ou MUFTI, s. m. (Histoire moderne) c'est le chef ou le patriarche de la religion mahométane. Il réside à Constantinople. Voyez MAHOMETISME.

Le muphti est le souverain interprête de l'alcoran, et décide toutes les questions sur la loi. Voyez ALCORAN.

Il a rang de bacha, et son autorité est quelquefois redoutable au grand-seigneur lui-même : c'est lui qui ceint l'épée au côté du grand-seigneur, cérémonie qui répond au couronnement de nos rais.

Le peuple appelle le muphti, le faiseur de lais, l'oracle jugement, le prélat de l'orthodoxie, et croit que mahomet s'exprime par sa bouche. Autrefois les Sultants le consultaient sur toutes les affaires ecclésiastiques ou civiles, surtout lorsqu'il s'agissait de faire la guerre ou la paix, à son abord il se levait par respect et avançait quelques pas vers lui ; mais le prince et ses ministres agissent assez souvent sans sa participation, et lorsqu'il n'est pas agréable à la cour, on le dépose et on l'exile. Le grand seigneur en nomme un autre : on ne regarde pas même sa personne comme tellement sacrée, qu'on ne le mette quelquefois à mort. Ainsi en 1703, Achmet III. fit étrangler le muphti Omar-Albouki et son fils, et Amurat IV. fit broyer vif un autre muphti dans un mortier de marbre qu'on conserve encore au chateau des sept tours, en disant que les têtes que leur dignité exempte du tranchant de l'épée, devaient être brisées par le pilon.

Lorsque le grand sultan nomme un muphti, il l'installe lui-même dans sa nouvelle dignité, en le revétant d'une pelisse de martre zibeline et lui donnant mille écus d'or, il lui assigne aussi une pension pour son entretien que le muphti grossit par les sommes qu'il tire de la vente de certains offices dans les mosquées royales. Au reste, il est chef de tous les gens de loi, comme kadileskers, mollaks, imants, dervis, etc. Il rend des decrets et des ordonnances qu'on nomme fetfa, et qui sont extrêmement respectés. Voyez FETFA.

Tous les particuliers ont droit de consulter le muphti, et de lui demander son sentiment dans toutes les occurrences surtout dans les matières criminelles. Pour cet effet, on lui remet un écrit dans lequel le cas est exposé sous des noms empruntés ; par exemple, si l'on peut convaincre N. par bons témoins qu'il a contrevenu aux commandements du sultan ou qu'il n'a pas obéi avec soumission à ses ordres, doit-il être puni ou non. Après avoir examiné la question, le muphti écrit au bas du papier olul, c'est-à-dire, il doit être puni, ou bien olniaz qui signifie il ne le sera pas. Que si on laisse à sa disposition le choix du supplice, il écrit au bas de la consultation, qu'il reçoive la bastonnade ou telle autre peine qu'il prononce.

Le muphti interprête quelquefois lui-même l'alcoran au peuple, et prêche en présence du grand seigneur à la fête du bairam, il n'est point distingué des autres turcs dans son extérieur, si ce n'est par la grosseur de son turban. Guer, mœurs des Turcs, tom. I. et II. Ricaut, de l'empire ottom.