(Histoire ancienne) nos dictionnaires rendent mal-à-propos ce mot par chion) est une ancienne idole que les Israèlites avaient honorée dans le désert, comme le leur reproche le prophête Amos, au ch. Ve . 26. Au contraire vous avez porté le tabernacle de votre Moloch et Kijovn, vos images, et l'étoîle de vos dieux que vous vous êtes faits.

Dom Calmet, tom. II. p. 84. tom. III. p. 5. rend le mot kijun par la base ou le piédestal de vos figures, etc. dérivant le mot hébreu de la racine koun, firmare, stabilire ; sans-doute qu'il veut, par une antiquité des plus reculée, autoriser ce que l'Eglise pratique aujourd'hui dans nos processions, où l'on porte en pompe les reliques et les images des saints ; mais ne devrait-il pas craindre de nuire à sa cause, en rapprochant trop de l'antiquité idolâtre ce que l'Eglise a jugé propre à l'édification du peuple, pour exciter et nourrir sa dévotion. L'allusion serait d'autant plus favorable à nos processions, que les plus sages d'entre les payens blâmaient cet usage et le tournaient en ridicule. Extremum pompae agmen claudebant deorum simulacra, quae humeris bajulabantur à viris eamque praeferebant formam, quae finguntur apud Graecos, etc. Tacite, annal. IIIe Et le même auteur nous apprend qu'après la mort de Germanicus, entr'autres honneurs qu'on lui ordonna, on voulut que sa statue allât devant celle de tous les dieux dans les jeux circenses. Honores ut quis amore Germanicum, aut ingenio validus reperti, decretique, &c.... ludos circenses éburnea effigies praeiret. Macrob. liv. I. 243.

Vehitur enim simulacrum dei Heliopolitani ferculo velut in pompâ circensium vehuntur deorum simulacra. Macrob. lib. I. 243. Suetone nous apprend que Titus fit le même honneur à Britannicus, avec lequel il avait eu une grande liaison dans son enfance. Statuam ei auream in palatio posuit, et alteram ex ebore equestrem, quae circensi pompâ hodieque praefertur dedicavit. Suet. in Tit.

Il parait par divers passages d'Hérodote, que cette coutume venait des Egyptiens, qui l'avaient tirée des Phéniciens.

On peut donc opposer à ceux qui voudraient blâmer ce qui se fait dans l'Eglise catholique, les exemples anciens les plus respectables, les plus religieux et même les plus à portée des sources.

Cependant Dom Calmet n'a pas approfondi la question avec son habileté ordinaire, lorsqu'il a pris kijon pour une base, un piédestal ; s'il avait fait attention que dans la Mythologie des Arabes, Saturne, le plus ancien des dieux, est appelé Keyvan, ce qui sans-doute est la même chose que le Kijun, Kivono des Hébreux ; l'un et l'autre mot venant de l'ancienne racine kava, adussit, combussit, incendit, il aurait entendu par Kijun le premier des dieux, qui est le soleil, ignis pater. Ce qui se démontre par un passage du Poenulus de Plaute. Milphio jouant sur le mot zona, qui signifie bourse ou ceinture, demande au Cartaginais qui ne portait point de bourse, Tu qui zonam non habes, quid hanc venisti in urbem, aut quid quaeris ? Le Cartaginais répond dans sa langue : Muphursa mo in lechiana ; paroles dont il est aisé de faire ces anciens mots chaldéens, mephurnesa molech kiana, qui signifient, celui qui nourrit la nature me nourrit, voulant dire que sous la protection du soleil, qui nourrit toute la nature, il n'avait pas besoin d'argent : réponse très-sensée et très-bonne à faire aux railleries d'un homme qui vous demande que venez-vous faire ici sans argent.

Molech signifie roi, seigneur, dominateur ; Molech Kijun sera donc le seigneur Kijun ; le roi de toute choses, le soleil. Aussi dans l'ancienne langue syriaque kijana signifie la nature.

Or il parait par des passages de Denis d'Halicarnasse, de Diodore de Sicile, etc. que le soleil était regardé comme le maître, le directeur de la nature. Voici donc comme il faudrait traduire le passage d'Amos : " Vous avez porté les tentes de votre roi de la nature, où sont l'image et l'étoîle des dieux que vous vous êtes faits ".

Saint Etienne, Act. cap. VIIe 43. citant le passage d'Amos, substitue à Kijun le mot de remphan, ou comme les septante l'avaient rendu, rephan, parce que faisant leur version en Egypte, ils devaient donner aux idoles dont ils parlaient le nom que leur donnaient les Egyptiens. Or, comme on le voit par l'alphabet en langue Egyptienne qui est à Rome, et que Kircherus a donné dans son Prodromus Coptus, Saturne est appelé en Egypte Runphan ou Rephan.

Remphan ou Kijun sont donc une même divinité à laquelle le titre de moloch ou dénominateur est toujours attaché, avec des attributs qui sous le nom de Saturne, ne peuvent convenir qu'au soleil. Ainsi nous lisons dans Macrob. Saturn. lib. I. 7. simulacrum ejus indicio est. Huic deo insitiones sarculorum pomorumque educationes, et omnium ejusmodi fertilium tribuimus disciplinas ; à quoi il ajoute : cirenenses etiam, cum rem divinam ei faciunt, ficis recentibus coronantur, placent asque mutuò missitant mellis et fructuum repertorum Saturnum existimantes. Aussi Orphée, dans l'hymne de Saturne, l'appelle , prince de la génération, ce qui ne saurait convenir à la planète de Saturne, mais caractérise très-bien le soleil, principe de génération qui produit les fruits et fait croitre les blés, éclaire et fertilise toute la nature.