[ Géographie ] pays d'Asie qui fait partie de la Perse entre la mer Noire et la mer Caspienne.

La Géorgie est bornée au nord par la Circassie, à l'orient par le Daghestan et le Schirvan, au midi par l'Arménie, et au couchant par la mer Noire. Elle comprend la Colchide et l'Ibérie des anciens, tandis que le Daghestan et le Schirvan forment à-peu-près l'ancienne Albanie.

Elle est divisée par les montagnes en deux parties : l'une orientale où sont les royaumes de Caket au nord, et de Carduel au midi ; l'autre occidentale qui comprend au nord les Abcasses, la Mingrélie, l'Imirette et le Guriel ; tout ce pays est nommé Gurgistan par les orientaux. La rivière de Kur le traverse, et elle porte bateau, ce qui n'est pas commun aux rivières de Perse. Téflis capitale de la Géorgie, est au 83d. de long. et au 43d. de lat.

Cette vaste région pour la possession ou la protection de laquelle les Persans et les Turcs ont si longtemps combattu, et qui est enfin restée aux premiers, fait un état des plus fertiles de l'Asie. Il n'en est guère de plus abondant, ni où le bétail, le gibier, le poisson, la volaille, les fruits, les vins soient plus délicieux.

Les vins du pays, surtout ceux de Téflis, se transportent en Arménie, en Médie et jusqu'à Ispahan, où ils sont réservés pour la table du Sophi.

La soie s'y recueille en quantité ; mais les Géorgiens qui la savent mal apprêter, et qui n'ont guère de manufactures chez eux pour l'employer, la portent chez leurs voisins, et en font un grand négoce en plusieurs endroits de Turquie, surtout à Arzeron et aux environs.

Les seigneurs et les pères étant maîtres en Géorgie de la liberté et de la vie, ceux-ci de leurs enfants, et ceux-là de leurs vassaux ; le commerce des esclaves y est très-considérable, et il sort chaque année plusieurs milliers de ces malheureux de l'un et de l'autre sexe avant l'âge de puberté, lesquels pour ainsi dire, se partagent entre les Turcs et les Persans qui en remplissent leurs serrails.

C'est particulièrement parmi les jeunes filles de cette nation (dont le sang est si beau qu'on n'y voit aucun visage qui soit laid), que les rois et les seigneurs de Perse choisissent ce grand nombre de concubines, dont les orientaux se font honneur. Il y a même des défenses très-expresses d'en trafiquer ailleurs qu'en Perse ; les filles georgiennes étant, si l'on peut parler ainsi, regardées comme une marchandise de contrebande qu'il n'est pas permis de faire sortir hors du pays.

Il faut remarquer que de tout temps on a fait ce commerce ; on y vendait autrefois les beaux garçons aux Grecs. Ils sont, dit Strabon, plus grands et plus beaux que les autres hommes, et les géorgiennes plus grandes et plus belles que les autres femmes. Le sang de Géorgie est le plus beau du monde, dit Chardin : la nature, ajoute-t-il, a répandu sur la plupart des femmes des grâces qu'on ne voit point ailleurs ; et l'on ne trouve en aucun lieu ni de plus jolis visages, ni de plus fines tailles que celles des géorgiennes ; mais, continue-t-il, leur impudicité est excessive.

On voit en Géorgie des Grecs, des Juifs, des Turcs, des Persans, des Indiens, des Tartares et des Européens. Les Arméniens y sont presqu'en aussi grand nombre que les naturels même. Souverainement méprisés ils remplissent les petites charges, font la plus considérable partie du commerce de Géorgie, et s'enrichissent aux dépens du pays.

Quoique les mœurs et les coutumes des Géorgiens soient un mélange de celles de la plupart des peuples qui les environnent, ils ont en particulier cet étrange usage, que les gens de qualité y exercent l'emploi de bourreau ; bien loin qu'il soit réputé infame en Géorgie, comme dans le reste du monde, c'est un titre glorieux pour les familles.

Les maisons des grands et des lieux publics sont construits sur le modèle des édifices de Perse, mais la plupart des églises sont bâties sur le haut des montagnes, en des lieux presqu'inaccessibles ; on les salue de loin, et on n'y Ve presque jamais : cependant il y a plusieurs évêques en Géorgie, un archevêque, un patriarche ; et c'est le viceroi, autrement dit gorel, nommé par le sophi, et toujours mahométan de religion, qui remplit les prélatures.

Voilà le précis de ce que j'ai lu de plus curieux sur la Géorgie dans Chardin, Tavernier, Thévenot, Tournefort et la Motraye, et ce précis m'a paru digne d'avoir ici sa place. (D.J.)