s. m. (Histoire moderne) est le nom que l'on donne dans les Indes occidentales à certains sauvages qui font fumer leur viande sur une grille de bois de Bresil placée à une certaine hauteur du feu, qu'on appelle boucan.

Delà vient qu'on appelle boucans les petites loges dans lesquelles ils font fumer leurs viandes, et l'action de les préparer boucaner.

On prétend que la viande ainsi boucanée plait également aux yeux et au gout; qu'elle exhale une odeur très-agréable; qu'elle est d'une couleur vermeille, et qu'elle se conserve plusieurs mois dans cet état.

Oexmelin de qui nous tenons ces faits, ajoute qu'il y a des habitants qui envoyent dans ces lieux leurs engagés lorsqu'ils sont malades, afin qu'en mangeant de la viande boucanée ils puissent recouvrer la santé.

Savary dit que les Espagnols, qui ont de grands établissements dans l'île de Saint-Domingue, y ont aussi leurs boucaniers, qu'ils appellent matadores, ou monteros; c'est-à-dire, chasseurs: les Anglais appellent les leurs cow-killers.

Il y a deux sortes de boucaniers; les uns ne chassent qu'aux bœufs pour en avoir le cuir, et les autres aux sangliers pour se nourrir de leur chair.

Voici, suivant Oexmelin, la manière dont ils font boucaner la viande: Lorsque les boucaniers sont revenus le soir de la chasse, chacun écorche le sanglier qu'il a apporté, et en ote les os; il coupe la chair par aiguillettes longues d'une brasse ou plus, selon qu'elles se trouvent. Ils la mettent sur des tables, la saupondrent de sel fort menu, et la laissent ainsi jusqu'au lendemain, quelquefois moins, selon qu'elle prend plus ou moins vite son sel. Après ils la mettent au boucan, qui consiste en vingt ou trente bâtons gros comme le poignet, et longs de sept à huit pieds, rangés sur des travers environ à demi-pié l'un de l'autre. On y met la viande, et on fait force fumée dessous, où les boucaniers brulent pour cela les peaux des sangliers qu'ils tuent, avec leurs ossements, afin de faire une fumée plus épaisse. Cela vaut mieux que du bois seul; car le sel volatil qui est contenu dans la peau et dans les os de ces animaux, vient s'y attacher, et donne à cette viande un goût si excellent qu'on peut la manger au sortir de ce boucan sans la faire cuire, quelque délicat qu'on sait.

L'équipage des boucaniers, selon le même auteur, est une meute de vingt-cinq à trente chiens, avec un bon fusil, dont la monture est différente des fusils ordinaires, et qu'on nomme fusils de boucaniers. Leur poudre qui est excellente, et qu'ils tirent de Cherbourg, se nomme aussi poudre de boucaniers. Ils sont ordinairement deux ensemble, et s'appellent l'un l'autre matelot. Ils ont des valets qu'ils appellent engagés, qu'ils obligent à les servir pour trois ans, et auxquels, ce terme expiré, ils donnent pour récompense un fusil, deux livres de poudre, et six livres de plomb, et qu'ils prennent quelquefois pour camarades. En certaines occasions ces boucaniers se joignent aux troupes réglées dans les colonies, et servent aux expéditions militaires; car il y en a parmi toutes les nations européennes qui ont des établissements en Amérique. (G)