S. f. (Art militaire) c'est dans les armées les troupes qui combattent à pied, et qu'on nomme aussi fantassins et piétons.

L'infanterie fait la partie la plus importante et la plus considérable des armées en Europe. Elle combat dans toutes sortes de terrains ; elle seule défend et prend les villes ; dans les batailles elle n'est pas moins utîle que la cavalerie, qui agit seulement dans les endroits ouverts et spacieux. La rase-campagne, dit Vegece, est propre pour la cavalerie ; les villes, les plaines et les lieux escarpés sont propres pour l'infanterie.

Quelqu'utîle que soit l'infanterie dans toutes les actions de la guerre, nous ne mettrons point en question si une armée doit être composée seulement d'infanterie ou de cavalerie. Les armées doivent être par-tout en état de combattre ; il suit de-là qu'elles ont besoin des deux espèces de troupes nécessaires à cet effet.

Une armée qui n'aurait que de l'infanterie ou de la cavalerie, se trouverait privée de l'avantage qui résulte du concours de ces différentes troupes. Si dans un pays de bois et de montagnes, la première est plus utîle que la cavalerie, cette dernière a aussi quelqu'avantage en plaine ; car quoiqu'il soit possible de gagner des batailles en terrain uni avec de l'infanterie, comme on l'a Ve du temps des Romains, et du temps que les piques étaient en usage, la victoire ne saurait être complete à cause de la facilité que la cavalerie a de s'éloigner de l'infanterie. C'est ce que Xénophon observe dans la fameuse retraite des dix mille : comme l'armée des Grecs n'avait point de cavalerie, elle ne pouvait, dit cet auteur, rien gagner dans la victoire, et elle perdait tout dans une défaite.

La cavalerie est encore très-utîle pour soutenir l'infanterie. Si l'on suppose qu'une ligne d'infanterie, derrière laquelle est une ligne de cavalerie, soit battue ou poussée, la cavalerie peut, en tombant sur les troupes victorieuses, que la charge ne peut manquer d'avoir dérangé, leur en imposer, si elle ne peut les rompre et arrêter leur poursuite. Il en est de même d'une ligne de cavalerie soutenue par de l'infanterie : c'est ainsi qu'on fortifie une arme par l'autre ; mais on ne le fait point lorsqu'on partage la cavalerie également aux ailes, et qu'on met l'infanterie au centre. Voyez ARMEE et ORDRE DE BATAILLE.

Il ne faut pas s'épuiser en longs raisonnements pour démontrer l'utilité de la cavalerie dans les armées ; un peu d'attention et de réflexion sur les différentes actions de la guerre suffit pour s'en convaincre ; mais on ne doit pas conclure de-là, qu'on ne saurait la rendre trop nombreuse. Ce n'est pas son usage que M. le chevalier de Folard a blâmé dans plusieurs endroits de son commentaire sur Polybe, mais l'abus du trop grand nombre. La cavalerie est fort couteuse ; la dépense de mille hommes à cheval, dit M. le marquis de Santacrux, suffit pour payer 2500 hommes à pied. Cette dépense n'est pas le seul inconvénient qui résulte d'une trop grande quantité de cavalerie. Elle ne peut se maintenir long temps dans un camp qu'il conviendrait quelquefois de conserver, à cause de la disette et de la difficulté des fourrages ; d'ailleurs l'armée ne peut s'éloigner des rivières, on en a besoin pour les chevaux ; et quand on défend un camp retranché, il peut résulter de grands inconvénients d'avoir trop de cavalerie et peu d'infanterie. Il faut donc qu'il y ait une juste proportion entre l'infanterie et la cavalerie. Ce qui peut servir à la déterminer, c'est l'examen des différentes actions propres à chacun de ces corps, les secours mutuels qu'ils doivent se procurer, la nature du pays où l'on doit faire la guerre, et l'espèce d'ennemis que l'on a à combattre.

Chez les Grecs, qu'on peut regarder comme les premiers inventeurs de la science militaire, la cavalerie, suivant les Tacticiens, était la sixième partie de l'infanterie, c'est-à-dire qu'elle était à l'infanterie comme 1 est à 6. La phalange était composée de 16384 hommes pesamment armés, et de 8192 hommes de troupes légères. Ces deux nombres font ensemble 24576 hommes. La cavalerie était de 4096 hommes ; ce qui fait voir qu'elle était la sixième partie du nombre précédent, et par consequent la septième partie de celui de l'armée. Chez les Romains le rapport de l'infanterie à la cavalerie était beaucoup plus petit, il était à peu près comme 1 est à 20, ou comme 3 est à 50. Ce rapport n'était pas suffisant ; aussi les Romains se trouvèrent-ils souvent dans des circonstances fâcheuses pour l'avoir adopté.

