(Art militaire) se dit en général de toutes les provisions de guerre qui concernent les armes et les vivres. Les premières sont appelées munitions de guerre ; et les autres, munitions de bouche.

Lorsqu'on a dessein de faire la guerre, les munitions de toute espèce forment un objet qui mérite la plus grande attention. Il faut en faire des amas de longue main, et comme on ne le peut sans argent, on peut établir que l'abondance de ce métal est d'une nécessité absolue pour se préparer à la guerre. On a déjà observé, article GUERRE, que lorsque Henri IV. eut dessein de porter la guerre en Allemagne, M. de Sulli l'engagea à suspendre ses opérations jusqu'à ce qu'il eut dans ses coffres de quoi la faire plusieurs années, sans mettre de nouvelles impositions sur ses peuples. Lorsque Persée se préparait à la guerre contre les Romains, il avait en réserve, outre les sommes nécessaires pour la solde et la dépense de son armée, de quoi stipendier dix mille hommes de troupes étrangères pendant dix ans. Il avait amassé des vivres pour un pareil nombre d'années ; ses arsenaux étaient remplis d'armes pour équiper trois armées aussi nombreuses que celle qu'il avait sur pied : les hommes ne devaient point lui manquer ; au défaut des Macédoniens, la Thrace lui en offrait une source inépuisable. Si ce prince avait porté la même conduite et la même prudence dans le reste des opérations de la guerre à laquelle il se préparait, on peut douter s'il n'aurait pas trouvé le moyen d'arrêter la puissance des Romains. Mais tant de choses différentes concourent aux succès des opérations militaires, que ce n'est pas assez d'en bien administrer quelques parties, il faut qu'elles le soient toutes également. Nous réduirions volontiers l'essentiel des préparatifs nécessaires pour commencer la guerre à deux objets principaux, qui sont l'argent et de bons généraux. Avec de l'argent, on ne manque ni d'hommes ni de munitions, et avec des généraux habiles on a toujours de bons soldats et de bons officiers ; on fait la guerre avec succès, quel que soit le nombre d'ennemis que l'on ait à combattre ; au lieu que, sous des généraux médiocres, les préparatifs formés avec le plus de soins et de dépense, ne sont souvent qu'une charge pour l'état qui n'en tire aucun avantage. Les Romains n'avaient jamais eu d'armée plus nombreuse que celle qui combattit à Cannes contre Annibal ; ils n'avaient jamais fait plus de dépense et pris plus de précautions pour vaincre ce redoutable ennemi, mais la mauvaise conduite de Varron leur en fit perdre tout le fruit.

Une des principales munitions de bouche est le pain ; celui qu'on distribue à l'armée et qu'on appelle par cette raison pain de munition, contient deux rations. Voyez RATION. Il sert pour la nourriture de deux jours au soldat. Ce pain devait peser suivant les anciens règlements militaires trois livres ou quarante-huit onces. Mais l'ordonnance du premier Mai 1758 ayant augmenté la ration de quatre onces, il pese actuellement cinquante six onces ou trois livres et demie. Il doit être composé de deux tiers de froment et d'un tiers de seigle. On emploie ces grains sans en ôter la paille ou le gros son. Il doit être cuit et rassis, et entre bis et blanc.

Comme le poids du pain qu'on donne ordinairement pour quatre jours aux soldats, et quelquefois pour six, est fort incommode dans les marches, que d'ailleurs il exige une grande quantité de chariots ou de caissons pour le voiturer à la suite de l'armée, M. le maréchal de Saxe pensait qu'il serait fort important d'accoutumer les troupes à se nourrir de biscuit. Les pourvoyeurs des vivres, dit cet illustre général, font accroire tant qu'ils peuvent que le pain vaut mieux pour le soldat ; mais cela est faux : et ce n'est, dit-il, que pour avoir occasion de friponner qu'ils cherchent à le persuader. En effet, Montecuculli et plusieurs autres célèbres auteurs militaires admettent l'usage du biscuit. Il se conserve très-longtemps ; il faut moins de voitures pour le transporter à la suite de l'armée, et le soldat peut en porter pour huit ou dix jours, et même pour quinze, sans être chargé d'un poids considérable. Ces avantages méritent sans doute la plus grande attention. Mais si l'on veut s'en tenir à l'usage à cet égard, on doit au-moins, comme le propose M. Le maréchal de Puysegur, avoir des magasins de biscuit en réserve dans le voisinage des armées : on s'en sert dans les cas où ses mouvements en-avant l'éloignent trop des lieux où elle tire le pain pour en avoir commodément.

Outre le pain, on fournit aussi en campagne une demi-livre de viande à chaque soldat ou cavalier ; il y a pour cet effet de nombreux troupeaux de bœufs et de moutons à la suite des armées.

Les munitions de fourrage sont aussi de la plus grande importance pour les armées. Lorsqu'on entre de bonne heure en campagne, la terre ne produit rien pour la nourriture des chevaux. Il faut par conséquent y suppléer par de nombreux magasins à portée des lieux où l'armée doit agir ; il en faut aussi pour la subsistance des chevaux pendant l'hiver, lorsque le pays que l'on occupe ne peut fournir la quantité dont on a besoin.

Comme la formation des magasins peut donner des indices à l'ennemi des endroits où l'on veut porter la guerre, il faut faire en sorte de les former sans qu'il en ait connaissance, ou sans qu'il puisse en pénétrer le véritable motif. C'est un art particulier qu'avait M. de Louvois, et cet art qu'il a employé plusieurs fois avec succès, n'a pas peu contribué à la gloire des entreprises de Louis XIV.

Suivant M. le maréchal de Puysegur, une armée de cent vingt mille hommes consomme chaque jour environ mille sacs de farine, pesant chacun deux cent livres. (Q)

MUNITIONNAIRE, s. m. est à l'armée, celui qui est chargé du soin de pourvoir à la subsistance des troupes de l'armée. Voyez COMMISSAIRE GENERAL DES VIVRES.