Il semble que tous les hommes célèbres dans la république des lettres, s'y sont rendus pour la faire fleurir, depuis son établissement jusqu'à nos jours. Jean Douza, Joseph Scaliger, Saumaise, Adrien Junius, Pierre Forest, Rember Dodonée, François Rapheleng, Jean Cocceius, François Gomar, Paul Merula, Charles Clusius, Conrard Vorstius, Philippe Cluvier, Jacques Arminius, Jacques Golius, Daniel Heinsius, Dominique Baudius, Paul Herman, Gerard Noodt, Schultens, Burmann, Vitriarius, s'Gravesande et Boerhaave, dont les grands élèves sont devenus les médecins des nations ; je ne dois pas oublier de joindre à cette liste incomplete , les Gronovius et les Vossius nés dans l'académie.

Les Gronovius nous ont donné tous les auteurs classiques, cum notis variorum ; mais nous devons à Jacques, mort en 1716 âgé de 71 ans, un nombre étonnant d'autres ouvrages, dont vous trouverez le catalogue dans les Mém. du P. Niceron tit. II. Je me contenterai de citer le Trésor des antiquités grecques, Lugd. Bat. 1697. en 13. vol. in-folio. Les meilleures éditions des anciens Géographes, Scylax, Agathamer, Palmerius, Manéthon, Etienne de Byzance, Pomponius Méla, Arrien, et la belle édition de Marcellin, Lugd. Bat. 1693. in-fol. et celle d'Hérodote, Lugd. Bat. 1715. in-folio. sont le fruit des veilles de cet illustre littérateur.

(Gérard Jean) Vossius, doit appartenir à Leyde, quoique né dans le Palatinat, parce que son père l'emmena en Hollande, n'ayant que six mois, et qu'il y mourut en 1649 âgé de 72 ans. On connait ses ouvrages latins sur l'origine de l'idolâtrie, les sciences mathématiques, les arts populaires, l'histoire du pélagianisme ; les historiens grecs et latins, les poètes grecs et latins, le recueil étymologique de la langue latine, etc. On les a rassemblés à Amsterdam en 6 vol. in-folio. Il laissa cinq fils, Denis, Français, Gérard, Matthieu, et Isaac, qui entre eux et leur père ont rempli le XVIIe siècle de leurs ouvrages. C'est à Isaac que M. Colbert écrivit en 1663 : " Monsieur, quoique le roi ne soit pas votre souverain, il veut néanmoins être votre bienfaiteur, et m'a commandé de vous envoyer la lettre de change ci-jointe, comme une marque de son estime, et un gage de sa protection. Chacun sait que vous suivez l'exemple du fameux Vossius votre père, et qu'ayant reçu de lui un nom qu'il a rendu illustre par ses écrits, vous en conservez la gloire par les vôtres, etc. " Isaac Vossius mourut à Windsor en 1688, à 71 ans.

Pour ce qui est de Jean Douza (Jan Vander Does) que j'ai mis à la tête des hommes qui nés dans le sein de Leyde, ont fait fleurir cette ville ; il faut ajouter ici que son nom lui est doublement cher, non seulement comme celui d'un aimable poète et d'un savant, qu'on nommait pour son érudition le Varron de la Hollande ; mais surtout celui d'un grand capitaine, au génie duquel elle fut redevable de sa liberté. Le prince d'Orange lui confia la défense de cette place, dans le fameux siege des Espagnols dont j'ai parlé, et que Requésens commandait. Vander Doès, ne trompa point l'opinion favorable qu'on avait de lui, il défendit constamment sa patrie avec la même valeur et la même sagesse. Doué d'un sang froid admirable, au milieu des plus grands dangers, il soutenait le courage de ses compatriotes, et répondait en vers au bas des lettres que le général espagnol lui adressait pour se rendre, tout ce que l'esprit pouvait dicter d'ingénieux, et de propre à tromper son ennemi. Il mourut comblé de gloire en 1597 à l'âge de 52 ans. (D.J.)