Quoique le rapport de la cavalerie à l'infanterie fût établi de 1 à 6 par les Tacticiens grecs, les généraux ne s'y bornaient pas toujours ; ils le variaient suivant les occasions. " Dans l'armée que les officiers grecs formèrent pour le service du roi d'Egypte, il n'y avait pas plus de 5000 hommes de cavalerie pour 70000 hommes d'infanterie. Le dernier Philippe fit la guerre au proconsul Flamininus avec 2000 cavaliers joints à la phalange ; la Thessalie, dont on fit le théâtre de la guerre, était un pays montagneux, où une cavalerie plus nombreuse aurait été inutile. On remarque mieux cette proportion dans l'armée d'Alexandre le grand ; il marcha en Asie avec 30000 hommes d'infanterie et 5000 de cavalerie. Note de M. Guischardt sur la Tactique d'Arrien.

Les Romains qui dans les temps brillans de la république, avaient peu de cavalerie et beaucoup d'infanterie, n'eurent presque plus que de la cavalerie quand ils furent dans leur décadence, ce qui fournit cette réflexion à M. le président de Montesquieu, " que plus une nation se rend savante dans l'art militaire, plus elle agit par son infanterie ; et que moins elle le connait, plus elle multiplie sa cavalerie. C'est que, ajoute cet illustre auteur, sans la discipline, l'infanterie pesante ou légère n'est rien, au lieu que la cavalerie Ve toujours dans son désordre même. L'action de celle-ci consiste plus dans son impétuosité et un certain choc ; celle de l'autre dans sa résistance et une certaine immobilité ; c'est plutôt une réaction qu'une action. Enfin la force de la cavalerie est momentanée ; l'infanterie agit plus longtemps ; mais il faut de la discipline pour qu'elle puisse agir longtemps. Grandeur des Romains, etc. chap. XVIIIe

C'est en effet la bonne discipline qui peut rendre à l'infanterie son ancienne supériorité sur la cavalerie, et peut être le renouvellement des piques. Les Grecs ne négligaient rien pour exercer leur infanterie ; mais ils se souciaient fort peu du maniment de la pique ; c'était les évolutions qu'on enseignait aux troupes, comme la chose la plus essentielle, dit un auteur que nous avons cité dans cet article ; et M. le maréchal de Saxe est, dit-il, entré dans l'esprit des anciens, quand il met le secret de l'exercice dans les jambes et non dans les bras.

Le rapport de la cavalerie à l'infanterie, qui parait être le plus communément suivi aujourd'hui dans les armées, est à peu-près celui d'1 à 2, ou de 2 à 5 ; en sorte que la cavalerie est environ le tiers ou les deux septiemes de l'armée. Ce rapport s'accorde assez exactement avec celui que M. le maréchal de Saxe établit dans ses rêveries ou mémoires sur la guerre. Mais cet illustre général distingue la cavalerie en deux espèces ; savoir, en grosse cavalerie et en dragons. " De la première qui, dit-il, est la véritable, il en faut peu, parce qu'elle coute beaucoup ". Il estime que quarante escadrons de cette cavalerie sont suffisans pour une armée de quarante à cinquante mille hommes ; mais qu'à l'égard des dragons il en faut au moins le double.

Ces quarante escadrons à 150 hommes chacun, font 6000 hommes ; si on leur ajoute le double de dragons, c'est-à-dire douze mille, on aura 18000 hommes pour la cavalerie de l'armée dont il s'agit. Cette armée étant supposée de quarante à cinquante mille hommes, on peut par conséquent la regarder comme de quarante-cinq mille ; dans cette supposition dix-huit mille est les deux cinquiemes. On voit par-là que M. le maréchal de Saxe met à peu-près les deux septiemes de l'armée en cavalerie et dragons. C'est le double de la cavalerie des Grecs.

M. le marquis de Santacrux ne demande point une cavalerie aussi nombreuse. Il prétend que si le pays où l'on fait la guerre est un pays de plaines, il suffit que la cavalerie, en y comprenant les dragons, soit la quatrième ou la cinquième partie de l'armée ; que si l'armée doit agir dans un pays de montagnes, entrecoupé de bois et de ravins, la cavalerie peut être réduite à la sixième partie de l'armée. Ce sentiment parait mériter d'autant plus d'attention que cet illustre auteur, en diminuant le grand nombre de cavalerie qu'on emploie actuellement dans les armées, se rapproche davantage de l'usage des Grecs, qu'on ne peut se dispenser de regarder comme nos maîtres dans l'art militaire.

A l'égard des différentes manières dont on a formé l'infanterie, et des différents corps dont on l'a composé, voyez PHALANGE, LEGION, COHORTE, MANIPULE, REGIMENT, BATAILLON, BRIGADE, COMPAGNIE, etc.